18-08-2021, 09:15 PM
14 - Tourments
Nous passons la matinée à nous entraîner. Le récent combat nous a bien montré à quel point il nous faut être au meilleur de nos capacités. De plus, savoir de quoi chacun d'entre nous est capable nous permettra d'être plus efficaces.
Je dois bien avouer que Cédric se débrouille bien au bâton, mais il lui manque un peu de sens tactique. Pas étonnant, car il s'agissait là de son premier combat réel.
Lorsque sonne la cloche du repas, il s'appuie contre une paroi.
- Je vois... qu'il me reste pas mal de choses à apprendre.
- Moi aussi. C'est un apprentissage continuel... Je ne suis pas à la hauteur de mes maîtres ou d'un vétéran. Jusqu'à présent, je m'en sors en utilisant les techniques d'un monde dans l'autre, et vice-versa. Ça a le don de mystifier mes adversaires...
- Tu as déjà tué des hommes ?
Je le regarde un moment.
- En Outremonde, j'ai dû me battre plusieurs fois pour ma vie...
Je soupire, regardant dans le vide, avant de continuer.
- Et chaque fois que j'ai tué quelqu'un, c'était comme si une part de moi mourait elle aussi...
- Laquelle ?
- Mon innocence...
- Si tu regrettes ces morts, c'est que...
- Rien du tout ! J'ai déjà trop perdu, et nous vivons dans un monde rude, où la vie a peu de valeur pour bien des individus. D'autant que maintenant, on en veut personnellement à ma peau... Je sais que je devrai tuer encore... et continuer à perdre ce qui fait que je peux encore me regarder dans une glace. Je crains de voir arriver le jour où cela ne me fera plus rien d'ôter la vie à un être humain.
- Tu es quelqu'un de bien, Ludvik ! Ça n'arrivera pas ! La vie a de la valeur, pour toi ! Tu n'es pas comme ces criminels.
- Peut-être...
Mais parfois, oh, parfois, je le regrette... Ne pas avoir de conscience, ne pas culpabiliser... Ne pas se souvenir de tous ces visages...
Je secoue ces pensées.
- Désolé, je suis d'humeur sombre alors que je devrais me réjouir de nous voir en vie.
- C'est moi, je n'aurais pas dû poser la question.
- Elle devait l'être... Tu dois savoir si tu peux compter sur moi au cas où je devrais affronter des hommes. La réponse est oui. Tout comme je sais ce qu'il en est de toi.
- Je ne sais même pas si je pourrais tuer quelqu'un !
- C'est bien ce que je disais. Et... Je suis content que tu ne le saches pas.
- Bon... Ça va, ta jambe, sinon ?
- À peine un bleu. Ton sort d'armure est très efficace.
- Il ne dure pas longtemps, et son efficacité diminue à chaque coup reçu.
- J'en prends bonne note. Et le sort que tu as jeté sur ma lame ?
- Exactement pareil. À chaque fois que tu frappes, le sort s'affaiblit.
- Je vois.
- Je comptais profiter du temps passé en mer pour enchanter ta lame plus durablement. Ce sera moins efficace que mon sort, mais l'effet durera un an.
- Elle l'est déjà... Un enchantement de solidité posé par ton mentor, à prix d'or.
- Si c'est lui qui l'a enchanté, il doit y avoir moyen d'en mettre un autre. Laisse-la moi pour quelques heures après le repas.
Lorsque nous ressortons, Cédric rentre dans notre cabine avec mon arme, et je passe les heures suivantes à faire de l'exercice, puis demande aux marins de m'apprendre les bases de leur métier, ce qu'ils se font une joie de faire. Il n'y a pas de connaissances inutiles.
C'est ivre de fatigue que je me laisse tomber sur ma couchette.
- Pfff... Demain, je sens que je vais retrouver le sens du mot courbatures.
- Héhé. On a vraiment une existence bien singulière. Même en mettant de côté ce qu'on vit en Outremonde. On est comme des vampires diurnes. La nuit, nous sommes presque sans défense.
- Oui... Bien que j'aie déjà été réveillé en pleine nuit, en Outremonde comme sur Terre.
- Pareil.
- Comme je peux redouter cette sensation de tiraillement... Heureusement qu'on peut y résister. Ça m'est arrivé alors que j'étais à moto, une fois. J'ai dû me prendre une chambre d'hôtel pour aller voir ce qui se passait.
- Et que se passait-il ?
- Un incendie a ravagé l'auberge. Mes parents adoptifs ici m'ont tiré inconscient de ma chambre. Il a fallu du temps pour pouvoir atteindre de nouveau la cave où j'entreposais mon argent, dans une cache scellée par ton mentor... J'ai payé intégralement la reconstruction.
- Tu es aussi riche que ça ?
- Les ingrédients alchimiques se vendent une petite fortune, surtout s'ils viennent d'une bête rare ou féroce.
- Voyons ça...
- Hum ?
Je le vois se concentrer un moment, puis sourire.
- Il y a dans ta bourse deux couronnes d'argent, une demi-couronne, et cinq de cuivre. Le talon de ta botte gauche est creux et cache un diamant. Ton sac de voyage contient une autre bourse avec... cinq couronnes du roy et vingt d'argent !
- C'est tout ?
- Oui...
- Laisse-moi compléter alors... La plaque d'acier qui est dans mon sac, tu l'as vue ?
- Oui...
- C'est une plaque de commerce.
- Jamais entendu parler.
Je la sors de mon sac, la sors de son emballage de cuir et la lui tends.
Deux de ces plaques posées côte à côte couvriraient ma paume. Elle est gravée de symboles divers sur une face, et d'écriture - cette écriture qu'il m'a fallu apprendre - sur l'autre.
- Propriété de la Compagnie Marchande de la Baie d'Astil, d'une valeur de cinq cent couronnes du roy... Par la Lumière ! Mais qu'est-ce que tu as tué pour avoir ça ? Un dragon ?
- Les dragons sont une légende dans les deux mondes. Non, c'était un sembleur. Chaque œil de sembleur m'a rapporté une de ces plaques. Pas auprès d'un apothicaire de base, mais de celui d'une compagnie marchande ou d'un noble.
- Qu'est-ce qu'on fabrique avec ça ?
- Rien de moins que l'élixir de jouvence.
- Ah ouais ! Bon sang, je comprends que ça soit aussi coûteux...
- Ce n'est que l'un des aspects du prix. Les sembleurs sont rares, et durs à tuer.
- Tu en as eu combien ?
- Trois... Et crois-moi, bien que sachant à quel point leurs yeux étaient précieux, je ne les ai jamais cherché activement. Et encore moins après ma première rencontre.
- J'ai lu des récits sur les sembleurs...
- C'est en-dessous de la vérité. Ce fut un pur cauchemar à chaque rencontre. Le seul réconfort que j'aie, c'est d'avoir débarrassé le monde de trois de ces horreurs et d'avoir épargné l'enfer à des gens sans défense. Mais le prix à payer... J'espère sincèrement ne jamais en revoir un de ma vie. Bon. Tu as posé l'enchantement sur mon épée ?
- Le plus gros est fait. L'enchantement est encore brut, je dois lui donner forme. Que veux-tu ?
- Euh, qu'est-il possible de faire ?
- Précision, acuité, embrasement, froid, poison, choc...
- Ah... Et je n'ai droit qu'à un seul choix, c'est ça ?
- Oui... Il me faudrait beaucoup plus de temps et des ingrédients rares pour faire plus.
- J'ai assez de précision moi-même, je pense. Et je n'ai pas envie d'avoir un effet élémentaire sur ma lame. L'acuité est l'équivalent du sort que tu avais lancé tout à l'heure, n'est-ce pas ? Elle améliore le tranchant ?
- C'est exact. En un peu plus faible, mais durable.
- Va pour l'acuité.
Il se concentre alors et je vois un éclat de lumière bleuté courir le long du tranchant. Il s'efface peu à peu mais il reste comme un souvenir de cette lueur quand je regarde le fil de la lame.
- C'est fait.
- Merci, dis-je en reprenant la lame.
- L'enchantement d'acuité la gardera toujours parfaitement affûtée.
- Bonne nouvelle.
Je rengaine la lame et ôte mes vêtements pour dormir... Et me réveiller sur Terre.
Nous passons la matinée à nous entraîner. Le récent combat nous a bien montré à quel point il nous faut être au meilleur de nos capacités. De plus, savoir de quoi chacun d'entre nous est capable nous permettra d'être plus efficaces.
Je dois bien avouer que Cédric se débrouille bien au bâton, mais il lui manque un peu de sens tactique. Pas étonnant, car il s'agissait là de son premier combat réel.
Lorsque sonne la cloche du repas, il s'appuie contre une paroi.
- Je vois... qu'il me reste pas mal de choses à apprendre.
- Moi aussi. C'est un apprentissage continuel... Je ne suis pas à la hauteur de mes maîtres ou d'un vétéran. Jusqu'à présent, je m'en sors en utilisant les techniques d'un monde dans l'autre, et vice-versa. Ça a le don de mystifier mes adversaires...
- Tu as déjà tué des hommes ?
Je le regarde un moment.
- En Outremonde, j'ai dû me battre plusieurs fois pour ma vie...
Je soupire, regardant dans le vide, avant de continuer.
- Et chaque fois que j'ai tué quelqu'un, c'était comme si une part de moi mourait elle aussi...
- Laquelle ?
- Mon innocence...
- Si tu regrettes ces morts, c'est que...
- Rien du tout ! J'ai déjà trop perdu, et nous vivons dans un monde rude, où la vie a peu de valeur pour bien des individus. D'autant que maintenant, on en veut personnellement à ma peau... Je sais que je devrai tuer encore... et continuer à perdre ce qui fait que je peux encore me regarder dans une glace. Je crains de voir arriver le jour où cela ne me fera plus rien d'ôter la vie à un être humain.
- Tu es quelqu'un de bien, Ludvik ! Ça n'arrivera pas ! La vie a de la valeur, pour toi ! Tu n'es pas comme ces criminels.
- Peut-être...
Mais parfois, oh, parfois, je le regrette... Ne pas avoir de conscience, ne pas culpabiliser... Ne pas se souvenir de tous ces visages...
Je secoue ces pensées.
- Désolé, je suis d'humeur sombre alors que je devrais me réjouir de nous voir en vie.
- C'est moi, je n'aurais pas dû poser la question.
- Elle devait l'être... Tu dois savoir si tu peux compter sur moi au cas où je devrais affronter des hommes. La réponse est oui. Tout comme je sais ce qu'il en est de toi.
- Je ne sais même pas si je pourrais tuer quelqu'un !
- C'est bien ce que je disais. Et... Je suis content que tu ne le saches pas.
- Bon... Ça va, ta jambe, sinon ?
- À peine un bleu. Ton sort d'armure est très efficace.
- Il ne dure pas longtemps, et son efficacité diminue à chaque coup reçu.
- J'en prends bonne note. Et le sort que tu as jeté sur ma lame ?
- Exactement pareil. À chaque fois que tu frappes, le sort s'affaiblit.
- Je vois.
- Je comptais profiter du temps passé en mer pour enchanter ta lame plus durablement. Ce sera moins efficace que mon sort, mais l'effet durera un an.
- Elle l'est déjà... Un enchantement de solidité posé par ton mentor, à prix d'or.
- Si c'est lui qui l'a enchanté, il doit y avoir moyen d'en mettre un autre. Laisse-la moi pour quelques heures après le repas.
Lorsque nous ressortons, Cédric rentre dans notre cabine avec mon arme, et je passe les heures suivantes à faire de l'exercice, puis demande aux marins de m'apprendre les bases de leur métier, ce qu'ils se font une joie de faire. Il n'y a pas de connaissances inutiles.
C'est ivre de fatigue que je me laisse tomber sur ma couchette.
- Pfff... Demain, je sens que je vais retrouver le sens du mot courbatures.
- Héhé. On a vraiment une existence bien singulière. Même en mettant de côté ce qu'on vit en Outremonde. On est comme des vampires diurnes. La nuit, nous sommes presque sans défense.
- Oui... Bien que j'aie déjà été réveillé en pleine nuit, en Outremonde comme sur Terre.
- Pareil.
- Comme je peux redouter cette sensation de tiraillement... Heureusement qu'on peut y résister. Ça m'est arrivé alors que j'étais à moto, une fois. J'ai dû me prendre une chambre d'hôtel pour aller voir ce qui se passait.
- Et que se passait-il ?
- Un incendie a ravagé l'auberge. Mes parents adoptifs ici m'ont tiré inconscient de ma chambre. Il a fallu du temps pour pouvoir atteindre de nouveau la cave où j'entreposais mon argent, dans une cache scellée par ton mentor... J'ai payé intégralement la reconstruction.
- Tu es aussi riche que ça ?
- Les ingrédients alchimiques se vendent une petite fortune, surtout s'ils viennent d'une bête rare ou féroce.
- Voyons ça...
- Hum ?
Je le vois se concentrer un moment, puis sourire.
- Il y a dans ta bourse deux couronnes d'argent, une demi-couronne, et cinq de cuivre. Le talon de ta botte gauche est creux et cache un diamant. Ton sac de voyage contient une autre bourse avec... cinq couronnes du roy et vingt d'argent !
- C'est tout ?
- Oui...
- Laisse-moi compléter alors... La plaque d'acier qui est dans mon sac, tu l'as vue ?
- Oui...
- C'est une plaque de commerce.
- Jamais entendu parler.
Je la sors de mon sac, la sors de son emballage de cuir et la lui tends.
Deux de ces plaques posées côte à côte couvriraient ma paume. Elle est gravée de symboles divers sur une face, et d'écriture - cette écriture qu'il m'a fallu apprendre - sur l'autre.
- Propriété de la Compagnie Marchande de la Baie d'Astil, d'une valeur de cinq cent couronnes du roy... Par la Lumière ! Mais qu'est-ce que tu as tué pour avoir ça ? Un dragon ?
- Les dragons sont une légende dans les deux mondes. Non, c'était un sembleur. Chaque œil de sembleur m'a rapporté une de ces plaques. Pas auprès d'un apothicaire de base, mais de celui d'une compagnie marchande ou d'un noble.
- Qu'est-ce qu'on fabrique avec ça ?
- Rien de moins que l'élixir de jouvence.
- Ah ouais ! Bon sang, je comprends que ça soit aussi coûteux...
- Ce n'est que l'un des aspects du prix. Les sembleurs sont rares, et durs à tuer.
- Tu en as eu combien ?
- Trois... Et crois-moi, bien que sachant à quel point leurs yeux étaient précieux, je ne les ai jamais cherché activement. Et encore moins après ma première rencontre.
- J'ai lu des récits sur les sembleurs...
- C'est en-dessous de la vérité. Ce fut un pur cauchemar à chaque rencontre. Le seul réconfort que j'aie, c'est d'avoir débarrassé le monde de trois de ces horreurs et d'avoir épargné l'enfer à des gens sans défense. Mais le prix à payer... J'espère sincèrement ne jamais en revoir un de ma vie. Bon. Tu as posé l'enchantement sur mon épée ?
- Le plus gros est fait. L'enchantement est encore brut, je dois lui donner forme. Que veux-tu ?
- Euh, qu'est-il possible de faire ?
- Précision, acuité, embrasement, froid, poison, choc...
- Ah... Et je n'ai droit qu'à un seul choix, c'est ça ?
- Oui... Il me faudrait beaucoup plus de temps et des ingrédients rares pour faire plus.
- J'ai assez de précision moi-même, je pense. Et je n'ai pas envie d'avoir un effet élémentaire sur ma lame. L'acuité est l'équivalent du sort que tu avais lancé tout à l'heure, n'est-ce pas ? Elle améliore le tranchant ?
- C'est exact. En un peu plus faible, mais durable.
- Va pour l'acuité.
Il se concentre alors et je vois un éclat de lumière bleuté courir le long du tranchant. Il s'efface peu à peu mais il reste comme un souvenir de cette lueur quand je regarde le fil de la lame.
- C'est fait.
- Merci, dis-je en reprenant la lame.
- L'enchantement d'acuité la gardera toujours parfaitement affûtée.
- Bonne nouvelle.
Je rengaine la lame et ôte mes vêtements pour dormir... Et me réveiller sur Terre.
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Série des secrets : One shots La saga d'outremonde (fantastique avec des personnages gays)
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