07-08-2021, 10:09 PM
3 - Johann
Le village de Valsein s'éloigne derrière moi, tandis que je marche d'un bon pas dans la douceur matinale. La route est fréquentée, et j'obtiens rapidement d'un paysan qu'il me prenne à bord de la charrette qu'il conduit jusqu'à Brunelys.
Vers midi, je le laisse pour me restaurer à Lusdar et me régale d'un bon ragout.
Alors que je sors, un jeune homme me rejoint. Ses cheveux bruns sont attachés en arrière par une cordelette de cuir, et son visage bruni par une existence passée à l'extérieur n'est pas mal du tout, je dois dire. Je le trouve assez sympathique.
- Bien le bonjour, Ludvik.
Ses yeux noisettes brillent d'admiration.
- Bonjour, lui dis-je. Je n'ai pas l'honneur de vous connaître.
- Je m'appelle Johann. Il n'y a aucun honneur à connaître un simple paysan, mais je vous ai vu à Misnar lorsque vous avez débusqué la créature qui rôdait dans nos bois.
- Oh. Vous êtes bien loin de votre village.
- Oui, je vais à Erdink, acheter du tissu pour ma femme. Je veux lui offrir quelque chose que l'on ne trouve pas dans la région.
- Elle en sera ravie. Il se trouve que je vais moi aussi là-bas, nous pourrions voyager ensemble.
- Cela me ferait plaisir ! On parle de bandits sur les routes de l'est. La garde est sur les dents, ils multiplient les patrouilles.
- C'est donc pour ça, je m'étonnais d'en voir autant.
Je m'installe à l'arrière et tente de trouver une position confortable. Je finis par caler mon sac dans mon dos.
Nous croisons d'ailleurs une de ces patrouilles tandis que la charrette de Johann nous conduit doucement vers notre destination.
- Quelle affaire vous mène à Erdink ?
- Je veux trouver un bateau pour rejoindre la pointe sud, puis le continent.
- Qu'allez-vous y faire ?
- Découvrir le pays. J'ai traversé l'île de long en large, je veux découvrir de nouvelles terres et de nouvelles merveilles.
- Je vois. Vous autres voyageurs ne tenez pas en place, pas vrai ?
- Certes.
- Prenez donc un peu de réstil dans l'outre, à côté de vous.
- C'est gentil à vous, dis-je en la prenant.
Le réstil est une infusion d'herbes aux propriétés vivifiantes et au goût agréable, sucré.
J'en bois plusieurs gorgées avant de passer l'outre à Johann.
- J'ai entendu des voyageurs parler du continent. On y dit qu'il s'y trame de sombres affaires, dit-il en reposant l'outre sans y avoir touché.
- Ah ? Je n'ai pas entendu ces rumeurs. Je verrai bien une fois sur place.
- S'il y a vérité dans ces dires, ne devriez-vous pas vous tenir à l'écart de ce territoire ?
- Ça ne m'inquiète pas trop. Je serai étranger à ce pays. Je veux voir à quoi il ressemble, pas m'impliquer dans ses affaires.
- C'est vous qui dites ça ? On entend pourtant parler de vous aux quatre coins du royaume.
- Vous exagérez.
- Que non. On parle d'ailleurs beaucoup de cette meute de loups-garous que vous avez vaincue...
- Aargh ! C'était un simple chien enragé !
- Si vous le dites.
- Pfff. Tant que j'y suis, dites-moi donc ce que l'on raconte sur moi.
- Eh bien... Vous avez tué une terrible bête des abysses à Voril...
- Ah ! C'était un sembleur, en fait. Le premier que j'aie rencontré. Au début, il avait pris une forme assez effrayante, je dois dire. Mais quand il a changé d'apparence sous mes yeux pour prendre la mienne... j'ai bien cru que j'allais y rester. Me battre contre moi-même et me tuer... Ça a été mon combat le plus difficile à ce jour.
- Votre histoire est encore meilleure que celle que l'on raconte.
- Ouais, j'imagine que d'ici un mois, elle le sera encore plus. Quoi d'autre ?
- Il y a l'histoire du fantôme du bois de Shorein. Personne ne sait ce qui s'y est passé, mais on murmure diverses histoires effrayantes.
- Le contraire m'aurait étonné.
- Qu'y avait-il donc dans ce bois ?
- Une triste histoire... Mais j'ai juré le secret là-dessus.
- Ah.
- Ensuite ?
- On dit que vous êtes arrivé de nulle part, à Valsein, à l'âge de douze ans. Ne sachant rien de l'endroit où vous étiez.
- C'est vrai. J'ai eu de la chance d'être recueilli par les patrons de l'auberge.
- Il y a des gens généreux en ce monde.
- La Lumière éclaire leur chemin et leurs actes. Quoi d'autre ?
- On dit que vous êtes un Rêveur. Que vous n'êtes pas de ce monde.
- Pardon ? Qui vous a raconté une chose pareille ?
- Ceux que votre existence gêne beaucoup.
- Quoi ? Mais qui êtes-vous ?
- Cette question est sans importance. Vous avez manqué de prudence en annonçant votre itinéraire à l'auberge de Valsein. Vous en payez le prix.
Je tends la main vers mon épée et... suis pris de vertiges.
- Vous avez de la chance. Le poison que j'ai versé dans le réstil vous tuera sans douleur, dit-il en se détournant de moi.
Ma main plonge dans ma bourse, j'en dénoue fébrilement le cordon tout en luttant contre la faiblesse grandissante qui me pousse à vouloir dormir, tout de suite.
Je dois m'y reprendre à plusieurs reprises, mes doigts sont gourds, maladroits. Une sensation de froid m'envahit.
Le cordon cède enfin, je prends dedans une petite fiole de céramique, le bouchon, je dois ôter le bouchon, comment fait-on déjà... Ah, oui, tirer dessus. Pourquoi ? Boire, je dois... tirer sur le bouchon.
J'ai l'impression que je ne vais jamais y arriver, tant mes forces me quittent, Johann me tourne toujours le dos, sûr de sa victoire, le bouchon est coincé, tirer... je le prends entre mes dents, tire, et il cède enfin, pourquoi ai-je ouvert cette fiole ? Du parfum ? Non, je veux dormir, c'est tout. Dormir... Qu'est-ce que j'ai dans ma main ? Il fait si noir. Du poison... Ah oui, boire.
Je bois le contenu de la fiole, la laisse tomber sur la route et m'installe confortablement pour dormir.
- Bonne nuit, dit Johann. Nous nous reverrons dans l'autre monde.
Le village de Valsein s'éloigne derrière moi, tandis que je marche d'un bon pas dans la douceur matinale. La route est fréquentée, et j'obtiens rapidement d'un paysan qu'il me prenne à bord de la charrette qu'il conduit jusqu'à Brunelys.
Vers midi, je le laisse pour me restaurer à Lusdar et me régale d'un bon ragout.
Alors que je sors, un jeune homme me rejoint. Ses cheveux bruns sont attachés en arrière par une cordelette de cuir, et son visage bruni par une existence passée à l'extérieur n'est pas mal du tout, je dois dire. Je le trouve assez sympathique.
- Bien le bonjour, Ludvik.
Ses yeux noisettes brillent d'admiration.
- Bonjour, lui dis-je. Je n'ai pas l'honneur de vous connaître.
- Je m'appelle Johann. Il n'y a aucun honneur à connaître un simple paysan, mais je vous ai vu à Misnar lorsque vous avez débusqué la créature qui rôdait dans nos bois.
- Oh. Vous êtes bien loin de votre village.
- Oui, je vais à Erdink, acheter du tissu pour ma femme. Je veux lui offrir quelque chose que l'on ne trouve pas dans la région.
- Elle en sera ravie. Il se trouve que je vais moi aussi là-bas, nous pourrions voyager ensemble.
- Cela me ferait plaisir ! On parle de bandits sur les routes de l'est. La garde est sur les dents, ils multiplient les patrouilles.
- C'est donc pour ça, je m'étonnais d'en voir autant.
Je m'installe à l'arrière et tente de trouver une position confortable. Je finis par caler mon sac dans mon dos.
Nous croisons d'ailleurs une de ces patrouilles tandis que la charrette de Johann nous conduit doucement vers notre destination.
- Quelle affaire vous mène à Erdink ?
- Je veux trouver un bateau pour rejoindre la pointe sud, puis le continent.
- Qu'allez-vous y faire ?
- Découvrir le pays. J'ai traversé l'île de long en large, je veux découvrir de nouvelles terres et de nouvelles merveilles.
- Je vois. Vous autres voyageurs ne tenez pas en place, pas vrai ?
- Certes.
- Prenez donc un peu de réstil dans l'outre, à côté de vous.
- C'est gentil à vous, dis-je en la prenant.
Le réstil est une infusion d'herbes aux propriétés vivifiantes et au goût agréable, sucré.
J'en bois plusieurs gorgées avant de passer l'outre à Johann.
- J'ai entendu des voyageurs parler du continent. On y dit qu'il s'y trame de sombres affaires, dit-il en reposant l'outre sans y avoir touché.
- Ah ? Je n'ai pas entendu ces rumeurs. Je verrai bien une fois sur place.
- S'il y a vérité dans ces dires, ne devriez-vous pas vous tenir à l'écart de ce territoire ?
- Ça ne m'inquiète pas trop. Je serai étranger à ce pays. Je veux voir à quoi il ressemble, pas m'impliquer dans ses affaires.
- C'est vous qui dites ça ? On entend pourtant parler de vous aux quatre coins du royaume.
- Vous exagérez.
- Que non. On parle d'ailleurs beaucoup de cette meute de loups-garous que vous avez vaincue...
- Aargh ! C'était un simple chien enragé !
- Si vous le dites.
- Pfff. Tant que j'y suis, dites-moi donc ce que l'on raconte sur moi.
- Eh bien... Vous avez tué une terrible bête des abysses à Voril...
- Ah ! C'était un sembleur, en fait. Le premier que j'aie rencontré. Au début, il avait pris une forme assez effrayante, je dois dire. Mais quand il a changé d'apparence sous mes yeux pour prendre la mienne... j'ai bien cru que j'allais y rester. Me battre contre moi-même et me tuer... Ça a été mon combat le plus difficile à ce jour.
- Votre histoire est encore meilleure que celle que l'on raconte.
- Ouais, j'imagine que d'ici un mois, elle le sera encore plus. Quoi d'autre ?
- Il y a l'histoire du fantôme du bois de Shorein. Personne ne sait ce qui s'y est passé, mais on murmure diverses histoires effrayantes.
- Le contraire m'aurait étonné.
- Qu'y avait-il donc dans ce bois ?
- Une triste histoire... Mais j'ai juré le secret là-dessus.
- Ah.
- Ensuite ?
- On dit que vous êtes arrivé de nulle part, à Valsein, à l'âge de douze ans. Ne sachant rien de l'endroit où vous étiez.
- C'est vrai. J'ai eu de la chance d'être recueilli par les patrons de l'auberge.
- Il y a des gens généreux en ce monde.
- La Lumière éclaire leur chemin et leurs actes. Quoi d'autre ?
- On dit que vous êtes un Rêveur. Que vous n'êtes pas de ce monde.
- Pardon ? Qui vous a raconté une chose pareille ?
- Ceux que votre existence gêne beaucoup.
- Quoi ? Mais qui êtes-vous ?
- Cette question est sans importance. Vous avez manqué de prudence en annonçant votre itinéraire à l'auberge de Valsein. Vous en payez le prix.
Je tends la main vers mon épée et... suis pris de vertiges.
- Vous avez de la chance. Le poison que j'ai versé dans le réstil vous tuera sans douleur, dit-il en se détournant de moi.
Ma main plonge dans ma bourse, j'en dénoue fébrilement le cordon tout en luttant contre la faiblesse grandissante qui me pousse à vouloir dormir, tout de suite.
Je dois m'y reprendre à plusieurs reprises, mes doigts sont gourds, maladroits. Une sensation de froid m'envahit.
Le cordon cède enfin, je prends dedans une petite fiole de céramique, le bouchon, je dois ôter le bouchon, comment fait-on déjà... Ah, oui, tirer dessus. Pourquoi ? Boire, je dois... tirer sur le bouchon.
J'ai l'impression que je ne vais jamais y arriver, tant mes forces me quittent, Johann me tourne toujours le dos, sûr de sa victoire, le bouchon est coincé, tirer... je le prends entre mes dents, tire, et il cède enfin, pourquoi ai-je ouvert cette fiole ? Du parfum ? Non, je veux dormir, c'est tout. Dormir... Qu'est-ce que j'ai dans ma main ? Il fait si noir. Du poison... Ah oui, boire.
Je bois le contenu de la fiole, la laisse tomber sur la route et m'installe confortablement pour dormir.
- Bonne nuit, dit Johann. Nous nous reverrons dans l'autre monde.
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Série des secrets : One shots La saga d'outremonde (fantastique avec des personnages gays)
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