05-08-2021, 11:37 PM
Livre I - D'un monde à l'autre
1 - Lames croisées
Paris, juin 2012
Nos lames s'entrechoquent, cliquètent inlassablement l'une contre l'autre en une danse rapide. Les rapières évoluent comme des éclairs argentés, filant ça et là tandis que nos regards cherchent la faille, l'erreur. Le duel n'a que trop duré, il est temps pour moi de lui apprendre un tour de mon cru.
Je lance une série d'attaques un peu particulières, qu'il contre magistralement, comme je m'y attendais. Un léger mouvement de sa tête, un infime tressaillement de sa lame, je sais qu'il a repéré ce que je voulais lui montrer. Quelques échanges plus tard, je réitère un assaut identique, et il anticipe en plongeant sa lame dans la petite faille dans ma défense que j'ai laissée délibérément ouverte. Sauf que je m'attendais parfaitement à ce mouvement, et ma lame vient dévier la sienne avant de remonter en se glissant jusqu'à lui, la pointe vient toucher son torse à hauteur de son cœur...
La sonnerie vient marquer la fin du combat, nous reculons avant de nous saluer et ôtons nos masques d'escrime. Les applaudissements crépitent, mais rien ne vaut pour moi le sourire de Ben, mon adversaire.
- Bravo, Ludo. Il faudra que tu m'expliques un jour pourquoi tu termines toujours au cœur, me dit-il en me serrant la main.
Simple question de survie.
- Un tic que j'ai pris.
- Tu m'as entraîné dans un joli piège, dis donc. Où est-ce que tu as appris cette manœuvre ?
- Je garde mes secrets bien au chaud.
- Tu dois avoir un sacré bon entraîneur. Je finirai bien par mettre la main dessus.
- Aucune chance. Il n'est pas officiel, et n'a jamais fait de compétition.
- Bigre.
Le soir venu, nous dégustons un coca à l'ombre d'un café. La chaleur de ce mois de juin est suffocante, et les vendeurs de ventilateurs font fortune. J'ai raté ma voie. Enfin, blague à part, je n'ai pas trop à me plaindre de ma vie. Elle est bien solitaire, toutefois, juste des potes, et une famille éparpillée sur trois continents.
Pas de petite amie, non. Pas depuis cet essai foireux avec Sophie. Je suis bien content d'habiter maintenant à 500 kilomètres du lycée. Parfois, je me dis que ce n'est pas assez loin, encore.
Enfin, assez remué le passé. Je dois bien vivre, dans ce monde morne. Faire semblant d'apprécier cette existence, et cacher ma triple vie. Pas dur, d'ailleurs.
Ma vie publique ? Je m'appelle Ludovic. J'ai 22 ans, je suis étudiant, et je fais de l'escrime. Une véritable passion, je dois dire. Et plus encore...
Ma vie privée ? Je suis gay. Ouaip. Vous commencez à comprendre ce qui s'est passé avec Sophie. Rajoutez à ça qu'elle a raconté à tout le monde que j'étais impuissant et vous imaginez l'enfer qu'ont été mes derniers mois au lycée. J'ai un petit ami... Enfin. Une relation épisodique, devrais-je dire. Il s'appelle Marc.
Ma vie secrète ? Ce que je fais de mes nuits... Hum, pas tout de suite. Plus tard. Il faudra bien que j'en parle, de toute façon.
- Tu comptes enfin passer pro ?
- Je ne sais pas.
- Arrête d'hésiter, bon sang ! Avec ton talent, tu as toutes les chances d'aller loin.
- Toi aussi tu es très bon.
- Un cran en-dessous de toi. Tu trouves toujours un moyen de me surprendre.
- Ne laisse pas ça t'arrêter. Lance-toi.
- D'accord, je vais y réfléchir. Mais j'aimerais vraiment que tu t'y mettes aussi.
- J'y réfléchirai aussi, ça te va ?
- Super.
En fait... ça pourrait m'être profitable. À condition d'avoir un bon entraîneur.
- C'est réfléchi.
- Déjà ?
- Je termine mes études dans un an, alors... Si on veut bien de moi en pro, je signe.
- Mickael est prêt à te faire signer ce soir même, si tu le voulais.
- Non, je préfère m'en tenir à ce que j'ai décidé.
- OK.
Je monte sur ma moto, une belle Suzuki, cadeau de mes parents pour mes dix-huit ans. Je m'éloigne du café dans le vrombissement du moteur. Je serai encore seul chez moi, je ne reverrai pas Marc avant quelques semaines. Il est à Lyon. Misère.
J'arrive rapidement devant chez moi, je gare mon engin contre une borne et l'y enchaine.
Un escalier de bois à grimper dans un vieil immeuble, une serrure à déverrouiller, me voilà enfin chez moi.
Les volets sont fermés pour protéger un peu mon studio de la chaleur, et je ne compte pas les rouvrir.
Je me déshabille et ouvre le frigo pour me faire un repas rapide.
J'ai envie de me coucher tôt. Envie de laisser ici cette ville triste et morne et partir au pays des rêves.
1 - Lames croisées
Paris, juin 2012
Nos lames s'entrechoquent, cliquètent inlassablement l'une contre l'autre en une danse rapide. Les rapières évoluent comme des éclairs argentés, filant ça et là tandis que nos regards cherchent la faille, l'erreur. Le duel n'a que trop duré, il est temps pour moi de lui apprendre un tour de mon cru.
Je lance une série d'attaques un peu particulières, qu'il contre magistralement, comme je m'y attendais. Un léger mouvement de sa tête, un infime tressaillement de sa lame, je sais qu'il a repéré ce que je voulais lui montrer. Quelques échanges plus tard, je réitère un assaut identique, et il anticipe en plongeant sa lame dans la petite faille dans ma défense que j'ai laissée délibérément ouverte. Sauf que je m'attendais parfaitement à ce mouvement, et ma lame vient dévier la sienne avant de remonter en se glissant jusqu'à lui, la pointe vient toucher son torse à hauteur de son cœur...
La sonnerie vient marquer la fin du combat, nous reculons avant de nous saluer et ôtons nos masques d'escrime. Les applaudissements crépitent, mais rien ne vaut pour moi le sourire de Ben, mon adversaire.
- Bravo, Ludo. Il faudra que tu m'expliques un jour pourquoi tu termines toujours au cœur, me dit-il en me serrant la main.
Simple question de survie.
- Un tic que j'ai pris.
- Tu m'as entraîné dans un joli piège, dis donc. Où est-ce que tu as appris cette manœuvre ?
- Je garde mes secrets bien au chaud.
- Tu dois avoir un sacré bon entraîneur. Je finirai bien par mettre la main dessus.
- Aucune chance. Il n'est pas officiel, et n'a jamais fait de compétition.
- Bigre.
Le soir venu, nous dégustons un coca à l'ombre d'un café. La chaleur de ce mois de juin est suffocante, et les vendeurs de ventilateurs font fortune. J'ai raté ma voie. Enfin, blague à part, je n'ai pas trop à me plaindre de ma vie. Elle est bien solitaire, toutefois, juste des potes, et une famille éparpillée sur trois continents.
Pas de petite amie, non. Pas depuis cet essai foireux avec Sophie. Je suis bien content d'habiter maintenant à 500 kilomètres du lycée. Parfois, je me dis que ce n'est pas assez loin, encore.
Enfin, assez remué le passé. Je dois bien vivre, dans ce monde morne. Faire semblant d'apprécier cette existence, et cacher ma triple vie. Pas dur, d'ailleurs.
Ma vie publique ? Je m'appelle Ludovic. J'ai 22 ans, je suis étudiant, et je fais de l'escrime. Une véritable passion, je dois dire. Et plus encore...
Ma vie privée ? Je suis gay. Ouaip. Vous commencez à comprendre ce qui s'est passé avec Sophie. Rajoutez à ça qu'elle a raconté à tout le monde que j'étais impuissant et vous imaginez l'enfer qu'ont été mes derniers mois au lycée. J'ai un petit ami... Enfin. Une relation épisodique, devrais-je dire. Il s'appelle Marc.
Ma vie secrète ? Ce que je fais de mes nuits... Hum, pas tout de suite. Plus tard. Il faudra bien que j'en parle, de toute façon.
- Tu comptes enfin passer pro ?
- Je ne sais pas.
- Arrête d'hésiter, bon sang ! Avec ton talent, tu as toutes les chances d'aller loin.
- Toi aussi tu es très bon.
- Un cran en-dessous de toi. Tu trouves toujours un moyen de me surprendre.
- Ne laisse pas ça t'arrêter. Lance-toi.
- D'accord, je vais y réfléchir. Mais j'aimerais vraiment que tu t'y mettes aussi.
- J'y réfléchirai aussi, ça te va ?
- Super.
En fait... ça pourrait m'être profitable. À condition d'avoir un bon entraîneur.
- C'est réfléchi.
- Déjà ?
- Je termine mes études dans un an, alors... Si on veut bien de moi en pro, je signe.
- Mickael est prêt à te faire signer ce soir même, si tu le voulais.
- Non, je préfère m'en tenir à ce que j'ai décidé.
- OK.
Je monte sur ma moto, une belle Suzuki, cadeau de mes parents pour mes dix-huit ans. Je m'éloigne du café dans le vrombissement du moteur. Je serai encore seul chez moi, je ne reverrai pas Marc avant quelques semaines. Il est à Lyon. Misère.
J'arrive rapidement devant chez moi, je gare mon engin contre une borne et l'y enchaine.
Un escalier de bois à grimper dans un vieil immeuble, une serrure à déverrouiller, me voilà enfin chez moi.
Les volets sont fermés pour protéger un peu mon studio de la chaleur, et je ne compte pas les rouvrir.
Je me déshabille et ouvre le frigo pour me faire un repas rapide.
J'ai envie de me coucher tôt. Envie de laisser ici cette ville triste et morne et partir au pays des rêves.
Les productions d'inny :
Série des secrets : One shots La saga d'outremonde (fantastique avec des personnages gays)
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