CHAPITRE XVIII (2/4)
A l’aéroport, c’est l’effervescence. Caroline et Léa viennent d’atterrir. Il me faut encore attendre le débarquement des passagers puis patienter jusqu’à la récupération de leurs bagages. Je déambule tranquillement dans l’aérogare, laissant mon esprit vagabonder librement.
Quelques jours plus tôt, main dans la main, on faisait partie de cette foule compacte et grouillante, masque sur la figure, pressé de sortir pour faire découvrir l’île de ma jeunesse à mon amoureuse, cette jeune femme loin des stéréotypes, marginales mais pas tant que cela, surprenante à de nombreux égards, blessée profondément sans aucun doute mais toujours guillerette et souriante. J’adore l’effet qu’elle a sur moi, cette emprise sentimentale qui déraisonne mes sens et me prodigue tant de sérénité, tant d’amour. J’ai hâte de la retrouver, de la regarder, de l’admirer, de la serrer dans mes bras, de l’embrasser comme un petit enfant, timide mais conquérant. Je l’imagine sur la plage, Christelle à ses côtés, bavardant de tout et de rien, leur corps offert au soleil, sous le regard des vagues insouciantes.
Je me souviens aussi lorsque Eléna a débarquée ici pour la première fois ; un enthousiasme très vite réfréné par la présence de mes parents de qui j’ai hérité la châtaigneraie. Il faut dire aussi qu’elle a investi les lieux en terrain conquis me laissant le soin de gérer les dégâts collatéraux inévitables. Elle savait mettre le doigt là où ça fait le plus mal et ce en toute insolence. La cohabitation étant devenue trop compliquée, nous avons fini par y séjourner séparément ; mes parents d’un côté, nous de l’autre. De toute façon, Elena préférait les voyages lointains, dans les hôtels ou les clubs où elle pouvait se reposer pleinement plutôt que la Châtaigneraie, là où il y avait toujours quelques contraintes dues au quotidien. Au décès de mes parents, Elena n’avait qu’une idée en tête, vendre. Je n’ai pas cédé.
Derrière les vitres, j’aperçois en bas Caro et Léa qui attendent impatiemment la mise à disposition de leurs valises. Absorbé dans mes pensées, je ne les ai pas vu arriver. Elles sont excitées, en grande conversation derrière leur masque, elles rient sans même se préoccuper des regards indiscrets voire insistants qu’elles peuvent susciter. Elles ne m’ont pas remarqué, trop occupées, heureuses d’être ensemble ; une main qui s’égare parfois dans le dos de l’une ou de l’autre, une tête qui se pose furtivement sur une épaule comme si, harassée, épuisée par ce long voyage, juste pour savourer la chaleur ou le parfum de l’autre, elles avaient besoin d’un baiser discret pour se ressourcer. Je suis content de les retrouver, de pouvoir passer un agréable moment en leur présence, peut-être aussi l’occasion de mieux connaître Léa, cette beauté magnifique qui a fait chavirer le cœur de ma fille.
Avec Caroline, les retrouvailles sont toujours exubérantes et ici à l’aéroport de Poretta, elle se jette dans mes bras. Léa plus réservée se tient légèrement en retrait et lorsque son sourire rencontre le mien, je tombe inévitablement sous le charme comme envoûté par une force invisible. On allait se diriger vers le parking lorsqu’une voix familière m’interpelle.
- Patrick ?
- Mélanie ! Mais qu’est-ce que tu fais ici ?
- Je suis venue chercher Rémy, mon petit frère. Enfin, petit c’est façon de parler, il me dépasse d’une tête. Aurore ne va pas tarder à nous rejoindre. Elle s’est éclipsée au coin presse pour trouver le programme télé. Et toi ?
- Moi je viens de récupérer ma fille Caroline et son amie Léa. On pourrait peut-être prendre un verre ensemble si vous n’êtes pas trop pressées ?
- Excellente idée. J’allais te le proposer.
Attablée au bar de l’aéroport, Mélanie s’est assise à mes côtés, face à Léa dont elle a du mal à détacher le regard. Rémy n’est pas en reste et tout sourire, il entame la discussion, subjugué par Léa lui aussi. Caroline à qui la situation n’a pas échappé, consciente du danger qui plane autour de la table, se rapproche de sa petite amie, caresse sa main doucement et dépose un baiser du bout des lèvres au creux de son cou. Léa se laisse faire, amusée par la situation, penchant la tête de façon très sensuelle pour apprécier au mieux cette délicate attention.
- Euh, vous êtes…
- Lesbiennes, oui ! clame Caroline avec un aplomb presque provocateur.
Stoïque, Rémy accuse le coup en silence. Mélanie à qui l’annonce n’émeut même pas au vu du petit sourire intéressé qui s’affiche sur son visage répond d’une voix amusée :
- Ça tombe bien, nous aussi en invitant Aurore d’un grand signe de la main à nous rejoindre.
Un journal sous le bras, tout sourire, Aurore vient s’installer confortablement sur les genoux de Mélanie, confirmant ainsi son attachement.
- C’est trop cool de se retrouver ici, dit-elle. En montant sur Bastia, j’ai pensé à toi Patrick mais comme on était un peu à la bourre on ne s’est pas arrêtée.
Les deux couples se dévisagent avec bienveillance, muent par une complicité réciproque. Je regarde Rémy qui s’est quelque peu désintéressé de la situation et présente depuis peu des signes d’ennuis manifestes en observant autour de lui les jupons frivoles, les jambes effilées, les jeunes filles toutes bronzées qui déambulent, pressées, dans l’allée central de l’aéroport.
- J’ai vu des paréos magnifiques et pas très chers au fond de la galerie lance Aurore sur un ton sympathique. Ça vous dirait les filles ?
- Ah non ! Tu ne vas pas recommencer s’exclame Rémy. On n’est à peine arrivé que déjà ça parle boutique, chiffons, lingerie. Vous n’avez pas d’autres sujets de conversation plus intéressants ?
- Pfff, ce que tu peux être rabat-joie. On en a à peine pour dix minutes rétorque Mélanie et s’adressant à Caroline et Léa, vous venez avec nous ?
Les filles se lèvent toutes les quatre et s’éloignent deux à deux, main dans la main en bavardant âprement. Je reste seul avec Rémy.
- Vous êtes homo, vous ? Me demande t’il à brûle pour point.
- Euh non Rémy. Je suis tout ce qu’il y a de plus hétéro.
- Ah enfin, quelqu’un de normal.
- L’homosexualité n’est pas une anomalie en soi. C’est juste un peu particulier parce que ça ne concerne qu’une minorité de personnes, ce qui n’est pas illogique puisque c’est en dehors des sentiers qu’on nous a inculqués.
- Oui, vous avez raison, par normal j’entendais plutôt contre nature. Pour moi, un homme s’est fait pour être avec une femme, avoir des enfants, les élever, les voir grandir. Après, voir deux hommes ensembles ne me dérange pas, tout comme deux femmes d’ailleurs. Mais quand les filles sont jolies comme Léa ou votre fille, comme ma sœur ou Aurore, j’avoue que ça me fait toujours un pincement au cœur. La concurrence est déjà suffisamment rude entre hétéros alors si en plus les plus mignonnes se mettent ensemble, c’est la Bérézina ?
- Tu en trouveras d’autres et elles ne sont pas toutes lesbiennes.
- Oui, sûrement mais généralement elles sont déjà maquées et si par chance, elles viennent à se retrouver libres, il ne faut pas perdre une minute et sauter sur l’occasion car ça ne dure jamais très longtemps. Il faut être au bon endroit au bon moment sinon, c’est raté.
- Et la beauté intérieure, tu en fais quoi ?
- Oui, oui mais ça je vois après.
- C’est peut être ça ton soucis. Commence par regarder la femme de l’intérieur et généralement si elle te correspond, tu seras beaucoup plus enclin à gommer tout le reste. Il n’y a pas que le physique qui compte et ça, ça vaut pour nous les hommes mais également pour elles.
A l’aéroport, c’est l’effervescence. Caroline et Léa viennent d’atterrir. Il me faut encore attendre le débarquement des passagers puis patienter jusqu’à la récupération de leurs bagages. Je déambule tranquillement dans l’aérogare, laissant mon esprit vagabonder librement.
Quelques jours plus tôt, main dans la main, on faisait partie de cette foule compacte et grouillante, masque sur la figure, pressé de sortir pour faire découvrir l’île de ma jeunesse à mon amoureuse, cette jeune femme loin des stéréotypes, marginales mais pas tant que cela, surprenante à de nombreux égards, blessée profondément sans aucun doute mais toujours guillerette et souriante. J’adore l’effet qu’elle a sur moi, cette emprise sentimentale qui déraisonne mes sens et me prodigue tant de sérénité, tant d’amour. J’ai hâte de la retrouver, de la regarder, de l’admirer, de la serrer dans mes bras, de l’embrasser comme un petit enfant, timide mais conquérant. Je l’imagine sur la plage, Christelle à ses côtés, bavardant de tout et de rien, leur corps offert au soleil, sous le regard des vagues insouciantes.
Je me souviens aussi lorsque Eléna a débarquée ici pour la première fois ; un enthousiasme très vite réfréné par la présence de mes parents de qui j’ai hérité la châtaigneraie. Il faut dire aussi qu’elle a investi les lieux en terrain conquis me laissant le soin de gérer les dégâts collatéraux inévitables. Elle savait mettre le doigt là où ça fait le plus mal et ce en toute insolence. La cohabitation étant devenue trop compliquée, nous avons fini par y séjourner séparément ; mes parents d’un côté, nous de l’autre. De toute façon, Elena préférait les voyages lointains, dans les hôtels ou les clubs où elle pouvait se reposer pleinement plutôt que la Châtaigneraie, là où il y avait toujours quelques contraintes dues au quotidien. Au décès de mes parents, Elena n’avait qu’une idée en tête, vendre. Je n’ai pas cédé.
Derrière les vitres, j’aperçois en bas Caro et Léa qui attendent impatiemment la mise à disposition de leurs valises. Absorbé dans mes pensées, je ne les ai pas vu arriver. Elles sont excitées, en grande conversation derrière leur masque, elles rient sans même se préoccuper des regards indiscrets voire insistants qu’elles peuvent susciter. Elles ne m’ont pas remarqué, trop occupées, heureuses d’être ensemble ; une main qui s’égare parfois dans le dos de l’une ou de l’autre, une tête qui se pose furtivement sur une épaule comme si, harassée, épuisée par ce long voyage, juste pour savourer la chaleur ou le parfum de l’autre, elles avaient besoin d’un baiser discret pour se ressourcer. Je suis content de les retrouver, de pouvoir passer un agréable moment en leur présence, peut-être aussi l’occasion de mieux connaître Léa, cette beauté magnifique qui a fait chavirer le cœur de ma fille.
Avec Caroline, les retrouvailles sont toujours exubérantes et ici à l’aéroport de Poretta, elle se jette dans mes bras. Léa plus réservée se tient légèrement en retrait et lorsque son sourire rencontre le mien, je tombe inévitablement sous le charme comme envoûté par une force invisible. On allait se diriger vers le parking lorsqu’une voix familière m’interpelle.
- Patrick ?
- Mélanie ! Mais qu’est-ce que tu fais ici ?
- Je suis venue chercher Rémy, mon petit frère. Enfin, petit c’est façon de parler, il me dépasse d’une tête. Aurore ne va pas tarder à nous rejoindre. Elle s’est éclipsée au coin presse pour trouver le programme télé. Et toi ?
- Moi je viens de récupérer ma fille Caroline et son amie Léa. On pourrait peut-être prendre un verre ensemble si vous n’êtes pas trop pressées ?
- Excellente idée. J’allais te le proposer.
Attablée au bar de l’aéroport, Mélanie s’est assise à mes côtés, face à Léa dont elle a du mal à détacher le regard. Rémy n’est pas en reste et tout sourire, il entame la discussion, subjugué par Léa lui aussi. Caroline à qui la situation n’a pas échappé, consciente du danger qui plane autour de la table, se rapproche de sa petite amie, caresse sa main doucement et dépose un baiser du bout des lèvres au creux de son cou. Léa se laisse faire, amusée par la situation, penchant la tête de façon très sensuelle pour apprécier au mieux cette délicate attention.
- Euh, vous êtes…
- Lesbiennes, oui ! clame Caroline avec un aplomb presque provocateur.
Stoïque, Rémy accuse le coup en silence. Mélanie à qui l’annonce n’émeut même pas au vu du petit sourire intéressé qui s’affiche sur son visage répond d’une voix amusée :
- Ça tombe bien, nous aussi en invitant Aurore d’un grand signe de la main à nous rejoindre.
Un journal sous le bras, tout sourire, Aurore vient s’installer confortablement sur les genoux de Mélanie, confirmant ainsi son attachement.
- C’est trop cool de se retrouver ici, dit-elle. En montant sur Bastia, j’ai pensé à toi Patrick mais comme on était un peu à la bourre on ne s’est pas arrêtée.
Les deux couples se dévisagent avec bienveillance, muent par une complicité réciproque. Je regarde Rémy qui s’est quelque peu désintéressé de la situation et présente depuis peu des signes d’ennuis manifestes en observant autour de lui les jupons frivoles, les jambes effilées, les jeunes filles toutes bronzées qui déambulent, pressées, dans l’allée central de l’aéroport.
- J’ai vu des paréos magnifiques et pas très chers au fond de la galerie lance Aurore sur un ton sympathique. Ça vous dirait les filles ?
- Ah non ! Tu ne vas pas recommencer s’exclame Rémy. On n’est à peine arrivé que déjà ça parle boutique, chiffons, lingerie. Vous n’avez pas d’autres sujets de conversation plus intéressants ?
- Pfff, ce que tu peux être rabat-joie. On en a à peine pour dix minutes rétorque Mélanie et s’adressant à Caroline et Léa, vous venez avec nous ?
Les filles se lèvent toutes les quatre et s’éloignent deux à deux, main dans la main en bavardant âprement. Je reste seul avec Rémy.
- Vous êtes homo, vous ? Me demande t’il à brûle pour point.
- Euh non Rémy. Je suis tout ce qu’il y a de plus hétéro.
- Ah enfin, quelqu’un de normal.
- L’homosexualité n’est pas une anomalie en soi. C’est juste un peu particulier parce que ça ne concerne qu’une minorité de personnes, ce qui n’est pas illogique puisque c’est en dehors des sentiers qu’on nous a inculqués.
- Oui, vous avez raison, par normal j’entendais plutôt contre nature. Pour moi, un homme s’est fait pour être avec une femme, avoir des enfants, les élever, les voir grandir. Après, voir deux hommes ensembles ne me dérange pas, tout comme deux femmes d’ailleurs. Mais quand les filles sont jolies comme Léa ou votre fille, comme ma sœur ou Aurore, j’avoue que ça me fait toujours un pincement au cœur. La concurrence est déjà suffisamment rude entre hétéros alors si en plus les plus mignonnes se mettent ensemble, c’est la Bérézina ?
- Tu en trouveras d’autres et elles ne sont pas toutes lesbiennes.
- Oui, sûrement mais généralement elles sont déjà maquées et si par chance, elles viennent à se retrouver libres, il ne faut pas perdre une minute et sauter sur l’occasion car ça ne dure jamais très longtemps. Il faut être au bon endroit au bon moment sinon, c’est raté.
- Et la beauté intérieure, tu en fais quoi ?
- Oui, oui mais ça je vois après.
- C’est peut être ça ton soucis. Commence par regarder la femme de l’intérieur et généralement si elle te correspond, tu seras beaucoup plus enclin à gommer tout le reste. Il n’y a pas que le physique qui compte et ça, ça vaut pour nous les hommes mais également pour elles.
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