CHAPITRE V (2/2)
Depuis dix minutes, il s’est mis à pleuvoir, une pluie fine qui transperce tout. Derrière mes essuies glaces, sur le bord de la route, collée aux hautes herbes, la silhouette d’une jeune femme se dessine, le pouce levé en l’air, un bout de tissu jeté sur les cheveux pour se protéger la tête. J’hésite. Je freine. Je n’ai pas pour habitude de prendre des auto-stoppeurs même si dans mon jeune temps, j’ai souvent utilisé ce moyen de transport économique et parfois bien sympathique. Je m’arrête à sa hauteur, baisse la vitre et je vois sa frimousse toute mouillée qui se penche à la portière.
- Vous allez où ?
- Euh ! Paris c’est possible ?
- Oui, c’est sur ma route.
- Porte de la Chapelle ou porte d’Orléans. Je ne fais pas de détour. Ça vous convient ?
- Très bien, ça ira parfaitement.
- Vous mettez votre sac dans le coffre, je vous l'ouvre.
- Non merci, à l’arrière, je préfère.
- Comme vous voudrez.
Elle prend place sur le siège passager après avoir retiré le plastic qui lui servait d’imperméable, accroche la ceinture de sécurité et nous nous dévisageons l’espace d’un instant, avant de redémarrer.
C’est fou comment en une poignée de secondes on arrive à se faire une idée de la personne qui est en face de nous. J’ai lu dans son regard, des yeux marron foncés presque noirs, qu’elle me prenait pour un PDG ou quelque chose du genre. J’ai tout qui va bien ; la Mercedes, les sièges en cuir, ma tenue vestimentaire cool mais de bonne facture, ma coiffure et mon style. Elle a vu à mon coup d’œil que je l’ai positionnée parmi les marginales car elle a tout qui correspond ; des chaussures lourdes montantes, des cheveux d’un rouge acide, un maquillage sombre, des tatouages sur les bras et les avant bras, une tenue propre qui l’habille sans la mettre en valeur ; pantalon noir, polo noir.
- Déçu, me demande-t-elle ?
- Non. J’avais envie de me changer les idées et vous tombez bien.
- Je préfère vous le dire de suite, je n’ai pas envie de baiser si d’aventure…
- Ah ! Parce que pour vous, se changer les idées c’est baiser ?
- Pour ceux qui ont du fric, c’est souvent le cas et vous semblez être à l’aise de ce côté, donc j’anticipe pour que les choses soient bien claires.
- Et si je pensais comme eux ?
- Alors, je préfère que vous me débarquiez, quitte à affronter à nouveau la pluie, plutôt que de partir sur un malentendu. Vous comprenez ?
- OK. Maintenant que vous êtes là, confortablement installée, je préfère vous épargner la pluie sans vous baiser. Ça vous va ?
- Je ne sais pas pourquoi mais j’ai envie de vous faire confiance.
- Merci pour le compliment. Vous vous appelez comment ? Moi c’est Patrick.
- Mon prénom, c’est Harmonie mais je déteste. Je préfère qu’on m’appelle Nini.
- Pourquoi ? Harmonie, c’est peu courant et c’est très joli.
- Peut-être mais je trouve que ça ne me correspond pas et puis ce n’est pas moi qui a choisi.
- Oui effectivement, vu sous cet angle.
- Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit. Ça ne vous dérange pas si je m’assoupis un peu ?
Harmonie cale ses jambes contre le tableau de bord, le corps enfoncé dans le siège demi-baquet, les bras croisés sur la poitrine, la tête posée sur une épaule. Je la regarde. Je m’habitue doucement à son physique, un peu punk, possible un peu gore ou peut-être gothique vu les dessins qu’elle porte sur la peau. Sa respiration est douce et régulière maintenant. Je suppose qu’elle s’est endormie. La trentaine passée, elle sourit dans son sommeil et son visage paraît de suite moins dur, plus féminin, probablement plus mignon qu’il n’y paraît dans un contexte un peu plus socialisé.
Depuis dix minutes, il s’est mis à pleuvoir, une pluie fine qui transperce tout. Derrière mes essuies glaces, sur le bord de la route, collée aux hautes herbes, la silhouette d’une jeune femme se dessine, le pouce levé en l’air, un bout de tissu jeté sur les cheveux pour se protéger la tête. J’hésite. Je freine. Je n’ai pas pour habitude de prendre des auto-stoppeurs même si dans mon jeune temps, j’ai souvent utilisé ce moyen de transport économique et parfois bien sympathique. Je m’arrête à sa hauteur, baisse la vitre et je vois sa frimousse toute mouillée qui se penche à la portière.
- Vous allez où ?
- Euh ! Paris c’est possible ?
- Oui, c’est sur ma route.
- Porte de la Chapelle ou porte d’Orléans. Je ne fais pas de détour. Ça vous convient ?
- Très bien, ça ira parfaitement.
- Vous mettez votre sac dans le coffre, je vous l'ouvre.
- Non merci, à l’arrière, je préfère.
- Comme vous voudrez.
Elle prend place sur le siège passager après avoir retiré le plastic qui lui servait d’imperméable, accroche la ceinture de sécurité et nous nous dévisageons l’espace d’un instant, avant de redémarrer.
C’est fou comment en une poignée de secondes on arrive à se faire une idée de la personne qui est en face de nous. J’ai lu dans son regard, des yeux marron foncés presque noirs, qu’elle me prenait pour un PDG ou quelque chose du genre. J’ai tout qui va bien ; la Mercedes, les sièges en cuir, ma tenue vestimentaire cool mais de bonne facture, ma coiffure et mon style. Elle a vu à mon coup d’œil que je l’ai positionnée parmi les marginales car elle a tout qui correspond ; des chaussures lourdes montantes, des cheveux d’un rouge acide, un maquillage sombre, des tatouages sur les bras et les avant bras, une tenue propre qui l’habille sans la mettre en valeur ; pantalon noir, polo noir.
- Déçu, me demande-t-elle ?
- Non. J’avais envie de me changer les idées et vous tombez bien.
- Je préfère vous le dire de suite, je n’ai pas envie de baiser si d’aventure…
- Ah ! Parce que pour vous, se changer les idées c’est baiser ?
- Pour ceux qui ont du fric, c’est souvent le cas et vous semblez être à l’aise de ce côté, donc j’anticipe pour que les choses soient bien claires.
- Et si je pensais comme eux ?
- Alors, je préfère que vous me débarquiez, quitte à affronter à nouveau la pluie, plutôt que de partir sur un malentendu. Vous comprenez ?
- OK. Maintenant que vous êtes là, confortablement installée, je préfère vous épargner la pluie sans vous baiser. Ça vous va ?
- Je ne sais pas pourquoi mais j’ai envie de vous faire confiance.
- Merci pour le compliment. Vous vous appelez comment ? Moi c’est Patrick.
- Mon prénom, c’est Harmonie mais je déteste. Je préfère qu’on m’appelle Nini.
- Pourquoi ? Harmonie, c’est peu courant et c’est très joli.
- Peut-être mais je trouve que ça ne me correspond pas et puis ce n’est pas moi qui a choisi.
- Oui effectivement, vu sous cet angle.
- Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit. Ça ne vous dérange pas si je m’assoupis un peu ?
Harmonie cale ses jambes contre le tableau de bord, le corps enfoncé dans le siège demi-baquet, les bras croisés sur la poitrine, la tête posée sur une épaule. Je la regarde. Je m’habitue doucement à son physique, un peu punk, possible un peu gore ou peut-être gothique vu les dessins qu’elle porte sur la peau. Sa respiration est douce et régulière maintenant. Je suppose qu’elle s’est endormie. La trentaine passée, elle sourit dans son sommeil et son visage paraît de suite moins dur, plus féminin, probablement plus mignon qu’il n’y paraît dans un contexte un peu plus socialisé.
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