CHAPITRE III (3/3)
Tout compte fait, j’ai appelé Eléna. Après tout, il n’y a rien de mal à ce qu’elle se joigne à nous pour profiter elle aussi de la présence de sa fille et dans mon fort intérieur, ça me faisait plaisir d’avoir de ses nouvelles. Elle a accepté sans même sourciller et j’ai bien senti au timbre de sa voix qu’elle était très contente de passer un petit moment convivial entre nous. Les filles sont parties se promener en ville. Caroline avait pour consigne de reconstituer le stock de vaisselle et faire quelques courses pour le petit déjeuner demain matin. C’est donc enthousiastes qu’elles ont décidé d’arpenter les rues piétonnes, surtout qu’en centre ville on y trouve tout ce qu’on veut, bijouterie, vêtements, lingerie et accessoirement droguerie, épicerie et autres. On s’est tous donné rendez-vous au restaurant vers dix-huit heures pour être à même de respecter le couvre-feu.
J’arrive avec quelques minutes d’avance. J’aperçois au loin la silhouette élancée d’Eléna. Elle ne s’est pas attablée et pour se donner bonne contenance, elle s’est plantée devant le menu qu’elle détaille depuis au moins cinq bonnes minutes. Je l’observe amusé. Je la connais par cœur, enfin presque. Je suis capable de deviner ses moindres réactions, ses moindres pensées. Le soucis, c’est qu’elle sait en faire autant de mon côté. Vingt ans de vie commune, ce n’est pas anodin. Lunettes de soleil sur les yeux, elle paraît comme cela beaucoup plus jeune, la ligne affinée par une petite robe noire qui souligne ses formes de façon plutôt sensuelle. Je m’approche doucement et je pose ma main sur son épaule.
- Même pas peur. Je t’ai vu arriver dans le reflet de la vitre.
- Oui, je sais.
- Je vous attendais. Caro m’a dit qu’elle serait là un peu avant.
- Tu la connais ! Entre ce qu’elle dit et ce qu’elle fait…
On s’embrasse comme deux amis. Son parfum déposé tout près de ses oreilles taquine mes sens, c’est celui que je lui préfère. Nos regards se croisent sous nos lunettes. Le serveur s’est approché et nous invite à prendre place sur la terrasse ensoleillée.
- Je vous demande de mettre vos masques et de les conserver jusqu’au service, protocole sanitaire oblige.
- Merde mon masque ! Je l’ai laissé dans ma voiture, je reviens de suite dis-je en me levant.
- Si tu veux, j’en ai un de secours. Je l’ai déjà utilisé une ou deux fois mais bon...
- Super, je vais faire avec s'il n'est pas tapissé de rouge à lèvres.
- Non t'inquiète !
Elena plonge la main dans son sac, extirpe difficilement un masque en papier un peu chiffonné emmêlé dans un petit bout de tissu.
- Ben ! Tu n’as pas mis de culotte ?
- Mais non gros nigaud, c’est juste un change.
- Ah !
- Déçu ?
- Un peu oui. J'étais prêt à me faire un film.
- Une semaine de célibat et voilà ce que ça donne, dit-t-elle en riant. Tu n’as pas changé.
- Je ne te l’ai pas dis en arrivant mais tu es ravissante Eléna.
- Merci pour le compliment Patrick. Tu t’es pas trop mal débrouillé toi aussi mais je n’aurai pas mis ce haut là avec ton bermuda.
- C’est le seul polo repassé qu’il me restait encore. Il faut que je trouve en urgence une femme de ménage quitte à réduire mes critères. Sinon, tu vas bien ?
- Oui ça va. Je commence à émerger des cartons et puis voir Caroline, ça m’a redonnée un coup de boost au moral. Et toi ?
- Ça va aussi. Maintenant il faut arriver à s’organiser. Pas évident mais ça va venir. Je suis content de te revoir…
- Hello papa, hello maman. On a un peu de retard mais rien de bien méchant. Pfff ! Quelle chaleur. Vous n’avez encore rien commandé ?
- Non, on vous attendait tranquillement.
Je fais signe au serveur et nous passons commande.
- Je pensais que tu étais déjà parti à la châtaigneraie.
- J’ai décalé mon séjour avec le déménagement pour te donner un coup de mains et puis il a fallu trouver une nouvelle place sur le ferry. Toujours un peu compliqué en cette période mais ça y est. Tout s’est arrangé. Je pars dans deux jours.
- Tu vas en Corse papa ? On peut venir nous aussi, Léa et moi ?
- Oui bien sûr.
- J’aimerais bien mais pour moi ça ne va pas être possible Caroline. Il faut absolument que je rentre vendredi prochain chez mes parents.
- Merde, c’est trop con !
- Si tu veux, tu peux venir toute seule Caro.
- Non merci, je vais m'ennuyer à mourir. Tu restes combien de temps la-bas papa ?
- Deux peut-être trois semaines. Je ne sais pas encore exactement.
- Cool. On pourrait envisager de descendre en avion après que tu sois passée chez tes vieux. Qu’est-ce que tu en penses Léa ?
- Pas de problème pour moi, en avion je préfère. En voiture parfois je suis malade une chienne.
- Ok les filles. Je vous laisse organiser votre séjour et vous me direz lorsque les dates seront arrêtées.
Elena à suivi notre conversation d’une oreille distraite. Probable que le sujet ait réveillé chez elle quelques amertumes. Le reste du repas s’est déroulé tranquillement sauf que le serveur a été littéralement subjugué par Léa, une fois que cette dernière a fait tomber le masque. Et lorsque avant de partir, elle s’est éclipsée aux toilettes, il s’est débrouillé pour échanger quelques mots au grand damne de Caroline.
- Il t’a dit quoi ?
- Il voulait mon numéro de téléphone.
- Et tu lui as donné ?
- Tu es folle ! Dans ces cas là, je file toujours un numéro bidon.
Les filles nous ont quittés après le dessert. Je suis resté un petit moment avec Eléna.
- Merci pour cette soirée Patrick. C’était vraiment bien agréable et puis je trouve que Caroline est resplendissante et ça me fait super plaisir de la voir comme ça.
- C’est vrai que je l’ai trouvée changée moi aussi, beaucoup plus avenante, souriante, alors que d’habitude elle est plus renfermée, presque casanière. Un peu jalouse de son amie aussi parfois mais c’est l’apanage des filles.
- Des femmes tu veux dire ! C’est vrai que Léa a une beauté naturelle stupéfiante. Je la regardais. Elle est magnifique. Un visage d’ange, un corps de déesse, un charme fou. J’aurais aimé être comme elle à son âge. Bon allez ! Je me rentre. Il est vingt-et-une-heures passé. Profite bien de ton séjour Patrick.
- Merci. Passe une bonne nuit Eléna et à très bientôt.
De retour à l’appartement, je m’allonge sur le canapé, repu, content d’avoir revu mon ex, d’avoir pris un peu de ses nouvelles. Je pense qu'il subsiste encore entre nous une certaine nostalgie et j’avais presque envie de passer la nuit avec elle mais je n’ai pas osé et d’ailleurs elle ne m’a laissé aucune ouverture. J'entends les filles jacasser chaudement dans la chambre de Caroline. Je ferme les yeux et je me laisse envahir par le sommeil, bercé par mes rêves.
Le bruit d’une porte me sort de ma torpeur. Dans l’obscurité, sous la lumière pâlichonne des lampadaires, je crois voir passer Léa, dans son plus simple appareil, suivi de près par Caroline, nue elle aussi. Elles marchent sur la pointe des pieds pour ne pas faire de bruit en chuchotant à mi-voix. Elles ne m’ont pas vu. D’ailleurs elles ne doivent même pas savoir que depuis ma séparation avec Elena, j’ai investi le canapé la nuit, une couverture jetée sur les épaules pour enrayer la fraîcheur matinale.
Les filles passent aux toilettes où j’entends des rires étouffés puis à la salle de bain avant de retraverser le salon. Je reste immobile, perplexe devant leur nudité. La porte se referme et la nuit s’enivre à nouveau du silence. Le sommeil m'entraîne dans son cycle infernal. Je rêve, agacé par une multitude de corps dévêtus qui déambulent en toute innocence dans mes songes.
Tout compte fait, j’ai appelé Eléna. Après tout, il n’y a rien de mal à ce qu’elle se joigne à nous pour profiter elle aussi de la présence de sa fille et dans mon fort intérieur, ça me faisait plaisir d’avoir de ses nouvelles. Elle a accepté sans même sourciller et j’ai bien senti au timbre de sa voix qu’elle était très contente de passer un petit moment convivial entre nous. Les filles sont parties se promener en ville. Caroline avait pour consigne de reconstituer le stock de vaisselle et faire quelques courses pour le petit déjeuner demain matin. C’est donc enthousiastes qu’elles ont décidé d’arpenter les rues piétonnes, surtout qu’en centre ville on y trouve tout ce qu’on veut, bijouterie, vêtements, lingerie et accessoirement droguerie, épicerie et autres. On s’est tous donné rendez-vous au restaurant vers dix-huit heures pour être à même de respecter le couvre-feu.
J’arrive avec quelques minutes d’avance. J’aperçois au loin la silhouette élancée d’Eléna. Elle ne s’est pas attablée et pour se donner bonne contenance, elle s’est plantée devant le menu qu’elle détaille depuis au moins cinq bonnes minutes. Je l’observe amusé. Je la connais par cœur, enfin presque. Je suis capable de deviner ses moindres réactions, ses moindres pensées. Le soucis, c’est qu’elle sait en faire autant de mon côté. Vingt ans de vie commune, ce n’est pas anodin. Lunettes de soleil sur les yeux, elle paraît comme cela beaucoup plus jeune, la ligne affinée par une petite robe noire qui souligne ses formes de façon plutôt sensuelle. Je m’approche doucement et je pose ma main sur son épaule.
- Même pas peur. Je t’ai vu arriver dans le reflet de la vitre.
- Oui, je sais.
- Je vous attendais. Caro m’a dit qu’elle serait là un peu avant.
- Tu la connais ! Entre ce qu’elle dit et ce qu’elle fait…
On s’embrasse comme deux amis. Son parfum déposé tout près de ses oreilles taquine mes sens, c’est celui que je lui préfère. Nos regards se croisent sous nos lunettes. Le serveur s’est approché et nous invite à prendre place sur la terrasse ensoleillée.
- Je vous demande de mettre vos masques et de les conserver jusqu’au service, protocole sanitaire oblige.
- Merde mon masque ! Je l’ai laissé dans ma voiture, je reviens de suite dis-je en me levant.
- Si tu veux, j’en ai un de secours. Je l’ai déjà utilisé une ou deux fois mais bon...
- Super, je vais faire avec s'il n'est pas tapissé de rouge à lèvres.
- Non t'inquiète !
Elena plonge la main dans son sac, extirpe difficilement un masque en papier un peu chiffonné emmêlé dans un petit bout de tissu.
- Ben ! Tu n’as pas mis de culotte ?
- Mais non gros nigaud, c’est juste un change.
- Ah !
- Déçu ?
- Un peu oui. J'étais prêt à me faire un film.
- Une semaine de célibat et voilà ce que ça donne, dit-t-elle en riant. Tu n’as pas changé.
- Je ne te l’ai pas dis en arrivant mais tu es ravissante Eléna.
- Merci pour le compliment Patrick. Tu t’es pas trop mal débrouillé toi aussi mais je n’aurai pas mis ce haut là avec ton bermuda.
- C’est le seul polo repassé qu’il me restait encore. Il faut que je trouve en urgence une femme de ménage quitte à réduire mes critères. Sinon, tu vas bien ?
- Oui ça va. Je commence à émerger des cartons et puis voir Caroline, ça m’a redonnée un coup de boost au moral. Et toi ?
- Ça va aussi. Maintenant il faut arriver à s’organiser. Pas évident mais ça va venir. Je suis content de te revoir…
- Hello papa, hello maman. On a un peu de retard mais rien de bien méchant. Pfff ! Quelle chaleur. Vous n’avez encore rien commandé ?
- Non, on vous attendait tranquillement.
Je fais signe au serveur et nous passons commande.
- Je pensais que tu étais déjà parti à la châtaigneraie.
- J’ai décalé mon séjour avec le déménagement pour te donner un coup de mains et puis il a fallu trouver une nouvelle place sur le ferry. Toujours un peu compliqué en cette période mais ça y est. Tout s’est arrangé. Je pars dans deux jours.
- Tu vas en Corse papa ? On peut venir nous aussi, Léa et moi ?
- Oui bien sûr.
- J’aimerais bien mais pour moi ça ne va pas être possible Caroline. Il faut absolument que je rentre vendredi prochain chez mes parents.
- Merde, c’est trop con !
- Si tu veux, tu peux venir toute seule Caro.
- Non merci, je vais m'ennuyer à mourir. Tu restes combien de temps la-bas papa ?
- Deux peut-être trois semaines. Je ne sais pas encore exactement.
- Cool. On pourrait envisager de descendre en avion après que tu sois passée chez tes vieux. Qu’est-ce que tu en penses Léa ?
- Pas de problème pour moi, en avion je préfère. En voiture parfois je suis malade une chienne.
- Ok les filles. Je vous laisse organiser votre séjour et vous me direz lorsque les dates seront arrêtées.
Elena à suivi notre conversation d’une oreille distraite. Probable que le sujet ait réveillé chez elle quelques amertumes. Le reste du repas s’est déroulé tranquillement sauf que le serveur a été littéralement subjugué par Léa, une fois que cette dernière a fait tomber le masque. Et lorsque avant de partir, elle s’est éclipsée aux toilettes, il s’est débrouillé pour échanger quelques mots au grand damne de Caroline.
- Il t’a dit quoi ?
- Il voulait mon numéro de téléphone.
- Et tu lui as donné ?
- Tu es folle ! Dans ces cas là, je file toujours un numéro bidon.
Les filles nous ont quittés après le dessert. Je suis resté un petit moment avec Eléna.
- Merci pour cette soirée Patrick. C’était vraiment bien agréable et puis je trouve que Caroline est resplendissante et ça me fait super plaisir de la voir comme ça.
- C’est vrai que je l’ai trouvée changée moi aussi, beaucoup plus avenante, souriante, alors que d’habitude elle est plus renfermée, presque casanière. Un peu jalouse de son amie aussi parfois mais c’est l’apanage des filles.
- Des femmes tu veux dire ! C’est vrai que Léa a une beauté naturelle stupéfiante. Je la regardais. Elle est magnifique. Un visage d’ange, un corps de déesse, un charme fou. J’aurais aimé être comme elle à son âge. Bon allez ! Je me rentre. Il est vingt-et-une-heures passé. Profite bien de ton séjour Patrick.
- Merci. Passe une bonne nuit Eléna et à très bientôt.
De retour à l’appartement, je m’allonge sur le canapé, repu, content d’avoir revu mon ex, d’avoir pris un peu de ses nouvelles. Je pense qu'il subsiste encore entre nous une certaine nostalgie et j’avais presque envie de passer la nuit avec elle mais je n’ai pas osé et d’ailleurs elle ne m’a laissé aucune ouverture. J'entends les filles jacasser chaudement dans la chambre de Caroline. Je ferme les yeux et je me laisse envahir par le sommeil, bercé par mes rêves.
Le bruit d’une porte me sort de ma torpeur. Dans l’obscurité, sous la lumière pâlichonne des lampadaires, je crois voir passer Léa, dans son plus simple appareil, suivi de près par Caroline, nue elle aussi. Elles marchent sur la pointe des pieds pour ne pas faire de bruit en chuchotant à mi-voix. Elles ne m’ont pas vu. D’ailleurs elles ne doivent même pas savoir que depuis ma séparation avec Elena, j’ai investi le canapé la nuit, une couverture jetée sur les épaules pour enrayer la fraîcheur matinale.
Les filles passent aux toilettes où j’entends des rires étouffés puis à la salle de bain avant de retraverser le salon. Je reste immobile, perplexe devant leur nudité. La porte se referme et la nuit s’enivre à nouveau du silence. Le sommeil m'entraîne dans son cycle infernal. Je rêve, agacé par une multitude de corps dévêtus qui déambulent en toute innocence dans mes songes.
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