27-05-2021, 08:38 PM
Du haut de la falaise, je ressens la rage de la mer, emportée par le vent qui souffle maintenant avec force, comme pour m'éloigner du bord. Comme s'il voulait me sauver. Mais pourquoi ferait-il une chose pareille ?
Ai-je seulement fait quelque chose de bien dans ma vie ?
Non, je suis mauvaise langue. Il y a eu de bons moments, malgré tout...
Je peux me rappeler tout particulièrement de certains d'entre eux...
Mais je m'étais arrêté à l'ambulance, à la terrible décision que je devais prendre...
Non. Non, je ne peux pas, je ne veux pas revivre ce moment. C'est au-dessus de mes forces. Encore aujourd'hui, ce souvenir est par trop pénible. J'ai eu un avant-goût de l'enfer, entre l'infirmier qui me demandait mon sang peut-être porteur d'une terrible maladie, et mon frère qui se mourait sous mes yeux.
Non, c'est trop de douleur, trop d'horreur. Je ne veux pas me souvenir de cela.
Dois-je continuer ce retour en arrière ?
Je m'assois au bord, les jambes pendant dans le vide. Il ne pleut pas pour le moment. Le vent est brûlant, l'atmosphère pesante, la tension est palpable. L'orage va-t-il se déchaîner ici, ou passer au-dessus de moi pour éclater plus loin sur les terres ? Quelle importance, de toute manière.
Je vais reprendre plus loin. C'est encore ce qu'il y a de mieux à faire. Après une journée et une nuit de cauchemar, entre mon angoisse pour François et les questions de la police, que je n'ai pas pu beaucoup aider, j'ai été plus qu'occupé. Je n'ai d'ailleurs pas pu dormir de la nuit.
Le lendemain, les choses ont commencé à changer...
* 31 *
18 janvier 2009
Je vois ma mère entrer dans le hall, accompagnée de Marie, la mère de François. Je me lève pour les accueillir, mais, au lieu de dire bonjour à ma mère, la serre simplement dans mes bras.
- Oh, Jeremy, est-ce que tu vas bien ?
- Juste épuisé, maman, je n'ai pas pu dormir.
- Je vais te ramener à l'hôtel quand on en aura fini ici. Nous n'avons pas beaucoup dormi non plus, depuis ton coup de fil.
- Comment va-t-il ? Demande Marie.
- Son état s'est stabilisé, d'après ce qu'on m'a dit, mais il est dans le coma. Il va falloir attendre...
- Où est-il ?
- Soins intensifs, pas de visite. Tu peux toujours voir avec le médecin qui...
Marie s'est déjà précipitée vers l'accueil. Je la laisse se débrouiller, étouffant un bâillement.
- Que s'est-il passé ?
- Un chauffard nous a foncé dessus, j'ai pu esquiver la voiture juste à temps, mais François était derrière moi...
- Oh, mon dieu... mon dieu...
Elle me serre plus fort contre elle. Ma mère se rend compte à quel point j'ai frôlé la mort, et elle est bouleversée.
- Marie nous fait signe, lui dis-je.
Nous la rejoignons et la suivons jusqu'au bureau du médecin.
- Je suis la mère de François, comment va-t-il ?
Le docteur va pour demander qui peut bien être ce François, puis me reconnaît. Il a l'air fatigué, lui aussi.
- Il a toutes les chances de s'en sortir, madame. Son état est stabilisé, c'est un jeune homme robuste, mais il va falloir attendre.
- Merci docteur, merci beaucoup, fait Marie, soulagée.
- C'est son frère qu'il faut remercier.
- Quoi ?
- Votre fils a été gravement blessé et a perdu beaucoup de sang. Et son groupe sanguin est rare, pour tout dire, nous n'en avions pas en stock et nous n'aurions pas pu en faire venir à temps. Si son frère n'avait pas donné le sien, il serait mort.
Marie ouvre la bouche, la referme, je me souviens que François m'avait dit qu'il en avait parlé avec sa mère, de cette histoire de fraternité, mais qu'elle avait nié. Je la vois se décider à dire que je ne suis pas son frère, mais elle réalise alors pleinement que je lui ai sauvé la vie.
Oui, je lui ai sauvé la vie... en pleurant.
Je me secoue pour ne pas revenir à ce moment pénible.
J'ai fait un pari sur l'avenir. Que pouvais-je faire d'autre ? Le destin décidera. L'important, c'est qu'il va se remettre, sortir de cet hôpital, parler, aimer.
Et s'il est malade... il aura des années de sursis, des années qu'il n'aurait jamais eu.
Avais-je seulement le choix ? Quelqu'un d'autre, dans ma situation, aurait-il agi autrement ?
Les propos du médecin me font du bien, me confortant dans l'idée que j'ai pris la bonne décision. Mais ça a été la plus douloureuse que j'aie jamais prise.
Le médecin nous donne congé, et nous quittons l'hôpital. Je guide ma mère vers l'hôtel et m'enferme dans ma chambre, refusant toute discussion. Je m'effondre sur le lit, mais je sens que le sommeil va être long à venir.
Je me réveille en sursaut, échappant à un cauchemar qui fuit ma mémoire sans laisser la moindre trace. Tant mieux.
Je consulte l'heure et constate que j'ai dormi six heures. Suffisamment.
Hum... je voulais avoir une explication avec mes parents, et ça va être Marie et ma mère qui vont m'en demander. Mais j'ai la preuve. Il va être temps d'obtenir des réponses.
Je prends mon téléphone pour appeler ma mère, et sors de ma chambre après un brin de toilette pour la rejoindre.
- Marie va nous rejoindre dans quelques minutes. Tu vas mieux ?
- Oui, j'ai réussi à dormir, j'étais vraiment crevé.
- C'est compréhensible. Je suis vraiment désolée, mon chéri.
- Maman, arrrête de m'appeler mon chéri, j'ai dix-neuf ans, pas neuf.
- C'est venu tout seul, tu sais bien. Je ne m'habitue pas à te voir adulte.
- Ouais... va bien falloir un jour, quand même.
- Peut-être quand tu auras des cheveux blancs.
- Je vais les décolorer tout de suite, alors.
- Quelle horreur.
Retrouver les petites discussions sans le moindre sérieux que j'ai l'habitude d'avoir avec ma mère m'apaise. Elle doit bien s'en douter d'ailleurs, et je lui en suis reconnaissant.
Marie frappe à la porte, et je lui ouvre.
- Fran... Jeremy, pardon, je tiens à te remercier du fond du cœur pour ce que tu as fait.
- C'est bien normal. Je suis O négatif, je suis donneur universel. Même s'il n'avait pas été mon frère, j'aurais pu le sauver.
- Mais ce n'est pas ton frère !
Le moment est venu de tout révéler de notre enquête et de ses résultats. De connaître, enfin, la vérité, si tant est qu'ils la connaissent, l'hypothèse de l'échange à l'hôpital restant ouverte.
Une seule chose est sûre : François est mon frère.
Ai-je seulement fait quelque chose de bien dans ma vie ?
Non, je suis mauvaise langue. Il y a eu de bons moments, malgré tout...
Je peux me rappeler tout particulièrement de certains d'entre eux...
Mais je m'étais arrêté à l'ambulance, à la terrible décision que je devais prendre...
Non. Non, je ne peux pas, je ne veux pas revivre ce moment. C'est au-dessus de mes forces. Encore aujourd'hui, ce souvenir est par trop pénible. J'ai eu un avant-goût de l'enfer, entre l'infirmier qui me demandait mon sang peut-être porteur d'une terrible maladie, et mon frère qui se mourait sous mes yeux.
Non, c'est trop de douleur, trop d'horreur. Je ne veux pas me souvenir de cela.
Dois-je continuer ce retour en arrière ?
Je m'assois au bord, les jambes pendant dans le vide. Il ne pleut pas pour le moment. Le vent est brûlant, l'atmosphère pesante, la tension est palpable. L'orage va-t-il se déchaîner ici, ou passer au-dessus de moi pour éclater plus loin sur les terres ? Quelle importance, de toute manière.
Je vais reprendre plus loin. C'est encore ce qu'il y a de mieux à faire. Après une journée et une nuit de cauchemar, entre mon angoisse pour François et les questions de la police, que je n'ai pas pu beaucoup aider, j'ai été plus qu'occupé. Je n'ai d'ailleurs pas pu dormir de la nuit.
Le lendemain, les choses ont commencé à changer...
* 31 *
18 janvier 2009
Je vois ma mère entrer dans le hall, accompagnée de Marie, la mère de François. Je me lève pour les accueillir, mais, au lieu de dire bonjour à ma mère, la serre simplement dans mes bras.
- Oh, Jeremy, est-ce que tu vas bien ?
- Juste épuisé, maman, je n'ai pas pu dormir.
- Je vais te ramener à l'hôtel quand on en aura fini ici. Nous n'avons pas beaucoup dormi non plus, depuis ton coup de fil.
- Comment va-t-il ? Demande Marie.
- Son état s'est stabilisé, d'après ce qu'on m'a dit, mais il est dans le coma. Il va falloir attendre...
- Où est-il ?
- Soins intensifs, pas de visite. Tu peux toujours voir avec le médecin qui...
Marie s'est déjà précipitée vers l'accueil. Je la laisse se débrouiller, étouffant un bâillement.
- Que s'est-il passé ?
- Un chauffard nous a foncé dessus, j'ai pu esquiver la voiture juste à temps, mais François était derrière moi...
- Oh, mon dieu... mon dieu...
Elle me serre plus fort contre elle. Ma mère se rend compte à quel point j'ai frôlé la mort, et elle est bouleversée.
- Marie nous fait signe, lui dis-je.
Nous la rejoignons et la suivons jusqu'au bureau du médecin.
- Je suis la mère de François, comment va-t-il ?
Le docteur va pour demander qui peut bien être ce François, puis me reconnaît. Il a l'air fatigué, lui aussi.
- Il a toutes les chances de s'en sortir, madame. Son état est stabilisé, c'est un jeune homme robuste, mais il va falloir attendre.
- Merci docteur, merci beaucoup, fait Marie, soulagée.
- C'est son frère qu'il faut remercier.
- Quoi ?
- Votre fils a été gravement blessé et a perdu beaucoup de sang. Et son groupe sanguin est rare, pour tout dire, nous n'en avions pas en stock et nous n'aurions pas pu en faire venir à temps. Si son frère n'avait pas donné le sien, il serait mort.
Marie ouvre la bouche, la referme, je me souviens que François m'avait dit qu'il en avait parlé avec sa mère, de cette histoire de fraternité, mais qu'elle avait nié. Je la vois se décider à dire que je ne suis pas son frère, mais elle réalise alors pleinement que je lui ai sauvé la vie.
Oui, je lui ai sauvé la vie... en pleurant.
Je me secoue pour ne pas revenir à ce moment pénible.
J'ai fait un pari sur l'avenir. Que pouvais-je faire d'autre ? Le destin décidera. L'important, c'est qu'il va se remettre, sortir de cet hôpital, parler, aimer.
Et s'il est malade... il aura des années de sursis, des années qu'il n'aurait jamais eu.
Avais-je seulement le choix ? Quelqu'un d'autre, dans ma situation, aurait-il agi autrement ?
Les propos du médecin me font du bien, me confortant dans l'idée que j'ai pris la bonne décision. Mais ça a été la plus douloureuse que j'aie jamais prise.
Le médecin nous donne congé, et nous quittons l'hôpital. Je guide ma mère vers l'hôtel et m'enferme dans ma chambre, refusant toute discussion. Je m'effondre sur le lit, mais je sens que le sommeil va être long à venir.
Je me réveille en sursaut, échappant à un cauchemar qui fuit ma mémoire sans laisser la moindre trace. Tant mieux.
Je consulte l'heure et constate que j'ai dormi six heures. Suffisamment.
Hum... je voulais avoir une explication avec mes parents, et ça va être Marie et ma mère qui vont m'en demander. Mais j'ai la preuve. Il va être temps d'obtenir des réponses.
Je prends mon téléphone pour appeler ma mère, et sors de ma chambre après un brin de toilette pour la rejoindre.
- Marie va nous rejoindre dans quelques minutes. Tu vas mieux ?
- Oui, j'ai réussi à dormir, j'étais vraiment crevé.
- C'est compréhensible. Je suis vraiment désolée, mon chéri.
- Maman, arrrête de m'appeler mon chéri, j'ai dix-neuf ans, pas neuf.
- C'est venu tout seul, tu sais bien. Je ne m'habitue pas à te voir adulte.
- Ouais... va bien falloir un jour, quand même.
- Peut-être quand tu auras des cheveux blancs.
- Je vais les décolorer tout de suite, alors.
- Quelle horreur.
Retrouver les petites discussions sans le moindre sérieux que j'ai l'habitude d'avoir avec ma mère m'apaise. Elle doit bien s'en douter d'ailleurs, et je lui en suis reconnaissant.
Marie frappe à la porte, et je lui ouvre.
- Fran... Jeremy, pardon, je tiens à te remercier du fond du cœur pour ce que tu as fait.
- C'est bien normal. Je suis O négatif, je suis donneur universel. Même s'il n'avait pas été mon frère, j'aurais pu le sauver.
- Mais ce n'est pas ton frère !
Le moment est venu de tout révéler de notre enquête et de ses résultats. De connaître, enfin, la vérité, si tant est qu'ils la connaissent, l'hypothèse de l'échange à l'hôpital restant ouverte.
Une seule chose est sûre : François est mon frère.
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