26-05-2021, 10:26 PM
* 30 *
17 janvier 2009
Quel jour sommes-nous ?
Je regarde mon portable. Ah, samedi. Aujourd'hui... le rendez-vous à l'hôpital. Pas envie... tout ce que je veux, c'est dormir.
- Debout ! Aujourd'hui, on va enfin obtenir des réponses.
- T'es du matin, toi... mais pas moi ! Voilà une différence flagrante entre nous.
- C'est juste dans la tête, ça ! Répond-il en allumant la lumière.
- Sadique !
- Un peu de nerfs, tu boiras un grand bol de café et ça ira mieux.
- Mpfff...
Je me lève à regret, vais sous la douche, puis m'habille, remarquant qu'il n'y a plus de linge propre dans le sac. J'en fais la remarque à François.
- Ouais, va falloir le laver, il doit bien y avoir une laverie quelque part dans le coin, je m'en occuperai cet après-midi.
Ça commence à faire quelques jours que nous sommes là, et je m'inquiète de la note d'hôtel.
- On va en avoir pour cher, en hôtel. Tu as de quoi, sur ton compte ?
- Mes économies, ça peut aller encore, mon père m'avait ouvert un livret quand j'étais gamin et il a régulièrement mis de l'argent dessus, avec les intérêts c'est devenu pas mal. Et toi ?
- Euh, c'est moyen. Maman m'a mis de l'argent quand je suis parti, mais je ne tiendrai pas longtemps à ce rythme.
- Si tout se passe bien, c'est notre dernier jour, et on sera rentrés ce soir.
Après le petit déjeuner, nous prenons la voiture pour retourner à l'hôpital. Ce même hôpital où je suis allé pour mon traitement...
Hum...
François téléphone à la responsable qui avait accepté de nous voir. Elle avait déjà préparé son emploi du temps en prévision du résultat, et nous annonce qu'elle nous attend à onze heures.
- Que fait-on, en attendant ?
- Flânons un peu, mais non loin de l'hôpital.
Les heures s'étirent désespérément. Je ne peux qu'imaginer le virus qui croît dans mon organisme, encore indétectable... Je me fais violence. Je suis peut-être contaminé. Peut-être. Tout le monde ne l'est pas, loin de là, même si je suis tombé sur le cas typique du mec à risque. Bravo, Jerem. Je crois que je suis bien parti pour une dépression. Si je n'arrive pas à mettre ça de côté, je ne survivrai pas assez longtemps pour connaître les résultats. Une victime du sida potentiel, une variante fatale... bordel, quand je stresse, je me raconte vraiment n'importe quoi.
J'en reviens aux exercices de concentration auxquels je m'étais astreint avant de passer mon bac. Ma mère, qui me connais bien, m'avait conseillé - en insistant très fortement - de prendre des cours de yoga. Je crois que je l'ai maudite pour ses idées farfelues, mais en fin de compte, ce n'était pas si mal que ça. Je devrais m'y remettre, mais c'est un peu tard pour ça. Les gens ne sont pas prêts à la vision d'un gars qui fait ses exercices en pleine rue. Alors que je ne fais rien de mal, ils s'empresseraient d'appeler une équipe qui viendra me mettre une jolie camisole...
Hum, j'ai déjà dit que je raconte n'importe quoi ? Je suis vraiment, vraiment stressé.
- Allons-y, dit enfin François.
- Pas trop tôt...
- Ça va ? S'inquiète-t-il ?
- L'attente me tue.
- C'est fini, on va les avoir nos réponses.
- J'espère...
Nous traversons la rue - le feu vient de passer au rouge - lorsqu'une voiture change brusquement de file et grille le feu. Je la vois arriver et plonge en avant juste à temps - il est malade ce type !
Mais le son que j'ai entendu me noue l'estomac. Je fais volte-face et la scène que je découvre me remplit d'horreur.
- François !
Je me précipite vers mon frère qui gît au milieu de la rue, et pile net en voyant du sang s'écouler sur le bitume. Je suis tétanisé, imaginant déjà le pire... puis une pensée s'insinue au travers de ma paralysie. Il n'est pas mort, ce n'est pas possible, il a besoin de soins, d'urgence... les urgences... appeler !
Je sors de mon état de choc, prends mon téléphone, m'accroupissant auprès de mon frère. J'ai la gorge serrée.
Ce n'est pas possible, ce n'est tout simplement pas possible...
C'est un cauchemar, je vais me réveiller, je veux me réveiller...
Alors que nous sommes à côté de l'hôpital, j'ai l'impression que des heures s'écoulent. Des gens se sont attroupés autour de nous, puis des policiers ont dégagé la voie et rétabli la circulation - et j'entends enfin l'ambulance arriver. Mais tout ça est trop loin, je n'entends pas les questions, je ne vois pas les gens autour, je ne vois que mon frère, mon frère qui gît à terre. Des hommes se sont penchés sur lui, on m'a écarté de lui...
- Il est vivant ? Dites-moi qu'il est vivant !
- Oui. Faiblement, mais il vit. Allez, on l'emmène ! Dit l'homme en aidant ses collègues à le mettre sur un brancard.
- Je viens avec vous. C'est mon frère !
- D'accord.
Je monte dans l'ambulance et les regarde s'activer sur lui. J'écoute leurs commentaires, leurs ordres, de plus en plus glacé d'horreur. Il va mal, très mal.
- Quel est son groupe sanguin ?
Je me pose la question un moment avant de me souvenir que c'est mon frère jumeau. Il a le même sang que moi. Mes parents ont le même... Tiens, je n'avais pas pensé à ça... mais ce n'est pas le moment !
- O négatif.
- Ah, merde !
Je comprends sa réaction, c'est l'un des plus rares. Et non seulement ça, mais il n'est compatible qu'avec lui-même. On est donneur universels... mais on ne peut recevoir que notre groupe sanguin. Et vu qu'en France il y a pénurie chronique de sang...
Oh, non ! Non, pas ça !
Je suis de plus en plus glacé d'horreur. Je pourrais le sauver, l'aider, en lui donnant mon sang.
Et le condamner, par la même occasion. Peut-être.
- Vous êtes son frère, vous m'avez dit ? Vous avez le même groupe sanguin ?
Que faire ? Que dire ? Si seulement je savais ! Si seulement je n'avais pas fait le con...
17 janvier 2009
Quel jour sommes-nous ?
Je regarde mon portable. Ah, samedi. Aujourd'hui... le rendez-vous à l'hôpital. Pas envie... tout ce que je veux, c'est dormir.
- Debout ! Aujourd'hui, on va enfin obtenir des réponses.
- T'es du matin, toi... mais pas moi ! Voilà une différence flagrante entre nous.
- C'est juste dans la tête, ça ! Répond-il en allumant la lumière.
- Sadique !
- Un peu de nerfs, tu boiras un grand bol de café et ça ira mieux.
- Mpfff...
Je me lève à regret, vais sous la douche, puis m'habille, remarquant qu'il n'y a plus de linge propre dans le sac. J'en fais la remarque à François.
- Ouais, va falloir le laver, il doit bien y avoir une laverie quelque part dans le coin, je m'en occuperai cet après-midi.
Ça commence à faire quelques jours que nous sommes là, et je m'inquiète de la note d'hôtel.
- On va en avoir pour cher, en hôtel. Tu as de quoi, sur ton compte ?
- Mes économies, ça peut aller encore, mon père m'avait ouvert un livret quand j'étais gamin et il a régulièrement mis de l'argent dessus, avec les intérêts c'est devenu pas mal. Et toi ?
- Euh, c'est moyen. Maman m'a mis de l'argent quand je suis parti, mais je ne tiendrai pas longtemps à ce rythme.
- Si tout se passe bien, c'est notre dernier jour, et on sera rentrés ce soir.
Après le petit déjeuner, nous prenons la voiture pour retourner à l'hôpital. Ce même hôpital où je suis allé pour mon traitement...
Hum...
François téléphone à la responsable qui avait accepté de nous voir. Elle avait déjà préparé son emploi du temps en prévision du résultat, et nous annonce qu'elle nous attend à onze heures.
- Que fait-on, en attendant ?
- Flânons un peu, mais non loin de l'hôpital.
Les heures s'étirent désespérément. Je ne peux qu'imaginer le virus qui croît dans mon organisme, encore indétectable... Je me fais violence. Je suis peut-être contaminé. Peut-être. Tout le monde ne l'est pas, loin de là, même si je suis tombé sur le cas typique du mec à risque. Bravo, Jerem. Je crois que je suis bien parti pour une dépression. Si je n'arrive pas à mettre ça de côté, je ne survivrai pas assez longtemps pour connaître les résultats. Une victime du sida potentiel, une variante fatale... bordel, quand je stresse, je me raconte vraiment n'importe quoi.
J'en reviens aux exercices de concentration auxquels je m'étais astreint avant de passer mon bac. Ma mère, qui me connais bien, m'avait conseillé - en insistant très fortement - de prendre des cours de yoga. Je crois que je l'ai maudite pour ses idées farfelues, mais en fin de compte, ce n'était pas si mal que ça. Je devrais m'y remettre, mais c'est un peu tard pour ça. Les gens ne sont pas prêts à la vision d'un gars qui fait ses exercices en pleine rue. Alors que je ne fais rien de mal, ils s'empresseraient d'appeler une équipe qui viendra me mettre une jolie camisole...
Hum, j'ai déjà dit que je raconte n'importe quoi ? Je suis vraiment, vraiment stressé.
- Allons-y, dit enfin François.
- Pas trop tôt...
- Ça va ? S'inquiète-t-il ?
- L'attente me tue.
- C'est fini, on va les avoir nos réponses.
- J'espère...
Nous traversons la rue - le feu vient de passer au rouge - lorsqu'une voiture change brusquement de file et grille le feu. Je la vois arriver et plonge en avant juste à temps - il est malade ce type !
Mais le son que j'ai entendu me noue l'estomac. Je fais volte-face et la scène que je découvre me remplit d'horreur.
- François !
Je me précipite vers mon frère qui gît au milieu de la rue, et pile net en voyant du sang s'écouler sur le bitume. Je suis tétanisé, imaginant déjà le pire... puis une pensée s'insinue au travers de ma paralysie. Il n'est pas mort, ce n'est pas possible, il a besoin de soins, d'urgence... les urgences... appeler !
Je sors de mon état de choc, prends mon téléphone, m'accroupissant auprès de mon frère. J'ai la gorge serrée.
Ce n'est pas possible, ce n'est tout simplement pas possible...
C'est un cauchemar, je vais me réveiller, je veux me réveiller...
Alors que nous sommes à côté de l'hôpital, j'ai l'impression que des heures s'écoulent. Des gens se sont attroupés autour de nous, puis des policiers ont dégagé la voie et rétabli la circulation - et j'entends enfin l'ambulance arriver. Mais tout ça est trop loin, je n'entends pas les questions, je ne vois pas les gens autour, je ne vois que mon frère, mon frère qui gît à terre. Des hommes se sont penchés sur lui, on m'a écarté de lui...
- Il est vivant ? Dites-moi qu'il est vivant !
- Oui. Faiblement, mais il vit. Allez, on l'emmène ! Dit l'homme en aidant ses collègues à le mettre sur un brancard.
- Je viens avec vous. C'est mon frère !
- D'accord.
Je monte dans l'ambulance et les regarde s'activer sur lui. J'écoute leurs commentaires, leurs ordres, de plus en plus glacé d'horreur. Il va mal, très mal.
- Quel est son groupe sanguin ?
Je me pose la question un moment avant de me souvenir que c'est mon frère jumeau. Il a le même sang que moi. Mes parents ont le même... Tiens, je n'avais pas pensé à ça... mais ce n'est pas le moment !
- O négatif.
- Ah, merde !
Je comprends sa réaction, c'est l'un des plus rares. Et non seulement ça, mais il n'est compatible qu'avec lui-même. On est donneur universels... mais on ne peut recevoir que notre groupe sanguin. Et vu qu'en France il y a pénurie chronique de sang...
Oh, non ! Non, pas ça !
Je suis de plus en plus glacé d'horreur. Je pourrais le sauver, l'aider, en lui donnant mon sang.
Et le condamner, par la même occasion. Peut-être.
- Vous êtes son frère, vous m'avez dit ? Vous avez le même groupe sanguin ?
Que faire ? Que dire ? Si seulement je savais ! Si seulement je n'avais pas fait le con...
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