CHAPITRE CXIX
''novum scaena''
''novum scaena''
Trois semaines ! Trois putain de semaines !! Burydan crut qu'il allait mourir... et Rhonin aussi... peut-être même plus encore que son maître...
Ce n'était pas le mal de mer, cette fois. Burydan tanguait avec le bateau et avait appris à son blondinet à faire pareil. Non, c'était bien pire.
Ils n'avaient pas trouvé une seule minute pour faire l'amour. Ou plutôt pas un seul endroit assez discret pour ça. Les voyageurs sur le bateau dormaient tous dans la même pièce dans des hamacs, et il y avait tellement de passagers et de marins qu'il n'y avait aucun endroit où on pouvait se retrouver seul... ou même à deux... mis à part quelques bisous discrets et quelques caresses furtives, ils étaient tous les deux... affamés...
Mais, Poss et Idon soient loués, ils arrivèrent enfin. Les marins s'affairèrent sur le pont, de forts gaillards sur le quai tirèrent sur les amarres à grand renfort de
- Magg Veï ! (1)
et enfin, le bateau s'arrêta. La passerelle fut mise en place et Burydan, Rhonin, Arion et les deux autres chevaux descendirent. Ils étaient dans le port de Londinium, le plus grand de tout Mesmera. Le quai s'étendait sur des centaines de toises et des bateaux de toutes formes et de tous tonnages se balançaient mollement au rythme de la marée, déversant des quantités impressionnantes de marchandises qui allaient bientôt achalandées les étals de toutes les boutiques et échoppes de la vile et même de toute l'île, Londinium étant l'une des plaques tournantes du commerce mesmérien.
Contrairement à Siméria, et à la plupart des autres îles de Genesia, Mesmera n'était pas composée de plusieurs royaumes mais était un empire. L'imperator de Mesmera, Flavius, dirigeait cet empire, divisé en différentes provinces. Il était réputé pour être un empereur sévère mais juste, et moins sanguinaire que ses prédécesseurs. Dans le journal de son maître, Burydan avait lu des histoires sur les anciens empereurs de Mesmera qui lui avait donné la nausée.
Le seul problème de Mesmera, selon Gershaw, était l'esclavage. Certes, il existait dans tous les royaumes de Genesia, et Burydan avait lui-même son propre esclave (qui était bien plus pour lui) mais tous les peuples vaincus par l'armée mesmérienne lors de la constitution de l'empire avait été réduit en esclavage. Du plus haut dignitaire, qui pouvait posséder plusieurs dizaines d'esclave, jusqu'au plus modeste qui pouvait en posséder un ou deux, toute l'économie reposait sur le travail des ces gens, relégués au rang de marchandise, vendus, achetés et revendus...
Burydan et Rhonin se dirigèrent vers la succursale Grinn'Gotts. Et elle était immense et directement face au port. Une foule de voyageurs formait déjà une longue file et tous les guichetiers s'affairaient.
Après de longuissimes minutes, ce fut enfin le tour de Burydan.
- Bastyglia. Duiter dos crystinya, kertigua ?
Burydan remit les mots dans l'ordre et se rappela les cours de mesmérien de son maître. Il traduisit :
- Bonjour. Peux-je vous aider, monsieur ?
- Bastyglia, dit Burydan, oï gristek nemerset in tec astrium fricas meat y breviscat pissicot axis...
(Je vais me permettre de traduire en français, le mesmérien n'étant parlé qu'à 2600 années lumière de notre planète, NdT)
- Bonjour, dit Burydan, je voudrais retirer de mon coffre un peu d'astrium et changer mes pièces...
- Bien sûr monsieur. Quelle monnaie voulez-vous changer ?
- Des simeris.
- Très bien.
Burydan déposa les pièces qui lui restaient et le guichetier les compta.
- Quel est le taux de change ?
- Un simeris vaut 1,02 mesmerion.
Une fois les pièces comptées, la conversion faite, le guichetier reprit :
- Vous avez en tout 80 mesmérions, 24 fidélis et 51 jumeliers. Vous en faut-il plus ?
- Oui da. Je voudrais 200 mesmérions.
- Très bien. Avez-vous une lettre de change ?
Burydan lui tendit le papier.
- Parfait. Pouvez-vous me donner votre mot de passe afin de vérifier que cette lettre est bien à vous...
- Vous êtes le premier à me le demander...
- Normalement il faut le faire à chaque fois... du moins, si vous ne connaissez pas le client...
- Darren, dit Burydan.
- Plaît-il ?
- Le mot de passe... Darren...
Le guichetier décrypta le mot codé, vit que c'était bien ''Darren'', donna 200 pièces à Burydan et lui refit une lettre de change avec son nouveau solde en mesmérions.
Burydan et Rhonin ressortirent et, alors qu'ils étaient à la recherche d'une auberge :
- Maître, peux-je vous poser une question ?
- Bien sûr bébé...
- C'est qui Darren ?
Burydan se figea et blêmit. Il garda le silence quelques temps et répondit, d'une voix sourde :
- C'était un garçon que j'ai aimé à perdre la raison... et que j'aime encore... et que j'aimerai toujours...
- Ah, dit Rhonin, avec une petite note de jalousie dans la voix. Pourquoi n'êtes-vous pas avec lui ?
- Il est mort.
- Oh, je suis désolé, maître.
- Pas tant que moi, bébé, pas tant que moi...
- Mais, comment est-il...
- Une autre fois, veux-tu ?
- -Bien sûr maître.
Ils trouvèrent enfin, dans une rue calme, une belle auberge. Elle s'appelait ''Le crapaud amoureux''. Dés qu'ils mirent pied à terre, un palefrenier, grand et dégingandé comme tous les palefreniers, vint à leur rencontre.
- Bonjour messieurs. Vous allez gîter à l'auberge.
- Si elle est bien et pas trop chère...
- Elle est très bien... mais chère... ça dépend de votre bourse... mais vu vos beaux chevaux et les belles selles, ça ne devrait pas poser de problème pour vous...
- Que tu crois, dit Burydan en riant, on a mis toutes nos pécunes là-dedans.
Burydan lui lança une pièce et ils entrèrent dans l'auberge.
Derrière un comptoir, où trônait un énorme crapaud en plâtre avec des yeux enamourés et soufflant sur une primula (2), se trouvait une femme ronde... de partout... un visage rond, des tétins ronds et un ventre rond. Haute comme trois appurus elle vint à la rencontre des deux voyageurs.
- La bienvenue à vous, messieurs. Je me nomme Nymphadora et suis la tenancière de céans. C'est pour boire, manger ou gîter ?
- Les trois, madame...
Nymphadora rougit d'être ainsi madamée par un si bel homme. Lapant ce compliment comme petit lait elle lui fit son plus grand sourire.
- Inutile de me madamer, mon gentilhomme. Vous et votre... votre ?
- Page... mon petit page...
- Vous et votre petit page êtes tant beaux que cela embellit les murs de mon humble auberge... Alors, une ou deux chambres ?
- Une.
Nymphadora sourit.
- Très bien.
- Et la meilleure...
- Toutes mes chambres sont...
- Excellentes, la coupa Burydan, je n'en doute pas, mais si cette chambre pouvait avoir une salle d'eau, un lit deux places et des commodités privatives, ce serait parfait.
- Ah, j'ai une chambre comme celle-là, mais elle coûte deux fois le prix d'une simple...
- L'astrium n'est pas un problème...
- Ah voilà un client comme je les aime ! Bellatrix ! Bellatrix !!
- Oui maîtresse...
- Ah, mène ces gentilshommes à la chambre du quatrième...
- Bien maîtresse.
- Laisse, dit Burydan alors que la drôlette voulait prendre leurs bagues, nous allons le faire nous-mêmes.
- La grand merci à vous, messieurs...
La chambre était spacieuse et proprette, un grand lit, une armoire, une commode, une table avec deux chaises, une salle d'eau, et le commodités sur le palier.
Bellatrix faisait bouffer les oreillers.
- Messieurs ont-ils tout ce qui leur faut ?
- Pourrais-tu, ma jolie, nous amener un pichet de picrate rouge premier choix, un pichet d'eau et deux gobelets ?
- Oui monsieur...
Bellatrix revint quand Burydan et Rhonin avaient fini de ranger leurs affaires.
- Merci Bellatrix. A partir de quelle heure peut on dîner céans ?
- Eh bien à partir de maintenant, monsieur...
- Parfait. Peut-on manger dans notre chambre ?
- Uniquement un repas froid, dans ce cas.
- Ce sera parfait.
Bellatrix revint quelques minutes plus tard, les bras chargés d'un grand plateau garni.
Burydan lui prit le plateau des mains et le posa sur la table.
- Merci à toi, Bellatrix...
- Vous pouvez m'appeler juste Bella, si vous le voulez...
- -Très bien... Bella...
Burydan lui sourit, mais Bella ne bougeait pas, les yeux baissés, les mains trémulantes.
- Il y a un problème, Bella ?
- Ma... ma maîtresse m'a dit d'être... aux petits soins pour vous...
- Eh bien c'est très prévenant de sa part...
- Aussi, je voudrais savoir si monsieur veut que je revienne... cette nuit...
- Que tu reviennes cette nuit ? Pour quoi faire ?
Bella rougit et Burydan comprit.
- Oh, je vois... tu es très jolie, Bella, vraiment très jolie, mais je n'ai point appétit à cela... et mon petit page non plus...
- Très bien messieurs... dit la mignonne, soulagée.
Après une petite révérence elle partit.
Rhonin, qui ne parlait pas mesmérien et n'avait pas compris ce qu'avait dit Bella, regardait son maître avec de grands yeux où brillait un petit feu. Et Burydan savait très bien ce que voulait dire ce petit feu.
Rhonin s'approcha de lui et passa ses bras fluets autour de son cou. Il se mit sur la pointe des pieds et déposa un petit poutoune sur les lèvres de Burydan. Puis un deuxième, un peu plus appuyé et humide, et au troisième baiser ils étaient enlacés et s'embrassaient à pleine bouche.
Leurs langues s'emmêlaient avec volupté, les corps se rapprochèrent encore et Burydan sentit les doigts de son minet qui commençaient à le déshabiller.
- Attends, bébé, attends... dit il en attrapant Rhonin par les poignets.
- Vous... vous n'avez pas envie, maître ?
Burydan sourit et prit une des mains de Rhonin pour la poser sur son entrejambe. La bosse qui déformait le devant de son pantalon ne laissait aucune équivoque sur le fait que si, il en avait envie.
- J'ai envie de toi, bébé... je crève d’envie de te faire l'amour depuis trois semaines... Mais d'abord nous allons prendre un bain...
- Un bain, maître ?
- Oui, un bain... parce que je ne sais pas pour toi, mais trois semaines de toilette à l'eau de mer... je me sens puant, crasseux et couvert de sel. Donc un bain, un barbier et ensuite...
- Ensuite, maître ?
- Ensuite, petit minet lubrique, je te besognerai jusqu'à ce que tu t’évanouisses de plaisir...
Ils descendirent.
- Nymphadora, où se trouvent les étuves les plus proches ? demanda Burydan
- Les quoi ?
- Les étuves...
- Que Hodin me foudroie si je sais ce que sont des ''étuves''
- Eh bien un endroit où on peut prendre un bain...
- Ah, les thermes ! Alors là, messire, vous n'avez que l'embarras du choix... vous avez les grands thermes de la ville et beaucoup de petits thermes privés, où l'eau est plus chaude, plus propre, l'estuvière plus accorte et caressante, mais évidemment les ablutions y sont plus chères...
- Et où se trouvent ces lieux de délice et de perdition les plus proches ?
- La deuxième à senestre en sortant à dextre de l'auberge, messire...
Burydan et Rhonin se lavèrent avec application. Leur savonnage mutuel se transforma rapidement en caresses sensuelles qui firent brûler leurs corps de désir. Burydan du se faire violence pour ne pas jeter son minet au sol et le prendre comme une bête.
Une fois lavés et rasés de frais ils revinrent à l'auberge. Ils montèrent quatre à quatre les escaliers et, la porte de leur chambre à peine refermée, ils se jetèrent l'un sur l'autre.
(1) Magg Veï[ : mesmérien, synonyme de ''Ho Hisse !''
[b](2) Primula [/b]: plante dont les fleurs sont à cœur jaune et à pétales le plus souvent blancs. Très semblable à la marguerite.