26-03-2021, 11:21 PM
9 - Yann : Amertume
Il est tard - minuit est passé depuis un bon moment déjà, mais je ne trouve pas le sommeil. Je repense à la journée d'hier, passée avec mon amour. Au dernier baiser que nous avons échangé, aux larmes retenues. Laurent, grâce à qui j'ai pu découvrir la beauté de l'amour et comprendre qu'il ne peut être sale comme certains le prétendent. Lui qui m'a dit, aussi, que les choix que je faisais pour ma vie devaient être avant tout les miens et non ceux des autres. J'ai compris que je devais vivre pour moi et non en vertu des dictats de mes parents.
De ces deux choses - amour et émancipation - j'ai pu tirer la force de rejeter ce que j'avais appris et ouvrir mon cœur comme il aspirait à l'être. J'aime les hommes, oui. Jamais cela n'a été un choix, il en a tout simplement été ainsi, malgré le temps et les souffrances, rien n'a changé en moi, et pour cause. Je suis tel que je suis.
J'ai vécu un bonheur fou, mais cette période heureuse va devoir être mise entre parenthèses pendant un moment. Ces quelques années de fac dans des villes différentes vont être dures à supporter, mais la promesse que nous nous reverrons nous aidera à passer le temps. Sans qu'il y ait même un doute infime dans nos esprits, nous savons qu'elle sera tenue.
Notre amour a cette force.
Malgré tout, ça n'aurait pas dû se passer comme ça. Nous avions encore du temps devant nous, nous aurions pu encore nous voir. Maudits soient Steve, Michel et toute sa bande.
Surtout Michel d'ailleurs, ce foutu homophobe. Quelle bêtise de l'avoir considéré comme ami ! J'ai vraiment été con à cette époque. Et maintenant, il se met en travers de nous, nous le craignons lui et sa bande, et nous ne pouvons plus nous voir. Je le hais pour ça. J'éprouve une telle colère, en fait, que je serais bien capable de le tuer s'il débarquait dans ma chambre.
Il faut que je me calme, ou je vais passer une nuit blanche. Ça ne sert à rien de ressasser tout ça. Je ne peux rien changer. Être gay implique de vivre dans la peur qu'un malade nous prenne pour cible. Mais nous ne sommes pas les seuls à souffrir ainsi. Le problème est général. Les femmes craignent les viols, les parents vivent dans la peur qu'un tordu s'en prennent à leurs enfants, les faibles rasent les murs, et les forts font leur loi. Quelque chose a-t-il vraiment changé depuis la préhistoire ? La civilisation n'est-elle qu'une illusion ? Je pense sincèrement que oui.
Sous le vernis craquelé de la civilisation et de la culture se cache toujours un barbare. Dès que la loi faiblit, les hordes sauvages surgissent et font régner la peur.
L'homme a toujours aimé faire souffrir les faibles, c'est dans sa nature, et à l'échelle d'une population, une minorité est un faible.
Voilà que je philosophe à deux heures et demie du matin, c'est pas gagné, mais au moins, ma colère s'est calmée. Mieux vaut que je cesse de faire chauffer mes méninges et que je tente de trouver le sommeil.
Sommeil qui finit par venir subrepticement, ce qui fait que j'ai un moment de surprise en rouvrant les yeux et en voyant la lumière du jour filtrer à travers les volets.
Je m'étire dans mon lit et bâille. Voilà. Je ne reverrai plus Laurent cette année.
Ou comment me déprimer d'office dès ma première pensée. Mais il a raison, nous mettre en danger serait stupide.
- C'est juste que je l'aime tellement...
- Yann ?
La voix de mon frère, de l'autre côté de ma porte, me fait sursauter.
- Oui ?
- Je peux entrer ?
- C'est bon.
Stef entre et s'assoit au pied de mon lit.
- Ça va, mon petit Yann ?
La formule me fait toujours sourire.
- Je commence à te rattraper, tu sais.
- Ouais, plus que deux centimètres, faudrait penser à arrêter de grandir, t'as passé l'âge.
- Bientôt, ce sera toi le petit frère.
- Compte là-dessus ! Je mettrai des talonnettes.
Je ris. L'image qui m'est venue à l'esprit est tout simplement ridicule.
- Ça va ? Me redemande-t-il.
- Bof... tout quitter... c'est dur.
- Oui, je te comprends. Lisa et moi, on va se prendre un studio à deux.
- C'est vrai ?! C'est super, ça !
- Oui, plutôt. Mais toi, ta copine ?
- Hein ?
- Je t'ai entendu en passant devant ta porte.
- Ah...
Ouh là, j'avais oublié mon mensonge moi. Il faut que je brode là-dessus, et vite.
Je décide de simplement travestir la réalité, tout comme j'ai travesti Laurent pour en faire une copine anonyme.
- Bah c'est fini entre nous.
- Je suis désolé, Yann.
- De toute façon, elle reste là tandis que je pars...
Mon soupir, lui, n'est pas feint.
- Tu l'aimes toujours, n'est-ce pas ?
- Oui !
- Alors ne perds pas espoir.
Je secoue la tête. Je sais que je reverrai Laurent, c'est juste que la séparation va être cruelle.
- Et si ça ne va pas, je pourrai toujours te dégoter une copine, plaisante-t-il.
Là, je ris franchement.
- Merci, mais je me débrouillerai seul.
- Tu sais que tu peux compter sur moi si ça va pas.
- Oui, merci Stef.
- Allez, papa veut qu'on commence à préparer les premiers cartons.
- Déjà ?
- Oui, déjà.
- Pffff...
Il est tard - minuit est passé depuis un bon moment déjà, mais je ne trouve pas le sommeil. Je repense à la journée d'hier, passée avec mon amour. Au dernier baiser que nous avons échangé, aux larmes retenues. Laurent, grâce à qui j'ai pu découvrir la beauté de l'amour et comprendre qu'il ne peut être sale comme certains le prétendent. Lui qui m'a dit, aussi, que les choix que je faisais pour ma vie devaient être avant tout les miens et non ceux des autres. J'ai compris que je devais vivre pour moi et non en vertu des dictats de mes parents.
De ces deux choses - amour et émancipation - j'ai pu tirer la force de rejeter ce que j'avais appris et ouvrir mon cœur comme il aspirait à l'être. J'aime les hommes, oui. Jamais cela n'a été un choix, il en a tout simplement été ainsi, malgré le temps et les souffrances, rien n'a changé en moi, et pour cause. Je suis tel que je suis.
J'ai vécu un bonheur fou, mais cette période heureuse va devoir être mise entre parenthèses pendant un moment. Ces quelques années de fac dans des villes différentes vont être dures à supporter, mais la promesse que nous nous reverrons nous aidera à passer le temps. Sans qu'il y ait même un doute infime dans nos esprits, nous savons qu'elle sera tenue.
Notre amour a cette force.
Malgré tout, ça n'aurait pas dû se passer comme ça. Nous avions encore du temps devant nous, nous aurions pu encore nous voir. Maudits soient Steve, Michel et toute sa bande.
Surtout Michel d'ailleurs, ce foutu homophobe. Quelle bêtise de l'avoir considéré comme ami ! J'ai vraiment été con à cette époque. Et maintenant, il se met en travers de nous, nous le craignons lui et sa bande, et nous ne pouvons plus nous voir. Je le hais pour ça. J'éprouve une telle colère, en fait, que je serais bien capable de le tuer s'il débarquait dans ma chambre.
Il faut que je me calme, ou je vais passer une nuit blanche. Ça ne sert à rien de ressasser tout ça. Je ne peux rien changer. Être gay implique de vivre dans la peur qu'un malade nous prenne pour cible. Mais nous ne sommes pas les seuls à souffrir ainsi. Le problème est général. Les femmes craignent les viols, les parents vivent dans la peur qu'un tordu s'en prennent à leurs enfants, les faibles rasent les murs, et les forts font leur loi. Quelque chose a-t-il vraiment changé depuis la préhistoire ? La civilisation n'est-elle qu'une illusion ? Je pense sincèrement que oui.
Sous le vernis craquelé de la civilisation et de la culture se cache toujours un barbare. Dès que la loi faiblit, les hordes sauvages surgissent et font régner la peur.
L'homme a toujours aimé faire souffrir les faibles, c'est dans sa nature, et à l'échelle d'une population, une minorité est un faible.
Voilà que je philosophe à deux heures et demie du matin, c'est pas gagné, mais au moins, ma colère s'est calmée. Mieux vaut que je cesse de faire chauffer mes méninges et que je tente de trouver le sommeil.
Sommeil qui finit par venir subrepticement, ce qui fait que j'ai un moment de surprise en rouvrant les yeux et en voyant la lumière du jour filtrer à travers les volets.
Je m'étire dans mon lit et bâille. Voilà. Je ne reverrai plus Laurent cette année.
Ou comment me déprimer d'office dès ma première pensée. Mais il a raison, nous mettre en danger serait stupide.
- C'est juste que je l'aime tellement...
- Yann ?
La voix de mon frère, de l'autre côté de ma porte, me fait sursauter.
- Oui ?
- Je peux entrer ?
- C'est bon.
Stef entre et s'assoit au pied de mon lit.
- Ça va, mon petit Yann ?
La formule me fait toujours sourire.
- Je commence à te rattraper, tu sais.
- Ouais, plus que deux centimètres, faudrait penser à arrêter de grandir, t'as passé l'âge.
- Bientôt, ce sera toi le petit frère.
- Compte là-dessus ! Je mettrai des talonnettes.
Je ris. L'image qui m'est venue à l'esprit est tout simplement ridicule.
- Ça va ? Me redemande-t-il.
- Bof... tout quitter... c'est dur.
- Oui, je te comprends. Lisa et moi, on va se prendre un studio à deux.
- C'est vrai ?! C'est super, ça !
- Oui, plutôt. Mais toi, ta copine ?
- Hein ?
- Je t'ai entendu en passant devant ta porte.
- Ah...
Ouh là, j'avais oublié mon mensonge moi. Il faut que je brode là-dessus, et vite.
Je décide de simplement travestir la réalité, tout comme j'ai travesti Laurent pour en faire une copine anonyme.
- Bah c'est fini entre nous.
- Je suis désolé, Yann.
- De toute façon, elle reste là tandis que je pars...
Mon soupir, lui, n'est pas feint.
- Tu l'aimes toujours, n'est-ce pas ?
- Oui !
- Alors ne perds pas espoir.
Je secoue la tête. Je sais que je reverrai Laurent, c'est juste que la séparation va être cruelle.
- Et si ça ne va pas, je pourrai toujours te dégoter une copine, plaisante-t-il.
Là, je ris franchement.
- Merci, mais je me débrouillerai seul.
- Tu sais que tu peux compter sur moi si ça va pas.
- Oui, merci Stef.
- Allez, papa veut qu'on commence à préparer les premiers cartons.
- Déjà ?
- Oui, déjà.
- Pffff...
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Série des secrets : One shots La saga d'outremonde (fantastique avec des personnages gays)
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