09-03-2021, 05:42 PM
CHAPITRE CXIV
''Commercium''
''Commercium''
- Monsieur de Malkchour, votre duel avec mon maître d'arme était un pur ravissement pour les yeux. Et comment avez-vous trouvé ma façon de tirer l'épée ?
- Plutôt mauvaise, sire...
Plusieurs courtisans, qui avaient entendu la question et surtout la réponse, se tournèrent vivement vers lui, les yeux ronds.
- Pardon ? dit le roi en rougissant.
- Sire, vous commettez de nombreuses erreurs, baissez quant et quant votre garde, vous fendez trop ou pas assez et ne vous concentrez pas suffisamment. Dans un vrai duel je vous aurais tué en trente secondes....
Le roi regarda Burydan, surpris, puis un sourire étira ses lèvres :
- C'est... rafraîchissant ?
- Quoi donc, sire ?
- Votre franchise, monsieur de Malkchour. Vous ne pimpelochez pas vos pensées et ne cherchez à savoir quoi me dire pour me plaire...
- J'essaie juste d'être sincère, sire...
- C'est bien ce que je dis... donc ma façon de tirer est... pitoyable...
- Je n'irai pas jusque là... disons que si vous corrigiez quelques erreurs vous deviendriez un excellent bretteur.
- Il me faudrait un nouveau maître d'arme ?
- Peut-être, en effet...
- Un maître d'arme qui me dirait sans façon là ou je pèche ?
- Peut-être en effet...
Le roi un un petit sourire en coin.
- Un maître d'arme... comme vous en sommes... la place de Malikaï vous attend, messire de Malkchour...
- Je suis au regret de devoir refuser, sire...
- Plaît-il ? dit le roi.
- Sire, j'ai promis à mon maître, sur son lit de mort, de n’enseigner l'épée qu'à celui qui deviendrait mon élève. Mon seul élève. Alors, à moins que votre majesté ne souhaite renoncer au trône pour devenir épéiste...
Le roi n'avait pas l'habitude qu'on lui dise non.
- C'est inhabituel qu'on refuse ce genre de proposition... surtout quand on sait les titres et pécunes qui vont avec la charge de maître d'arme du roi... mais je respecte un homme qui tient sa parole. C'est de plus en plus rare de nos jours...
Burydan fit un profond salut au roi.
- Où gîtez vous, messire de Malkchour ?
- Le frère de votre capitaine as eu la gentillesse de m’accueillir.
- Et vous restez...
- Encore un ou deux jours, sire, je suis sur le départir pour Haï'Fone.
- Et vous mesurez au maître d'arme de mon frère le roi Mac'intosh ?
- En effet, sire...
- Messire de Malkchour, rendez moi un service...
- Ordonnez sire...
- Ne partez que dans trois jours...
- Euh... très bien... dit Burydan, déconcerté par cette étrange demande.
- Et présentez moi le frère du capitaine des mes gardes...
Burydan avisa Dolf et sa famille qui, dans un coin, totalement ignorés par les courtisans, se morfondaient. Burydan leur fit signe d'approcher. Dolf rougit, Candela blêmit, la respiration d'Esmée devint chaotique et Rhonin écarquilla les yeux.
Dolf et Rhonin se génuflexèrent, Esmée et Candela firent une très belle révérence.
- Sire, dit Burydan, j'ai le plaisir de vous présentez monsieur Dolf Dietriech, sa femme Esmée, sa fille Candela... et ce petit blond est mon page, Rhonin...
- Soyez les très bienvenus. Monsieur Dietriech, votre frère est un fidèle serviteur depuis des années et je suis sûr que vous même êtes un loyal sujet... Quel métier exercez-vous ?
- Je suis marchand, sire...
- Marchand ? Comme c'est pittoresque... et que vendez-vous ?
- Je suis un importateur de produits exotiques...
- C'est à dire ?
- C'est à dire, sire, que j'achète des produits étrangers de toute sorte dans tout Genesia et les revends ici...
- Vraiment ? Ma mie, avez-vous ouï ?
La reine, en grande discussion avec quatre hautes dames, se dirigea avec grâce vers son royal époux :
- Quoi donc, mon ami ?
- Monsieur Dietriech, le frère du capitaine de ma garde, est un importateur de produits exotiques... venant de tout Genesia... vous qui êtes friande de ces articles...
Le reine posa un milliers de question à Dolf, lui demandant s'il possédait tel ou tel article qu'elle désespérait de trouver et, comme Oli', Dolf semblait on ne peut mieux achalandé.
La reine, ravie, s’adressa à son mari :
- Mon ami, je ne comprends pas pourquoi monsieur Dietriech ne fait pas partie de nos fournisseurs... Il a tout...
- Je ne comprends pas non plus... monsieur de Genièvre !
Un homme aussi haut que large approcha.
- Sire ?
- Ah, monsieur mon intendant, avez-vous entendu parler de la boutique de monsieur Dietriech ?
- Oui, sire.
- Et qu’en dit-on ?
- Que des bonnes choses, sire, notamment que l'on peut y trouver à peu près tout ce qu'on désire et qu'on ne trouve pas ailleurs...
- Et pourtant monsieur Dietriech n'est pas un des fournisseurs du palais...
- Sire, dit monsieur de Genièvre, mal à l'aise, il y a tellement de fournisseurs que...
- ...que monsieur Dietriech ne vous a pas suffisamment graissé le poignet (1) pour devenir un fournisseur officiel...
- Oh, sire...
- Mais voilà une erreur que nous allons rhabiller. Monsieur Dietriech, sa gracieuse majesté la reine et moi-même ne tarderons pas à vous rendre visite dans votre boutique...
Le roi avait dit ça d'une voix forte. Murmures parmi les courtisans. Dolf remercia le roi et la reine et à peine s'était-il éloigné un petit qu'une marée de courtisans déferla sur lui pour savoir où se trouvait sa boutique, car les hauts seigneurs doivent se fournir là où se fournit le roi.
Burydan laissa Dolf à ses affaires et slaloma entres les courtisans et les hautes dames, remarquant quelques œillades assassines de ces archi-coquettes. Rhonin, cheminant aux côtés de son maître, ne perdait par une miette du spectacle de tous ces hommes et de toutes ces femmes aux beaux habits, aux beaux bijoux et tellement enflés d'eux-même qu'ils étaient sans doute sur le point d'éclater...
Voyant que Dolf était enfin délivré de ses futurs nouveaux clients, Burydan décida qu'il était tant de partir. Ils se présentèrent tous devant le couple royal pour quérir leur congé. Génuflexion, baisers sur l'anneau du roi et sur le bas de la robe de la reine, trois profonds saluts à reculons et ils sortirent enfin du palais et retournèrent au logis. A peine arrivés, Dolf donna une forte brassée à Burydan.
- Oh merci, merci, merci mon ami. Le roi va devenir un de mes clients. Et les hauts seigneurs de la cour aussi. Et les bourgeois étoffés, voyant toute la cour défiler chez moi, vont y venir aussi. Burydan de Malkchour, tu viens de faire de moi le plus heureux des hommes...
- Je croyais que c'était de m'avoir épousée qui faisait de vous le plus heureux des hommes, dit Esmée avec une moue.
- Ma mie, pardonnez moi. Vous avoir comme épouse est la plus belle chose qui me soit arrivé. Et grâce à Burydan, je pourrai vous montrer mon affection en vous couvrant de cadeaux somptueux...
Esmée sourit. Burydan et Rhonin se promenèrent dans Inst'Agramm toute la journée, revinrent pour le dîner et montèrent dans leur chambre.
(1) Graisser le poignet : vieil utopien, synonyme de ''graisser la patte'', donner un pot de vin.