22-02-2021, 11:45 AM
CHAPITRE XIII
Dans le mois qui a suivi, deux autres agressions ont été recensées, toujours à proximité de l'hôpital. La toute dernière, lorsque le couteau posé sur la gorge est tombé par terre, la jeune femme soumise par l'arme blanche, dans un sursaut d'énergie, s'est retournée brutalement et d'un coup de genou à mis fin à toute velléité. Avant de s'enfuir à toutes jambes, elle a pris soin de ramasser les vêtements de l'agresseur et sa sacoche.
Deux heures plus tard, sur un coup de sonnette, une petite fille est venue ouvrir la porte.
- Ton papa est là ? lui ont demandé les policiers.
Et le père, menottes aux poignets, devant les yeux ébahis de sa fille, de sa femme et des voisins est monté sans opposer la moindre résistance dans la camionnette qui l'a emmené, gyrophare hurlant.
Deux ans plus tard, au tribunal de Lille, Sylvie et plusieurs autres femmes, assises au banc des plaignantes, ont suivi le procès, témoignant chacune à leur tour, revivant une dernière fois l'outrage dont elles ont été victimes.
Sur le réquisitoire du procureur, l'homme a pris dix ans ferme, soit à peu de chose près un an par viol. Sylvie, comme les autres victimes, a enfin été soulagée. Elle a retrouvé l'honneur perdu, tout au moins une infime partie car même si parfois, dans la nuit elle sursaute encore, apeurée et terrifiée devant le moindre petit bruit, son corps reste à jamais sur la défensive, loin bien loin de se laisser conquérir.
Quelque temps après l'agression, Dominique et moi, nous nous sommes séparés, comme si quelque chose s'était cassé entre nous, une sorte d'incompréhension profonde avec des points de vue bien trop différents pour pouvoir être assumés ensemble.
J'ai souvenir de ce soir là, du supplice que Sylvie a immanquablement vécu au cours de ce repas familial lourd de non-dits. J'ai encore en mémoire la honte que j'ai ressentie pour ne pas avoir su lui porter assistance, pour avoir baissé les yeux en silence. Oui, je n'ai pas su quoi faire devant son désarroi. Oui, je n'ai pas su gérer devant la détresse de la femme bafouée malgré elle, celle qui n'avait rien demandé et qui se trouve maintenant obligée d'assumer ad vitam æternam.
Compliqué par la suite de se regarder en face dans le miroir et il m'a fallu du temps pour accepter ce fardeau jeté sur ma conscience sachant maintenant qu'il m'accompagnera ma vie durant, mettant à mal un humanisme que je percevais de mon côté comme étant indéfectible.
Dans le mois qui a suivi, deux autres agressions ont été recensées, toujours à proximité de l'hôpital. La toute dernière, lorsque le couteau posé sur la gorge est tombé par terre, la jeune femme soumise par l'arme blanche, dans un sursaut d'énergie, s'est retournée brutalement et d'un coup de genou à mis fin à toute velléité. Avant de s'enfuir à toutes jambes, elle a pris soin de ramasser les vêtements de l'agresseur et sa sacoche.
Deux heures plus tard, sur un coup de sonnette, une petite fille est venue ouvrir la porte.
- Ton papa est là ? lui ont demandé les policiers.
Et le père, menottes aux poignets, devant les yeux ébahis de sa fille, de sa femme et des voisins est monté sans opposer la moindre résistance dans la camionnette qui l'a emmené, gyrophare hurlant.
Deux ans plus tard, au tribunal de Lille, Sylvie et plusieurs autres femmes, assises au banc des plaignantes, ont suivi le procès, témoignant chacune à leur tour, revivant une dernière fois l'outrage dont elles ont été victimes.
Sur le réquisitoire du procureur, l'homme a pris dix ans ferme, soit à peu de chose près un an par viol. Sylvie, comme les autres victimes, a enfin été soulagée. Elle a retrouvé l'honneur perdu, tout au moins une infime partie car même si parfois, dans la nuit elle sursaute encore, apeurée et terrifiée devant le moindre petit bruit, son corps reste à jamais sur la défensive, loin bien loin de se laisser conquérir.
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Quelque temps après l'agression, Dominique et moi, nous nous sommes séparés, comme si quelque chose s'était cassé entre nous, une sorte d'incompréhension profonde avec des points de vue bien trop différents pour pouvoir être assumés ensemble.
J'ai souvenir de ce soir là, du supplice que Sylvie a immanquablement vécu au cours de ce repas familial lourd de non-dits. J'ai encore en mémoire la honte que j'ai ressentie pour ne pas avoir su lui porter assistance, pour avoir baissé les yeux en silence. Oui, je n'ai pas su quoi faire devant son désarroi. Oui, je n'ai pas su gérer devant la détresse de la femme bafouée malgré elle, celle qui n'avait rien demandé et qui se trouve maintenant obligée d'assumer ad vitam æternam.
Compliqué par la suite de se regarder en face dans le miroir et il m'a fallu du temps pour accepter ce fardeau jeté sur ma conscience sachant maintenant qu'il m'accompagnera ma vie durant, mettant à mal un humanisme que je percevais de mon côté comme étant indéfectible.
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