CHAPITRE VIII
J'ai rencontré Dominique dans un bar lensois, à l'écart du centre-ville, proche des lycées. C'était un après-midi tranquille. Je rentrais de fac. Il n'y avait plus grand monde au café où elle était attablée avec une de mes amies. Je me suis avancé pour les embrasser et elles m'ont fait une petite place. Je me suis assis et j'ai de suite été conquis par les yeux brillants avec ce je ne sais quoi qui fait qu'on est de suite subjugué. Mon amie nous a laissés devant l'enthousiasme que prenait la conversation et lorsque sa main s'est égarée sur la table, j'ai posé la mienne sur la sienne et nous avons attendu d'être dehors pour échanger notre premier baiser.
Lorsque le téléphone a sonné, Dominique a décroché. Elle a entendu une petite voix fluette, mal assurée, hésitante et encore toute apeurée lui dire qu'elle venait d'être violée. Sylvie a été droit à l'essentiel. Elle a demandé à sa sœur de venir dès que possible sur Lille avec moi. Elle ne voulait personne d'autre que moi. J'étais la seule personne à qui elle avait accordé toute sa confiance, une confiance totale et inébranlable.
Dominique est partie à ma recherche. Ne m'ayant pas trouvé sur la piste elle est passée chez mes parents où elle a finalement décidé d'embarquer ma sœur aînée. Au passage, Dominique a récupéré sa maman et elles sont parties toutes les trois sur Lille.
Lorsque je suis arrivé chez mes parents, j'ai appris avec consternation l'agression de Sylvie.
Je n'ai jamais été confronté à ce genre de situation autre que par les discours hautement philosophiques abordés en cours ou les faits divers relatés dans les journaux. Et, ce jour là, j'ai regretté d'avoir pris tout cela à la légère. Autour du viol, il y les idées préconçues, ces certitudes qui font vaciller l'innocence pour semer insidieusement dans l'esprit de la victime le sentiment d'une culpabilité scandaleuse, horrible châtiment d'une femme blessée à tout jamais dans sa chair et dans sa mémoire, sentiment de désespoir incommensurable pour celle qui ne croyait qu'en l'amour, amour volé, amour violé, amour destitué. Or, j'en avais l'intime conviction, Sylvie n'était pas une fille aguicheuse. Sous ses chemisiers épais, jamais je n'ai aperçu l'ombre d'un soutien-gorge et la mini-jupe, lorsqu'elle la portait, était toujours un peu plus longue que les autres et d'ailleurs, trop petite, ça ne lui allait pas du tout. Je me rappelle m'être gentiment moqué d'elle et la salve balistique d'une générosité non contenue n'a fait qu'une bouchée de ma personne. Sylvie était comme ça et c'est aussi comme ça que je l'aimais, sans amour particulier, une fille intéressante, captivante, surprenante, avec une personnalité originale qui m'amusait plus que tout et que j'adorai tenter d'apprivoiser et d'amadouer parfois et souvent à mes risques et périls.
Lorsqu'elle était blessée par ses parents ou ses sœurs, elle s'enfermait dans sa coquille, têtue et butée. Plusieurs fois, je suis intervenu après la tempête pour tenter de lui faire entendre raison et il me fallait souvent déployer des tonnes d'arguments avant de mettre à mal son intransigeance. Je savais plus que tout que derrière ce caractère à l'emporte pièce il y avait une sensibilité hors du commun, un cœur capable de s'affoler pour un rien en laissant dans son sillage des yeux mouillés d'une rare beauté. Et, de fil en aiguille, une complicité énorme s'est instaurée entre nous, provoquant parfois une pointe de jalousie de ma petite amie.
Dépité, je retrouve la piste mais le cœur n'est plus au plaisir. De toute façon, il n'y a rien d'autre à faire qu'à attendre leurs retours.
J'ai rencontré Dominique dans un bar lensois, à l'écart du centre-ville, proche des lycées. C'était un après-midi tranquille. Je rentrais de fac. Il n'y avait plus grand monde au café où elle était attablée avec une de mes amies. Je me suis avancé pour les embrasser et elles m'ont fait une petite place. Je me suis assis et j'ai de suite été conquis par les yeux brillants avec ce je ne sais quoi qui fait qu'on est de suite subjugué. Mon amie nous a laissés devant l'enthousiasme que prenait la conversation et lorsque sa main s'est égarée sur la table, j'ai posé la mienne sur la sienne et nous avons attendu d'être dehors pour échanger notre premier baiser.
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Lorsque le téléphone a sonné, Dominique a décroché. Elle a entendu une petite voix fluette, mal assurée, hésitante et encore toute apeurée lui dire qu'elle venait d'être violée. Sylvie a été droit à l'essentiel. Elle a demandé à sa sœur de venir dès que possible sur Lille avec moi. Elle ne voulait personne d'autre que moi. J'étais la seule personne à qui elle avait accordé toute sa confiance, une confiance totale et inébranlable.
Dominique est partie à ma recherche. Ne m'ayant pas trouvé sur la piste elle est passée chez mes parents où elle a finalement décidé d'embarquer ma sœur aînée. Au passage, Dominique a récupéré sa maman et elles sont parties toutes les trois sur Lille.
Lorsque je suis arrivé chez mes parents, j'ai appris avec consternation l'agression de Sylvie.
Je n'ai jamais été confronté à ce genre de situation autre que par les discours hautement philosophiques abordés en cours ou les faits divers relatés dans les journaux. Et, ce jour là, j'ai regretté d'avoir pris tout cela à la légère. Autour du viol, il y les idées préconçues, ces certitudes qui font vaciller l'innocence pour semer insidieusement dans l'esprit de la victime le sentiment d'une culpabilité scandaleuse, horrible châtiment d'une femme blessée à tout jamais dans sa chair et dans sa mémoire, sentiment de désespoir incommensurable pour celle qui ne croyait qu'en l'amour, amour volé, amour violé, amour destitué. Or, j'en avais l'intime conviction, Sylvie n'était pas une fille aguicheuse. Sous ses chemisiers épais, jamais je n'ai aperçu l'ombre d'un soutien-gorge et la mini-jupe, lorsqu'elle la portait, était toujours un peu plus longue que les autres et d'ailleurs, trop petite, ça ne lui allait pas du tout. Je me rappelle m'être gentiment moqué d'elle et la salve balistique d'une générosité non contenue n'a fait qu'une bouchée de ma personne. Sylvie était comme ça et c'est aussi comme ça que je l'aimais, sans amour particulier, une fille intéressante, captivante, surprenante, avec une personnalité originale qui m'amusait plus que tout et que j'adorai tenter d'apprivoiser et d'amadouer parfois et souvent à mes risques et périls.
Lorsqu'elle était blessée par ses parents ou ses sœurs, elle s'enfermait dans sa coquille, têtue et butée. Plusieurs fois, je suis intervenu après la tempête pour tenter de lui faire entendre raison et il me fallait souvent déployer des tonnes d'arguments avant de mettre à mal son intransigeance. Je savais plus que tout que derrière ce caractère à l'emporte pièce il y avait une sensibilité hors du commun, un cœur capable de s'affoler pour un rien en laissant dans son sillage des yeux mouillés d'une rare beauté. Et, de fil en aiguille, une complicité énorme s'est instaurée entre nous, provoquant parfois une pointe de jalousie de ma petite amie.
Dépité, je retrouve la piste mais le cœur n'est plus au plaisir. De toute façon, il n'y a rien d'autre à faire qu'à attendre leurs retours.
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