17-01-2021, 10:46 PM
11 - Yann : Mon univers
Julien
Midi ! J'ai faim, plus que faim, même, et je me dirige vers la cantine d'un pas rapide. Je vois Yann et Laurent partir vers la sortie, pas besoin de se demander où ils vont... La fontaine-au-guet n'a jamais été aussi fréquentée que ces derniers temps. Je crois que les maisons alentour sont abandonnées, ça ne m'étonne pas d'ailleurs.
Mon portable sonne, et je décroche pour entendre la voix de Fabien.
- Salut, Julien, ça va ?
- Salut, ça va bien, merci, et toi ?
- Ça va ça va. Je voulais juste te dire que je continue à m'occuper de ton cas, mes parents sont sur l'affaire, ils agissent discrètement, je les ai prévenus des liens de ton père avec la gendarmerie.
- C'est cool, je te remercie Fabien, ça me touche beaucoup ce que tu fais pour moi.
- C'est normal.
- Ça te dérangerait si je passe te voir, ce week-end ?
- Pas de soucis voyons, tu passes quand tu veux.
- Merci, je te rappellerai.
Après avoir mangé, nous sortons David et moi histoire de bavarder avant la reprise des cours.
Nous nous installons dans un coin tranquille et j'informe mon ami des dernières nouvelles.
- Mince ! Ça ne va pas du tout, ça. J'espère que Laurent saura ramener Yann à la raison.
- J'imagine que c'est ce qu'il est en train de faire.
- Ils ont le temps, en plus, notre prof est absent.
- Veinards !
Yann
Laurent et moi sommes assis côte à côte sur le bord de la fontaine.
Je lui ai fait la promesse de ne plus toucher à l'alcool. Me réfugier dedans n'est qu'une fuite qui ne résout aucun problème, m'a-t-il dit, il ne fait que les aggraver. C'est vrai, c'est bien vrai, c'est juste que je suis faible.
- Yann, je voudrais que tu me parles de toi. Je voudrais mieux te connaître, mieux te comprendre.
- Tu es sûr de le vouloir ?
- J'aimerais beaucoup, Yann.
- Je n'ai pas vraiment l'habitude de parler de moi comme ça... Et j'ai vécu des moments difficiles que... je n'ai pas vraiment envie de révéler.
- Regarde-moi, Yann. Je veux tout partager avec toi. Tes peines comme tes joies.
- C'est... d'accord, Laurent. Mais je veux ta promesse que tu garderas tout pour toi.
- Bien sûr. Je te promets de garder le secret sur ce que tu vas me dire.
- Ça fait un an, à peu près, que je sais que j'aime les hommes. J'étais en vacances avec Seb, et je me suis mis à le désirer... Ça m'a grandement perturbé. Seb a compris ce qui m'arrivait, et il m'a révélé sa propre homosexualité.
- Seb ! Ça alors. Mais je me souviens de la dernière fois qu'il a voulu te parler, tu l'as rejeté violemment.
- J'y viens... Pendant tout l'été, il s'est efforcé de faire en sorte que j'accepte mes désirs, et un jour, il... il...
- Quoi ?
- Il a voulu me montrer ce que c'était, que l'amour entre hommes.
- Et tu l'as repoussé ?
- Disons que... j'étais toujours révulsé par cette idée, mais en même temps, mon désir de lui n'avait pas diminué. Il a passé outre mes objections... Mes refus... Jusqu'à ce que... je lui cède.
- Il... quoi ?!
- Je n'étais pas prêt, pas du tout, je me suis dégoûté, pour ce que j'avais fait, pour avoir cédé à un désir bassement physique, que je trouvais ignoble...
Laurent se lève, furieux.
- Je vais l'étrangler, ce salaud ! Je vais le...
- Non !
- Quoi ? Tu ne vas pas défendre ce...
- Je ne veux pas que cette histoire soit révélée ! À aucun prix ! Dans quelques mois, il partira dans une autre fac, ou ratera son bac et restera ici, mais il sera loin de moi, derrière moi ! Je ne veux pas que ma vie soit ruinée une nouvelle fois à cause de lui, pour une simple vengeance.
- Qu'est-ce que tu dis ? Tu...
- Non, Lo. Je te le demande.
Il se rassoit, mais reste très énervé. Je passe un bras dans son dos pour le serrer contre moi, et il se calme peu à peu.
Je me rends alors compte du geste que je viens de faire, sans arrière-pensée, et souris.
- C'est bon, Lo ?
- Non. Je suis furax.
- Je ne veux pas que tu fasses quoi que ce soit.
- Yann...
- Tu as promis que mon passé resterait secret. Ça implique de ne pas courir ce risque.
- Bon... il m'en coûte, mais d'accord, je te le promets.
- Merci, Lo.
- Pfff.
- Où en étais-je ? Ah, oui. Du coup, après cette histoire, j'ai tout rejeté, en pire. Et l'année suivante, tout devait changer... Au début de ce mois, j'étais un ado solitaire, timide, qui avait peur des autres, mais surtout peur de lui-même. J'ai fait la connaissance de trois super copains, je suis tombé amoureux de toi, je vous ai révélé mon homosexualité, à vous qui m'avez tranquillement accepté. Mais moi, je souffrais tellement de ce que j'étais que je me suis réfugié dans la boisson, ce qui m'a amené à me lier d'amitié avec Michel.
- Non ?! Michel ? C'est pas vrai ?
- Eh, oui, Michel, qu'en temps normal j'aurais évité comme la peste, et qui m'aurait simplement ignoré ou accablé de sarcasmes... Il m'a aidé, lui aussi, à sa manière, à m'accepter tel que j'étais, en me permettant d'avoir la force morale de briser les liens trop forts que j'avais avec ma famille. Mais il était aussi porté sur l'alcool, et à nous deux, nous avons passé nos soirées à boire. J'ai fini par avoir un sursaut, et j'ai arrêté... Et alors, tu as lu ma carte. Tu m'as révélé tes sentiments pour moi. Tu m'as ouvert les yeux. Et finalement, j'ai réussi à ne plus avoir peur de moi. Ni de ma famille. Il ne reste plus que toi dans mon esprit.
Laurent sourit, gardant une expression étonnée après les dernières révélations que je lui ai faites.
- Yann, moi aussi, je suis passé par de durs moments... Je n'ai pas accepté ce que j'étais, j'en ai souffert, je l'ai refusé, et puis j'ai rencontré Annie... Et là, surprise et bonheur, je tombe amoureux d'elle. Finis les tourments sur mes désirs, finie la torture morale, je rentrais dans la normalité, hourra ! Sauf qu'évidemment, rien n'est simple, elle n'a pas eu un regard pour moi. Désespoir ! Ma chance d'échapper à cette malédiction se refusait à moi ! J'ai tout tenté, tout, pour qu'elle s'intéresse à moi, et elle a fini par me dire franchement ce qu'elle pensait de mon manège. Ça a été la fin, j'ai déprimé, mes copains m'ont aidé à remonter la pente, et puis je t'ai rencontré...
- Quand tu nous as révélé que tu étais gay, j'ai cru que cette histoire avec Annie était une invention.
- Eh non... Notre rencontre m'a fait plonger dans un terrible cauchemar, je me suis retrouvé face à mes sentiments, face à moi-même, je n'arrivais plus à le supporter... C'est Julien qui m'a sauvé. Il m'a aidé à m'accepter, il m'a fait comprendre bien des choses, et j'ai fait des recherches par moi-même, sur le net, en quête de réponses. J'ai fini par tout dire à Isa, puis au reste de ma famille. Tout... et ils m'ont offert le plus beau des cadeaux, leur compréhension, leur amour...
- Comme je t'envie, Laurent...
- Bah... On ne choisit pas ses parents, j'ai eu de la chance, toi moins, et Julien encore moins. Il faut faire avec, et surmonter son héritage... Julien, puis toi, avez fait un chemin extraordinaire, c'est moi qui suis admiratif, je n'ai aucun mérite, moi.
J'ai un pauvre sourire. Surmonter mes problèmes avec ma famille, ce n'est pas gagné.
Laurent pose sa tête sur mon épaule. Invisibles depuis la rue car cachés par la fontaine, personne ne peut nous voir, nous priver de notre bonheur d'être ensemble, nous sommes seuls, nous sommes amoureux, nous sommes heureux, et je goûte à ce bonheur que je pensais à jamais hors de ma portée. Ce sentiment nouveau me grise, je ne sens plus peser sur moi le poids de mes tourments, il n'y a plus dans mon univers que Laurent, et il l'emplit tout entier.
Julien
Midi ! J'ai faim, plus que faim, même, et je me dirige vers la cantine d'un pas rapide. Je vois Yann et Laurent partir vers la sortie, pas besoin de se demander où ils vont... La fontaine-au-guet n'a jamais été aussi fréquentée que ces derniers temps. Je crois que les maisons alentour sont abandonnées, ça ne m'étonne pas d'ailleurs.
Mon portable sonne, et je décroche pour entendre la voix de Fabien.
- Salut, Julien, ça va ?
- Salut, ça va bien, merci, et toi ?
- Ça va ça va. Je voulais juste te dire que je continue à m'occuper de ton cas, mes parents sont sur l'affaire, ils agissent discrètement, je les ai prévenus des liens de ton père avec la gendarmerie.
- C'est cool, je te remercie Fabien, ça me touche beaucoup ce que tu fais pour moi.
- C'est normal.
- Ça te dérangerait si je passe te voir, ce week-end ?
- Pas de soucis voyons, tu passes quand tu veux.
- Merci, je te rappellerai.
Après avoir mangé, nous sortons David et moi histoire de bavarder avant la reprise des cours.
Nous nous installons dans un coin tranquille et j'informe mon ami des dernières nouvelles.
- Mince ! Ça ne va pas du tout, ça. J'espère que Laurent saura ramener Yann à la raison.
- J'imagine que c'est ce qu'il est en train de faire.
- Ils ont le temps, en plus, notre prof est absent.
- Veinards !
Yann
Laurent et moi sommes assis côte à côte sur le bord de la fontaine.
Je lui ai fait la promesse de ne plus toucher à l'alcool. Me réfugier dedans n'est qu'une fuite qui ne résout aucun problème, m'a-t-il dit, il ne fait que les aggraver. C'est vrai, c'est bien vrai, c'est juste que je suis faible.
- Yann, je voudrais que tu me parles de toi. Je voudrais mieux te connaître, mieux te comprendre.
- Tu es sûr de le vouloir ?
- J'aimerais beaucoup, Yann.
- Je n'ai pas vraiment l'habitude de parler de moi comme ça... Et j'ai vécu des moments difficiles que... je n'ai pas vraiment envie de révéler.
- Regarde-moi, Yann. Je veux tout partager avec toi. Tes peines comme tes joies.
- C'est... d'accord, Laurent. Mais je veux ta promesse que tu garderas tout pour toi.
- Bien sûr. Je te promets de garder le secret sur ce que tu vas me dire.
- Ça fait un an, à peu près, que je sais que j'aime les hommes. J'étais en vacances avec Seb, et je me suis mis à le désirer... Ça m'a grandement perturbé. Seb a compris ce qui m'arrivait, et il m'a révélé sa propre homosexualité.
- Seb ! Ça alors. Mais je me souviens de la dernière fois qu'il a voulu te parler, tu l'as rejeté violemment.
- J'y viens... Pendant tout l'été, il s'est efforcé de faire en sorte que j'accepte mes désirs, et un jour, il... il...
- Quoi ?
- Il a voulu me montrer ce que c'était, que l'amour entre hommes.
- Et tu l'as repoussé ?
- Disons que... j'étais toujours révulsé par cette idée, mais en même temps, mon désir de lui n'avait pas diminué. Il a passé outre mes objections... Mes refus... Jusqu'à ce que... je lui cède.
- Il... quoi ?!
- Je n'étais pas prêt, pas du tout, je me suis dégoûté, pour ce que j'avais fait, pour avoir cédé à un désir bassement physique, que je trouvais ignoble...
Laurent se lève, furieux.
- Je vais l'étrangler, ce salaud ! Je vais le...
- Non !
- Quoi ? Tu ne vas pas défendre ce...
- Je ne veux pas que cette histoire soit révélée ! À aucun prix ! Dans quelques mois, il partira dans une autre fac, ou ratera son bac et restera ici, mais il sera loin de moi, derrière moi ! Je ne veux pas que ma vie soit ruinée une nouvelle fois à cause de lui, pour une simple vengeance.
- Qu'est-ce que tu dis ? Tu...
- Non, Lo. Je te le demande.
Il se rassoit, mais reste très énervé. Je passe un bras dans son dos pour le serrer contre moi, et il se calme peu à peu.
Je me rends alors compte du geste que je viens de faire, sans arrière-pensée, et souris.
- C'est bon, Lo ?
- Non. Je suis furax.
- Je ne veux pas que tu fasses quoi que ce soit.
- Yann...
- Tu as promis que mon passé resterait secret. Ça implique de ne pas courir ce risque.
- Bon... il m'en coûte, mais d'accord, je te le promets.
- Merci, Lo.
- Pfff.
- Où en étais-je ? Ah, oui. Du coup, après cette histoire, j'ai tout rejeté, en pire. Et l'année suivante, tout devait changer... Au début de ce mois, j'étais un ado solitaire, timide, qui avait peur des autres, mais surtout peur de lui-même. J'ai fait la connaissance de trois super copains, je suis tombé amoureux de toi, je vous ai révélé mon homosexualité, à vous qui m'avez tranquillement accepté. Mais moi, je souffrais tellement de ce que j'étais que je me suis réfugié dans la boisson, ce qui m'a amené à me lier d'amitié avec Michel.
- Non ?! Michel ? C'est pas vrai ?
- Eh, oui, Michel, qu'en temps normal j'aurais évité comme la peste, et qui m'aurait simplement ignoré ou accablé de sarcasmes... Il m'a aidé, lui aussi, à sa manière, à m'accepter tel que j'étais, en me permettant d'avoir la force morale de briser les liens trop forts que j'avais avec ma famille. Mais il était aussi porté sur l'alcool, et à nous deux, nous avons passé nos soirées à boire. J'ai fini par avoir un sursaut, et j'ai arrêté... Et alors, tu as lu ma carte. Tu m'as révélé tes sentiments pour moi. Tu m'as ouvert les yeux. Et finalement, j'ai réussi à ne plus avoir peur de moi. Ni de ma famille. Il ne reste plus que toi dans mon esprit.
Laurent sourit, gardant une expression étonnée après les dernières révélations que je lui ai faites.
- Yann, moi aussi, je suis passé par de durs moments... Je n'ai pas accepté ce que j'étais, j'en ai souffert, je l'ai refusé, et puis j'ai rencontré Annie... Et là, surprise et bonheur, je tombe amoureux d'elle. Finis les tourments sur mes désirs, finie la torture morale, je rentrais dans la normalité, hourra ! Sauf qu'évidemment, rien n'est simple, elle n'a pas eu un regard pour moi. Désespoir ! Ma chance d'échapper à cette malédiction se refusait à moi ! J'ai tout tenté, tout, pour qu'elle s'intéresse à moi, et elle a fini par me dire franchement ce qu'elle pensait de mon manège. Ça a été la fin, j'ai déprimé, mes copains m'ont aidé à remonter la pente, et puis je t'ai rencontré...
- Quand tu nous as révélé que tu étais gay, j'ai cru que cette histoire avec Annie était une invention.
- Eh non... Notre rencontre m'a fait plonger dans un terrible cauchemar, je me suis retrouvé face à mes sentiments, face à moi-même, je n'arrivais plus à le supporter... C'est Julien qui m'a sauvé. Il m'a aidé à m'accepter, il m'a fait comprendre bien des choses, et j'ai fait des recherches par moi-même, sur le net, en quête de réponses. J'ai fini par tout dire à Isa, puis au reste de ma famille. Tout... et ils m'ont offert le plus beau des cadeaux, leur compréhension, leur amour...
- Comme je t'envie, Laurent...
- Bah... On ne choisit pas ses parents, j'ai eu de la chance, toi moins, et Julien encore moins. Il faut faire avec, et surmonter son héritage... Julien, puis toi, avez fait un chemin extraordinaire, c'est moi qui suis admiratif, je n'ai aucun mérite, moi.
J'ai un pauvre sourire. Surmonter mes problèmes avec ma famille, ce n'est pas gagné.
Laurent pose sa tête sur mon épaule. Invisibles depuis la rue car cachés par la fontaine, personne ne peut nous voir, nous priver de notre bonheur d'être ensemble, nous sommes seuls, nous sommes amoureux, nous sommes heureux, et je goûte à ce bonheur que je pensais à jamais hors de ma portée. Ce sentiment nouveau me grise, je ne sens plus peser sur moi le poids de mes tourments, il n'y a plus dans mon univers que Laurent, et il l'emplit tout entier.
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