03-01-2021, 06:20 PM
CHAPITRE CVI
''Ex malo bonum''
''Ex malo bonum''
Rhonin, la tête nichée dans le profond sillon entre les magnifiques pectoraux de son maître, se sentait lentement glisser dans le sommeil. Il était bien. Certes, les souvenirs qu'il avait racontés à Burydan avaient fait remonter à la surface des sentiments mêlés de crainte, de peur, d'angoisse et de honte. Mais, comme si le fait d'en parler avait été libérateur, ça lui avait fait du bien.
Il savait qu'il ne risquait rien avec son bel étalon. Il savait qu'il ne lui ferait jamais de mal. Il savait qu'il ne laisserait personne lui faire du mal. Il se sentait en sécurité dans ses bras musclés. Chacune de ses caresses, chacun de ses baisers étaient comme un baume sur les plaies béantes de sa petite vie. 16 ans de douleurs, de souffrances et d'humiliations. 16 ans où il n'avait été qu'une marchandise qu'on achetait et qu'on revendait, qu'on utilisait et qu'on louait. Une chose, un objet, un jouet.
Pour Burydan aussi, au départ, il s'était senti comme un jouet. Chez dame Alduine, d'abord. Après tout, il n'était qu'un client parmi tant d'autres. Il avait des pécunes assez pour se payer ses services. Certes, il avait été doux et tendre et lui avait même donné du plaisir, mais il n'était là que de passage et l'oublierait très vite. Mais il ne l'avait pas oublié. Il l'avait demandé en cadeau au roi. Lui, un cadeau. Il était toujours une marchandise...
Au départ il avait fait contre mauvaise fortune bon cœur. Après tout mieux valait être l'esclave sexuel d'un seul homme que de dizaines d'autres. Et puis Burydan était doux, tendre, patient et prévenant. Puis il y avait eu autre chose. Une chose étrange que Rhonin n'arrivait pas à définir.
Quand son maître lui faisait l'amour, il lui susurrait des mots tendres à l'oreille. Et il y avait une telle note de sincérité dans sa voix. Quand il le regardait de ses beaux yeux gris, ça le rendait tout chose. Son maître le regardait comme s'il était le plus beau garçon du monde. Rhonin adorait ses gestes doux et tendres: il lui relevait quelques mèches pour dégager son front et y déposer un petit poutoune, sa main caressait doucement sa joue, ses doigts ébouriffaient ses cheveux quand il se moquait gentiment de lui, et sa façon de l'enlacer et le serrer fort, fort, fort.
Et Rhonin comprit ce qu'était cette chose étrange qu'il n'arrivait pas à définir... il était définitivement, inexorablement et inconditionnellement tombé amoureux de son maître. C'était irrationnel, mais c'était comme ça. ''Puissent les dieux me venir en aide'' pensa-t-il.
Burydan était bien. Il adorait sentir le petit corps de son minet tout contre lui, sur lui. Ses mains caressaient sa peau de lait et il sentait frémir son petit blond tout mignon.
L'histoire atroce que lui avait raconté Rhonin l'avait secoué. Sa vie, qui était tout de même sordide et aurait fait pleurer dans les chaumières, n'était rien, ou pas grand chose, comparée à la vie de son petit minet. Il ne comprenait pas comment on pouvait faire autant de mal à un garçon si mignon et si fragile. Il ne comprenait pas comment on pouvait faire autant de mal à un garçon tout court. Certes, Burydan n'avait plus guère d'illusions sur la nature humaine. Dans sa vie de chasseur de prime il s'était lancé sur les traces de violeurs, assassins et meurtriers et le récit de leurs exactions aurait rempli d'effroi n'importe qui, mais martyrisé ce petit corps qu'il tenait fermement serré dans ses bras...
Retourner à Rotter'Dam, défoncer la porte du bordel, passer tous les sbires d'Alduine au fil de l'épée et pendre cette ordure de maquerelle avec ses propres tripes... et ce serait encore trop doux pour elle... et trouver la ''maison de dressage'', y rassembler tous les salauds qui avaient fait du mal à son blondinet, y bouter le feu, et entendre leurs cris de douleur quand ils brûleraient vifs... et ce serait encore trop doux pour eux...
Burydan avait des dizaines de questions en tête, mais qu'il ne poserait pas à Rhonin pour ne pas lui refaire vivre cette partie horrible de sa courte vie. Mais il y en avait une, pernicieuse, insidieuse qui taraudait son esprit ''Reste-t-il avec moi parce qu'il a peur ?''
Son petit minet tout mignon se montrait-il ployable, docile et obéissant, accédant à tous les caprices de Burydan, juste parce qu'il avait peur qu'il l'envoie lui aussi dans une ''maison de dressage'' ? Avait-il peur que Burydan se lasse de lui et qu'il le revende à son tour ? Qu'il se retrouve à nouveau dans un bordel et repasse par la case ''dressage''. Restait-il avec lui, non seulement parce qu'il était son esclave mais aussi, et surtout, parce que ce qui l'attendait en dehors de ce servage était encore pire ?
Burydan regarda Rhonin qui dormait paisiblement, la tête sur sa poitrine. Qu'il était beau. Trognon. Adorable. Ses cheveux dorés ses grand yeux bleus, son petit nez retroussé, ses lèvres roses, son petit corps doux chaud et fragile.
Au début, Burydan cru qu'il était obsédé par Rhonin parce que ses cheveux blonds et ses yeux bleus lui rappelait Darren, et que son petit corps fluet et fragile lui rappelait Martouf. Un mélange des deux en fait. Mais il savait à présent qu'il se mentait pour justifier un sentiment qu'il s'était promis de ne plus jamais ressentir. Il était définitivement, inexorablement et inconditionnellement tombé amoureux de son esclave. C'était irrationnel, mais c'était comme ça. ''Puissent les dieux me venir en aide'' pensa-t-il.
Il serra un peu plus fort Rhonin dans se bras et s'endormit à son tour.