Entre ombre et lumière (gay, ados, terminé)

[inny-2]

4 - Laurent : Sur de bonnes bases

J'ai rouvert ma chambre, et, assis sur mon lit, j'attends, l'esprit vide, un appel, un passage, un message.
C'est finalement Yann qui arrive, et mon cœur se serre rien qu'à le voir.
- Laurent ? Ça va ?
- Non...
- Qu'est-ce qui se passe ?
- C'est... J'ai réalisé que Julien et moi, ce n'était pas possible. On a fait une erreur, tous les deux. Sauf qu'il l'a mal pris...
- Ah... Mais, pour toi ?
- Je... Yann, c'est...
Non ! Il n'est pas prêt à entendre une telle chose ! Je ne vais pas foncer dans le tas, encore une fois ! Il faut qu'il s'accepte, d'abord.
- ...c'est compliqué.

Il s'assoit à côté de moi.
- Je t'écoute, Lo.
- Tu es trop gentil, Yann, mais je ne veux pas te causer plus de tourments avec ce genre d'histoire. Tu es encore bien loin de pouvoir pleinement accepter tout ce que tu ressens... Je m'en voudrais d'ajouter à ta souffrance.
- C'est vrai que j'ai du chemin à faire... Mais tu sais que tu peux tout de même compter sur moi.
- Oui, je le sais.
- Laurent, même alors que tu souffres, tu penses à moi, tu veux me protéger... Tu es vraiment le meilleur des amis que je pouvais avoir.
- Je te l'ai déjà dit, tu comptes beaucoup pour moi.
Si tu savais à quel point...
- Toi aussi tu comptes beaucoup pour moi. Énormément.
Ça me fait un bien fou d'entendre ça. D'autant que je le sens totalement sincère.
Je le remercie d'un sourire, et il fait de même en retour. Nos regards se croisent...

- Hum hum !
Je cligne des yeux, et regarde David, un peu surpris. Comment a-t-il pu entrer sans que je m'en rende compte ? J'étais à ce point perdu dans le regard de Yann ? Il faut dire qu'il est si beau...
- Euh, oui ?
- J'ai reçu un appel de ma mère. Julien est arrivé chez eux. Je l'y avais invité, quand j'ai compris qu'il risquait de passer la nuit dehors.
- T'es vraiment un chef, Dave.
- C'est vraiment une excellente idée que tu as eue, renchérit Yann. Je suis content d'entendre ça, au moins, il ne risquera rien chez toi.
- C'est clair. Puisque nous sommes rassurés, pourquoi ne redescendrions-nous pas rejoindre la fête ?
- Oui, c'est une bonne idée.
- Juste deux mots à te dire, Lo.
Yann nous regarde tous les deux.
- Méfie-toi, Dave, le dernier qui s'est retrouvé seul avec lui a disparu sans laisser de traces.
- ...
- Désolé. C'était pas drôle.

Une fois Yann parti, je regarde David avec curiosité.
S'il me dit qu'il m'aime, je l'étrangle.
- Tu peux m'expliquer ce qui se passe ?
- Pfff. Vous allez tous me poser la même question ?
- Je pense avoir tout deviné, mais j'ai horreur de ne pas savoir si mes déductions sont justes.
- Allez, vas-y, Colombo, sors-moi le grand jeu.
- Tu as rompu avec Julien parce que tu es amoureux de Yann.
- Oh misère. C'est si évident que ça ?
- Vu de l'extérieur, oui. Écoute, à chaque fois que vous vous regardez, vous restez immobiles à vous fixer, un sourire béat aux lèvres. Tu appelles ça être discret ?
- Euh...
- Tu comptes refaire le coup dans la cour du lycée ? Devant la bande à Thierry, tant qu'à faire ? Ou sous les yeux de notre prof de maths adorée ?
- Erk ! Misère ! Surtout pas !
- Alors contrôle-toi, bordel ! Tout le monde n'est pas aussi compréhensif que nous !
- Oui, tu as raison. Merci David. Et... ne dis rien à Yann, s'il te plaît. Il n'est pas prêt.
Il me regarde un long moment, lève les yeux au plafond, puis reprend:
- D'accord. Jusqu'à ce qu'il te demande pourquoi tu sembles l'éviter...
- Aargh !

Dimanche 19 mai

Je me réveille et bâille en m'étirant. Je me tourne sur le côté et regarde Yann, encore endormi sur le lit de camp. Son visage est totalement détendu, et je l'admire dans la lumière qui filtre à travers les volets. Je regarde l'heure, puis tends la main vers ma lampe de chevet pour tourner doucement le variateur. Juste ce qu'il faut pour que je le voie mieux, sans le réveiller.
Je détaille son visage, l'admire, m'en régale, je voudrais pouvoir passer ma main sur sa joue, l'embrasser, mais l'idée que ce simple geste pourrait me le faire perdre m'est douloureuse. Il finit par ouvrir les yeux, et son regard se tourne vers moi.
- Bonjour, lui dis-je. Bien dormi ?
- Oui, merci. Et toi ?
- Très bien. J'ai l'estomac dans les talons. Je vais aller voir en bas. Je te propose de profiter de la salle de bains.
- D'accord.

Je descends au rez-de-chaussée, qui est très calme en ce moment.
Je pense à tous les invités qui dorment dans la cave. Oh, elle est très bien aménagée, ce n'est pas une cave humide et obscure, c'est même tout le contraire. Papa y a fait beaucoup de travaux, afin d'en faire un lieu confortable. Comme elle est enterrée, la température y est très agréable en été. Quand il fait trop chaud et que je ne parviens pas à dormir, il m'arrive de prendre un lit de camp et d'y descendre.

Yann

Je m'éveille complètement sous la douche, et je tente de faire le point sur la journée d'hier. Pas facile. Pas facile du tout !
Mais je rêve ! Quand je pense que je leur dit que j'étais attiré par les... Comment ai-je pu en révéler autant sur moi ? J'ai même failli dire à Laurent que...
Pfff.
Je... je ne sais plus où j'en suis. Jamais auparavant je n'avais osé regardé en face mes sentiments, pas à un tel point. Est-ce vraiment ce que m'en ont dit mes amis ?
Je dois faire un choix, mais je ne sais pas quelle voie emprunter... Je ne suis pas prêt à tourner ainsi le dos à ma famille, même si j'avais cru pouvoir le faire, dimanche dernier. Mais d'un autre côté, ce que j'éprouve, ces sentiments de plus en plus forts, qui...
Je suis toujours aussi perdu !

Ma toilette terminée, je retourne dans la chambre de Laurent pour sortir des vêtements propres de mon sac. Laurent revient dans la chambre à ce moment et nous échangeons un regard. Il rougit, et détourne les yeux.
- Qu'est-ce qu'il y a, Lo ?
- C'est juste que... je ne veux pas te gêner pendant que tu t'habille.
- Euh... merci. C'est gentil de ta part.
Il prend ses affaires de toilette et sort.
Je commence à m'habiller, tout en pensant à Laurent. J'ai eu envie de le rappeler, j'ai eu envie de...
Je dois me calmer ! Je ne suis pas prêt du tout à accepter ça. La dernière fois que je me suis laissé aller...
Mais Laurent n'est pas Seb.
Mais ça ne change rien, je ne veux pas souffrir à nouveau comme j'ai souffert, à en pleurer de dégoût envers moi-même comme je l'ai fait l'année dernière.
Je dois être sûr de moi... quelque soit ma décision.
Ce ne sera pas facile.