29-07-2020, 04:19 PM
CHAPITRE LXIV
[b]''Ecce homo''[/b]
Burydan prit les petits sentiers peu fréquentés. Il ne savait pas si on le poursuivait, mais mieux valait être prudent.
Durant les cinq jours de chevauchée, Antiakos ne tenta plus de fuir. Il essaya bien encore plusieurs fois de corrompre le chasseur de prime, mais finit par se résigner.
Cet homme allait offrir à Burydan ce que personne d'autre que le Duc ne pouvait lui donner : sa liberté. Certes, il s'était engagé à travailler comme chasseur de prime pendant cinq ans, mais il serait libre. Et puis, qui sait, peut-être que le travail lui plairait...
Ils arrivèrent enfin à Ank'Arat. Les gens regardaient un peu bizarrement leur équipage et ils s'arrêtèrent devant les portes de Hurlevent.
- Qu'est-ce que tu veux, toi ? demanda un capitaine à la porte.
- Je suis Burydan de Malkchour.
- Et alors ?
- Je suis un chasseur de prime du Duc et je lui ramène le comte Antiakos de Burg.
- C'est ça, rit le garde, Antiakos de Burg, l'homme que personne n'a trouvé en deux ans. Et toi, dont je n'ai jamais entendu parler, tu l'as trouvé... allez, fiche le camp avant que je vous envoie tous les deux au cachot...
Burydan détestait les militaires obtus. Il se rappela la plaque qui le désignait comme chasseur de prime, mais elle était dans le fin fond de son sac. Il pesta et allait partir à se recherche quant un garde arriva.
- Tiens, bonjour Burydan.
- Bonjour David.
- Tu connais ce quidam, demanda le capitaine.
- Bien sûr, c'est Burydan de Malkchour, le plus grand épéiste de Brittania et un chasseur de prime du Duc... Mais... mais... c'est le comte Antiakos de Burg... par les dieux, tu as réussi !
Le capitaine fronça les sourcils.
- Soit, remets moi le prisonnier et je le ferai emmener aux geôles.
- Je préférerais le remettre au Duc moi même.
- Tu préférerais... et qu'est-ce que j'en ai à faire de tes préférences... remets moi cet homme un point c'est tout...
- Euh, capitaine, je vous rappelle que c'est un chasseur de prime, dit David.
- Ah oui ? Qu'il le prouve alors... quant à toi, ne t'avise pas de me donner des ordres, soldat !
- Je... je... bredouilla David
- Silence, éructa le capitaine, ou je t'envoie au cachot pour une semaine !
David baissa la tête. Burydan descendit de son cheval et s'approcha du capitaine.
- Écoute moi bien, sombre crétin, le Duc m'a confié la mission de lui ramener cet homme, et c'est ce que j'ai fait, alors maintenant tu vas essayé d'aligner deux pensées dans le merdier qui te sert de cerveau et me laisser passer, sinon ce qui passera en toi c'est mon épée, tu as compris ?
Le capitaine pâlit, rougit, blêmit et dit :
- Comment oses-tu... je vais te... je vais te...
- Burydan de Malkchour... sois le très bien venu...
La voix ténue d'Anselme.
- Vous... vous le connaissez ? demanda le capitaine, toujours blême de rage.
- Bien sûr, dit le vieil homme, c'est un chasseur de prime de son Altesse... Oh, je vois que tu as réussi ta mission... bravo, je t'avoue que je n'y croyais pas.
Anselme s'approcha du comte et lui fit un profond salut :
- Mes respects messire, je suis ravi de vous revoir. Mais désolé que ce soit dans de telles conditions.
Antiakos lui jeta un regard de mépris.
- Suis moi, Burydan, je t'amène au Duc.
Le capitaine jeta un regard de haine à Burydan lorsqu'il passa la porte. Il démonta, tendit les rênes de ses chevaux à l'un des palefreniers de Hurlevent (beaucoup moins mignon que Raven) et escorta son prisonnier à travers le dédale de couloirs du palais.
- Attendez ici, je vais prévenir Son Altesse.
Ils s'assirent.
- Dis moi, David, c'est qui cet imbécile à la porte.
- Oh, c'est un capitaine nouvellement promu, Fitch. Il fait du zèle. Mais là, il ne doit pas en mener large...
- Pourquoi ça ?
- Il a manqué de respect à un chasseur de prime...
Burydan ne comprit pas ce que voulait dire David. Il allait lui demander une explication, mais la porte se rouvrit sur Anselme.
- Son Altesse va vous recevoir.
Ils entrèrent. Galbatorix, richement vêtu d'un pourpoint blanc constellé de pierreries, les attendait, assit sur un grand fauteuil. Une vingtaine de courtisans retenaient leur souffle et attendait que le Duc parle en regardant le comte, certains avec compassion, d'autres avec un petit sourire moqueur.
- Soyez les bienvenus tous les deux, dit Galbatorix.
Il se leva et se dirigea vers le comte en lui tendant la main. Antiakos ne bougea pas et jeta à Galbatorix un regard de mépris.
- A genoux devant le Duc, dit l'un des gardes prétoriens.
Mais Antiakos ne bougea toujours pas. Galbatorix, blême de colère, jeta un coup d’œil à Burydan et lui dit :
- Fais le se mettre à genoux.
- Je suis ici pour vous ramener un homme recherché, par pour lui apprendre la bienséance...
Le Duc blêmit encore plus, et un garde le tira e l'embarras en mettant un coup de matraque derrière les genoux du Comte.
Galbatorix avança, la main toujours tendue. Et Antiakos cracha dessus.
Les courtisans hoquetèrent. Jamais personne n'avait osé manquer à ce point de respect au Duc.
Celui-ci s'essuya avec un mouchoir.
- Toujours aussi élégant, de Burg. Gardes, qu'on amène ce rebelle aux geôles et qu'on le jette dans le cul de basse-fosse le plus fangeux. Il y croupira jusqu'à ce que le tribunal décide de son sort.
Les gardes saisirent le prisonnier et le traînèrent dehors alors qu'il déversait un tombereau d'injures au Duc.
Galbatorix se rassit et regarda son chasseur de prime :
- Ainsi vous avez réussi, messire Burydan de Malkchour...
Nouveaux murmures parmi les courtisans ''il l'a appelé messire'', ''oui, de nouveau''.
- Je vous avoue que je n'y croyais pas... reprit le Duc. Mes amis, je vais vous laisser, je dois m'entretenir avec messire Burydan.
Le Duc se leva et Burydan le suivit dans son cabinet.
Le Duc s'assit derrière son bureau et claqua dans ses mains. Une très jeune fille apparut, une robe transparente ne voilant rien de son corps nubile, avec un plateau portant un pichet et deux verres. Alors qu'elle posait le plateau, Galbatorix lui caressa les fesses.
- Qu’est devenue la précédente ? demanda Burydan.
- Oh, elle a fini par m'ennuyer. Elle a donné un fort joli spectacle dans les arènes... mes petites bébêtes se sont régalées...
Le Duc servit deux verres. Il trempa les lèvres dans l'un et, en souriant, le tendit à Burydan.
- Ainsi tu as réussi là où tous mes autres chasseurs de prime ont échoué...
- Je sais que vous êtes content que je vous ai ramené le comte. Mais en même temps déçu de ne pas avoir de raison de m'envoyer en geôle ou dans les arènes.
Galbatorix éclata de rire.
- Crois-tu que j'ai vraiment besoin d'un prétexte pour ça ? Et c'est vrai que j'aurais adoré te voir face à la marabunta. Mais je n'ai qu'une parole...
Burydan faillit sourire mais se ravisa.
- … tu es donc libre. Mais tu te rappelles notre petit arrangement, n'est-ce pas ?
- Je m'en rappelle. Je travaillerai cinq ans comme chasseur de prime.
- N'avions nous pas dit dix ans ?
- Cinq ans, Duc, et vous le savez aussi bien que moi.
- Soit, soit... tu sais que tu n'auras pas un lunar pour la prise du comte...
- Je le sais, oui... c'était notre accord.
- Bien... mais je vais tout de même te faire un cadeau... voyons... la jeune fille qui a apporté ce plateau par exemple... je prévoyais de la déflorer ce soir, mais si tu la veux, elle est à toi...
Burydan ne répondit pas.
- Oh, suis-je sot, reprit le Duc, évidemment tu préférerais un jouvenceau...
Burydan pâlit. Comment le duc savait-il que...
- Mon réseau d'espions est le meilleur de tout Utopia. De Genesia peut-être... et l'astrium et les menaces peuvent délier bien des langues...
Burydan était toujours pâle comme un linge mais ne baissa pas les yeux. Surtout pas...
- Ce picrate n'est des pires, dit le Duc... et bien, tu ne bois pas ?
Burydan vida son verre d'un trait. Le Duc le resservit.
- En fait, dit Galbatorix, peu me chaut que tu préfères les garçons, du moment où tu fais du bon travail à mon service. Et vu ton premier exploit, je suis sûr que ce sera le cas.
Galbatorix tira sur un cordon et, le temps que Burydan finisse son deuxième verre, Anselme arriva.
- Votre Altesse m'a demandé ?
- Oui mon brave Anselme. Messire Burydan de Malkchour est confirmé comme un de mes chasseurs de prime. Prépare les papiers et les instruments de sa charge le plus vite possible.
- J'avais déjà pris la liberté de le faire quand je l’ai vu revenir avec le comte, monseigneur.
- Anselme, tu es indispensable céans... Et bien, Burydan, bonne chance...
Le Duc lui tendit la main, mais, comme à son habitude, Burydan fit semblant de ne pas la voir, fit un petit salut et se dirigea vers Anselme. Puis se ravisa et se retourna vers e Duc.
- Soit, considère que c'est fait...J'ai une requête
- Oh, une requête... je t'écoute.
- Il y a un capitaine à la porte, un certain Fitch...
- C'est possible... et ?
- J'aimerais qu'il soit révoqué.
- Et pourquoi ça ?
- Parce que c'est un crétin... et si Anselme n'était pas arrivé, je serais encore avec lui en train de m'énerver...
-
- Et j'aimerais que vous mettiez David à sa place... en tant que capitaine, évidemment...
- Et il a un nom de famille ce David ?
- Euh...
- Je vois de qui il veut parler, Votre Altesse, intervint Anselme
- Est-il capable ?
- Je le crois monseigneur.
- Très bien, et bien considère que ça aussi c'est fait... autre chose ?
Vu le sourire du Duc, Burydan comprit qu'il ne devait pas pousser sa chance.
- Merci, Duc...
Nouveau salut et Burydan suivit Anselme dans son bureau.