CHAPITRE XCIX
''Denique''
''Denique''
Après de longues journées de chevauchée, les dieux soient loués, entrecoupées de folles nuits de passion et de plaisir, Burydan et Rhonin arrivèrent aux portes d'Inst'Agramm. Du haut d'une colline, la cité ne ressemblait en rien à celle de Ween'Doz. Finies les longues et larges rues se coupant à angle droit, finis les quartiers colorés et bien délimités, Inst'Agramm était un réseau de routes, rues et ruelles qui serpentaient en un enchevêtrement inextricable.
Burydan et son esclave franchirent les hautes portes du côté sud, se frayant péniblement un chemin entre les chariots, les cavaliers et les piétons. Ils quittèrent les rues trop fréquentées et cherchèrent une auberge.
Ils en trouvèrent une avec une écurie attenante. Un palefrenier s'approcha d'eux. Burydan se demanda si on choisissait les palefreniers de auberges sur leur dégaine. Parce que, comme tous les autres, il était long, mince, dégingandé, roux avec de la paille plein les cheveux et le visage couvert de taches de rousseur. Puis il se rappela Raven, si différent, si beau... où était-il à présent ? Que faisait-il ? Avait-il fondé le foyer qu'il désirait tant ? Songeard et marmiteux, Burydan regarda son petit minet qui lui souriait et lui contre-sourit.
- Bonjour m'sieur, vous allez gîter à l'auberge ?
- Oui da, et je veux bien que tu t'occupes de nos chevaux et surtout que tu en prennes soin, dit Burydan en lui jetant un capokei.
- Oh, comme si c’était les miens, dit le palefrenier en happant la pièce au vol.
- C'est quoi ton nom ?
- Zigzag messire.
Burydan et Rhonin entrèrent dans l'auberge. Un homme grand aux épaules larges s'approcha d'eux. Un immense sourire barrait sa face et il dit d'une voix forte :
- Bienvenus voyageurs. Bienvenus au ''Lion Silencieux'', je suis Fab, l'alberguier de céans.
- Eh bien salutations maître Fab. Je voudrais une chambre avec salle d'eau et commodités attenantes, si tu as, évidemment...
- J'ai. Mais elle coûte deux fois plus chère qu'une chambre classique.
- Ça me va très bien.
- Et pour ce drôlissou tant mignon, une autre chambre ?
- Non, il dormira avec moi...
- Ah, je vois... mais, monsieur, vous avez vu le panonceau, ''Qui dort dîne''.
- J'ai bien vu. Et tu rajouteras aux dîners deux petits-déjeuners et deux déjeuners par jour.
- Ah, voilà un client comme je les aime. Combien de temps allez-vous rester ?
- Je ne sais pas encore...
- Ah... monsieur verrait-il une offense si je lui demandais une avance sur sa note ?
- Aucune offense. Voilà trois simeris, est-ce suffisant ?
- Oh la, pour sûr que c'est suffisant... la grand merci à vous, monsieur...
- Je t'en prie, appelle moi Burydan...
- Et bien la grand merci à toi, Burydan... Isabeau... Isabeau !
- Oui maître ?
- Ah, Isabeau, mène ces messieurs à la chambre du quatrième...
- Bien maître...
- Laisse, Isabeau, nous allons monter nos bagages nous mêmes...
- Oh, merci beaucoup messire...
Isabeau les précéda dans le viret. Balancements exagérés de ses hanches et œillades assassines, battements de cils et moues aguicheuses. Mais Burydan remarqua qu'elle semblait plus intéressée par Rhonin que par lui. ''C'est normal, se dit-il, il est tellement trognon...''
Grande chambre, un grand lit, une grande commode, de grandes fenêtres qui donnaient sur le potager.
- La salle d'eau est ici, monsieur, et les commodités sur le palier, face à la porte... Monsieur veut-il que l'on mette un petit lit d'appoint pour... pour...
- Mon page, dit Burydan. Non merci, nous dormirons dans le même lit.
- Ah, dit Isabeau avec un petite note de dépit dans la voix. Monsieur a-t-il besoin d'autre chose ?
- Oui, un pichet d'eau fraîche, un pichet de picrate premier choix et deux gobelets.
Isabeau lui fit une petite révérence et revint quelques minutes plus tard avec un grand plateau. Elle déposa le tout sur la petite table de la chambre, fit un sourire à Burydan et un autre, encore plus grand à Rhonin, et partit après une petite révérence.
Burydan sourit en regardant Rhonin qui, apparemment, n'avait pas remarqué que la mignote le trouvait à son goût.
Rhonin aida son maître à ranger ses affaires.
- Non, laissent celles-ci sur le lit, elles sont sales.
Affaires rangées, Burydan s'approcha de son minet et l'enlaça. Il lui caressa la joue tendrement.
- Ainsi je ne suis plus votre esclave mais votre page ?
- Tu es toujours mon petit esclave, bébé. Mon petit esclave sexuel, surtout. Mais il n'est pas habituel que les maîtres dorment avec leurs esclaves, aussi mignons soient-ils. Alors qu'avec un page...
- Pensez-vous qu'ils croient que nous ne faisons que dormir ?
- J'en doute, bébé. Mais je te préfère avec moi que dans les chambrettes que l'on réserve aux esclaves, crasseuses, avec une paillasse moisie pleine de puces et de punaises.
- Beurk... la grand merci à vous, maître.
- C'est que je prends soin de mes affaires...
Au mot ''affaires'' Rhonin baissa la tête. Burydan lui mit deux doigts sous le menton et lui fit relever les yeux
- Surtout quand elles ont les plus beaux yeux bleus de la Création et qu'elles sont mignonnes à croquer...
Rhonin lui fit un petit sourire. Burydan lui piqua un petit poutoune sur ses belles lèvres.
- J'ai... j'ai envie de vous, maître... dit Rhonin en rosissant.
- Et j'ai envie de toi, bébé.
Rhonin sourit, passa ses bras autour du cou de Burydan, se mit sur la pointe des pieds et s'approcha pour un baiser qui les mènerait vers d'autres délices, mais son beau mâle le retint par les hanches.
- Mais d'abord, blondinet, nous avons tous les deux besoin d'un bon bain et de faire quelques emplettes. Mais ne t'inquiète pas, ton joli petit cul ne perd rien pour attendre.
Ils descendirent dans la grande salle.
- Alors, elle est pas belle ma chambre ? demanda Fab.
- Elle est parfaite. Dis moi, Fab, y-t-il une succursale de Grinn'Gotts dans le coin ?
- Il y en a cinq à Inst'Agramm.
- Où est la plus proche ?
- Prends à dextre en sortant et ce sera la... un... deux... trois... troisième à ta senestre.
- Merci. Et, y a-t-il des bains près d'ici ?
- Des bains ? Comment l'entends-tu ?
- Eh bien un endroit où on peut se laver...
- Ah, des étuves tu veux dire... cela dépend... tu as des étuves publiques dans tous les quartiers de la ville, mais l'eau y est tiédasse à cette heure, et d'une propreté douteuse. Il y a aussi les étuves privées. Certes, un peu plus chères que les publiques, mais l'eau y est chaude à toute heure et propre. De plus, tu peux avoir une jolie estuvière qui peut t'aider à te laver et même un peu plus pour quelques capokeis...
Il sourit puis regarda Rhonin.
- Du moins, reprit-il, si tu as appétit à ce genre d'ensorceleuses...
- Et où se trouvent les étuves privées les plus proches ?
- ''Les étuves de la mère Pomm''... juste au-dessus de Grinn'Gotts.
- La grand merci à toi, Fab...
- De rien. Le dîner est servi à partit de sept heures...
- D'accord, à tout à l'heure. Ah, et au fait, as-tu une lavandière à ton service ?
- Non, pas une, mais trois.
- Parfait, j'ai laissé des vêtements sur mon lit. Si tu pouvais me les faire laver et repasser et rajouter cela sur ma note.
- Aucun problème.
Burydan et Rhonin sortirent. Burydan retira un peu d'astrium à la banque et le maître et son esclave entrèrent dans ''les étuves de la mère Pomm''.