28-07-2020, 06:22 PM
CHAPITRE LIX
''In partibus infidelium''
A l'époque où Utopia n'était encore composée que de tribus éparses, dans les provinces les plus au nord vivaient les Molochites.
On les appelait ainsi car leur tribu vouait un culte à un unique dieu : Moloch. Dieu hideux pourvu de cornes et à la bouche immense garnie de crocs. Toute la vie de la tribu dépendait de ce dieu : si la chasse était bonne, c'était grâce à Moloch; si les récoltes étaient abondantes, c'était grâce à Moloch : si une bataille contre une autre tribu était gagnée, c'était grâce à Moloch.
Mais si les chasseurs rentraient bredouilles, si les récoltes étaient mauvaises ou si on perdait une bataille, c'était que Moloch était en colère. Et il n'y avait qu'une seule chose qui pouvait apaiser la colère de Moloch : du sang. Et du sang humain.
Pour une bonne chasse ? Un jeune garçon vierge et prépubère. Pour une récolte abondante ? Une jeune fille, vierge et prépubère. Pour la victoire lors d'une bataille ? Un nourrisson.
Les prêtres attachaient la victime sur l'autel du dieu, longue pierre noire au centre du temple, et lui tranchaient la gorge, en prenant soin que le sang recouvre bien l'autel. Et on faisait des sacrifices jusqu'à ce que Moloch soit apaisé.
Lorsque les Molochites se battaient, ils essayaient de faire le plus de prisonniers possibles. Ces prisonniers étaient ensuite offert en sacrifice à Moloch. Et lorsqu'un chef ennemi était capturé, le grand prêtre lui ouvrait la poitrine, lui arrachait le cœur et le donnait à dévorer au chef des Molochites.
Les Molochites étaient des guerriers farouches. S'ils gagnaient une bataille, le sang des prisonniers sacrifiés plairait à Moloch, s'ils mouraient au combat, ils passeraient l'éternité auprès de leur dieu. Mais s'ils perdaient, le chef lui-même était sacrifié sur l'autel.
A force de sacrifices, la tribu commença à se dépeupler. Aussi se mirent-ils à attaquer d'autres tribus. Les hommes étaient faits prisonniers et sacrifiés, les enfants étaient réduits en esclavage et les femmes étaient distribués entre les guerriers. Ceux-ci les violaient et les enfants de ces unions forcées étaient destinés à devenir esclaves ou victimes sacrificielles.
Lorsque Carlus Magnus commença sa conquête d'Utopia, on lui raconta les pratiques atroces de cette tribu. Il ne voulut pas y croire mais décida d'en avoir tout de même le cœur net. Il rassembla une troupe et se dirigea vers le village des Molochites. Lorsqu'il arriva à l'entrée de la cité, son sang se glaça dans ses veines et il vomit.
De chaque côté de l'entrée du village il y avait deux pyramides de crânes humains. Mais ce qui révulsa Carlus Magnus, c'est qu'une des ces pyramides était faite de crânes minuscules, d'enfants ou de nourrissons.
La colère de Carlus éclata. Il dit qu'un peuple qui ne protège pas ses enfants ne méritent pas de vivre, et ordonna l'attaque.
Les Molochites se défendirent farouchement. Les hommes, ne craignant pas la mort, se jetaient en hurlant sur les soldats, les femmes leur sautaient dessus et leur lacéraient le visage de leurs ongles, les enfants eux-même les frappaient de coups de couteaux aux mollets ou aux cuisses.
La bataille dura un long moment mais les Molochites furent tous massacrés, jusqu'au dernier, se battant à un contre trois.
Les prêtres s'étaient barricadés dans le temple. Les portes furent enfoncées et le spectacle était atroce. Tous les prêtres s'étaient égorgés avec les poignards sacrificiels et le grand prêtre lui même était étendu sur l'autel de pierre. Jusqu'au bout il avait voulu offrir du sang à son dieu.
Les statues de Moloch furent détruites à la masse, on rassembla tous les corps des Molochites dans le temple et tous les outils sacrificiels de ce culte sanguinaire et on y mit le feu.
C'est ainsi que disparue l'une des tribus les plus féroces d'Utopia.
Et Burydan se retrouvait avec, dans les mains, un poignard qui avait massacré tant de gens, hommes, femmes et enfants.
Il reposa le poignard sur son coussin et se tourna vers le piédestal gauche.
Une petite statue en bois peint. Elle représentait une femme, portant une grande robe bleu ciel, et tenant dans ses bras un enfant portant une couronne.
- C'est... c'est...
- Une Mater Puerum, oui...
- Mais, comment tu l'as eu ?
- On me l'a vendu également.
- Mais... aucun Vaticanien n'oserait vendre ceci...
- Ce n'était pas un Vaticanien. Et je ne sais pas comment il l'a eu, mais elles est authentique.
Burydan était de nouveau stupéfait. Une Mater Puerum. Authentique. Et qui venait de l'île de Vaticana... L'île interdite...