11-11-2020, 10:52 PM
8 - Laurent : Invitations
Mardi 7 mai
Au départ du lycée, je réunis mes potes pour leur faire part de la nouvelle. Enfin, depuis le temps, ce n'est plus vraiment une nouvelle. Plutôt un rappel. Je me dépêche, je sais que le père de Julien l'attend devant la piscine, le regard rivé à sa montre.
- Je vous signale que dans 15 jours, c'est l'anniv' de mon frangin, on fait la fête de samedi à dimanche, vous passerez la nuit chez moi.
- Depuis le temps qu'on va aux fêtes de ton frère, nos parents commencent à être au courant, dit David. C'est sur le calendrier, à la maison, à force. C'est déjà d'accord pour moi.
- Tu pourras venir, Yann ?
- Il ne me connaît même pas ton frère. Il ne va pas...
- Tut tut tut ! Lui, il me connaît bien, dis-je en souriant. Il me dit à chaque fois : « Invite tes potes, Lo. Y a pas de raison que je sois le seul à m'amuser. »
- Je vous laisse, si je veux avoir une chance d'avoir ce fameux week-end à moi, il vaut mieux pas que je sois en retard, dit Julien. À demain !
- Bye Ju !
- T'en fais pas, Yann, dit David. Tu seras très bien accueilli.
- Dans ce cas...
- Cool ! J'espère que tes parents seront d'accord.
Je vois Yann se figer.
Oh-oh... Ses parents ne l'interdisent quand même pas de sortie à son âge, non ?
- Euh... je verrai bien.
- Défends-toi un peu, lui dit David. C'est une fête d'anniversaire, pas un salon de la débauche. Je ne crois pas que les parents de Lo seraient d'accord, d'ailleurs.
- Oui ! Ris-je. Je crois aussi. Mais...
- Donc c'est réglé, me coupe David. Reviens avec une bonne nouvelle demain, Yann.
Je regarde Yann s'éloigner, puis reviens vers David.
- Un salon de la débauche, hein ?
- Hum !
- J'aurais quand même aimé lui dire que mes parents ne seront pas là, mais tu m'as interrompu.
- Il ne serait probablement pas venu. Ses parents ne l'auraient peut-être pas laissé partir.
- Tu déconnes ?
- Je peux me tromper, remarque, mais c'est le sentiment que j'en ai retiré. Sympathiques, mais un peu stricts.
- Ah... Enfin, Yann n'aurait pas été obligé de le leur dire, non ?
- Je préfère qu'on évite de le mettre en situation de mentir à ses parents.
- D'accord. Tu crois qu'il a un souci avec ses parents ?
- Ou avec lui-même. Enfin, je dois rentrer moi aussi. Bonne soirée Lo.
- Tchao !
Yann
Hop, je m'incruste dans le récit pour le compléter de mon point de vue.
Je rentre chez moi en réfléchissant à la manière dont je vais bien pouvoir tourner ça afin d'aller à cette fête. Papa ne devrait pas poser de problème, mais maman, c'est une autre histoire.
Je referme la porte derrière moi en lançant un « Bonjour ! », puis entre dans le salon pour embrasser mes parents.
- Ça s'est bien passé ? Me demande mon père.
- Oui, très bien.
- Tant mieux.
Je pose mon sac à terre avant de prendre une grande inspiration.
- Euh...
- Oui ?
- Laurent m'a invité à passer le week-end chez lui, pas le prochain mais celui d'après.
- En quel honneur ?
Bon... Croisons les doigts
- Son frère fait une fête à l'occasion de son anniversaire, chaque année, et il invite aussi les amis de Laurent.
- Et ça dure tout le week-end ?
- C'est ce qu'il m'a expliqué.
- Il a le sens de la fête, à ce que je vois. Et celui du partage.
Ça a l'air de passer...
- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, dit ma mère.
- Maman, j'ai plus 10 ans !
- Passer tout le week-end à faire la fête, je sais très bien comment ça finit ! Ce n'est pas fait pour toi, Yann.
-Mais enfin !
- Tut tut tut. Ils mettent de la drogue dans les boissons, dans ces soirées, et tu...
- Hein ? N'importe quoi, maman ! Tu crois vraiment que ses parents laisseraient faire ?
- Monte dans ta chambre, Yann, j'ai à parler à ta mère.
- D'accord, papa.
Je n'ai pas le temps d'atteindre l'escalier que la porte d'entrée s'ouvre sur mon frère.
- Stef !
- Salut mon petit Yann ! Comment va ?
Je jette un coup d'œil vers le salon, puis le repousse dehors.
- Qu'y a-t-il ?
Je lui explique rapidement la situation.
- Laissons faire papa. Je pose mon sac et on va faire un tour dehors en attendant qu'ils s'expliquent. Ce sera mieux que d'attendre en haut.
- D'accord...
- Et si jamais ils disent non quand on rentrera, je m'en chargerai.
- Merci Stef !
- L'idéal, ce serait que je dispose d'arguments. Tu as le numéro de Laurent ?
- Oui.
Laurent
Assis devant mon bureau, stylo en main, je regarde le premier exercice que je dois faire sans le voir.
Je n'ai pas la tête à ça. Je voudrais être déjà à cette fête, histoire de pouvoir me changer les idées à fond.
En soupirant, je me lève pour aller parler à mon frère.
Je n'ai pas atteint la porte que mon portable sonne.
Tiens, Yann.
- Allô Yann ?
- 'soir. Dis-moi, je suis avec mon frère, est-ce qu'on pourrait passer te voir maintenant ? Il voudrait poser quelques questions au tien... Et à tes parents aussi, s'ils sont là.
- Euh, oui, pas de problème, mais que se passe-t-il ?
- Ma mère est contre l'idée de me voir aller à une soirée. Stef voudrait pouvoir ramener des arguments pour.
- Ah, d'accord. Très bien, je vais les prévenir.
- Je serai bientôt là, je suis dans la même rue que toi. Tu es au 34, c'est ça ?
- Oui, c'est ça, et toi ?
- Au 15.
- En effet, OK, je me dépêche. Prenez votre temps !
Ravi de cette diversion, je descends l'escalier en courant pour avertir mes parents.
Yann
Nous marchons d'un pas paisible en discutant.
- J'ai été vraiment impressionné par David, me dit Stef.
- Oui, il est vraiment bien.
- Je veux dire, sa manière de parler, ce qu'il dit... Il a une maturité qui est surprenante. Quel âge a-t-il ?
- 16 ans.
- Il a sauté une classe ?
- Oui.
- Ça ne m'étonne pas. Je parie qu'il a les meilleures notes, non ?
- Pari gagné. Ah, voilà le 34.
Je vois le visage de Laurent à la fenêtre, qui disparaît rapidement. Il nous ouvre et nous invite à entrer.
- Content de te revoir, me dit-il, radieux.
- Merci. Laurent, je te présente mon frère Stef.
- Bonjour ! C'est gentil à vous d'aider Yann à avoir l'autorisation de venir.
- Ce n'est rien ! Je suis vraiment content qu'il ait été invité, je tiens à remercier ton frère d'ailleurs. Et tutoie-moi, s'il te plaît. J'ai l'impression d'avoir 18 ans, tout à coup.
- Mais tu as 18 ans ! Et bientôt 19, d'ailleurs.
- D'accord, dit Laurent en souriant. Par ici.
Il nous fait entrer dans le salon, où nous faisons la connaissance de sa famille.
- Voilà Yann, et son frère Stef. Je vous présente ma mère, Monique, mon père, Simon, mon frère Philippe et ma sœur Isabelle.
- Bonjour, disons-nous en chœur.
- Quelle ressemblance, dit sa mère. Si vous aviez le même âge, vous auriez été pratiquement jumeaux.
- Oui, c'est vrai, dit Stef. Vous devriez voir nos photos d'enfance. Maman a dû écrire au dos pour qu'on sache qui est dessus.
- Vous vouliez en apprendre plus sur la fête ?
- Oui, en effet. C'est juste histoire de rassurer nos parents, vous savez ce que c'est...
- Eh bien, c'est assez simple, en fait, dit Philippe. Chaque année depuis maintenant 6 ans, j'organise une fête sur un week-end entier, où j'invite mes amis et ceux de Laurent. Au programme...
Laurent s'éloigne et me fait signe de le suivre. Pas étonnant, il doit connaître. Je suis tiraillé un moment entre mon désir d'apprendre le programme de cette fête et celui de le suivre. Je jette un regard vers ses parents, qui ont remarqué son manège, et sa mère me fait oui de la tête.
Je quitte alors le salon avec lui.
J'observe avec intérêt la chambre de Laurent. Un peu surchargée à mon goût. Mettre des posters de groupes de rock sur tous les murs ne cadre pas avec l'idée que je me fais d'une décoration agréable, mais bon, chacun ses goûts.
Laurent
J'observe Yann tandis qu'il regarde l'aménagement de ma chambre.
- Il est sympa ton frangin, lui dis-je.
- Oui ! Je l'adore, vraiment.
- Tu as d'autres frères ? Ou sœurs ?
- Non.
- Est-ce...
- Tu...
Nous nous regardons en souriant, amusés de nous être mutuellement interrompus.
Je me fige soudain, alors que nos regards se croisent, ce qui n'aurait dû durer qu'une fraction de seconde... mais le moment se prolonge plus qu'il n'aurait dû. Bien trop...
Nous détournons soudain le regard, gênés. J'ai la gorge serrée, et un sentiment incompréhensible s'est emparé de moi.
Mais qu'est-ce qui m'a pris ?
Yann
Mais qu'est-ce qui m'a pris, tout d'un coup ? Ce que j'ai ressenti...
Non ! C'est pas vrai, ça va pas recommencer !
Oh, non, pas cette fois, j'y veillerai, je le jure. Hors de question de revivre encore la même histoire que l'année dernière.
J'espérais en avoir fini avec ça... Pourquoi faut-il que ça recommence ! Est-ce que je vais devoir souffrir, encore et encore ? Est-ce là ma punition pour ces pensées qui me hantent ?
Pourquoi ne puis-je pas m'empêcher de... d'avoir ces... pensées ? Pourquoi ne puis-je pas vivre une vie normale ?
<Tu es ce que tu es> me dit la voix de Seb, issu d'un douloureux souvenir que j'aurais bien voulu oublier.
Non ! Je refuse ! Je surmonterai cette épreuve !
Laurent
Je finis par trouver le courage de relever la tête, le silence qui se prolonge devenant insupportable. La gêne entre nous est palpable. Yann a le regard rivé sur un de mes posters. Ce qui me fournit l'occasion de dire quelque chose. J'en aurais été incapable autrement.
- Tu aimes ?
- Hein ?
- Le groupe.
- Oh ! Euh, je ne les connais pas.
- Attends.
Je me dirige vers l'étagère sur laquelle je range mes musiques préférées et en retire un CD.
C'est pas vrai, c'est pas vrai !
Qu'est-ce qu'il va penser de moi, lui aussi ? Qu'est-ce qu'il se dit, là ?
Tout le monde va finir par me prendre pour un...
Pour un...
Pour ce que je ne suis pas !
Je fais un effort pour conserver mon calme. Désireux de ne pas laisser le silence se prolonger, je pose à Yann la première question qui me vient à l'esprit.
- T'as une copine ?
- Euh, non, répond Yann. Je... Je voudrais bien, pourtant. Mais c'est pas évident quand on est aussi timide que moi.
- Ne perds pas courage. Tu finiras par y arriver.
- J'espère. Et toi ?
- J'en avais une, mais... quand elle a appris que j'étais amoureux d'elle, elle m'a dit qu'elle me considérait juste comme un ami, rien de plus... Et je ne l'ai pas accepté. J'ai insisté, insisté, comme un con, et je l'ai perdue totalement.
- Désolé.
Je glisse le CD dans le lecteur et vérifie que le volume est bien réglé sur la position « mes parents sont là ».
Mardi 7 mai
Au départ du lycée, je réunis mes potes pour leur faire part de la nouvelle. Enfin, depuis le temps, ce n'est plus vraiment une nouvelle. Plutôt un rappel. Je me dépêche, je sais que le père de Julien l'attend devant la piscine, le regard rivé à sa montre.
- Je vous signale que dans 15 jours, c'est l'anniv' de mon frangin, on fait la fête de samedi à dimanche, vous passerez la nuit chez moi.
- Depuis le temps qu'on va aux fêtes de ton frère, nos parents commencent à être au courant, dit David. C'est sur le calendrier, à la maison, à force. C'est déjà d'accord pour moi.
- Tu pourras venir, Yann ?
- Il ne me connaît même pas ton frère. Il ne va pas...
- Tut tut tut ! Lui, il me connaît bien, dis-je en souriant. Il me dit à chaque fois : « Invite tes potes, Lo. Y a pas de raison que je sois le seul à m'amuser. »
- Je vous laisse, si je veux avoir une chance d'avoir ce fameux week-end à moi, il vaut mieux pas que je sois en retard, dit Julien. À demain !
- Bye Ju !
- T'en fais pas, Yann, dit David. Tu seras très bien accueilli.
- Dans ce cas...
- Cool ! J'espère que tes parents seront d'accord.
Je vois Yann se figer.
Oh-oh... Ses parents ne l'interdisent quand même pas de sortie à son âge, non ?
- Euh... je verrai bien.
- Défends-toi un peu, lui dit David. C'est une fête d'anniversaire, pas un salon de la débauche. Je ne crois pas que les parents de Lo seraient d'accord, d'ailleurs.
- Oui ! Ris-je. Je crois aussi. Mais...
- Donc c'est réglé, me coupe David. Reviens avec une bonne nouvelle demain, Yann.
Je regarde Yann s'éloigner, puis reviens vers David.
- Un salon de la débauche, hein ?
- Hum !
- J'aurais quand même aimé lui dire que mes parents ne seront pas là, mais tu m'as interrompu.
- Il ne serait probablement pas venu. Ses parents ne l'auraient peut-être pas laissé partir.
- Tu déconnes ?
- Je peux me tromper, remarque, mais c'est le sentiment que j'en ai retiré. Sympathiques, mais un peu stricts.
- Ah... Enfin, Yann n'aurait pas été obligé de le leur dire, non ?
- Je préfère qu'on évite de le mettre en situation de mentir à ses parents.
- D'accord. Tu crois qu'il a un souci avec ses parents ?
- Ou avec lui-même. Enfin, je dois rentrer moi aussi. Bonne soirée Lo.
- Tchao !
Yann
Hop, je m'incruste dans le récit pour le compléter de mon point de vue.
Je rentre chez moi en réfléchissant à la manière dont je vais bien pouvoir tourner ça afin d'aller à cette fête. Papa ne devrait pas poser de problème, mais maman, c'est une autre histoire.
Je referme la porte derrière moi en lançant un « Bonjour ! », puis entre dans le salon pour embrasser mes parents.
- Ça s'est bien passé ? Me demande mon père.
- Oui, très bien.
- Tant mieux.
Je pose mon sac à terre avant de prendre une grande inspiration.
- Euh...
- Oui ?
- Laurent m'a invité à passer le week-end chez lui, pas le prochain mais celui d'après.
- En quel honneur ?
Bon... Croisons les doigts
- Son frère fait une fête à l'occasion de son anniversaire, chaque année, et il invite aussi les amis de Laurent.
- Et ça dure tout le week-end ?
- C'est ce qu'il m'a expliqué.
- Il a le sens de la fête, à ce que je vois. Et celui du partage.
Ça a l'air de passer...
- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, dit ma mère.
- Maman, j'ai plus 10 ans !
- Passer tout le week-end à faire la fête, je sais très bien comment ça finit ! Ce n'est pas fait pour toi, Yann.
-Mais enfin !
- Tut tut tut. Ils mettent de la drogue dans les boissons, dans ces soirées, et tu...
- Hein ? N'importe quoi, maman ! Tu crois vraiment que ses parents laisseraient faire ?
- Monte dans ta chambre, Yann, j'ai à parler à ta mère.
- D'accord, papa.
Je n'ai pas le temps d'atteindre l'escalier que la porte d'entrée s'ouvre sur mon frère.
- Stef !
- Salut mon petit Yann ! Comment va ?
Je jette un coup d'œil vers le salon, puis le repousse dehors.
- Qu'y a-t-il ?
Je lui explique rapidement la situation.
- Laissons faire papa. Je pose mon sac et on va faire un tour dehors en attendant qu'ils s'expliquent. Ce sera mieux que d'attendre en haut.
- D'accord...
- Et si jamais ils disent non quand on rentrera, je m'en chargerai.
- Merci Stef !
- L'idéal, ce serait que je dispose d'arguments. Tu as le numéro de Laurent ?
- Oui.
Laurent
Assis devant mon bureau, stylo en main, je regarde le premier exercice que je dois faire sans le voir.
Je n'ai pas la tête à ça. Je voudrais être déjà à cette fête, histoire de pouvoir me changer les idées à fond.
En soupirant, je me lève pour aller parler à mon frère.
Je n'ai pas atteint la porte que mon portable sonne.
Tiens, Yann.
- Allô Yann ?
- 'soir. Dis-moi, je suis avec mon frère, est-ce qu'on pourrait passer te voir maintenant ? Il voudrait poser quelques questions au tien... Et à tes parents aussi, s'ils sont là.
- Euh, oui, pas de problème, mais que se passe-t-il ?
- Ma mère est contre l'idée de me voir aller à une soirée. Stef voudrait pouvoir ramener des arguments pour.
- Ah, d'accord. Très bien, je vais les prévenir.
- Je serai bientôt là, je suis dans la même rue que toi. Tu es au 34, c'est ça ?
- Oui, c'est ça, et toi ?
- Au 15.
- En effet, OK, je me dépêche. Prenez votre temps !
Ravi de cette diversion, je descends l'escalier en courant pour avertir mes parents.
Yann
Nous marchons d'un pas paisible en discutant.
- J'ai été vraiment impressionné par David, me dit Stef.
- Oui, il est vraiment bien.
- Je veux dire, sa manière de parler, ce qu'il dit... Il a une maturité qui est surprenante. Quel âge a-t-il ?
- 16 ans.
- Il a sauté une classe ?
- Oui.
- Ça ne m'étonne pas. Je parie qu'il a les meilleures notes, non ?
- Pari gagné. Ah, voilà le 34.
Je vois le visage de Laurent à la fenêtre, qui disparaît rapidement. Il nous ouvre et nous invite à entrer.
- Content de te revoir, me dit-il, radieux.
- Merci. Laurent, je te présente mon frère Stef.
- Bonjour ! C'est gentil à vous d'aider Yann à avoir l'autorisation de venir.
- Ce n'est rien ! Je suis vraiment content qu'il ait été invité, je tiens à remercier ton frère d'ailleurs. Et tutoie-moi, s'il te plaît. J'ai l'impression d'avoir 18 ans, tout à coup.
- Mais tu as 18 ans ! Et bientôt 19, d'ailleurs.
- D'accord, dit Laurent en souriant. Par ici.
Il nous fait entrer dans le salon, où nous faisons la connaissance de sa famille.
- Voilà Yann, et son frère Stef. Je vous présente ma mère, Monique, mon père, Simon, mon frère Philippe et ma sœur Isabelle.
- Bonjour, disons-nous en chœur.
- Quelle ressemblance, dit sa mère. Si vous aviez le même âge, vous auriez été pratiquement jumeaux.
- Oui, c'est vrai, dit Stef. Vous devriez voir nos photos d'enfance. Maman a dû écrire au dos pour qu'on sache qui est dessus.
- Vous vouliez en apprendre plus sur la fête ?
- Oui, en effet. C'est juste histoire de rassurer nos parents, vous savez ce que c'est...
- Eh bien, c'est assez simple, en fait, dit Philippe. Chaque année depuis maintenant 6 ans, j'organise une fête sur un week-end entier, où j'invite mes amis et ceux de Laurent. Au programme...
Laurent s'éloigne et me fait signe de le suivre. Pas étonnant, il doit connaître. Je suis tiraillé un moment entre mon désir d'apprendre le programme de cette fête et celui de le suivre. Je jette un regard vers ses parents, qui ont remarqué son manège, et sa mère me fait oui de la tête.
Je quitte alors le salon avec lui.
J'observe avec intérêt la chambre de Laurent. Un peu surchargée à mon goût. Mettre des posters de groupes de rock sur tous les murs ne cadre pas avec l'idée que je me fais d'une décoration agréable, mais bon, chacun ses goûts.
Laurent
J'observe Yann tandis qu'il regarde l'aménagement de ma chambre.
- Il est sympa ton frangin, lui dis-je.
- Oui ! Je l'adore, vraiment.
- Tu as d'autres frères ? Ou sœurs ?
- Non.
- Est-ce...
- Tu...
Nous nous regardons en souriant, amusés de nous être mutuellement interrompus.
Je me fige soudain, alors que nos regards se croisent, ce qui n'aurait dû durer qu'une fraction de seconde... mais le moment se prolonge plus qu'il n'aurait dû. Bien trop...
Nous détournons soudain le regard, gênés. J'ai la gorge serrée, et un sentiment incompréhensible s'est emparé de moi.
Mais qu'est-ce qui m'a pris ?
Yann
Mais qu'est-ce qui m'a pris, tout d'un coup ? Ce que j'ai ressenti...
Non ! C'est pas vrai, ça va pas recommencer !
Oh, non, pas cette fois, j'y veillerai, je le jure. Hors de question de revivre encore la même histoire que l'année dernière.
J'espérais en avoir fini avec ça... Pourquoi faut-il que ça recommence ! Est-ce que je vais devoir souffrir, encore et encore ? Est-ce là ma punition pour ces pensées qui me hantent ?
Pourquoi ne puis-je pas m'empêcher de... d'avoir ces... pensées ? Pourquoi ne puis-je pas vivre une vie normale ?
<Tu es ce que tu es> me dit la voix de Seb, issu d'un douloureux souvenir que j'aurais bien voulu oublier.
Non ! Je refuse ! Je surmonterai cette épreuve !
Laurent
Je finis par trouver le courage de relever la tête, le silence qui se prolonge devenant insupportable. La gêne entre nous est palpable. Yann a le regard rivé sur un de mes posters. Ce qui me fournit l'occasion de dire quelque chose. J'en aurais été incapable autrement.
- Tu aimes ?
- Hein ?
- Le groupe.
- Oh ! Euh, je ne les connais pas.
- Attends.
Je me dirige vers l'étagère sur laquelle je range mes musiques préférées et en retire un CD.
C'est pas vrai, c'est pas vrai !
Qu'est-ce qu'il va penser de moi, lui aussi ? Qu'est-ce qu'il se dit, là ?
Tout le monde va finir par me prendre pour un...
Pour un...
Pour ce que je ne suis pas !
Je fais un effort pour conserver mon calme. Désireux de ne pas laisser le silence se prolonger, je pose à Yann la première question qui me vient à l'esprit.
- T'as une copine ?
- Euh, non, répond Yann. Je... Je voudrais bien, pourtant. Mais c'est pas évident quand on est aussi timide que moi.
- Ne perds pas courage. Tu finiras par y arriver.
- J'espère. Et toi ?
- J'en avais une, mais... quand elle a appris que j'étais amoureux d'elle, elle m'a dit qu'elle me considérait juste comme un ami, rien de plus... Et je ne l'ai pas accepté. J'ai insisté, insisté, comme un con, et je l'ai perdue totalement.
- Désolé.
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Les productions d'inny :
Série des secrets : One shots La saga d'outremonde (fantastique avec des personnages gays)
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