28-07-2020, 05:42 PM
CHAPITRE XLVII
''Qui libenter audit verba sapienti''
Burydan ne répondit pas au Duc. Il finit son verre, se leva et dit :
- Si je n'ai que trois mois pour retrouver cet homme, je ferais bien de m'y mettre tout de suite. Et je voudrais récupérer mon épée.
Le Duc claqua des doigts et un garde rendit son épée à Burydan.
- Anselme va te donner ce dont tu auras besoin pour ta mission.
Galbatorix tendit négligemment la main vers Burydan, afin que celui-ci se génuflexe et baise son anneau. Mais il fit semblant de ne rien voir, fit un petit signe de tête et tourna les talons. La Duc grogna quelques paroles dont seuls les mots ''chair à marabunta'' furent intelligibles.
Anselme lui fit un grand sourire et l'emmena vers son bureau. Cinq scribes étaient assis avec des écritoires tout autour.
- Encore cinq minutes de répit, mes enfants, le temps que je m'occupe de messire Burydan de Malkchour.
Les scribes regardèrent Burydan avec des yeux pleins de gratitude en massant leurs poignets et leurs nuques.
Il entrèrent dans une petite pièce où il n'y avait qu'un bureau et deux chaises.
- Assieds toi, je t'en prie.
- Merci Anselme. Par contre le ''messire''...
- Je sais, le coupa Anselme, c'était de la pure dérision de la part de son Altesse. Mais il va falloir t'y faire. Les courtisans, parce qu'ils sont sots, vont aller le répéter, et leurs serviteurs vont le répéter aussi, et tu verras que dans quelques temps, tout le monde t'appellera ainsi... du moins, si les dieux te prêtent vie...
Anselme fouilla dans une petite armoire et mit deux objets devant Burydan
- En tant que chasseur de prime ''débutant'', tu n'as pas tous les droits qu'ont les ''confirmés''. Toutefois voilà une plaque qui indique ta fonction et 50 lunars pour les faux frais.
- Merci Anselme. Des informations fraîches sur le comte ?
- Aucune. Je dois avouer que c'est un cadeau empoisonné que t'a fait son Altesse...
- Pourquoi empoisonné ?
- Cela fait plus de deux ans que tous les chasseurs de prime de Brittania cherchent le comte, et personne n'a mis la main dessus et n'a même trouvé la queue d'un indice...
- Deux ans ?!
- Et oui...
- Mais, on est sûr qu'il est encore à Brittania ? Ou même à Utopia ?
- On le sait. On a réussit à intercepter plusieurs de ses missives.
- Quel est son crime ?
- Le pire... il prétend avoir des preuves que c'est Galbatorix qui a empoisonné le Duc Philibert et tente de rassembler tous les mécontents pour renverser ''l' usurpateur'' comme il l'appelle.
- Et... c'est faux ? Je veux dire, Galbatorix a-t-il vraiment ?...
- Les juges ont dit que non, alors je m'en remets à la justice ducale...
- Mais les juges étaient des créatures de Galbatorix...
- Je ne suis pas assez grand clerc pour juger de cela...
Burydan sourit.
- Tu apprécies le Duc ?
- Je n'ai pas à l'apprécier ou non. Je travaille pour lui... ou plutôt pour le duché... je l'ai fait sous Philibert II, sous Philibert III et maintenant sous Galbatorix Ier. Je sers celui qui est sur le trône, point...
- Sous Philibert II ? Mais, quel âge as-tu Anselme ?
- Oh, je n'ai jamais été bon en mathématiques, répondit-il avec un brillement de coquetterie dans ses yeux pervenches. Mais à force de clabauder, j'ai un peu soif. Je vais te montrer mon péché mignon...
Il se leva et prit une bouteille en terre cuite dans une armoire et remplit deux verres d'un liquide ambré. Burydan le porta à ses lèvres et sirota l'hydromel.
- C'est bon n'est-ce pas ?
- Très.
- C'est l'un de mes petits péchés. L'hydromel et une petite garce (1) du bordel qui me mange mon maigre salaire mais dont je suis raffolé...
- Quoi, dit Burydan, Anselme un fripon ?
- Je suis comme l'alkhirath (2), la tête est blanche mais la queue est verte...
Il eut un petit rire qui le fit rajeunir de 40 ans et Burydan sourit.
- Bien, maintenant file, Burydan de Malkchour. Tu as du travail et moi aussi. Et il n'est pas bon de laisser mes secrétaires s'aparesser ainsi.
Ils retournèrent dans la première pièce et se serrèrent la main.
- Où en étions nous ? demanda Anselme.
Chacun des secrétaires donna une phrase différente et Burydan comprit que Anselme dictait cinq lettres en même temps.
Il ressortit du palais et retourna à l'auberge.
- Où étais-tu encore passé, lui dit l'alberguière. Il y a une dame la dessous, j'en suis sûre.
- Oui... mais elle est mariée...
- Quelle idée... tu n'en as pas trouvé une libre ?
- C'est que je l'aime de grand amour...
- Et comment s'appelle-t-elle ?
- Mais... Eugénie voyons
Il la prit dans ses bras et lui déposa deux gros poutounes sur chaque joue. Eugénie rit en lui mettant une petite tape sur la main et en rosissant.
Burydan prit ses affaires et paya sa note. Il promit à Eugénie de revenir bientôt. Il récupéra son cheval et prit la route. Mais pou où ?
''Commençons par Zylbarite, à tout hasard''.
(1) Garce : n'est pas employé au sens péjoratif. C'est ainsi qu'on appelait les jeunes femmes à cette époque en Utopia. Garcelette pour les très jeunes filles, et matrones ou commère pour les femmes plus mûres.
(2) Alkhirath : légume dont la partie enterrée est blanche et tendre et est la plus appréciée. Très semblable au poireau.