28-07-2020, 05:35 PM
CHAPITRE XLVI
''Panem et circenses''
Le Duc Philibert avait fait construire, en plein cœur d'Ank'Arat, un immense théâtre qui pouvait accueillir plus de 10 000 personnes. Il y faisait jouer des pièces comiques ou dramatiques, donner des concerts ou des ballets.
Le peuple boudait ces représentations. Les places étaient chères et les seuls à y assister étaient les hommes qui voulaient se faire bien voir du Duc.
Galbatorix comprit qu'il pouvait faire un autre usage de ce théâtre. A condition de donner au peuple ce qu'il voulait : du sang.
Il fit venir de tout Genesia, à grand renfort de pécunes, les bêtes les plus féroces.
Des montagnes d'Agartha, au Nord d'Utopia, Un couple d'Ursus. Créature gigantesque de plus de six pieds de haut et de plus de sept cents livres (1), cette bête pouvait vous arracher la tête d'un seul coup de patte. Ses crocs énormes brisaient les os comme s'il s'agissait de brindilles.
Des marécages gelés de Siméria, un basilic. Serpent long de plus de dix toises, il n'était pas venimeux, mais constrictor. Il s'enroulait autour de sa proie et faisait jouer les puissants muscles de son corps. Lorsqu'il commençait à s'enrouler autour de sa victime, la foule faisait silence et retenait son souffle jusqu'à entendre, grâce à la formidable acoustique du théâtre, les os craquer. Les applaudissement fusaient alors et on regardait avec plaisir le serpent ouvrir une gueule énorme et engloutir son repas, qu'il mettrait plus d'un mois à digérer.
Du désert de sable de Mesmera, une meute de namirs, félins chassant toujours par groupes de cinq, un mâle et quatre femelles. Ils faisaient d'abord le tour de leur proie, l'encerclant, puis le chef de la meute se jetait à sa gorge. Mais le plus dangereux chez le namir n'était pas ses crocs, même s’ils étaient déjà impressionnants, mais ses griffes. Effilées comme des rasoirs, il s'en servait pour lacérer et déchiqueter les chairs de sa victime. Son corps réduit en charpie, il la mangeait à belles dents.
Mais la pire, le plus monstrueuse de ces créatures venait des marais de Arkina: la marabunta. Animal extrêmement rare, c'était une araignée géante longue de 6 pieds, au corps de tarentule. Ses huit pattes immenses lui donnait une vélocité incroyable. Ses huit yeux énormes lui permettaient de voir sa proie de tous les côtés, même en pleine nuit grâce à des capteurs de chaleur. Mais cela lui était inutile. La seule vue de ce monstre glaçait de terreur la victime. La marabunta était le clou du spectacle mensuel du Duc. Cette araignée se jetait sur sa proie et la mordait une première fois, lui injectant son venin. Aimant la chair fraîche, le-dit venin ne tuait pas mais paralysait, et agissait en quelques secondes. La marabunta mordait alors une seconde fois et injectait un acide qui dissolvait les chairs de l'intérieur. Et le pire, c'est que vous étiez encore en vie quand elle commençait à vous dévorer. A la fin de son repas, il ne restait plus que la peau et les os.
Le Duc, pour amuser le bon peuple, vidait ses prisons une fois par mois. On choisissait les futures victimes robustes, histoire qu'elles résistent un peu. Mais toujours en vain.
Aux namirs étaient réservées deux proies de choix :
D'abord, les prostituées garçons. Les spectateurs les insultaient, les traitant de ''sodomites'', ''dégénérés'', ''dénaturés''. Eux, on les choisissait fluet et la populace adorait les entendre pleurer, gémir quand ils voyaient les fauves approcher, puis hurler de douleur quand les griffes les lacéraient.
Ensuite, les femmes. Mais pas n'importe lesquelles. Le Duc avait un harem de 160 concubines. Mais il voulait être le premier et le dernier à les posséder. Elles arrivaient très jeunes et vierges, et c'est le Duc qui les déflorait. Et, quand elles ne l'amusaient plus, ou qu'elles lui avaient fait une écorne, il voulait être le dernier à les avoir eu. Il les faisaient habiller d'une longue robe blanche d'une belle étoffe diaphane. Lorsqu'elles étaient lâchées au milieu de l'arène, le peuple les traitait de ''catin'', ''traînée'', ''putain cramante'', ''chienne lubrique'' etc... Et lorsque les namirs en avaient fini avec elles, il ne restait plus que des lambeaux de tissus souillés du rouge de leur sang.
Lorsque le spectacle était fini, les spectateurs sortaient en riant et en se promettant de revenir le mois suivant. Et le théâtre ne désemplissait pas.
(1) Livre : mesure utopienne de poids. Une livre correspond à environ 502 grammes.