28-07-2020, 05:32 PM
CHAPITRE XLIII
''Nec spe, nec metu''
Le Duc regardait Burydan, d'un air amusé.
- Maître Artus...
Un homme long et élancé s'avança.
- Votre altesse ?
- Cet homme que tu vois là prétend avoir été un élève de Gershaw de Bélothie. Qu'en penses-tu ?
- Je pense qu'il ment...
- Pourquoi ça ?
- Parce que Gershaw de Bélothie n'a jamais pris d'élève.
- Et bien nous allons voir ça, dit le Duc. Montre à cet outrecuidant ce qu'est un vrai épéiste...
Artus de Lando s'inclina devant le Duc et s'approcha de Burydan avec un sourire moqueur aux lèvres. Il frappa dans ses mains. Un laquet vint, portant une grande boite rectangulaire. Artus l'ouvrit. Elle contenait deux épées rigoureusement identiques, richement ouvragées.
- Choisis ton arme, dit Artus.
Burydan aurait préféré se battre avec son épée, mais bon. Il en prit une au hasard, et Artus prit l'autre.
Ils se firent face et se saluèrent d'un coup d'épée. Artus attaqua tout de suite et Burydan para chacun de ses coups. Il sentit que l'épéiste le jaugeait.
Le silence des courtisans était assourdissant, il sentait les yeux du Duc vrillés sur lui et le petit sourire d'Artus commençait à l'agacer.
Il se concentra et se rappela son maître :
- Kohai, quand tu combats un véritable épéiste, prend ton temps. Observe le longuement. Repère l'attaque qu'il t'assène le plus souvent, c'est là qu'il pèche, généralement. Tout épéiste a une faille, trouve-la et frappe...
Burydan observa donc et vit. Une erreur. Minime certes, mais un défaut de garde. Une seconde de relâchement. C'était suffisant. Il fallait que ce soit suffisant.
Burydan attendit le bon moment, puis virevolta. Il se retrouva derrière Artus. Celui-ci fit vivement volte face, se remit en garde, et fut stupéfait de voir Burydan le saluer, puis lui tourner le dos et faire face au Duc.
- Tu abandonnes ? exulta le Duc.
- Non, répondit Burydan. Le combat est terminé...
- Quoi ?!?!
Burydan se retourna vers Artus et désigna son épaule droite. Une petite déchirure sur deux ou trois pouces, commençait à se tacher de rouge.
Les courtisans chuchotèrent, Artus regardait sa manche sans y croire et le Duc était pâle.
- Ça ne prouve rien, dit Galbatorix, c'est un coup de chance... Tu ne nous a pas prouvé avoir été l'élève de Gershaw...
- Il y aurait un moyen de le prouver, dit une voix derrière le Duc.
Burydan cru reconnaître cette voix...
- Laquelle, Anselme ?
De derrière le trône s'avança un petit homme chenu aux cheveux blancs. C'était celui que Burydan avait rencontré à son arrivée à Ank'Arat.
- Votre altesse, Gershaw de Bélothie était connu pour sa botte secrète. La botte de Nimsgern, dont nul n'a jamais trouvé la parade. Si ce jeune homme a vraiment été son élève, il doit la connaître...
Le Duc se tourna vers les deux épéistes.
- Montre nous...
Burydan soupira et se retourna vers Artus. Celui-ci ne souriait plus. Ils se mirent en garde. Les épées cliquetèrent. Artus, énervé, faisait de plus en plus d'erreurs. Burydan en profita. Artus se retrouva désarmé, la pointe de l'épée de Burydan à un pouce de son front, pile entre les deux yeux.
Il y eut un moment de flottement. Artus avait les yeux exorbités. Burydan le salua de l'épée. Et quelques courtisans commencèrent à applaudir, mais s'arrêtèrent aussitôt en voyant l'air courroucé du Duc.
- La preuve est faite. Cet homme a vraiment été l'élève de Gershaw de Bélothie, dit Anselme.
- Je voudrais m’excuser, dit Artus. Gershaw de Bélothie était révéré par tous les épéistes de Genesia. Mon maître lui-même en parlait avec le plus grand respect. Et seul un de ses élèves aurait pu me battre. Donc je m'excuse d'avoir mis la parole de Burydan en doute. Il a bel et bien été un élève du meilleur épéiste de Genesia...
- Très bien, dit le Duc, tu as donc gagné... Venez chercher votre épée, ''messire'' Burydan de Malkchour...
Les courtisans, parce qu'ils sont des courtisans, murmurèrent ''le Duc l'a appelé messire... le Duc l'a appelé messire...'' sans comprendre la dose de dérision que Galbatorix avait mis dans ce ''messire'', parce qu'il le savait pas si haut...
Burydan s'approcha du trône et se saisit de l'épée que lui tendait le Duc.
- Et tu as la vie sauve...
Burydan fit un petit signe de tête.
- Gardes, cria Galbatorix, emparez-vous de cet homme !
Burydan se figea. Après deux secondes de flottement, une quinzaine de gardes l'entourèrent, les piques pointées vers lui.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? demanda Burydan, vous m'aviez promis...
- La vie sauve, dit le Duc avec un sourire cruel, pas la liberté...
Burydan fut de nouveau délesté de son épée.
- Qu'on l'amène dans mon cabinet. Je suis d'humeur magnanime, je vais te donner la chance de recouvrer ta liberté...