28-07-2020, 05:31 PM
CHAPITRE XLII
''Nemo tenetur se ipsum accusar''
- Mets un genou à terre devant le Duc ! dit un garde.
Et il lui donna un violent coup de cravache dans les reins. Burydan ne bougea pas.
- Tu m'as entendu, chien, mets un genou à terre !!
Il lui remit un coup de cravache.
- Je ne m'agenouille que devant les dieux... et le Duc n'en est pas un... frappe moi encore, et je te tue...
Le garde ricana. Comment un homme avec les mains liées dans le dos pourrait le tuer... Il frappa de nouveau. Burydan se retourna vivement et lui donna un puissant coup de tête. Il y eut un craquement et le nez du garde s'enfonça, lui rentrant dans le cerveau. Il s'affala, mort.
- Tu... ta as tué... Edmund... dit l'autre garde en sortant sa dague.
- Ça suffit ! dit le Duc ?
Il regarda Burydan avec un sourire sinueux. Apparemment la mort d'un des membres de sa garde ne lui faisait ni chaud ni froid.
- Déliez lui les mains...
- Mais... votre altesse...
Galbatorix jeta un regard au garde.
- B... bien monseigneur...
Il délia les mains de Burydan qui se massa les poignets.
- Assieds toi, dit le Duc.
Burydan s'assit en face de lui.
- C'est la deuxième fois en moins de vingt quatre heures que tu tues un de mes hommes...
- Je l'avais prévenu...
- Et Garrock ? Pourquoi l'avoir tué, tu devais t'arrêter au premier sang...
- Il prenait un peu trop de plaisir à tuer et à mutiler ses adversaires. Et en plus, vu sa corpulence, je n'étais pas sûr qu'il cesse le combat même blessé. Or, je tenais à mes bras...
- Soit... Quel est ton nom ?
- Burydan.
- Ça, je le sais. Ton nom de famille...
Burydan ne dit rien. Son nom, celui de son père, n'avait plus aucune signification pour lui.
- Soit... Peux-tu me dire d'où tu viens ?
Burydan réfléchit. Pour une raison qu'il ne comprenait pas encore, le Duc s'intéressait à lui. S'il lui disait qu'il venait d'El'Amarna, il aurait pu envoyer des espions pour se renseigner sur un certain Burydan. Il aurait appris que son père et son oncle étaient morts, et aurait fait le rapprochement. Et Burydan savait le sort qu'on réservait aux parricides. Et il ne tenait pas vraiment à se retrouver tiré par quatre chevaux...
- Malkchour, dit-il.
Le duc hocha la tête et claqua des doigts. Un garde posa l'épée de Burydan sur la table. Le Duc commença à caresser négligemment le fourreau.
- Où as-tu eu cette épée ?
- Mon maître me l'a donné sur son lit de mort.
Le Duc blêmit.
- Qui était ton maître ?
- Gershaw de Bélothie.
- Tu mens ! dit vivement le Duc. Gershaw n'a jamais pris d'élève. Tu lui as volé, c'est ça ?
Burydan sourit et leva un sourcil.
- Voler l'épée de Gershaw de Bélothie ?
Le Duc rougit. En effet, tous les chasseurs de prime et les assassin qu'il avait envoyé pour punir Gershaw d'avoir osé lui dire ''non'', étaient morts. Et Gershaw tenait à cette épée comme à la prunelle de ses yeux. Si quelqu'un avait réussit à la lui dérober, chose déjà improbable, il l'aurait poursuivit même jusqu'au Diyu (1).
- Ainsi, ce vieil imbécile est mort... et il t'a choisi, toi, comme élève...
Burydan acquiesça.
- Pour avoir tué deux de mes hommes, je pourrais te faire mettre à mort...
Burydan haussa les épaules. Mourir aujourd'hui ou un autre jour.
- Tu n'as pas peur de la mort, on dirait. Je pourrais t'envoyer dans les arènes. Et la souffrance ? Elle te fait peur ?
- Un peu plus, dit Burydan.
Le Duc éclata de rire. Il était encore plus inquiétant quand il riait.
- Au moins tu es franc. Si tu as réellement été l'élève de Gershaw, prouve le.
- Comment ?
- En battant mon maître d'arme. C'est le meilleur épéiste d'Utopia. De Genesia, même.
- D'accord, dit Burydan après quelques secondes de réflexion, à deux conditions...
- Oh... des conditions...
- Si je le bats je veux la vie sauve et mon épée...
- La vie sauve ? D'accord. Ton épée, par contre... j'aurais aimé la garder en trophée... mais soit, si tu bats Artus de Lando, tu auras la vie sauve et ton épée. Demain...
- Non, pas demain. J'ai besoin d'une bonne nuit de sommeil. Après demain. Et je veux être libre, évidemment.
- Pour t'enfuir...
- Non. Je vous donne ma parole que je ne m’enfuirai pas.
- Ta parole ?! dit le Duc en riant. Je ne te connais pas, que vaut pour moi ta parole ?!
Burydan se tut.
- Si tu fuis, je lancerai tous mes chasseurs de prime à tes trousses et quand ils te retrouveront, et ils te retrouveront, ta mort sera lente et douloureuse.
Burydan acquiesça.
- Bien, dit le Duc. Donc après demain à 9 heures à Hurlevent.
- Très bien.
- Libérez le...
Burydan sortit. Le Duc claqua dans ses doigts. Un garde approcha.
- Dis à Nestor de le faire suivre. Je veux savoir où il habite à Ank'Arat. Et qu'il envoie un chevaucheur à Malkchour. Je veux toutes les informations possibles sur cet homme...
- Bien monseigneur
Burydan rentra à son auberge. Il vit qu'un homme le suivait. Mais ce n'était pas un problème, il n'avait pas l'intention de fuir.
- Mais où étais-tu passé ? demanda Eugénie. J'ai failli appeler la milice...
''Elle m'aurait vite retrouvé'', se dit-il.
- Il y a une dame la dessous, j'en suis sûre...
- La seule dame qui me plaît à Ank'Arat c'est toi, ma belle Eugénie.
Il la prit dans ses bras et lui fit deux poutounes sur ses joues. Eugénie rit comme une jeune fille, et lui mit une petite tape sur la main.
- Vil flatteur va !
Burydan se reposa puis dégourdit ses muscles endormis. Le matin du grand jour, il alla aux bains publics, se fit raser et enfila ses habits les plus beaux. Il se présenta devant les portes de Hurlevent.
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Je suis Burydan. Le Duc m'attend...
- Ah, c'est toi. Entre... David, l'épéiste est là !
Un garde approcha. Burydan le reconnut. C'était l'un des deux qui l'avaient amené au Duc.
- Suis moi...
Il le suivit donc.
- Merci... dit David
- Pourquoi ?
- Tu viens de me faire gagner 10 lunars...
- Pardon ?
- On a parié. Tous étaient persuadés que tu t'enfuirais, et moi j'ai parié que tu viendrais...
Burydan ne dit rien. On pariait sur sa vie...
- Et j'ai parié aussi que tu gagnerais contre Artus. Les autres sont sûrs que tu vas perdre. Mais j'ai bien vu comment tu as tué Edmund... alors, si tu es aussi dextre à l'épée...
Burydan regarda David. La mort de son collègue ne semblait pas le chagriner outre mesure.
- Je ne t'en veux pas pour Edmund, dit David comme s'il lisait dans ses pensées. Personne ne t'en veut d'ailleurs. Ce salopard prenait un malin plaisir à séduire les femmes des autres et s'en vantait ensuite...
- La tienne aussi ?
David ne répondit pas. Ils pénétrèrent dans le plus beau des bâtiment, tout en carrara. Ils s'arrêtèrent devant une porte monumentale, couverte de moulures rehaussées d'astrium.
- Attends ici...
David alla parler à un homme en livrée. Celui-ci acquiesça et disparut par une petite porte. Il revint au bout d'une minute.
- Entrez, dit-il.
Les deux hommes entrèrent. Au bout d'une longue pièce se trouvait le Duc, sur un trône. A ses pieds, couchées et relevées sur un coude, deux de ses concubines. De chaque côté de la pièce, les aristocrates de sa cour en costumes chamarrées étaient venus assister au spectacle.
- Bienvenu Burydan. Pile à l'heure...
(1) Diyu : mythologie utopienne. Partie du monde souterrain où les âmes des damnés subissent des châtiments pour l'éternité.