04-11-2020, 09:33 PM
1 - Julien : Tu parles d'une vie
Aîné de notre trio, Julien est un beau jeune homme musclé, son corps sculpté par le sport. Course, natation, tennis... Le pire, c'est qu'il détestait ça, pas le sport en lui-même, notez bien, il adorait en faire avec nous. Non, c'était la pratique intensive, tous les soirs, qu'il haïssait car elle lui bouffait son temps libre, qu'il aurait bien voulu consacrer à autre chose. Le problème était qu'il n'avait pas le choix.
Son père en avait décidé ainsi. C'était un homme autoritaire, coléreux, violent et rétrograde. Ses trois fils filaient doux devant lui, car il avait instillé en eux la peur... Mais certainement pas le respect. Leur mère de était une femme effacée, qui se contentait d'acquiescer à tout ce que disait son mari.
- Dépêche, Ju !
- Tu abuses, Luc. Tu nous mets en retard et tu me colles ça sur le dos ?
- C'est fait pour ça, les petits frères, non ?
- Ben voyons ! Tu entends ça, Vikky ?
- Prononce encore une fois mon prénom comme ça et tu vas passer le reste de l'année en fauteuil roulant, sourit-il.
- Faudrait déjà m'attraper.
Nous nous lançons tous les trois dans une course vers la maison, je touche la porte une fraction de seconde avant que Luc me rentre dedans, suivi de Victor.
- Eh, doucement, dis-je en riant.
- Petite nature, va. Mets-toi au rugby.
- Ça va pas, non ? J'ai déjà assez de trucs à faire comme ça. Vivement que...
Nous nous taisons tous les trois, partageant la même attente, mais n'osant pas en parler ici à haute voix.
Partir d'ici.
J'aime mes frères de tout mon cœur, je sais qu'ils souffrent de rester ici, mais ils le font pour moi, pour que je ne me retrouve pas seul face à mon père. Je n'ai qu'une hâte, c'est d'avoir mon bac et de m'en aller. Quitte à devoir bosser pour payer mes études, un loyer. Tout sauf rester à la maison. Encore quelques mois.
Nous entrons et montons dans nos chambres. Je fais un détour par la salle de bains, et m'arrête devant le miroir pour m'examiner un moment.
J'aime mon visage. Il fait tourner la tête des filles, ce qui signifie bien des choses. J'aimerais bien qu'il fasse plutôt tourner la tête d'un beau mec... Mais ça, j'attends encore de voir.
Je souffre de la solitude. Des copains, ouais, j'en ai. Mais côté sentimental, nada. Pourtant, je fais gaffe. Personne au lycée ne m'a jamais vu avec une fille. Manquerait plus que l'homme de ma vie, celui qui est né pour me rencontrer, me croie hétéro.
Bon, assez plaisanté. C'est quand même douloureux.
La réalité, c'est que je n'ai pas le courage de le dire. Et à qui ? Mes amis ? Même s'ils sont super, quelle serait leur réaction ? J'ai trop peur, peur de les perdre, peur de ce qu'ils pourraient penser de moi.
Et en même temps, mentir tout le temps me pèse.
Je recoiffe mes cheveux blonds, puis fronce les sourcils à mon reflet dans le miroir, plongeant mon regard dans ses yeux bleus.
Un beau jeune homme, hein. Puceau. Et gay. Et mon maudit père qui me pourrit l'existence. Tu parles d'une vie. Heureusement que j'ai mes frangins et mes potes, sinon je crois que je me serais jeté sous un camion.
Je ressors avant de rentrer dans ma chambre.
Une chambre très austère. Pas de poster sur les murs, pas de console de jeu, pas d'ordinateur, pas de chaîne... Juste un bureau, une bibliothèque et un lit. Une chambre fonctionnelle. Voilà ma vie.
Je m'installe à mon bureau après avoir sorti mes affaires et commence à faire mes devoirs.
Avoir mon bac... Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de lycéens aussi motivés que moi pour l'avoir. Quitter le lycée signifie m'éloigner d'ici pour aller à la fac. Franchement, mon avenir professionnel passe en second dans la liste de mes motivations. Ça a été pareil pour mes frangins, et ils s'en sont très bien sortis. À mon tour.
Mon stylo court sur le papier, écrivant d'une belle écriture acquise à la dure. Je ne dirai pas que bien écrire n'est pas un atout, mais c'est la manière dont j'ai été corrigé pour chaque lettre mal écrite qui me reste en travers de la gorge. Ça, et toutes les autres avanies qu'il m'a fait subir. Je te le jure, papa, j'aurai ma revanche un jour.
J'entends la voiture s'engager dans l'allée, nous sommes rentrés à temps. Nous avons tous les trois le même fantasme : qu'il ait un accident. Grave. Et qu'il y survive, mais paralysé. Jouissif. Bon, assez rêvassé. J'ai du boulot, sans parler de devoir bientôt sourire à mon père.
La porte s'ouvre sur lui, je me lève pour aller l'embrasser, tout en masquant soigneusement mon dégoût de lui. Mes frères et moi devrions faire du théâtre ou du cinéma, car on est bons à ce jeu-là. Il faut dire que penser à ce qui arriverait en cas d'échec est très motivant.
- Bonjour, papa.
- Salut, fils. Comment ça s'est passé ?
- Très bien. J'ai beaucoup de devoirs, ce soir.
- Bien, je ne te retiens pas plus longtemps. Tu me les montreras quand tu auras terminé.
- Bien sûr.
Non pas qu'il comprenne quelque chose aux maths modernes ou à l'espagnol. C'est juste qu'il veut vérifier si j'ai effectivement beaucoup de devoirs.
Nous dînons en silence, écoutant les actualités à la télévision. Mon père manque s'étrangler lorsqu'est diffusé un reportage sur la communauté gay parisienne.
Il coupe le son et se met à fulminer. Nous écoutons, écœurés, sa diatribe homophobe.
- ...tout ça, c'est la faute de l'éducation qu'on donne aux enfants maintenant. Ils devraient rétablir les châtiments corporels à l'école, mais tout fout le camp de nos jours. Heureusement que vous m'avez, les enfants. Je vous ai formé en hommes, en vrais hommes, et le résultat est là. Vous êtes ma fierté.
Ta fierté en prendrait un sacré coup si tu apprenais la vérité...
Aîné de notre trio, Julien est un beau jeune homme musclé, son corps sculpté par le sport. Course, natation, tennis... Le pire, c'est qu'il détestait ça, pas le sport en lui-même, notez bien, il adorait en faire avec nous. Non, c'était la pratique intensive, tous les soirs, qu'il haïssait car elle lui bouffait son temps libre, qu'il aurait bien voulu consacrer à autre chose. Le problème était qu'il n'avait pas le choix.
Son père en avait décidé ainsi. C'était un homme autoritaire, coléreux, violent et rétrograde. Ses trois fils filaient doux devant lui, car il avait instillé en eux la peur... Mais certainement pas le respect. Leur mère de était une femme effacée, qui se contentait d'acquiescer à tout ce que disait son mari.
- Dépêche, Ju !
- Tu abuses, Luc. Tu nous mets en retard et tu me colles ça sur le dos ?
- C'est fait pour ça, les petits frères, non ?
- Ben voyons ! Tu entends ça, Vikky ?
- Prononce encore une fois mon prénom comme ça et tu vas passer le reste de l'année en fauteuil roulant, sourit-il.
- Faudrait déjà m'attraper.
Nous nous lançons tous les trois dans une course vers la maison, je touche la porte une fraction de seconde avant que Luc me rentre dedans, suivi de Victor.
- Eh, doucement, dis-je en riant.
- Petite nature, va. Mets-toi au rugby.
- Ça va pas, non ? J'ai déjà assez de trucs à faire comme ça. Vivement que...
Nous nous taisons tous les trois, partageant la même attente, mais n'osant pas en parler ici à haute voix.
Partir d'ici.
J'aime mes frères de tout mon cœur, je sais qu'ils souffrent de rester ici, mais ils le font pour moi, pour que je ne me retrouve pas seul face à mon père. Je n'ai qu'une hâte, c'est d'avoir mon bac et de m'en aller. Quitte à devoir bosser pour payer mes études, un loyer. Tout sauf rester à la maison. Encore quelques mois.
Nous entrons et montons dans nos chambres. Je fais un détour par la salle de bains, et m'arrête devant le miroir pour m'examiner un moment.
J'aime mon visage. Il fait tourner la tête des filles, ce qui signifie bien des choses. J'aimerais bien qu'il fasse plutôt tourner la tête d'un beau mec... Mais ça, j'attends encore de voir.
Je souffre de la solitude. Des copains, ouais, j'en ai. Mais côté sentimental, nada. Pourtant, je fais gaffe. Personne au lycée ne m'a jamais vu avec une fille. Manquerait plus que l'homme de ma vie, celui qui est né pour me rencontrer, me croie hétéro.
Bon, assez plaisanté. C'est quand même douloureux.
La réalité, c'est que je n'ai pas le courage de le dire. Et à qui ? Mes amis ? Même s'ils sont super, quelle serait leur réaction ? J'ai trop peur, peur de les perdre, peur de ce qu'ils pourraient penser de moi.
Et en même temps, mentir tout le temps me pèse.
Je recoiffe mes cheveux blonds, puis fronce les sourcils à mon reflet dans le miroir, plongeant mon regard dans ses yeux bleus.
Un beau jeune homme, hein. Puceau. Et gay. Et mon maudit père qui me pourrit l'existence. Tu parles d'une vie. Heureusement que j'ai mes frangins et mes potes, sinon je crois que je me serais jeté sous un camion.
Je ressors avant de rentrer dans ma chambre.
Une chambre très austère. Pas de poster sur les murs, pas de console de jeu, pas d'ordinateur, pas de chaîne... Juste un bureau, une bibliothèque et un lit. Une chambre fonctionnelle. Voilà ma vie.
Je m'installe à mon bureau après avoir sorti mes affaires et commence à faire mes devoirs.
Avoir mon bac... Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de lycéens aussi motivés que moi pour l'avoir. Quitter le lycée signifie m'éloigner d'ici pour aller à la fac. Franchement, mon avenir professionnel passe en second dans la liste de mes motivations. Ça a été pareil pour mes frangins, et ils s'en sont très bien sortis. À mon tour.
Mon stylo court sur le papier, écrivant d'une belle écriture acquise à la dure. Je ne dirai pas que bien écrire n'est pas un atout, mais c'est la manière dont j'ai été corrigé pour chaque lettre mal écrite qui me reste en travers de la gorge. Ça, et toutes les autres avanies qu'il m'a fait subir. Je te le jure, papa, j'aurai ma revanche un jour.
J'entends la voiture s'engager dans l'allée, nous sommes rentrés à temps. Nous avons tous les trois le même fantasme : qu'il ait un accident. Grave. Et qu'il y survive, mais paralysé. Jouissif. Bon, assez rêvassé. J'ai du boulot, sans parler de devoir bientôt sourire à mon père.
La porte s'ouvre sur lui, je me lève pour aller l'embrasser, tout en masquant soigneusement mon dégoût de lui. Mes frères et moi devrions faire du théâtre ou du cinéma, car on est bons à ce jeu-là. Il faut dire que penser à ce qui arriverait en cas d'échec est très motivant.
- Bonjour, papa.
- Salut, fils. Comment ça s'est passé ?
- Très bien. J'ai beaucoup de devoirs, ce soir.
- Bien, je ne te retiens pas plus longtemps. Tu me les montreras quand tu auras terminé.
- Bien sûr.
Non pas qu'il comprenne quelque chose aux maths modernes ou à l'espagnol. C'est juste qu'il veut vérifier si j'ai effectivement beaucoup de devoirs.
Nous dînons en silence, écoutant les actualités à la télévision. Mon père manque s'étrangler lorsqu'est diffusé un reportage sur la communauté gay parisienne.
Il coupe le son et se met à fulminer. Nous écoutons, écœurés, sa diatribe homophobe.
- ...tout ça, c'est la faute de l'éducation qu'on donne aux enfants maintenant. Ils devraient rétablir les châtiments corporels à l'école, mais tout fout le camp de nos jours. Heureusement que vous m'avez, les enfants. Je vous ai formé en hommes, en vrais hommes, et le résultat est là. Vous êtes ma fierté.
Ta fierté en prendrait un sacré coup si tu apprenais la vérité...
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