28-07-2020, 05:24 PM
CHAPITRE XXXVI
''Magister dixit''
Kordesh prit une longue inspiration, toussa, et reprit :
- Quand mon maître, Salomon de Caus, est mort, le lendemain du jour où je le battis grâce à la botte de Nimsgern, il me raconta cette histoire. Il me demanda de lui jurer de ne jamais enseigner l'épée, et surtout pas la botte de Nimsgern, sauf à une personne. Et ce fut toi. Et je te demande la même chose.
- Qui ? demandai-je
- Je ne sais pas. Mais toi tu le sauras. Un jour, tu rencontreras un garçon. Tu ne le connaîtras pas, et lui non plus, sans doute. Mais, dés que tu le regarderas dans les yeux, tu le sauras. Tu le sentiras, dans toutes les fibres de ton être...
- Je saurai quoi ?
- Que c'est lui... ton successeur... le prochain gardien de l'épée... c'est lui qu'Elle aura choisit... ce sera lui ton seul et unique élève... tu lui enseigneras tout ce que je t'ai appris, et tout ce que tu auras appris par toi-même... et lorsqu'il t'aura battu avec la botte de Nimsgern, tu sentiras tes forces t'abandonner, et tu mourras... parce que l'épée ne peut avoir qu'un seul gardien... ton temps sera venu et ta mission sera accomplie... tu perpétueras la légende de l'épée... et ton kohai la perpétuera à son tour... Promets moi que c'est ce que tu feras, kohai, promets le...
Je pensai que Kordesh délirait. Mais je lui promis. Il sourit et mourut dans la nuit.
Je lui organisai de belles funérailles. Je quittai Bélothie et me lançai à la recherche de ceux qui avaient tués ma famille. Je mis un long moment à les trouver. J'en débusquai enfin un, l'un de ceux qui avait violé ma mère, je le torturai jusqu'à ce qu'ils me disent où se trouvaient ses complices. La bande s'était séparée, mais ils étaient restés en contact. Une fois qu'il m'eut tout dit, je l'égorgeai comme il avait égorgé ma mère. Je retrouvai chacun des autres et leur infligeai le même sort, en terminant par le chef. Voyant ses anciens complices mourir les uns après les autres, il se terrait, mais l'astrium peut délier bien des langues. Je le retrouvai. Ma haine flamboya en le revoyant égorger mon petit frère en riant. Je le torturai pendant des jours entiers. A la fin, il me supplia de le tuer pour abréger ses souffrances. Mais je ne l'écoutai pas. Et il mourut sous la torture.
Ma vengeance était complète. Mais cela me laissa un goût amer. Et ça ne me rendit pas ma famille. Et je me rendis compte que cette vengeance, que j'avais tellement imaginée, était ce qui me faisait tenir debout. Je n'avais plus goût à rien à présent. Qu'allai-je faire ? Je ne savais que me battre à l'épée, et rien d'autre.
J'ai donc voyagé. Dans tout Utopia, d'abord, me mesurant à tous les meilleurs épéistes des autres royaumes, les battant tous, et puis dans tout Genesia, sauf Vaticana, évidemment. Je me mesurai aux meilleurs épéistes des autres îles, et les battit également. Je revins à Brittania avec la réputation d'être le meilleur épéiste de tout Genesia.
Le Duc me convoqua à Hurlevent et me demanda de devenir son maître d'arme. Me rappelant la promesse que j'avais faite à mon maître, je refusai, et vint m’installer à Malkchour. Mais le Duc n'a pas l'habitude qu'on lui dise non. Il envoya ses chasseurs de prime pour me tuer. Ils moururent tous.
Je ne pensai plus à cette histoire de légende de l'épée, jusqu'à ce qu'un jour, alors que je rentrai chez moi, je vis un jeune garçon agressé par trois hommes. Je le sortis de leurs griffes, plantai mes yeux dans les siens, et sentis, dans chaque fibre de mon être que c'était lui. Tout ce que m'avait dit Kordesh me revint en mémoire. Cette sensation étrange, cette certitude... je me dis que je me trompais, que tu étais trop vieux, que ça ne pouvait pas être toi... mais l'épée ne se trompait pas... l'épée ne se trompe jamais... voilà pourquoi, quand je t'ai vu sur le pas de ma porte, je t'ai dit que je t'attendais... mak teb...