28-07-2020, 04:18 PM
CHAPITRE XXXI
''Labor omnia vincit improbus''
Burydan attendit le laitier sur le porche.
- Tiens, bonjour. Qui tu es ?
- L'élève de Gershaw.
- Son élève ?!
- Oui. Mon maître m'a fait vous dire d’ajuster vos livraisons, puisque nous sommes deux à présent.
- Très bien, dis lui que ce sera fait dés demain.
- Merci.
Burydan lui rendit le panier vide et prit le plein : crème, beurre, lait et œufs. La même scène se déroula avec le boulanger.
Il prépara son petit déjeuner et celui de son maître. Le lait frémissait quand la pendule du salon carillonna. Au sixième tintement, Burydan sursauta en entendant dans son dos :
- Bonjour, kohai, bien dormi ?
Mais comment diable avait-il fait pour ne faire aucun bruit. Les marches de l'escalier grinçaient et Burydan aurait du l'entendre.
- Bonjour, maître. Oui, très bien.
- Vraiment ? demanda Gershaw en s'asseyant. Il me semble avoir entendu un grand ''Nooon'' en plein milieu de la nuit.
- Oui, dit Burydan, juste un cauchemar. Désolé de vous avoir réveillé.
- Ce n'est rien kohai.
Il avait de nouveau rêvé de la mort de Darren et de celle de Martouf. Ils mangèrent en silence.
- T'es-tu laver, kohai ?
- Pas encore, maître...
- Parfait, parce que le matin est dévolu aux exercices physiques. Tu pourras te laver avant notre petite collation de dix heures. Suis moi au jardin.
Burydan suivit Gershaw jusqu'au seul endroit qui n'était pas envahit par les herbes hautes.
- Déshabille toi, kohai.
- Pardon ?
- Déshabille toi.
- Mais... pourquoi... je...
- Quelle est la première règle ?
Burydan le savait : faire tout ce que lui disait son maître, sans rechigner. Et il aurait dû s'en douter. Un homme qui vivait comme un reclus depuis des années, sans femme... Il comprit qu'il devait non seulement s'occuper de la maison, mais aussi de la libido de son maître. Burydan se dévêtit donc. Une fois nu, il s'approcha de Gershaw, tomba à genoux et approcha ses mains de son entre jambe. Gershaw se recula vivement.
- Qu'est-ce que tu fais ?!
Burydan était surpris.
- J'ai pensé que vous vouliez... que je...
- Je ne suis pas bougre !
Burydan était mortifié. Il rougit et baissa la tête.
- Pardonnez moi, maître...
- Relève toi... et regarde moi... Si je t'ai demandé de te mettre nu, ce n'est pas pour... ça. Je veux voir ton corps. Et n'y vois rien de malsain. Un épéiste doit être dextre, certes, mais fort aussi. Tu es déjà assez musclé. Ce sera donc plus facile que si tu étais maigrichon. Je te donnerai, tous les matins, des exercices à faire pour rendre tes muscles dur comme de la pierre. Tiens, enfile ça.
Gershaw lui tendit un morceau de tissu.
- Euh, qu'est-ce que c'est, maître ?
- Un sous vêtement. Ça sert à protéger ta... enfin, ton... matériel. C'est plus hygiénique, kohai, ça tient chaud en hiver et ça évite, lorsqu'on chevauche, que le tout se balade et qu'on s'écrase les... enfin, tu vois ce que je veux dire...
Burydan enfila donc le sous vêtement. Gershaw se dévêtit à son tour et Burydan resta interdit. Son maître était long et élancé, et Burydan pensait que son corps était fin. Et il l'était en quelque sorte, mais il avait des muscles extrêmement bien dessinés et pas un poil de graisse. Un corps tout simplement parfait.
- Bien, dit Gershaw, on va commencer. Je te montre, et tu fais pareil...
Exercices classiques. Des séries de pompes, d'abdominaux, de tractions, de corde à sauter, de course d'endurance, le tout pendant deux heures.
Burydan, ruisselant de sueur, se lava avec application. Il prirent une petite collation et Gershaw commença son apprentissage. Il donna à Burydan un bâton pour lui apprendre les rudiments du maniement de l'épée.
A midi, Gershaw dictait la recette à Burydan en attendant que celui-ci apprenne à lire.
- C'était délicieux, kohai. Alors, par quoi vas-tu commencer aujourd'hui, durant tes deux heures de... corvée ?
- Justement, maître, pouvons-nous faire une entorse à notre programme ?
- Laquelle ?
- Même si je brûle d'apprendre à lire et à écrire, et tout ce que vous voudrez bien m'enseigner, je voudrais que vous me laissiez une semaine pour tout approprier.
- Une semaine ?
- Oui, maître. Parce que cette maison... je vais mettre des heures à la nettoyer comme il faut... idem pour le jardin... et le potager... donc, deux heures par ci et par là... je préférerais faire tout d'un coup et ne plus avoir, par la suite, que de l’entretien...
- C’est raison, dit Gershaw, comme tu veux...
- Et, maître, je vous conseille de quitter les lieux...
- Pardon ?
- A moins que vous vouliez vous retrouver en plein milieu d'un ouragan de poussière...
Gershaw laissa donc Burydan à son travail et alla jusqu'à la taverne. Burydan épousseta, lava, briqua, frotta, brossa et cira la maison et les meubles. Il était sur le porche, torse nu, à regarder le travail accompli quand son maître revint. Il entra dans la maison, et en fit le tour. Les meubles brillaient, les tapis avaient retrouvé leurs couleurs, les sols étaient reluisant de propreté. Gershaw sourit.
- Bien joué, kohai.
Et il ébouriffa les cheveux de Burydan, qui rougit de fierté.
Toute la semaine, il s'occupa du jardin et du potager, arrachant les mauvaises herbes, bêchant, plantant, taillant. Il convainquit son maître d’acheter des fleurs et des arbustes d’ornement, même si celui-ci grommela
- Pff, des fleurs et des arbustes, quelle idée...
Et, enfin, la maison et ses extérieurs redevinrent impeccables.
Gershaw apprit donc tout ce qu'il savait à Burydan. Après les exercices du matin, le maniement de l'épée, rectifiant ses erreurs patiemment, jusqu'à ce qu'il maîtrise parfaitement une technique, avant de passer à une autre. Puis, après les corvées de Burydan, qui n'étaient plus que de l'entretien, il lui apprit à lire, à écrire, la botanique, les mathématiques et tout le reste. Burydan se montra appliqué et curieux, emmagasinant tout dans son cerveau.
Le jeudi, ils allèrent aux bains publics et se lavèrent.
- Kohai, dit Gershaw sur le chemin du retour, ce soir, je sors. Je ne serai pas là de six heures jusqu'à... tard dans la nuit. Tu as donc quartier libre... Et ce sera ainsi tous les jeudis...
- Très bien, maître
Burydan aurait bien voulu savoir où irait Gershaw tous les jeudis, mais il se dit que ce n'était pas une question pertinente... règle numéro deux...
Mais Burydan était curieux... un mois et demi plus tard, il décida de suivre son maître. Gershaw était à cheval, mais avançait au pas. Burydan se cachait dans les encoignures de porte pour ne pas être vu. Inutile, car Gershaw ne se retourna jamais, mais Burydan le soupçonnait d’avoir des yeux derrière la tête, entre autres super pouvoirs. Gershaw arriva dans une rue que Burydan connaissait bien, c'était là où il s'était prostitué. Mais son maître n'alla pas jusqu'au bout de la rue, mais s'arrêta devant ''Chez J's'', le bordel le plus huppé de toute la ville, tellement huppé qu'un palefrenier en livrée venait prendre le cheval des clients.
Burydan fit demi tour en souriant. ''Ainsi, le grand Gershaw de Bélothie n'est pas de bois et va lutiner la gueuse...'' se dit-il.
Le lendemain matin, à six heures...
- Bonjour, kohai. Bien dormi ?
- Très bien, maître, et vous ?
- On ne peut mieux.
A la fin du petit déjeuner, alors que Burydan faisait la vaisselle, Gershaw dit :
- Cet après midi, kohai, nous apprendrons quelque chose de nouveau.
- Ah... quoi ?
- Comment suivre quelqu'un sans se faire repérer...
Burydan rougit jusqu'aux oreilles. Gershaw éclata de rire et lui ébouriffa les cheveux. Mais il ne plaisantait pas et lui apprit en effet quelques techniques pour suivre quelqu'un discrètement.
Le jeudi suivant, Gershaw se préparait à sortir quand il mit une petite pile de pièces devant Burydan.
- Qu'est-ce que c'est, maître ?
- Vingt sols.
- Pour quoi faire ?
- C'est parce que j'ai oublié que tu étais un jeune homme, qui a, lui aussi, des... envies. Alors, je ne sais pas combien coûte une nuit dans les bras d'un garçon, mais je pense que vingt sols devraient suffire, non...
Burydan rougit excessivement et baissa la tête.
- Ne rougis pas, kohai. Et ne baisse pas la tête. Jamais. Ne rougit pas d'aimer et n'en ait pas honte. J'aime les femmes, et toi les hommes. Et alors ? C'est plus simple pour moi, et c'est plus compliqué pour toi, c'est vrai. Mais les lois ne sont pas toujours justes.
Burydan remercia Gershaw et s'habilla. Son maître était parti depuis quelques minutes quand il prit le chemin de la ville. Tous les truands des quartiers Est savait qu'il était l'élève de Gershaw de Bélothie et ne lui causèrent aucun problème. Il ne se dirigea pas vers la rue qu'il avait arpenté pendant des mois. Il avait une autre idée...