18-10-2020, 10:22 PM
CHAPITRE 40 :
*******
Je n'ai pas très bien dormi, comme vous pouvez l'imaginer.
Quelques cauchemars ont peuplé ma nuit. Antoine et moi nous faisions insulter, bousculer dans les vestiaires du gymnase, malmenés à chaque fois que nous rencontrions des homophobes...
Je me lève avec une forte appréhension pour la journée qui commence. Je m'habille et sort de ma chambre et... je vois qu'Oli se trouve devant moi, à croire qu'il m'attendait.
-Oli: comment tu vas ce matin ? Pas trop stressé?
-moi: un peu oui, mais ça va aller.
Nous prenons ensemble notre petit déjeuner. Maman est là, seule avec nous. Elle peut alors parler librement.
-mère: Fais attention à toi aujourd'hui. Et s'il y a des gens qui veulent te faire du mal enfuie toi, ne les affronte pas. Mais si tu ne peux pas leur échapper je te donne ma permission de te défendre. Et toi Oli prends bien soin de ton frère, aide le s'il est en difficulté. Mais j'ai pas besoin de te le dire parce que je sais que vous êtes proches tous les deux... et je veux vous dire que ... c'est un bonheur pour moi d'avoir deux fils comme vous... qui s'aiment et sont unis. Je vous aime mes enfants, je vous le répète et je suis fière de vous!
-moi: merci maman, je vais faire attention et je suis pas seul tu sais.
-Oli: Maman tu sais bien que je veille toujours sur Nicolas, ne te fais pas de soucis.
Maman se rapproche de nous et nous fait un gros bisous avant de nous laisser partir pour une journée qui sera sans doute difficile aussi pour elle...
Nous attendons le bus assez longtemps. Il fait un froid terrible et avec le stress qui me tenaille je grelotte.
Enfin nous pouvons embarquer dans le bus qui a du retard. Je repère vite Antoine qui m'a gardé une place au fond à côté de lui. D'autres sièges sont libres à proximité ce qui permet a Oli de rester avec nous.
-Antoine: salut Nico, tu es toujours prêt ?
-moi: Un peu stressé mais oui, je suis plus que prêt! Et toi ?
-Antoine: Si tu l'es je le suis aussi.
Et soudain une pulsion me fait me rapprocher de mon chéri pour l'embrasser fougueusement.Il me laisse faire quelques secondes puis me repousse doucement.
-Antoine: On avait dit qu'on faisait les choses par étapes! D'abord on se donne la main en public...
-moi: Ouais mais il n'y a pas beaucoup de monde et puis on est à l'arrière donc personne ne nous a vu.
-Antoine: Ok c'est vrai mais on va essayer de s'en tenir à ce qu'on a dit.
Nous parlons pendant tout le reste du trajet pour éviter de trop penser à ce qui va suivre...
Une fois arrivé sur le parking nous sortons du bus et nous avançons jusqu'à l'entrée de l'établissement. Nous nous regardons, nous prenons une profonde inspiration et nous entrons tous les deux, mains dans la main, comme nous l'avons décidé...
A peine entrés dans l'école on se fait déjà remarquer; pourtant on ne fait pas grand chose... on se tient par la main de façon plutôt discrète. Mais ici on n'est pas habitué à voir des garçons mains dans la main .
Nous entendons des phrases comme “tu crois qu'ils sont gays?” ou “regarde les pédés” ou encore “ça me dégoûte de voir ça” etc...
Mais personne ne vient à notre rencontre...Ils se contentent de cracher ces phrases toutes faites et méchantes. Jusqu'au moment où une fille se rapproche de nous et nous aborde. Je la connais un peu, elle est dans notre classe, il m'est arrivé de lui parler un peu à certaines occasions et j'ai remarqué qu'elle est vraiment gentille. Pourtant je lui ai jamais demandé son prénom et elle non plus d'ailleurs ne m'a jamais demandé le mien. Quelques rares échanges entre nous et des propos très superficiels et sans grand interêt.
-fille: salut! On est dans la même classe et on s'est parlé quelquefois...
-moi: oui c'est vrai on s'est déjà un peu parlé
-fille: je voulais vous demander quelque chose...Hmmm...vous êtes...comment dire...
-Antoine : en couple ? C'est ce que tu veux savoir?
-fille: oui c'est ça.
-Antoine: alors on réponds oui à ta question.
-fille: je m'en doutais depuis le début; vous vous tenez toujours ensemble, vous paraissez si proches tous les deux...
-Antoine: et ça t'a gêné de nous voir comme ça ?
-fille: non non pas du tout. Et je vous félicite, je suis contente pour vous si vous vous assumez. Il faut vraiment du courage pour vous montrer comme ça devant tout le monde.
-moi: c'est le fun que la première personne qui vient nous parler ne nous insulte pas. Au fait c'est quoi ton prénom, je m'en rappelle pas ?
-fille: Moi c'est Sarah. Mais je ne vois pas pourquoi je vous insulterai. Je vous trouve trop beau ensemble!
-Antoine: moi mon prénom c'est...
-Sarah: Antoine et ton ami c'est Nicolas.
-moi: tu as retenu nos prénoms?
-Sarah: c'est pas pour paraître “freak”mais disons que depuis le début de l'année je vous trouve différents alors j'ai mémorisé plus facilement vos prénoms.
-Antoine: Eh bien les présentations sont faites maintenant! Merci de nous avoir parlé, nous apprécions.
-Sarah: Je suis contente de l'avoir fait. Alors à une prochaine je dois y aller maintenant.
Nous continuons notre tour de l'école, toujours en nous tenant par la main...nous entendons bien sûr toutes sortes d'insultes mais personne n'ose nous aborder pour nous parler en face. Seule Sarah l'a fait.
On passe devant le bureau de Sébastien et des autres surveillants. Nous décidons d'aller lui dire quelques mots. Je frappe à la porte, un surveillant vient nous ouvrir.
-moi: Bonjour, est-ce qu'on pourrait voir à Sébastien s'il vous plait ?
-surveillant: oui, attendez un moment je vais le chercher.
Après une petite attente Sébastien arrive enfin.
-Seb: salut les gars comment allez vous ce matin? D'après ce que je vois vous êtes de retour ensemble.
-Antoine: Pour le moment ça va bien mais on n'est qu'au début de la journée. On revient tous les deux, on a réglé nos différents à la fin de la semaine dernière.
-Seb: pourquoi tu dis que ça va “pour le moment”?
-moi: tu vas comprendre, c'est pour ça qu'on vient te voir. Nous avons décidé de nous dévoiler tous les deux et nous avons pris la décision de le faire à partir de ce matin.
-Seb: vous avez décidé ça sur un coup de tête ou vous y avez beaucoup réfléchis? Parce que vous vous doutez bien que ce choix va impliquer certaines conséquences, vous le savez hein?
-moi: nous avons longuement réfléchis, nous savons à quoi nous nous exposons en faisant ce choix. Mais on peut pas continuer à se cacher, on veut assumer ce qu'on est.
-Seb: Eh bien je suis content pour vous, et s'il arrive quelque chose n'hésitez pas à venir me voir, je suis surveillant et je pourrais intervenir. Et... ça se passe comment pour le moment?
-Antoine: Mieux qu'on l'avait pensé... Il y a bien eu quelques phrases méchantes, quelques insultes mais toujours prononcées de loin. Ah oui, il y eu une fille, Sarah, qui s'est approchée tout à l'heure pour nous parler et nous féliciter. Elle nous a dit qu'elle trouve qu'on fait un beau couple, qu'on a du courage ... Mais pour l'instant c'est la seule qui a osé.
-Seb: alors je vous dis bon courage pour la suite; merci d'être venu me parler. Mais là je dois vous quitter parce que j'ai du travail. Je vous dis bonne journée à tous les deux. On aura l'occasion de reparler de tout ça...
-Antoine: Merci, à toi aussi bonne journée.
-moi: Merci Seb! On sait qu'on peut toujours compter sur toi.
Une fois que nous avons quitté Seb, nous nous dirigeons vers nos casiers et une mauvaise surprise nous y attend. Nous découvrons que les homophobes se sont acharnés dessus. Des inscriptions violentes ont été écrites au feutre noir indélébile telles que “Fif, pédales, tapettes” et d'autres qui nous font froid dans le dos... ce sont pratiquement des menaces de mort.
Pourtant nous n'avons rien fait de mal non?
On se tient juste par la main!
En quoi ça les gêne?
Et rien que ça les met dans cet état?
Mais dans quelle société on vit?
C’est pas possible que tout le monde partage cette agressivité verbale non?
Il y en a bien qui ne sont pas homophobes ici?
S'ils n'interviennent pas j'ai peur qu'on doive se préparer à des moments très difficiles, encore plus difficiles que ce que j'imaginais!
Nous récupérons nos livres dans nos casiers si tristement “décorés”et nous nous dirigeons vers la salle de cours pour attendre l'arrivée du professeur. Une fois arrivés devant la porte il n'y a encore personne alors nous nous permettons un petit baiser pour nous donner du courage.
-Antoine: alors finalement comment tu trouves ce qu'ils ont fait ?
-moi: les menaces de mort ça me fait un peu peur, c'est un peu radical non?
-Antoine: c'est vrai mais on s'y attendait un peu quand même non? Et je crois que le pire est à venir...
-moi: pourquoi tu dis ça?
-Antoine: tu sais quel cours on a tout à l'heure, après celui-là? Réfléchis et tu vas comprendre.
-moi: Ah oui on a cours de sport!
Et je ne peux pas m'empêcher de penser à mon cauchemar de cette nuit...
-Antoine: alors tu réalises qu'on va être devant plein de mecs, certains ne vont pas être dérangés mais d'autres seront moins gentils et je pense à la bande d'Alex... on sait pas ce qu'il sont capables d'imaginer pour nous casser...
-moi: c'est vrai, mais restons positifs.
Je ne lui dis rien sur ce cauchemar qui m'a pourrit la nuit...
La cloche sonne enfin et tous ceux qui, petit à petit, se sont regroupés devant la porte de la salle entrent. Le cours de Français va commencer.
Annie, la professeure prend sa place devant la classe et nous souhaite la bienvenue avec un grand sourire.
Chacun s'est installé à sa place habituelle, mais avant de rejoindre leur siège chacun a dirigé ses yeux sur nous et certains avec une mine de dégoût bien visible.
Sarah nous adresse, elle, un petit sourire... Mais quand Alex passe devant nous il lance un “salut les pédés” bien fort pour que toute la classe l'entende.
Antoine lui répond sur le même ton “mais ta gueule toi, fils de pute” et le ton monte...
-Alex: Tu devrais tenir ton toutou en laisse si tu veux pas qu'il se refassent casser deux ou trois os...
-Antoine: Ouais, ouais... t'es pas capable de te battre 1 contre 1 parce que tu sais que tu te ferais démolir le premier. Tu sais que je te casserais ta salle tronche de merde...
-Alex: ouais tu vas voir on va régler ça plus tard.
Antoine ne se contrôle plus, il bondit de sa chaise et se dirige vers Alex en bousculant tout sur son passage. Il l’attrape par le col et lui crie : “et pourquoi pas tout de suite?”
J'interviens en hurlant “stop” à Antoine en lui rappelant que c'est la meilleure façon de se faire virer de l'école s'il continue à se comporter comme il le fait.
Antoine se rassoit après avoir hésité, mais mes paroles l'ont calmé.
-Annie : Bon qu'est ce qui justifie cette agitation et cette violence ce matin?
-Alex: Ils sont homos ces deux là, ils devraient pas vivre dans notre monde.
-Annie: Et pourquoi tu aurais plus le droit de vivre qu'eux? Personnellement je suis tenté de dire que les homophobes ne méritent pas plus de vivre alors.
-Alex: t'as pas le droit de dire ça, tu es une prof!!!
-Annié: et pourquoi toi tu aurais le droit?
-Alex: parce que c'est pas naturel que deux gars sortent ensemble, ils ont pas de place dans ce monde, ils sont anormaux.
Et soudain on entend une voix inconnue prononcer cette phrase choc : “ça doit être un homo refoulé celui-la pour sortir des énormités pareilles!
Et toute la classe se met à rire.
-Alex: c'est qui le con qui vient de dire ça ?
-Annie: Bon STOP, ça suffit comme ça. Alex tu sors de la classe et tout de suite.
-Alex: Pourquoi ???
Annie se fâche et frappe violemment son bureau avec le poing en criant : “prends tes affaires et sors immédiatement de cette classe et ferme la porte derrière toi, tu ne reviendras pas tant que tu ne te seras pas calmé et que tu ne viendras pas t'excuser devant toute la classe”.
Alex prend ses livres et sort de la pièce en claquant la porte violemment derrière lui.
Le reste du cours se passe sans problème. Annie a vraiment bien géré cette situation. Et 10 minutes avant la pause elle propose qu'on aborde le sujet de l'homosexualité. Chacun peut s'exprimer librement, dans le calme. Certains ne sont pas à l'aise, d'autres un peu plus... mais on a réussi à rester calmes et à essayer de mieux nous comprendre grâce à notre prof qui est très ouverte d'esprit.
Elle appelle chacun à s'exprimer par écrit pour qu'il soit plus à l'aise et à rédiger quelques phrases que leur inspire cette situation... elle se permettra de rapporter le contenu de ces papiers si elle le juge utile aux deux élèves directement concernés, Antoine et moi.
La cloche sonne enfin, la pause peut enfin commencer.
Nous sommes quelques uns à ne pas sortir. Nous préférons ne pas envenimer la situation surtout si Alex est dans le couloir. Sarah, accompagnée d'un autre élève s'approche de nous.
-Sarah: J'ai une question à vous poser, mais vous n'êtes pas obligés de répondre... C'est quoi cette histoire d'os cassés?
-Antoine: c'est simple, si tu te souviens au début de l'année j'ai manqué l'école pendant plusieurs jours, eh bien c'est à cause d'Alex qui nous a tabassé avec son gang...
-Sarah: sérieux? Mais ce gars c'est vraiment une merde!
-moi: ouais je suis bien d'accord avec toi. Heee toi tu es qui au fait?
-gars: Euh oui salut, je m'appelle Julien et...je voulais juste vous témoigner mon soutien. Je vous trouve très courageux de vous dévoiler comme vous le faites.
-Antoine: alors nous c'est...
-Julien: Je vous connais et surtout depuis aujourd'hui puisqu'on parle que de vous ici. Vous êtes devenus très connus.
-moi: oui mais c'est pas trop cool cette façon qu'on a de nous mettre en avant. On préférerais rester discrets... on est pas différents aujourd'hui.
Je comprends maintenant, en entendant la voix de Julien, que c'est lui qui a lancé cette phrase à Alex du “gay refoulé “ qui a fait rire la classe. Vue sa carrure je comprends qu'il ne doit pas le craindre. Et j'aime cette idée que ce gars va nous être un allié de taille ! Surtout quand il nous assure que si on a besoin d'aide il sera présent pour nous aider.
Antoine et moi le remercions pour ses encouragements et pour la main qu'il nous tend.
Le cours continue après la pause. Puis à la fin de la matinée la cloche annonce la fin du cours ; tous sortent mais Annie nous demande de rester pour nous parler un peu.
-Annie: Je ne pensais pas vivre une chose pareille aujourd'hui. Vous allez bien tous les deux?
Elle nous propose de nous laisser la salle de cours si nous voulons manger en paix mais nous refusons poliment. Nous ne voulons pas fuir devant cette hostilité de certains. Nous avons décidé de nous montrer et nous savions que ce genre de choses pouvaient arriver.
-Annie: vous êtes vraiment courageux. Je suis à votre écoute si vous avez besoin de parler, quand vous voulez.
Nous la remercions chaleureusement pour sa gentillesse et son attitude compréhensive envers nous et quittons la salle pour nous diriger vers la cafétéria pour prendre notre repas qui risque de se passer dans une ambiance très spéciale...
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Je n'ai pas très bien dormi, comme vous pouvez l'imaginer.
Quelques cauchemars ont peuplé ma nuit. Antoine et moi nous faisions insulter, bousculer dans les vestiaires du gymnase, malmenés à chaque fois que nous rencontrions des homophobes...
Je me lève avec une forte appréhension pour la journée qui commence. Je m'habille et sort de ma chambre et... je vois qu'Oli se trouve devant moi, à croire qu'il m'attendait.
-Oli: comment tu vas ce matin ? Pas trop stressé?
-moi: un peu oui, mais ça va aller.
Nous prenons ensemble notre petit déjeuner. Maman est là, seule avec nous. Elle peut alors parler librement.
-mère: Fais attention à toi aujourd'hui. Et s'il y a des gens qui veulent te faire du mal enfuie toi, ne les affronte pas. Mais si tu ne peux pas leur échapper je te donne ma permission de te défendre. Et toi Oli prends bien soin de ton frère, aide le s'il est en difficulté. Mais j'ai pas besoin de te le dire parce que je sais que vous êtes proches tous les deux... et je veux vous dire que ... c'est un bonheur pour moi d'avoir deux fils comme vous... qui s'aiment et sont unis. Je vous aime mes enfants, je vous le répète et je suis fière de vous!
-moi: merci maman, je vais faire attention et je suis pas seul tu sais.
-Oli: Maman tu sais bien que je veille toujours sur Nicolas, ne te fais pas de soucis.
Maman se rapproche de nous et nous fait un gros bisous avant de nous laisser partir pour une journée qui sera sans doute difficile aussi pour elle...
Nous attendons le bus assez longtemps. Il fait un froid terrible et avec le stress qui me tenaille je grelotte.
Enfin nous pouvons embarquer dans le bus qui a du retard. Je repère vite Antoine qui m'a gardé une place au fond à côté de lui. D'autres sièges sont libres à proximité ce qui permet a Oli de rester avec nous.
-Antoine: salut Nico, tu es toujours prêt ?
-moi: Un peu stressé mais oui, je suis plus que prêt! Et toi ?
-Antoine: Si tu l'es je le suis aussi.
Et soudain une pulsion me fait me rapprocher de mon chéri pour l'embrasser fougueusement.Il me laisse faire quelques secondes puis me repousse doucement.
-Antoine: On avait dit qu'on faisait les choses par étapes! D'abord on se donne la main en public...
-moi: Ouais mais il n'y a pas beaucoup de monde et puis on est à l'arrière donc personne ne nous a vu.
-Antoine: Ok c'est vrai mais on va essayer de s'en tenir à ce qu'on a dit.
Nous parlons pendant tout le reste du trajet pour éviter de trop penser à ce qui va suivre...
Une fois arrivé sur le parking nous sortons du bus et nous avançons jusqu'à l'entrée de l'établissement. Nous nous regardons, nous prenons une profonde inspiration et nous entrons tous les deux, mains dans la main, comme nous l'avons décidé...
A peine entrés dans l'école on se fait déjà remarquer; pourtant on ne fait pas grand chose... on se tient par la main de façon plutôt discrète. Mais ici on n'est pas habitué à voir des garçons mains dans la main .
Nous entendons des phrases comme “tu crois qu'ils sont gays?” ou “regarde les pédés” ou encore “ça me dégoûte de voir ça” etc...
Mais personne ne vient à notre rencontre...Ils se contentent de cracher ces phrases toutes faites et méchantes. Jusqu'au moment où une fille se rapproche de nous et nous aborde. Je la connais un peu, elle est dans notre classe, il m'est arrivé de lui parler un peu à certaines occasions et j'ai remarqué qu'elle est vraiment gentille. Pourtant je lui ai jamais demandé son prénom et elle non plus d'ailleurs ne m'a jamais demandé le mien. Quelques rares échanges entre nous et des propos très superficiels et sans grand interêt.
-fille: salut! On est dans la même classe et on s'est parlé quelquefois...
-moi: oui c'est vrai on s'est déjà un peu parlé
-fille: je voulais vous demander quelque chose...Hmmm...vous êtes...comment dire...
-Antoine : en couple ? C'est ce que tu veux savoir?
-fille: oui c'est ça.
-Antoine: alors on réponds oui à ta question.
-fille: je m'en doutais depuis le début; vous vous tenez toujours ensemble, vous paraissez si proches tous les deux...
-Antoine: et ça t'a gêné de nous voir comme ça ?
-fille: non non pas du tout. Et je vous félicite, je suis contente pour vous si vous vous assumez. Il faut vraiment du courage pour vous montrer comme ça devant tout le monde.
-moi: c'est le fun que la première personne qui vient nous parler ne nous insulte pas. Au fait c'est quoi ton prénom, je m'en rappelle pas ?
-fille: Moi c'est Sarah. Mais je ne vois pas pourquoi je vous insulterai. Je vous trouve trop beau ensemble!
-Antoine: moi mon prénom c'est...
-Sarah: Antoine et ton ami c'est Nicolas.
-moi: tu as retenu nos prénoms?
-Sarah: c'est pas pour paraître “freak”mais disons que depuis le début de l'année je vous trouve différents alors j'ai mémorisé plus facilement vos prénoms.
-Antoine: Eh bien les présentations sont faites maintenant! Merci de nous avoir parlé, nous apprécions.
-Sarah: Je suis contente de l'avoir fait. Alors à une prochaine je dois y aller maintenant.
Nous continuons notre tour de l'école, toujours en nous tenant par la main...nous entendons bien sûr toutes sortes d'insultes mais personne n'ose nous aborder pour nous parler en face. Seule Sarah l'a fait.
On passe devant le bureau de Sébastien et des autres surveillants. Nous décidons d'aller lui dire quelques mots. Je frappe à la porte, un surveillant vient nous ouvrir.
-moi: Bonjour, est-ce qu'on pourrait voir à Sébastien s'il vous plait ?
-surveillant: oui, attendez un moment je vais le chercher.
Après une petite attente Sébastien arrive enfin.
-Seb: salut les gars comment allez vous ce matin? D'après ce que je vois vous êtes de retour ensemble.
-Antoine: Pour le moment ça va bien mais on n'est qu'au début de la journée. On revient tous les deux, on a réglé nos différents à la fin de la semaine dernière.
-Seb: pourquoi tu dis que ça va “pour le moment”?
-moi: tu vas comprendre, c'est pour ça qu'on vient te voir. Nous avons décidé de nous dévoiler tous les deux et nous avons pris la décision de le faire à partir de ce matin.
-Seb: vous avez décidé ça sur un coup de tête ou vous y avez beaucoup réfléchis? Parce que vous vous doutez bien que ce choix va impliquer certaines conséquences, vous le savez hein?
-moi: nous avons longuement réfléchis, nous savons à quoi nous nous exposons en faisant ce choix. Mais on peut pas continuer à se cacher, on veut assumer ce qu'on est.
-Seb: Eh bien je suis content pour vous, et s'il arrive quelque chose n'hésitez pas à venir me voir, je suis surveillant et je pourrais intervenir. Et... ça se passe comment pour le moment?
-Antoine: Mieux qu'on l'avait pensé... Il y a bien eu quelques phrases méchantes, quelques insultes mais toujours prononcées de loin. Ah oui, il y eu une fille, Sarah, qui s'est approchée tout à l'heure pour nous parler et nous féliciter. Elle nous a dit qu'elle trouve qu'on fait un beau couple, qu'on a du courage ... Mais pour l'instant c'est la seule qui a osé.
-Seb: alors je vous dis bon courage pour la suite; merci d'être venu me parler. Mais là je dois vous quitter parce que j'ai du travail. Je vous dis bonne journée à tous les deux. On aura l'occasion de reparler de tout ça...
-Antoine: Merci, à toi aussi bonne journée.
-moi: Merci Seb! On sait qu'on peut toujours compter sur toi.
Une fois que nous avons quitté Seb, nous nous dirigeons vers nos casiers et une mauvaise surprise nous y attend. Nous découvrons que les homophobes se sont acharnés dessus. Des inscriptions violentes ont été écrites au feutre noir indélébile telles que “Fif, pédales, tapettes” et d'autres qui nous font froid dans le dos... ce sont pratiquement des menaces de mort.
Pourtant nous n'avons rien fait de mal non?
On se tient juste par la main!
En quoi ça les gêne?
Et rien que ça les met dans cet état?
Mais dans quelle société on vit?
C’est pas possible que tout le monde partage cette agressivité verbale non?
Il y en a bien qui ne sont pas homophobes ici?
S'ils n'interviennent pas j'ai peur qu'on doive se préparer à des moments très difficiles, encore plus difficiles que ce que j'imaginais!
Nous récupérons nos livres dans nos casiers si tristement “décorés”et nous nous dirigeons vers la salle de cours pour attendre l'arrivée du professeur. Une fois arrivés devant la porte il n'y a encore personne alors nous nous permettons un petit baiser pour nous donner du courage.
-Antoine: alors finalement comment tu trouves ce qu'ils ont fait ?
-moi: les menaces de mort ça me fait un peu peur, c'est un peu radical non?
-Antoine: c'est vrai mais on s'y attendait un peu quand même non? Et je crois que le pire est à venir...
-moi: pourquoi tu dis ça?
-Antoine: tu sais quel cours on a tout à l'heure, après celui-là? Réfléchis et tu vas comprendre.
-moi: Ah oui on a cours de sport!
Et je ne peux pas m'empêcher de penser à mon cauchemar de cette nuit...
-Antoine: alors tu réalises qu'on va être devant plein de mecs, certains ne vont pas être dérangés mais d'autres seront moins gentils et je pense à la bande d'Alex... on sait pas ce qu'il sont capables d'imaginer pour nous casser...
-moi: c'est vrai, mais restons positifs.
Je ne lui dis rien sur ce cauchemar qui m'a pourrit la nuit...
La cloche sonne enfin et tous ceux qui, petit à petit, se sont regroupés devant la porte de la salle entrent. Le cours de Français va commencer.
Annie, la professeure prend sa place devant la classe et nous souhaite la bienvenue avec un grand sourire.
Chacun s'est installé à sa place habituelle, mais avant de rejoindre leur siège chacun a dirigé ses yeux sur nous et certains avec une mine de dégoût bien visible.
Sarah nous adresse, elle, un petit sourire... Mais quand Alex passe devant nous il lance un “salut les pédés” bien fort pour que toute la classe l'entende.
Antoine lui répond sur le même ton “mais ta gueule toi, fils de pute” et le ton monte...
-Alex: Tu devrais tenir ton toutou en laisse si tu veux pas qu'il se refassent casser deux ou trois os...
-Antoine: Ouais, ouais... t'es pas capable de te battre 1 contre 1 parce que tu sais que tu te ferais démolir le premier. Tu sais que je te casserais ta salle tronche de merde...
-Alex: ouais tu vas voir on va régler ça plus tard.
Antoine ne se contrôle plus, il bondit de sa chaise et se dirige vers Alex en bousculant tout sur son passage. Il l’attrape par le col et lui crie : “et pourquoi pas tout de suite?”
J'interviens en hurlant “stop” à Antoine en lui rappelant que c'est la meilleure façon de se faire virer de l'école s'il continue à se comporter comme il le fait.
Antoine se rassoit après avoir hésité, mais mes paroles l'ont calmé.
-Annie : Bon qu'est ce qui justifie cette agitation et cette violence ce matin?
-Alex: Ils sont homos ces deux là, ils devraient pas vivre dans notre monde.
-Annie: Et pourquoi tu aurais plus le droit de vivre qu'eux? Personnellement je suis tenté de dire que les homophobes ne méritent pas plus de vivre alors.
-Alex: t'as pas le droit de dire ça, tu es une prof!!!
-Annié: et pourquoi toi tu aurais le droit?
-Alex: parce que c'est pas naturel que deux gars sortent ensemble, ils ont pas de place dans ce monde, ils sont anormaux.
Et soudain on entend une voix inconnue prononcer cette phrase choc : “ça doit être un homo refoulé celui-la pour sortir des énormités pareilles!
Et toute la classe se met à rire.
-Alex: c'est qui le con qui vient de dire ça ?
-Annie: Bon STOP, ça suffit comme ça. Alex tu sors de la classe et tout de suite.
-Alex: Pourquoi ???
Annie se fâche et frappe violemment son bureau avec le poing en criant : “prends tes affaires et sors immédiatement de cette classe et ferme la porte derrière toi, tu ne reviendras pas tant que tu ne te seras pas calmé et que tu ne viendras pas t'excuser devant toute la classe”.
Alex prend ses livres et sort de la pièce en claquant la porte violemment derrière lui.
Le reste du cours se passe sans problème. Annie a vraiment bien géré cette situation. Et 10 minutes avant la pause elle propose qu'on aborde le sujet de l'homosexualité. Chacun peut s'exprimer librement, dans le calme. Certains ne sont pas à l'aise, d'autres un peu plus... mais on a réussi à rester calmes et à essayer de mieux nous comprendre grâce à notre prof qui est très ouverte d'esprit.
Elle appelle chacun à s'exprimer par écrit pour qu'il soit plus à l'aise et à rédiger quelques phrases que leur inspire cette situation... elle se permettra de rapporter le contenu de ces papiers si elle le juge utile aux deux élèves directement concernés, Antoine et moi.
La cloche sonne enfin, la pause peut enfin commencer.
Nous sommes quelques uns à ne pas sortir. Nous préférons ne pas envenimer la situation surtout si Alex est dans le couloir. Sarah, accompagnée d'un autre élève s'approche de nous.
-Sarah: J'ai une question à vous poser, mais vous n'êtes pas obligés de répondre... C'est quoi cette histoire d'os cassés?
-Antoine: c'est simple, si tu te souviens au début de l'année j'ai manqué l'école pendant plusieurs jours, eh bien c'est à cause d'Alex qui nous a tabassé avec son gang...
-Sarah: sérieux? Mais ce gars c'est vraiment une merde!
-moi: ouais je suis bien d'accord avec toi. Heee toi tu es qui au fait?
-gars: Euh oui salut, je m'appelle Julien et...je voulais juste vous témoigner mon soutien. Je vous trouve très courageux de vous dévoiler comme vous le faites.
-Antoine: alors nous c'est...
-Julien: Je vous connais et surtout depuis aujourd'hui puisqu'on parle que de vous ici. Vous êtes devenus très connus.
-moi: oui mais c'est pas trop cool cette façon qu'on a de nous mettre en avant. On préférerais rester discrets... on est pas différents aujourd'hui.
Je comprends maintenant, en entendant la voix de Julien, que c'est lui qui a lancé cette phrase à Alex du “gay refoulé “ qui a fait rire la classe. Vue sa carrure je comprends qu'il ne doit pas le craindre. Et j'aime cette idée que ce gars va nous être un allié de taille ! Surtout quand il nous assure que si on a besoin d'aide il sera présent pour nous aider.
Antoine et moi le remercions pour ses encouragements et pour la main qu'il nous tend.
Le cours continue après la pause. Puis à la fin de la matinée la cloche annonce la fin du cours ; tous sortent mais Annie nous demande de rester pour nous parler un peu.
-Annie: Je ne pensais pas vivre une chose pareille aujourd'hui. Vous allez bien tous les deux?
Elle nous propose de nous laisser la salle de cours si nous voulons manger en paix mais nous refusons poliment. Nous ne voulons pas fuir devant cette hostilité de certains. Nous avons décidé de nous montrer et nous savions que ce genre de choses pouvaient arriver.
-Annie: vous êtes vraiment courageux. Je suis à votre écoute si vous avez besoin de parler, quand vous voulez.
Nous la remercions chaleureusement pour sa gentillesse et son attitude compréhensive envers nous et quittons la salle pour nous diriger vers la cafétéria pour prendre notre repas qui risque de se passer dans une ambiance très spéciale...