27-07-2020, 01:04 PM
CHAPITRE XXV
''Nigro notanda lapillo''
Burydan se réveilla. Il avait froid. Depuis quelques temps déjà il avait pris l'habitude de se lever avec le corps tiède de Martouf dans ses bras, mais sa bouillotte préférée n'était plus là. Martouf était devant son miroir, en train de se laver et de se raser.
Burydan se leva sans bruit, se faufila derrière son petit minet et le fit sursauter quand il passa ses bras musclés autour de sa taille.
- Salut, murmura-t-il en embrassant sa nuque.
- Salut, beau brun, bien dormi ?
- Oui, mais dur réveil. Tu sais que j'aime me réveiller avec mon joli minet dans les bras.
- Désolé, j'ai un rencard...
- Avec qui ?
- Tu te rappelles mon client d'hier, celui qui était masqué ?
- Oui.
- Il m'a proposé un truc.
- Tu ne m'as rien dit.
- Non, je pensais trop à toutes les choses que j'avais envie que tu me fasses. Et que tu m'as faites, d'ailleurs...
- Et que j'ai aimé te faire, bébé...
- Tu sais que j'ai un an de plus que toi...
- Ouais, mais tu as la peau douce et tu es aussi baraqué qu'un enfantelet...
- Crétin, dit Martouf en riant.
- C'est quoi ce ''truc'' ?
- Une orgie.
- Pardon ?
- Une orgie. On sera six petits minets pour lui et deux de ses amis. On devra d'abord leur servir à manger, nus évidemment, et puis nous amuser entre nous devant eux avant de nous occuper d'eux. Deux minets chacun. Et il m'a assuré qu'il n'y aurait pas de choses dégradantes ou extrêmes, juste de la baise. Et en plus, il me propose un lunar pour toute la nuit !
- Un lunar ?! Pour une nuit ?!
- Et oui...
- Ça me paraît un peu louche...
- Mais non, ne t'inquiète pas... et puis un lunar...
- T'aurais pu me proposer, histoire que je veille sur toi, mon cœur
- Mmm, j'adore quand tu m'appelles comme ça. Et je t'ai proposé, mais tu es trop... ou plutôt pas assez minet pour lui. Apparemment lui et ses amis aiment les garidas (1) comme moi.
Burydan était perplexe. C'était trop beau pour être vrai.
- Ça ne me plaît pas, bébé.
- Que veux tu donc qu'il m'arrive ? En plus on sera six, il n'y a aucun risque.
Burydan acquiesça.
- Tu as rendez-vous à quelle heure ?
- Huit heures.
- Et il n'est que cinq heures. Tu auras le temps de te relaver tout à l'heure.
- Me relaver ? Pourquoi ?
Burydan mit une main sur sa poitrine et l'autre commença à caresser sa belle petite bite.
- Parce que j'ai envie de te faire transpirer, et de coller contre toi mon corps ruisselant de sueur... Et de maculer ton petit torse tout mignon de mon foutre tiède...
Et ils firent l'amour intensément sauf que, Martouf chevauchant son bel étalon, c'est son sperme à lui qui macula le torse de Burydan.
Martouf devait attendre un carrosse de louage à l'angle de la rue. Burydan, lui, alla prendre son ''poste de travail''. On était jeudi et Wozniak devait passer. Il monta avec lui et se déshabilla.
La première fois qu'ils avaient baisé ensemble, Wozniak avait surpris Burydan en lui disant qu'il était trop musclé pour qu'il le baise. Et lui avait donc demandé de le prendre. Et tous les jeudis Wozniak criait comme un perdu en se faisant démonter.
Burydan baisa donc le boulanger mécaniquement. Il avait un mauvais pressentiment, et quelque chose le chiffonnait, sans savoir quoi exactement. Il ressortit de l’auberge et il comprit ce qui clochait. Martouf lui avait dit qu'ils seraient six minets pour cette orgie, hors tous les prostitués habituels étaient là. Il n'en manquait pas un. Alors, qui étaient les cinq autres...
Burydan rentra et tourna en rond en attendant le retour de Martouf. Il savait que la soi-disant orgie devait durer toute la nuit, mais, à sept heures, le lendemain, Martouf n'était toujours pas rentré. Il alla chez Wozniak. ''Peut être qu'il est allé directement là-bas'', se dit il.
- Salut Burydan...
- Salut Wozniak, Martouf est là ?
- Euh, non, il n'est pas avec toi ?
Burydan ne répondit pas et pâlit. Il retourna à leur logis et attendit... attendit... attendit... mais Martouf ne revint pas. Il savait qu'il était arrivé quelque chose. Il ne savait pas quoi faire puis se rappela d'Aragorn. Il fallait qu'il le voit.
Burydan se plaça devant le poste de la milice et attendit. Aragorn le vit et blêmit. Il passa à côté de lui et murmura
- Suis moi à distance.
Burydan lui laissa quelques secondes d'avance et lui emboîta le pas. Arrivé dans une ruelle, Aragorn se retourna et dit :
- Mais t'es dingue de venir me trouver au boulot, on pourrait...
- Martouf a disparu, le coupa Burydan.
- Comment ça disparu.
Burydan lui raconta tout. Aragorn pâlit.
- On va chez vous, dit-il.
Le milicien se laissa tomber sur une chaise.
- Sers moi un verre, s'il te plaît.
Burydan leur servit deux verres de vin. Aragorn but le sien d'un trait et s'en resservit un autre.
- Un homme masqué, c'est ça ?
- Oui.
- Et un carrosse de louage à l'angle de la rue ?
- Oui.
- Et un lunar de salaire pour toute la nuit ?
- Oui.
- Il a recommencé...
- Qui a recommencé quoi ?
Aragorn poussa un long soupir et raconta :
- Ça a commencé il y a deux ans. On a retrouvé, flottant sur la rivière, le corps d'un garçon, entièrement nu. Je le connaissais, je l'avais déjà vu faire le trottoir. Je n'ai rien dit, évidemment, mais deux mois plus tard on en retrouva un autre, et encore une autre deux mois plus tard. Ça m'a parut étrange. J'ai mené discrètement ma petite enquête. En interrogeant les autres... enfin les autres comme toi, qui étaient amis avec les trois morts ils m'ont tous raconté la même histoire : un homme masqué, une orgie, six minets, un lunar, un carrosse de louage...
- Et alors ?
- Alors j'ai attendu que revienne l'homme masqué. Et, deux mois plus tard, je le vis. Je le suivis et l’alpaguait chez lui. C'était un petit truand de bas étage. Je l'ai tabassé pour qu'il me raconte tout. Il travaillait pour un homme qui le payait pour lui ramener un minet de temps en temps. Un minet, pas six. Et pas trois hommes, juste lui. Il me dit qu'il livrait juste la ''marchandise'', le reste, ça ne le regardait pas. Je savais qu'il mentait. Je l'ai frappé de nouveau, et il m'a avoué que c'est lui qui se débarrassait des corps. Son ''client'' frappait souvent les minets, et toujours trop fort... je l'ai tué après qu'il m'ait révélé qui était son client.
- C'était qui ? demanda Burydan pâle comme un linge.
- Pergamond...
- Et alors, si tu sais qui c'est, pourquoi tu n'as rien fait ? Tu es de la milice, non ?
- Pergamond, c'est le chef de la milice...
Burydan tomba des nues. Martouf était mort. Il le savait. Il le sentait dans chaque fibre de son être. Jusqu'au plus profond de son âme.
Aragorn partit, en lui promettant de le tenir au courant. Ce qu'il fit, deux jours plus tard. Il frappa à la porte de chez Burydan. Quand celui-ci le vit, pâle et défait, il comprit.
- C'est Martouf ? demanda-t-il.
Il acquiesça.
- Il est...
- On l'a repêche dans la rivière ce matin.
- Comment il est...
- Il a été battu à mort...
Burydan était désespéré. Son petit minet, tout mignon, tout frêle, son ami, son amant, était... son chagrin, indicible, se changea en colère.
- Tu le savais... tu le savais et tu n'as rien fait... est-ce que tu as au moins prévenu Martouf...
- Non... dit Aragorn en baissant la tête.
Il vit Burydan serré les poings. Il releva la tête et dit :
- Tu peux me frapper, je l'ai mérité...
Burydan resta interdit. Aragorn pleurait. Il se rendit compte que le milicien avait de l'affection pour Martouf et qu'il se sentait coupable. Il ne le frappa pas.
- Je vais aller chez ce Pergamond et le tuer...
- Tu ne pourras pas, dit Aragorn, il est protégé par une douzaine de miliciens, tu ne passeras même pas l'angle de la rue.
- Je m'en fous, il faut qu'il paie... même si je dois en crever.
- Ça ne ramènera pas Martouf.
Il avait raison, évidemment. Il partit et Burydan s'écroula sur son lit. Il prit un vêtement de Martouf, s'enivra de son odeur, et pleura toutes les larmes de son corps.
(1) Garida : crustacé décapode marin, nageur, de taille moyenne. Très semblable à la crevette.