3 - L'été dernier
Samedi 20 mars
Je regarde mon assiette vide, me plongeant de nouveau dans mes pensées. Je ne fais que ça, en ce moment. Ma foi, si je dois me reconstruire, il faut bien en passer par là. J'ai déjà décidé de ce que ferai pour mon avenir professionnel, de laisser le temps à mes sentiments de se clarifier... Que me reste-t-il à décider ?
Aucune idée... Une vie se résume-t-elle à ça ? C'est bien peu de chose, en fin de compte.
Je relève la tête, et croise le regard attentif d'Olivier. Je lui fais un sourire, et obtiens le sien en réponse.
- Dis-moi, Olivier... Tu veux bien me raconter notre première rencontre ?
- Oui, si tu veux... Mais je croyais que tu ne voulais plus entendre parler du passé ?
- Eh bien... Disons que je suis curieux. De te connaître un peu mieux.
- Eh bien... C'était il y a deux ans, l'été. J'avais pris l'habitude de passer mes vacances chez Marc, après le départ de Jean. Rester seul chez moi était devenu intolérable. On ne s'est pas beaucoup parlé, je dois dire. Tu étais plutôt réservé, à l'époque. Je le regrettais, d'ailleurs... car... tu...
Il déglutit, difficilement.
- Tu m'as plu dès le premier regard.
(Ah... Voilà qui est intéressant.)
Il lève ses yeux vers moi, mais que pourrais-je exprimer, sinon mon simple intérêt pour la suite ?
- Ça a été dur, pour moi... Je n'ai pas osé t'avouer mes sentiments... Comment l'aurais-je pu, d'ailleurs ? C'était difficile, d'autant que je ne te connaissais pas beaucoup... Et ta timidité ne facilitait pas la conversation. Du coup, nous nous sommes quittés à la fin de l'été, sans que rien ne se soit passé entre nous. Lorsque tu es revenu l'année suivante, je ne t'ai pas reconnu tellement tu avais changé. J'imagine que c'est l'influence d'Alex.
- Et cette deuxième fois, nous nous sommes parlé plus ouvertement ?
- On n'en a pas eu tellement l'occasion... Tu m'as surtout prévenu de me méfier de Sylvie.
- Pourquoi ?
- Elle avait eu une très mauvaise influence sur toi... Et elle a tenté de te remettre sous sa coupe, d'ailleurs.
- Ah...
(On dirait qu'il y a plus de choses dans mon passé qu'on ne m'en a raconté...)
- Mais, dis-moi... Sais-tu quelque chose sur ce qui m'est arrivé ? Pourquoi Alex s'est-il senti coupable ?
- Euh... Je t'ai déjà tout dit la dernière fois.
- J'ai besoin de comprendre. Vraiment besoin. Y a-t-il quoi que ce soit qui... Olivier ? Qu'est-ce qu'il y a ?
Olivier a baissé la tête, le visage crispé.
- Tu sais quelque chose ? S'il te plaît... Dis-toi que de toute façon je serai incapable d'éprouver une quelconque émotion quant au passé. Tout a été effacé.
Il relève la tête, semblant lutter intérieurement.
- Dis-moi ce qui s'est passé.
- Je... je n'étais pas là quand ça s'est produit... Mais...
Je vois avec surprise des larmes couler sur ses joues.
- Olivier ?
- Je... tu...
Bouche bée, je le vois s'effondrer en larmes.
- Yann... Tout est de ma faute !
- Hein ? Comment ça ?
- Nous... nous avons... tu...
Il s'arrête, incapable de continuer.
(Mais que s'est-il passé ? D'abord Alex, puis maintenant Olivier... Ils se sentent tous les deux coupables de ce qui m'est arrivé ?
En écartant l'hypothèse farfelue qu'ils m'aient balancé tous les deux du haut de cette pente, que reste-t-il ?
Une minute...)
- Je vous ai surpris tous les deux, Alex et toi ?
- Hein ? Dit-il en relevant la tête, surpris. Non, ce n'est pas du tout ça... C'est... c'est avec toi que... que j'étais.
- Ah... Et Alex ?
Il prend le temps de se reprendre avant de me répondre.
- Je n'en sais rien. Nous... nous avons fait l'amour jusqu'à l'épuisement. Je me suis endormi peu après, et quand je me suis réveillé, c'était le chaos dans le chalet.
- Alors pourquoi dis-tu que c'est de ta faute ?
- Alex nous a raconté que vous vous étiez disputé, sans vouloir nous dire à quel sujet. C'est évident, non ? Il a compris ce qui s'est passé. Peut-être le lui as-tu avoué. Je m'en veux, Yann, je n'aurais jamais dû céder à mon désir de toi !
(Pfff... Je n'aurais pas dû vouloir remuer le passé. C'est à chaque fois la même histoire. Impossible d'obtenir une version décente et complète de ce qui s'est passé. La preuve ?)
- Reparle-moi de Sylvie. Sais-tu ce qui s'est passé avec elle ?
Il semble soulagé de changer de sujet.
- Tout ce que je sais, c'est que tu dois l'éviter à tout prix. Parce que sinon, tu le regretterais amèrement. Elle t'a fait beaucoup souffrir, le dernier jour. Délibérément.
- Mais comment ?
- Je ne sais pas. Tu t'es sauvé vers moi pour lui échapper, et tu t'es réfugié avec moi dans ma chambre, pour pleurer ensuite dans mes bras à cause d'elle. Elle te faisait terriblement peur.
(Qu'est-ce que je disais ? Il y a trop de secrets, trop de non-dits. Trop de zones d'ombre.)
Enfin. Je dois déjà assimiler ce que j'ai appris.
- Assez parlé du passé.
Olivier acquiesce, soulagé.
Je me lève et pars dans ma chambre, puis m'allonge pour réfléchir.
Au bout de quelques heures douloureuses, je finis par prendre une décision. Reste à l'appliquer.
Avant qu'il ne soit trop tard.
Dimanche 21 mars
Olivier,
Je te remercie pour ton accueil, le temps que j'ai passé ici m'a permis de récupérer.
Rester ici serait une erreur. D'une part, ma présence te fait visiblement souffrir, et je n'en peux plus d'être la cause de tant de douleur. D'autre part, je ne trouverai plus ici le détachement dont j'ai besoin. Déjà je me mets à vouloir fouiller dans mon passé, et c'est à chaque fois plus douloureux qu'avant. J'ai besoin d'être seul avec moi-même pendant quelques temps.
Ne t'en veux pas. Ce n'est pas de ta faute.
Je suis perdu depuis des mois. Je dois me trouver, maintenant.
Yann
PS: Je m'excuse de ne pouvoir te le dire en face. Je n'aurais pas eu la force de partir.
Samedi 20 mars
Je regarde mon assiette vide, me plongeant de nouveau dans mes pensées. Je ne fais que ça, en ce moment. Ma foi, si je dois me reconstruire, il faut bien en passer par là. J'ai déjà décidé de ce que ferai pour mon avenir professionnel, de laisser le temps à mes sentiments de se clarifier... Que me reste-t-il à décider ?
Aucune idée... Une vie se résume-t-elle à ça ? C'est bien peu de chose, en fin de compte.
Je relève la tête, et croise le regard attentif d'Olivier. Je lui fais un sourire, et obtiens le sien en réponse.
- Dis-moi, Olivier... Tu veux bien me raconter notre première rencontre ?
- Oui, si tu veux... Mais je croyais que tu ne voulais plus entendre parler du passé ?
- Eh bien... Disons que je suis curieux. De te connaître un peu mieux.
- Eh bien... C'était il y a deux ans, l'été. J'avais pris l'habitude de passer mes vacances chez Marc, après le départ de Jean. Rester seul chez moi était devenu intolérable. On ne s'est pas beaucoup parlé, je dois dire. Tu étais plutôt réservé, à l'époque. Je le regrettais, d'ailleurs... car... tu...
Il déglutit, difficilement.
- Tu m'as plu dès le premier regard.
(Ah... Voilà qui est intéressant.)
Il lève ses yeux vers moi, mais que pourrais-je exprimer, sinon mon simple intérêt pour la suite ?
- Ça a été dur, pour moi... Je n'ai pas osé t'avouer mes sentiments... Comment l'aurais-je pu, d'ailleurs ? C'était difficile, d'autant que je ne te connaissais pas beaucoup... Et ta timidité ne facilitait pas la conversation. Du coup, nous nous sommes quittés à la fin de l'été, sans que rien ne se soit passé entre nous. Lorsque tu es revenu l'année suivante, je ne t'ai pas reconnu tellement tu avais changé. J'imagine que c'est l'influence d'Alex.
- Et cette deuxième fois, nous nous sommes parlé plus ouvertement ?
- On n'en a pas eu tellement l'occasion... Tu m'as surtout prévenu de me méfier de Sylvie.
- Pourquoi ?
- Elle avait eu une très mauvaise influence sur toi... Et elle a tenté de te remettre sous sa coupe, d'ailleurs.
- Ah...
(On dirait qu'il y a plus de choses dans mon passé qu'on ne m'en a raconté...)
- Mais, dis-moi... Sais-tu quelque chose sur ce qui m'est arrivé ? Pourquoi Alex s'est-il senti coupable ?
- Euh... Je t'ai déjà tout dit la dernière fois.
- J'ai besoin de comprendre. Vraiment besoin. Y a-t-il quoi que ce soit qui... Olivier ? Qu'est-ce qu'il y a ?
Olivier a baissé la tête, le visage crispé.
- Tu sais quelque chose ? S'il te plaît... Dis-toi que de toute façon je serai incapable d'éprouver une quelconque émotion quant au passé. Tout a été effacé.
Il relève la tête, semblant lutter intérieurement.
- Dis-moi ce qui s'est passé.
- Je... je n'étais pas là quand ça s'est produit... Mais...
Je vois avec surprise des larmes couler sur ses joues.
- Olivier ?
- Je... tu...
Bouche bée, je le vois s'effondrer en larmes.
- Yann... Tout est de ma faute !
- Hein ? Comment ça ?
- Nous... nous avons... tu...
Il s'arrête, incapable de continuer.
(Mais que s'est-il passé ? D'abord Alex, puis maintenant Olivier... Ils se sentent tous les deux coupables de ce qui m'est arrivé ?
En écartant l'hypothèse farfelue qu'ils m'aient balancé tous les deux du haut de cette pente, que reste-t-il ?
Une minute...)
- Je vous ai surpris tous les deux, Alex et toi ?
- Hein ? Dit-il en relevant la tête, surpris. Non, ce n'est pas du tout ça... C'est... c'est avec toi que... que j'étais.
- Ah... Et Alex ?
Il prend le temps de se reprendre avant de me répondre.
- Je n'en sais rien. Nous... nous avons fait l'amour jusqu'à l'épuisement. Je me suis endormi peu après, et quand je me suis réveillé, c'était le chaos dans le chalet.
- Alors pourquoi dis-tu que c'est de ta faute ?
- Alex nous a raconté que vous vous étiez disputé, sans vouloir nous dire à quel sujet. C'est évident, non ? Il a compris ce qui s'est passé. Peut-être le lui as-tu avoué. Je m'en veux, Yann, je n'aurais jamais dû céder à mon désir de toi !
(Pfff... Je n'aurais pas dû vouloir remuer le passé. C'est à chaque fois la même histoire. Impossible d'obtenir une version décente et complète de ce qui s'est passé. La preuve ?)
- Reparle-moi de Sylvie. Sais-tu ce qui s'est passé avec elle ?
Il semble soulagé de changer de sujet.
- Tout ce que je sais, c'est que tu dois l'éviter à tout prix. Parce que sinon, tu le regretterais amèrement. Elle t'a fait beaucoup souffrir, le dernier jour. Délibérément.
- Mais comment ?
- Je ne sais pas. Tu t'es sauvé vers moi pour lui échapper, et tu t'es réfugié avec moi dans ma chambre, pour pleurer ensuite dans mes bras à cause d'elle. Elle te faisait terriblement peur.
(Qu'est-ce que je disais ? Il y a trop de secrets, trop de non-dits. Trop de zones d'ombre.)
Enfin. Je dois déjà assimiler ce que j'ai appris.
- Assez parlé du passé.
Olivier acquiesce, soulagé.
Je me lève et pars dans ma chambre, puis m'allonge pour réfléchir.
Au bout de quelques heures douloureuses, je finis par prendre une décision. Reste à l'appliquer.
Avant qu'il ne soit trop tard.
Dimanche 21 mars
Olivier,
Je te remercie pour ton accueil, le temps que j'ai passé ici m'a permis de récupérer.
Rester ici serait une erreur. D'une part, ma présence te fait visiblement souffrir, et je n'en peux plus d'être la cause de tant de douleur. D'autre part, je ne trouverai plus ici le détachement dont j'ai besoin. Déjà je me mets à vouloir fouiller dans mon passé, et c'est à chaque fois plus douloureux qu'avant. J'ai besoin d'être seul avec moi-même pendant quelques temps.
Ne t'en veux pas. Ce n'est pas de ta faute.
Je suis perdu depuis des mois. Je dois me trouver, maintenant.
Yann
PS: Je m'excuse de ne pouvoir te le dire en face. Je n'aurais pas eu la force de partir.
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