05-10-2020, 07:51 PM
2 - Culpabilités
Mercredi 3 mars
« Le numéro que vous avez demandé n'est pas attribué... »
Alex raccroche et soupire.
- Disparu ! Plus personne ne sait où il est, et son numéro de portable n'est plus bon !
Il regarde à nouveau son mobile, puis fait défiler la liste.
Il s'arrête, puis reste sans bouger, le pouce frôlant le bouton appel, il inspire en humectant ses lèvres, les yeux fixés sur le mot « Papa » surligné sur l'écran.
Finalement, poussant un juron, il referme l'appareil.
- Salut Olivier !
- Salut Yann ! Je suis content de te revoir.
- Moi de même.
- Entre.
- Alors, quoi de neuf, me demande-t-il un peu plus tard, alors que nous nous sommes installés sur son canapé.
- Toujours la même chose. J'ai fait une croix sur mon passé, Olivier, rien n'y a fait. Il est mort.
- Je suis désolé.
- Je ne peux rien y faire, mais je veux pouvoir vivre pour moi-même, maintenant. Je n'en pouvais plus d'essayer d'être quelqu'un qui était un parfait inconnu pour moi, de vivre pour les autres. Tu es le seul à m'avoir compris, à t'être battu pour qu'on me laisse souffler.
- J'avais bien senti que tu allais craquer. Tu vas pouvoir être toi-même ici, quel que soit ce « toi » que tu décideras d'être.
- Merci. Et toi, que deviens-tu ?
- J'ai arrêté les études après avoir compris que je m'étais planté de voie. Je pense que je vais m'orienter sur l'environnement. L'avantage, c'est que je pourrai rester à La Rochelle.
- Au fait, comment as-tu pu mettre la main sur une pareille baraque ? Elle est sympa, mais ça doit être hors de prix.
- En fait, j'ai toujours vécu ici. Quand mes parents ont décidé de s'installer à la campagne, je leur ai dit que je voulais rester ici pour mes études. Ils m'ont alors confié la maison.
- Et tu t'en sors ?
- Ils ne m'ont pas laissé sans ressources, et Marc m'a aidé aussi. Je vis bien.
Lundi 15 mars
Je regarde sans le voir l'écran éteint de la télé, assis sur le canapé, tentant de faire le point.
J'ai erré dans la ville, marchant le long des quais, dînant dans des restaurants, vivant en touriste. Si j'y ai trouvé un certain apaisement, la question se pose toujours sur ce que je vais faire de mon avenir.
Dur... Que puis-je faire, en effet ? Impossible de reprendre les études avec le néant qu'est devenu ma mémoire, je devrais reprendre trop de choses depuis le début. Je pense que je vais essayer de faire ce que je faisais avant, et pour ça, acheter des bouquins, un ordi, et réapprendre. Il paraît que j'avais du talent pour la programmation, je dois toujours avoir ça en moi. En tout cas, je me refuse à vivre constamment de la générosité de Marc.
Olivier rentre à ce moment-là, et s'assoit à côté de moi après avoir posé ses affaires.
- Ça n'a pas l'air d'aller ?
- Pfff. C'est dur. Je dois tout reconstruire de zéro.
- Courage, Yann. Tu sais que tu peux compter sur moi.
- J'en suis conscient. Sans toi, j'aurais sombré dans la dépression.
- Je serai toujours là, auprès de toi, pour empêcher que ça arrive.
- Je... Merci. Ça me touche beaucoup.
Il me sourit, et je lui souris en retour, de meilleure humeur. Je voudrais lui exprimer toute ma gratitude mais je suis incapable de trouver mes mots. Olivier a tout fait pour que je sois à l'aise, me soutenant à chaque fois que je flanchais, me rassurant...
Je le regarde longuement, en proie à un sentiment inhabituel, que je ne parviens pas à analyser. Mais pour la première fois, quelque chose est venu troubler le vide. Si seulement je comprenais ce qui m'arrive...
Olivier ne m'a pas quitté des yeux.
- Je paierais cher pour connaître tes pensées, me dit-il.
- Je... je ne saurais pas exprimer ce que j'ai en tête.
- Ah... Bon, ce qu'il te faut, là, c'est te changer les idées. Un ciné, ça te dit ?
- D'accord.
Mardi 16 mars
< Que ressens-tu pour moi ?
- De l'amour, bien sûr !
- De l'amour, ou juste un désir physique ? >
J'ouvre les yeux, essayant de rattraper mon rêve, mais seules quelques phrases subsistent dans mon esprit.
A qui étais-je en train de parler ? J'ai oublié. Dommage, le film avait l'air intéressant.
Je m'étire, avant de me lever et de me diriger vers la salle de bains.
Olivier, vêtu comme moi d'un simple caleçon, est devant le lavabo, en train de verser du dentifrice sur sa brosse à dents.
- Bonjour, me dit-il. Bien dormi ?
- Oui, et toi ?
- Très bien.
Je me dirige vers la cabine de douche et y entre après avoir jeté mon caleçon dans le panier à linge. Je sais qu'Olivier me regarde, mais ça ne me dérange pas. La pudeur s'apprend, paraît-il. J'ai oublié comment on fait. Lui-même m'a assuré que ça ne le gênait pas du tout...
Je referme la porte et commence à faire couler l'eau.
...même si je me doute bien qu'il doit se rincer l'œil, connaissant ses préférences. Ça non plus, ça ne me dérange pas.
En fait... je crois bien que... j'apprécie. C'est troublant.
Que m'arrive-t-il ? Qu'est-ce qui comble ainsi depuis quelques jours ce vide qui est en moi? Qu'est-ce que je ressens ?
Je me souviens de la fin de mon rêve. Peut-être est-ce là la clé de ce qui m'arrive. Évidemment, elle se présente sous la forme d'une question. Rien n'est jamais simple.
Suis-je en train de ressentir du désir pour Olivier ? Ou, encore, quelque chose de plus profond ? Je ne sais pas. Je ne comprends même pas ce qui se passe en moi. Je... l'apprécie beaucoup, oui, mais...
Me fais-je des idées ? C'est juste un garçon d'une incroyable gentillesse.
...Un très beau garçon.
Bon. Pour le moment... Laissons faire le temps. Il y a trop d'inconnues, comme la véritable nature de mes sentiments... auxquels, en fait, je ne comprends rien. C'est trop nouveau pour moi.
Peut-être suis-je juste en train de me faire un cinéma.
Toutes ces réflexions m'amènent à repenser à Alex.
Sympathique, certes, mais... J'ai lu trop de souffrance dans son regard. C'était trop dur à supporter. La culpabilité, d'après Marc ? Que s'est-il vraiment passé ce jour-là ?
Et les questions bizarres qu'il m'a posées...
Si j'entends des voix dans ma tête ? Elle est bien bonne, celle-là.
Mercredi 3 mars
« Le numéro que vous avez demandé n'est pas attribué... »
Alex raccroche et soupire.
- Disparu ! Plus personne ne sait où il est, et son numéro de portable n'est plus bon !
Il regarde à nouveau son mobile, puis fait défiler la liste.
Il s'arrête, puis reste sans bouger, le pouce frôlant le bouton appel, il inspire en humectant ses lèvres, les yeux fixés sur le mot « Papa » surligné sur l'écran.
Finalement, poussant un juron, il referme l'appareil.
- Salut Olivier !
- Salut Yann ! Je suis content de te revoir.
- Moi de même.
- Entre.
- Alors, quoi de neuf, me demande-t-il un peu plus tard, alors que nous nous sommes installés sur son canapé.
- Toujours la même chose. J'ai fait une croix sur mon passé, Olivier, rien n'y a fait. Il est mort.
- Je suis désolé.
- Je ne peux rien y faire, mais je veux pouvoir vivre pour moi-même, maintenant. Je n'en pouvais plus d'essayer d'être quelqu'un qui était un parfait inconnu pour moi, de vivre pour les autres. Tu es le seul à m'avoir compris, à t'être battu pour qu'on me laisse souffler.
- J'avais bien senti que tu allais craquer. Tu vas pouvoir être toi-même ici, quel que soit ce « toi » que tu décideras d'être.
- Merci. Et toi, que deviens-tu ?
- J'ai arrêté les études après avoir compris que je m'étais planté de voie. Je pense que je vais m'orienter sur l'environnement. L'avantage, c'est que je pourrai rester à La Rochelle.
- Au fait, comment as-tu pu mettre la main sur une pareille baraque ? Elle est sympa, mais ça doit être hors de prix.
- En fait, j'ai toujours vécu ici. Quand mes parents ont décidé de s'installer à la campagne, je leur ai dit que je voulais rester ici pour mes études. Ils m'ont alors confié la maison.
- Et tu t'en sors ?
- Ils ne m'ont pas laissé sans ressources, et Marc m'a aidé aussi. Je vis bien.
Lundi 15 mars
Je regarde sans le voir l'écran éteint de la télé, assis sur le canapé, tentant de faire le point.
J'ai erré dans la ville, marchant le long des quais, dînant dans des restaurants, vivant en touriste. Si j'y ai trouvé un certain apaisement, la question se pose toujours sur ce que je vais faire de mon avenir.
Dur... Que puis-je faire, en effet ? Impossible de reprendre les études avec le néant qu'est devenu ma mémoire, je devrais reprendre trop de choses depuis le début. Je pense que je vais essayer de faire ce que je faisais avant, et pour ça, acheter des bouquins, un ordi, et réapprendre. Il paraît que j'avais du talent pour la programmation, je dois toujours avoir ça en moi. En tout cas, je me refuse à vivre constamment de la générosité de Marc.
Olivier rentre à ce moment-là, et s'assoit à côté de moi après avoir posé ses affaires.
- Ça n'a pas l'air d'aller ?
- Pfff. C'est dur. Je dois tout reconstruire de zéro.
- Courage, Yann. Tu sais que tu peux compter sur moi.
- J'en suis conscient. Sans toi, j'aurais sombré dans la dépression.
- Je serai toujours là, auprès de toi, pour empêcher que ça arrive.
- Je... Merci. Ça me touche beaucoup.
Il me sourit, et je lui souris en retour, de meilleure humeur. Je voudrais lui exprimer toute ma gratitude mais je suis incapable de trouver mes mots. Olivier a tout fait pour que je sois à l'aise, me soutenant à chaque fois que je flanchais, me rassurant...
Je le regarde longuement, en proie à un sentiment inhabituel, que je ne parviens pas à analyser. Mais pour la première fois, quelque chose est venu troubler le vide. Si seulement je comprenais ce qui m'arrive...
Olivier ne m'a pas quitté des yeux.
- Je paierais cher pour connaître tes pensées, me dit-il.
- Je... je ne saurais pas exprimer ce que j'ai en tête.
- Ah... Bon, ce qu'il te faut, là, c'est te changer les idées. Un ciné, ça te dit ?
- D'accord.
Mardi 16 mars
< Que ressens-tu pour moi ?
- De l'amour, bien sûr !
- De l'amour, ou juste un désir physique ? >
J'ouvre les yeux, essayant de rattraper mon rêve, mais seules quelques phrases subsistent dans mon esprit.
A qui étais-je en train de parler ? J'ai oublié. Dommage, le film avait l'air intéressant.
Je m'étire, avant de me lever et de me diriger vers la salle de bains.
Olivier, vêtu comme moi d'un simple caleçon, est devant le lavabo, en train de verser du dentifrice sur sa brosse à dents.
- Bonjour, me dit-il. Bien dormi ?
- Oui, et toi ?
- Très bien.
Je me dirige vers la cabine de douche et y entre après avoir jeté mon caleçon dans le panier à linge. Je sais qu'Olivier me regarde, mais ça ne me dérange pas. La pudeur s'apprend, paraît-il. J'ai oublié comment on fait. Lui-même m'a assuré que ça ne le gênait pas du tout...
Je referme la porte et commence à faire couler l'eau.
...même si je me doute bien qu'il doit se rincer l'œil, connaissant ses préférences. Ça non plus, ça ne me dérange pas.
En fait... je crois bien que... j'apprécie. C'est troublant.
Que m'arrive-t-il ? Qu'est-ce qui comble ainsi depuis quelques jours ce vide qui est en moi? Qu'est-ce que je ressens ?
Je me souviens de la fin de mon rêve. Peut-être est-ce là la clé de ce qui m'arrive. Évidemment, elle se présente sous la forme d'une question. Rien n'est jamais simple.
Suis-je en train de ressentir du désir pour Olivier ? Ou, encore, quelque chose de plus profond ? Je ne sais pas. Je ne comprends même pas ce qui se passe en moi. Je... l'apprécie beaucoup, oui, mais...
Me fais-je des idées ? C'est juste un garçon d'une incroyable gentillesse.
...Un très beau garçon.
Bon. Pour le moment... Laissons faire le temps. Il y a trop d'inconnues, comme la véritable nature de mes sentiments... auxquels, en fait, je ne comprends rien. C'est trop nouveau pour moi.
Peut-être suis-je juste en train de me faire un cinéma.
Toutes ces réflexions m'amènent à repenser à Alex.
Sympathique, certes, mais... J'ai lu trop de souffrance dans son regard. C'était trop dur à supporter. La culpabilité, d'après Marc ? Que s'est-il vraiment passé ce jour-là ?
Et les questions bizarres qu'il m'a posées...
Si j'entends des voix dans ma tête ? Elle est bien bonne, celle-là.
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Série des secrets : One shots La saga d'outremonde (fantastique avec des personnages gays)
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