04-10-2020, 11:20 PM
Livre IV - Errances
1 - Perdu
J'ouvre les yeux, et examine, intrigué, le décor qui m'entoure.
Qu'est-ce que je fais ici ? Que m'est-il arrivé ?
La porte s'ouvre alors que je me pose cette question, et une femme en blouse blanche entre dans la chambre.
- Tiens, bonjour ! Contente de vous voir réveillé. Comment vous sentez-vous ?
- Euh... plutôt faible. Où suis-je ?
- À l'hôpital Sainte-Lucie.
- L'hôpital ? Que m'est-il arrivé ?
- Vous ne vous en souvenez pas ?
- Non...
- Quelle est la dernière chose dont vous vous souvenez ?
- ...
Je cherche de plus en plus frénétiquement dans ma mémoire, mais rien, absolument rien ne vient.
- Rien... je ne me souviens de rien !
- Calmez-vous, ça va vous revenir petit à petit.
- Ah...
- Vous vous souvenez de votre nom ?
- Non... même pas... dites-le moi, je vous en prie !
- Bien sûr. Yannick Laugier.
Je m'empare de ce nom, même s'il ne signifie rien pour ma mémoire vide. Il me définit.
- Que m'est-il arrivé ?
- Vous avez fait une chute. Vous avez eu plusieurs fractures, crâne et jambes, plusieurs côtes fêlées, plus divers traumatismes et une hémorragie cérébrale... Ça a bien guéri, mais il vous faudra encore suivre une rééducation pour pouvoir remarcher.
- Je ne me suis pas loupé on dirait. Je suis resté combien de temps dans les vapes ?
- Un peu plus de trois mois.
- Tant que ça !?
- Bon. Suivez cette lumière des yeux sans bouger la tête...
Lundi 16 novembre
- Bonjour Yann. Je suis ton oncle, Marc.
- Bonjour...
- Le médecin m'a informé de ton amnésie. Ne t'en fais pas pour ça. Je vais appeler le meilleur spécialiste qui soit pour s'occuper de toi.
- C'est gentil, euh, Marc, mais je ne veux pas abuser...
- Tut tut tut. A quoi ça servirait d'être riche si on ne peut pas s'occuper de sa petite famille. Mais d'abord, tu vas devoir en finir avec cette rééducation.
- Pfff. J'ai hâte de sortir d'ici.
- J'imagine. D'ici là, je vais te parler de toi...
Vendredi 20 novembre
Je me replonge dans mes notes, comme chaque jour depuis que Marc m'a fourni de quoi écrire, espérant déclencher quelque chose. Je décide d'aller à la page Relations. Peut-être suis-je masochiste. Je me concentre sur le résumé.
>Tu t'appelles Yannick Laugier. Né le 29/12/1984. Père, Jean-Jacques, Mère, Marie, tous deux morts dans un accident de voiture quand tu avais 19 ans. Tu as un frère, Stéphane, qui est marié à Isabelle. Marc est ton oncle...
Je relève la tête, soupirant, j'ai beau m'acharner, c'est la vie d'un inconnu que je lis là.
>...et Thomas est son fils, qui a épousé Viviane. Olivier est ton cousin.
Jusque-là, ça va. C'est après que ça se complique.
>Tu es gay, et tu vis avec Alex - Alexandre Roche - depuis décembre 2008.
Vraiment ?
Samedi 21 novembre
La porte de ma chambre s'ouvre, et un homme entre, intimidé. Je le détaille avec curiosité.
Grand, blond, les yeux bleus, il semble un peu plus jeune que moi. Et plus perdu que moi...
- Yann ?
- C'est moi. Qui êtes-vous ?
Aïe. Son visage se crispe, je l'ai visiblement fait souffrir.
- Je suis désolé. Ma mémoire est un grand trou noir... Je ne me souviens de rien.
- Marc m'avait prévenu, mais...
Le jeune homme prend une grande inspiration, hésite...
- Je suis Alex.
Ah... Il fallait bien que cette rencontre se fasse un jour où l'autre. Voici donc l'homme dont je... j'étais amoureux ?
- Ah... Mon oncle m'a dit... beaucoup de bien de toi.
- Yann... Tu ne te souviens vraiment pas de moi ?
- Je suis désolé. Il faudra probablement du temps avant que ma mémoire se remette... Si tant est qu'elle le fasse.
Il baisse les yeux, serrant les lèvres...
Il se retient de pleurer ? Je ne suis même pas en mesure de lui apporter le moindre réconfort... Je ne ressens qu'un vide oppressant...
- Je t'ai apporté quelque chose, reprend-il après un moment. J'espère que ça t'aidera... C'est Viviane qui les a prises, cet été. Je les ai annotées au dos.
Il prend une enveloppe dans son sac et me la donne. Je l'ouvre et en sors un paquet de photos.
Je les regarde une à une. Les premières montrent un chalet, puis diverses personnes. Je reconnais Marc, moi-même, Alex... Je dois regarder au dos pour savoir qui sont les autres.
Je m'arrête sur l'une d'elles. Alex et moi y échangeons un baiser... Je regarde attentivement cette image, immobile. Je lis beaucoup d'amour dans notre étreinte.
Hum... Difficile de nier, maintenant. Mais rien ne réagit en moi... rien du tout.
Alex me regarde attentivement, espérant une réaction, puis s'accroupit près de moi.
- Je t'aime, Yann. Rien ne pourra changer cela. Tu es ma vie... Je t'en prie... Dis-moi quelque chose...
- Alex... je... je suis désolé... Laisse-moi le temps, s'il te plaît.
Il se reprend, semblant prendre une décision, et me regarde droit dans les yeux.
- J'attendrai, Yann. Tout le temps qu'il faudra.
Vendredi 25 décembre
J'observe le chalet avec intérêt. Pas mal du tout. Marc me guide à l'intérieur, et j'admire les boiseries du salon. Mon regard se porte sur le sapin...
- C'est... curieux. Je me souviens de ce qu'est Noël... Mais pas d'en avoir vécu un.
- C'est encourageant, dit Alex en s'avançant vers moi.
- Non... c'est plutôt dérangeant.
- Yann... Ça reviendra. Et même si je dois attendre un an, je serai là.
Je le regarde, indécis, ne sachant quoi répondre à ça...
Mardi 29 décembre
Je souffle les vingt-quatre bougies, tout en pensant à tous les précédents anniversaires dont je n'ai aucun souvenir. D'un certain point de vue, celui-ci est pour moi le premier. Je relève la tête pour regarder Marc, puis Olivier, Stef, Alex, et les autres, qui sont tous venus au chalet pour moi.
Ça me touche beaucoup, mais c'est en même temps dur de sentir leur attente d'une chose que ne je peux leur offrir. Surtout Alex. Je n'ai pas seulement perdu la mémoire, je suis également privé de sentiments... Seul le vide résonne en moi, encore et toujours. Tout ce que je peux ressentir, c'est la douleur que je lis dans le regard des autres. Leur sentiment de perte, leur espoir de me voir redevenir celui que je ne suis plus.
C'est de moins en moins supportable.
J'en viens parfois à détester cet autre Yann.
Mercredi 30 décembre
- Revenir à la maison, retrouver un environnement familier pourrait te faire du bien, Yann. Déclencher quelque chose.
- Tu m'en demandes beaucoup, Alex. C'est encore trop tôt pour moi.
- Mais pourquoi ? Qu'y a-t-il qui t'en empêcherait ?
- Ce vide qui est en moi, dans mon cœur, dans mes sentiments. Je te ferai souffrir chaque jour en ne pouvant rien éprouver de ce que tu ressens pour moi. C'est au-dessus de mes forces.
- Je suis prêt à ça, Yann.
- Pas moi.
Lundi 1er mars 2010
- Tu es vraiment certain de vouloir faire ça, me demande Marc, assis en face de moi dans son bureau.
- Oui, Marc. J'ai essayé, vraiment, mais ce n'est plus possible. Je rappelle constamment par ma présence un passé qui n'est plus. Alex est quelqu'un de sympathique, et je m'en veux de lui causer autant de douleur. Ce n'est plus ma vie, ce Yann qu'il aimait est mort l'année dernière. J'ai le droit de vivre, moi aussi, pour moi-même ! J'ai besoin de prendre de la distance avec tout ça, pour faire le point.
- Bon... Je peux comprendre ça. Mais il risque de souffrir de cette décision. Il a fait une sérieuse dépression après ton accident. Il était persuadé que c'était de sa faute.
- C'est exactement ce que je veux fuir. Je ne peux rien éprouver, Marc ! Tout est vide en moi, vide ! Ça me fait trop de mal. J'ai besoin d'être loin de ce genre de chose si je veux pouvoir me construire une nouvelle vie.
- Où veux-tu aller ?
- Olivier a proposé de m'héberger chez lui.
- Je préfère ça. Je me serais inquiété pour toi si tu étais parti au hasard. Je m'assurerai que tu ne manques de rien, et garderai le secret sur ta localisation.
- Merci, Marc.
- Mais de rien. Bon courage, Yann.
1 - Perdu
J'ouvre les yeux, et examine, intrigué, le décor qui m'entoure.
Qu'est-ce que je fais ici ? Que m'est-il arrivé ?
La porte s'ouvre alors que je me pose cette question, et une femme en blouse blanche entre dans la chambre.
- Tiens, bonjour ! Contente de vous voir réveillé. Comment vous sentez-vous ?
- Euh... plutôt faible. Où suis-je ?
- À l'hôpital Sainte-Lucie.
- L'hôpital ? Que m'est-il arrivé ?
- Vous ne vous en souvenez pas ?
- Non...
- Quelle est la dernière chose dont vous vous souvenez ?
- ...
Je cherche de plus en plus frénétiquement dans ma mémoire, mais rien, absolument rien ne vient.
- Rien... je ne me souviens de rien !
- Calmez-vous, ça va vous revenir petit à petit.
- Ah...
- Vous vous souvenez de votre nom ?
- Non... même pas... dites-le moi, je vous en prie !
- Bien sûr. Yannick Laugier.
Je m'empare de ce nom, même s'il ne signifie rien pour ma mémoire vide. Il me définit.
- Que m'est-il arrivé ?
- Vous avez fait une chute. Vous avez eu plusieurs fractures, crâne et jambes, plusieurs côtes fêlées, plus divers traumatismes et une hémorragie cérébrale... Ça a bien guéri, mais il vous faudra encore suivre une rééducation pour pouvoir remarcher.
- Je ne me suis pas loupé on dirait. Je suis resté combien de temps dans les vapes ?
- Un peu plus de trois mois.
- Tant que ça !?
- Bon. Suivez cette lumière des yeux sans bouger la tête...
Lundi 16 novembre
- Bonjour Yann. Je suis ton oncle, Marc.
- Bonjour...
- Le médecin m'a informé de ton amnésie. Ne t'en fais pas pour ça. Je vais appeler le meilleur spécialiste qui soit pour s'occuper de toi.
- C'est gentil, euh, Marc, mais je ne veux pas abuser...
- Tut tut tut. A quoi ça servirait d'être riche si on ne peut pas s'occuper de sa petite famille. Mais d'abord, tu vas devoir en finir avec cette rééducation.
- Pfff. J'ai hâte de sortir d'ici.
- J'imagine. D'ici là, je vais te parler de toi...
Vendredi 20 novembre
Je me replonge dans mes notes, comme chaque jour depuis que Marc m'a fourni de quoi écrire, espérant déclencher quelque chose. Je décide d'aller à la page Relations. Peut-être suis-je masochiste. Je me concentre sur le résumé.
>Tu t'appelles Yannick Laugier. Né le 29/12/1984. Père, Jean-Jacques, Mère, Marie, tous deux morts dans un accident de voiture quand tu avais 19 ans. Tu as un frère, Stéphane, qui est marié à Isabelle. Marc est ton oncle...
Je relève la tête, soupirant, j'ai beau m'acharner, c'est la vie d'un inconnu que je lis là.
>...et Thomas est son fils, qui a épousé Viviane. Olivier est ton cousin.
Jusque-là, ça va. C'est après que ça se complique.
>Tu es gay, et tu vis avec Alex - Alexandre Roche - depuis décembre 2008.
Vraiment ?
Samedi 21 novembre
La porte de ma chambre s'ouvre, et un homme entre, intimidé. Je le détaille avec curiosité.
Grand, blond, les yeux bleus, il semble un peu plus jeune que moi. Et plus perdu que moi...
- Yann ?
- C'est moi. Qui êtes-vous ?
Aïe. Son visage se crispe, je l'ai visiblement fait souffrir.
- Je suis désolé. Ma mémoire est un grand trou noir... Je ne me souviens de rien.
- Marc m'avait prévenu, mais...
Le jeune homme prend une grande inspiration, hésite...
- Je suis Alex.
Ah... Il fallait bien que cette rencontre se fasse un jour où l'autre. Voici donc l'homme dont je... j'étais amoureux ?
- Ah... Mon oncle m'a dit... beaucoup de bien de toi.
- Yann... Tu ne te souviens vraiment pas de moi ?
- Je suis désolé. Il faudra probablement du temps avant que ma mémoire se remette... Si tant est qu'elle le fasse.
Il baisse les yeux, serrant les lèvres...
Il se retient de pleurer ? Je ne suis même pas en mesure de lui apporter le moindre réconfort... Je ne ressens qu'un vide oppressant...
- Je t'ai apporté quelque chose, reprend-il après un moment. J'espère que ça t'aidera... C'est Viviane qui les a prises, cet été. Je les ai annotées au dos.
Il prend une enveloppe dans son sac et me la donne. Je l'ouvre et en sors un paquet de photos.
Je les regarde une à une. Les premières montrent un chalet, puis diverses personnes. Je reconnais Marc, moi-même, Alex... Je dois regarder au dos pour savoir qui sont les autres.
Je m'arrête sur l'une d'elles. Alex et moi y échangeons un baiser... Je regarde attentivement cette image, immobile. Je lis beaucoup d'amour dans notre étreinte.
Hum... Difficile de nier, maintenant. Mais rien ne réagit en moi... rien du tout.
Alex me regarde attentivement, espérant une réaction, puis s'accroupit près de moi.
- Je t'aime, Yann. Rien ne pourra changer cela. Tu es ma vie... Je t'en prie... Dis-moi quelque chose...
- Alex... je... je suis désolé... Laisse-moi le temps, s'il te plaît.
Il se reprend, semblant prendre une décision, et me regarde droit dans les yeux.
- J'attendrai, Yann. Tout le temps qu'il faudra.
Vendredi 25 décembre
J'observe le chalet avec intérêt. Pas mal du tout. Marc me guide à l'intérieur, et j'admire les boiseries du salon. Mon regard se porte sur le sapin...
- C'est... curieux. Je me souviens de ce qu'est Noël... Mais pas d'en avoir vécu un.
- C'est encourageant, dit Alex en s'avançant vers moi.
- Non... c'est plutôt dérangeant.
- Yann... Ça reviendra. Et même si je dois attendre un an, je serai là.
Je le regarde, indécis, ne sachant quoi répondre à ça...
Mardi 29 décembre
Je souffle les vingt-quatre bougies, tout en pensant à tous les précédents anniversaires dont je n'ai aucun souvenir. D'un certain point de vue, celui-ci est pour moi le premier. Je relève la tête pour regarder Marc, puis Olivier, Stef, Alex, et les autres, qui sont tous venus au chalet pour moi.
Ça me touche beaucoup, mais c'est en même temps dur de sentir leur attente d'une chose que ne je peux leur offrir. Surtout Alex. Je n'ai pas seulement perdu la mémoire, je suis également privé de sentiments... Seul le vide résonne en moi, encore et toujours. Tout ce que je peux ressentir, c'est la douleur que je lis dans le regard des autres. Leur sentiment de perte, leur espoir de me voir redevenir celui que je ne suis plus.
C'est de moins en moins supportable.
J'en viens parfois à détester cet autre Yann.
Mercredi 30 décembre
- Revenir à la maison, retrouver un environnement familier pourrait te faire du bien, Yann. Déclencher quelque chose.
- Tu m'en demandes beaucoup, Alex. C'est encore trop tôt pour moi.
- Mais pourquoi ? Qu'y a-t-il qui t'en empêcherait ?
- Ce vide qui est en moi, dans mon cœur, dans mes sentiments. Je te ferai souffrir chaque jour en ne pouvant rien éprouver de ce que tu ressens pour moi. C'est au-dessus de mes forces.
- Je suis prêt à ça, Yann.
- Pas moi.
Lundi 1er mars 2010
- Tu es vraiment certain de vouloir faire ça, me demande Marc, assis en face de moi dans son bureau.
- Oui, Marc. J'ai essayé, vraiment, mais ce n'est plus possible. Je rappelle constamment par ma présence un passé qui n'est plus. Alex est quelqu'un de sympathique, et je m'en veux de lui causer autant de douleur. Ce n'est plus ma vie, ce Yann qu'il aimait est mort l'année dernière. J'ai le droit de vivre, moi aussi, pour moi-même ! J'ai besoin de prendre de la distance avec tout ça, pour faire le point.
- Bon... Je peux comprendre ça. Mais il risque de souffrir de cette décision. Il a fait une sérieuse dépression après ton accident. Il était persuadé que c'était de sa faute.
- C'est exactement ce que je veux fuir. Je ne peux rien éprouver, Marc ! Tout est vide en moi, vide ! Ça me fait trop de mal. J'ai besoin d'être loin de ce genre de chose si je veux pouvoir me construire une nouvelle vie.
- Où veux-tu aller ?
- Olivier a proposé de m'héberger chez lui.
- Je préfère ça. Je me serais inquiété pour toi si tu étais parti au hasard. Je m'assurerai que tu ne manques de rien, et garderai le secret sur ta localisation.
- Merci, Marc.
- Mais de rien. Bon courage, Yann.
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