26-07-2020, 06:40 PM
CHAPITRE XXIII
''Quaque die, quaque mane, quaque nocte, quaque hora''
- Je t'ai fait un peu de place dans mon armoire, dit Martouf.
- Oh, ce n'était pas la peine, je n'ai que ça...
Burydan montra ses deux chemises et son pantalon, ainsi que les quelques chaussettes qu'il possédait.
- Par contre toi...
- Oui, un de mes clients était marchand de vêtements. Aussi, je ne le faisais pas payer et, en échange, il me donnait quelques habits.
- Était ?
- Oui, il est mort d'un miserere le mois dernier...
- Oh, désolé...
- C'est la vie. Mais, si tu veux, je connais une échoppe où on vend des vêtements pour pas très cher. Ils sont de seconde main, certes, mais de bonne qualité
- Ce serait pas mal, dit Burydan, j'en ai assez de laver mes vêtement tous les deux jours...
- Je te montrerai ça demain, mais maintenant, on dort...
Ils devaient en effet se reposer pour tenir toute la nuit. Martouf se déshabilla en un tournemain et se glissa sous ses draps. Burydan sourit en voyant son petit minet le regarder intensément, et il prit tout son temps pour se mettre nu, prenant même plusieurs poses lascives.
Burydan ne regretta pas sa décision. Martouf était agréable à vivre et il était au chaud et au sec. Et Martouf avait raison, en mettant leurs ''salaires'' en commun, ils pouvaient vivre un peu mieux.
Au petit matin, alors qu'ils mettaient leurs pécunes dans la bourse commune, Burydan y mit les dix sols de ses deux clients, mais Martouf n'en mit que cinq, alors qu'il avait lui aussi eut deux clients. Burydan ne se formalisa pas. Après tout, Martouf l'accueillait chez lui, alors...
- Bien, dit Martouf, un petit déjeuner, ça te dit ?
- Euh, oui, si tu veux...
Ils cheminèrent par les ruelles et Martouf s'arrêta devant une porte banale et frappa trois coups. Burydan leva un sourcil interrogateur. La porte s'ouvrit sur un homme, assez grand, le corps épais sans être gros, et un visage rond. Burydan le reconnut, c'était un des clients de Martouf, qu'il avait eut cette nuit.
- Salut petit...
- Salut Wozniak... je te présente Burydan, mon... colocataire... ça pose un problème ?
- Non, non, aucun, entrez...
Sitôt la porte franchie, une agréable odeur de pain frais et de gâteau assaillit les narines de Burydan, le faisant saliver. Ils étaient dans l'arrière boutique d'un boulanger.
- Martouf, tu connais la maison, fais comme chez toi, j'ai des clients...
Martouf acquiesça et s’activa. Sur la table se trouvait déjà un pain tout juste sorti du four et une brioche dorée. Martouf y rajouta de la chair salée, un petit fromage frais et fit chauffer du lait. Et les deux garçons mangèrent de bon appétit.
Burydan se contenta de son lait, d'une tartine de pain beurré et d'une tranche de brioche. Martouf, lui, dévora deux tartines de beurre et de fromage, mangea de la chair salée, et prit deux énormes bouts de brioche. Burydan le regarda en souriant, mais où diable pouvait il mettre tout ça dans son petit corps tout frêle.
Il demanda à Burydan :
- Tu as encore faim ?
- Euh, non, ça va...
- Très bien, Wozniak, on y va...
- Ah, d'accord, dit le boulanger, tiens...
Il lui tendit un panier couvert d'un torchon.
- J'en ai mis un peu plus, vu que vous êtes deux...
- Merci... à demain...
Ils sortirent.
- Euh, dit Burydan, on ne paie pas ?
- Et non...
- Tu m'expliques.
- C'est simple, tu as vu que Wozniak a été un de mes deux clients de cette nuit...
- Oui, je l'ai reconnu.
- Et je n'ai mis que cinq sols dans l'escarcelle ce matin...
- Ah, dit Burydan, en faisant semblant de ne pas l'avoir remarqué.
- C'est parce que je ne le fais pas payer. Il vient une fois par semaine et c'est gratuit, en échange de quoi il me laisse prendre mon petit déjeuner tous les jours et me donne aussi un pain et un gâteau, ou une brioche.
- Ah, d'accord... et, tu en as beaucoup des plans comme ça ?
- Non. Deux autres, enfin plus que deux depuis la mort de mon vendeur de vêtements.
- Qui ?
- Barabass, un aubergiste. Lui, il me fournit en viande salée et en picrate. D'ailleurs, la bouteille de picrate bouchée venait de chez lui. Et Aragorn, un milicien...
- Quoi, dit Burydan, un milicien bougre ?!
- Et alors, tu crois que le métier empêche les envies ?
- Non, c'est juste qu'un milicien est censé faire respecter la loi, et la bougrerie étant hors la loi...
- C'est justement à ça qu'il me sert. Mis à part le fait qu'il est extrêmement bien fait, un peu comme toi, et très bien membré, il me prévient à l'avance des rafles...
Burydan était stupéfait. Il savait que le Duc ordonnait de temps en temps à sa milice d'arrêter tous les garçons qui se prostituaient. Pas les clients, évidemment, la plupart étant des bourgeois étoffés ou des aristocrates, certains même de l'entourage du Duc.
Les garçons arrêtés étaient divisés en quatre groupes.
Le premier, les plus jeunes et les plus mignons, étaient vendus comme esclave, soit disant pour être ''rééduqués'' en travaillant. Mais tout le monde savait très bien que les hommes qui achetaient ces garçons les destinaient à un autre ''travail''. Ils les enfermaient dans une chambre à part du harem et s'en servaient quand ils étaient lassés du corps féminin. Certains même, disait-on, avaient des harems composés uniquement de garçons. Ils ne travaillaient dans les grandes plantations ou dans les tanneries, les pieds pataugeant de l'aube au couchant dans l'urine, que quand leurs maîtres s'étaient lassés d'eux. Et ils devenaient le souffre douleur des autres esclaves, qui les punissaient ainsi d'avoir vécu, ne serait-ce qu'un temps, dans le luxe et l'opulence du harem.
Les garçons du deuxième groupe étaient envoyés aux galères. Et un petit minet qui arrivait dans un groupe de cinquante hommes qui n'avaient pas vu de femmes depuis des lustres... il était violé dés le premier soir et devenait le jouet sexuel de toute la chiourme, passant de mains en mains. Jusqu'à ce qu'un autre arrive et (comme c'est souvent le cas) la victime devenait bourreau.
Le troisième groupe, lui, était réservé aux arènes du Duc.
Les garçons du quatrième groupe, enfin, étaient fouettés, émasculés et pendus pour l'exemple.
- Et... tu ne préviens pas les autres ?
- Non, dit Martouf, penaud.
- Ah...
- Écoute, si je les préviens, il n'y aura personne lors de la rafle... le chef de la milice saura que quelqu'un a vendu la mèche... donc il ne préviendra plus ses hommes avant la rafle suivante, alors...
- Oui, je comprends...
Et Burydan comprenait. Pour Martouf, comme pour lui et tous les autres, c'était la loi de la jungle. Chacun pour soi et les dieux pour tous.
- Mais toi, je te préviendrai...
- Merci Martouf.
- Oh, de rien, c'est purement égoïste, si tu savais à quel point j'aime te voir nu...
Burydan éclata de rire et, après un bon bain, il offrit à Martouf son petit plaisir en prenant tout son temps pour se déshabiller.