26-07-2020, 06:39 PM
CHAPITRE XXI
''Sin labore non erit panis in ore''
Burydan se prostituait pratiquement tous les jours. On s'habitue à tout. Il ne prenait jamais de plaisir avec ses clients. Seule sa main lui en donnait. Et ça lui suffisait. Enfin, presque...
Il commença à avoir des clients réguliers.
Le premier homme avec qui il avait ''franchi le pas'' revenait souvent. Burydan ne se formalisait plus de ses mots salaces, et couinait quand il lui disait de couiner. Si ça l'excitait... et ça le faisait jouir plus vite, alors...
Jako aussi. Il devait avoir la cinquantaine et était, pour son age, encore très bien fait. Et était très doux.
- Salut. C'est quoi ton nom, petit ?
- Burydan.
- Moi c'est Jako. C'est combien ?
- Deux sols si tu veux que je te suce, cinq pour tout le reste.
- Je veux bien que tu me suces.
- A l'auberge ou dans la ruelle ?
- Ben, je sais pas...
- A l'auberge, on sera seuls, dans la ruelle... tu pourras voir d'autres mecs se faire sucer... et d'autres pourront te voir te faire sucer... si ça t'excite...
Jako hésita et dit :
- D’accord pour la ruelle...
Ils y allèrent. Deux hommes étaient en train de faire pomper. Ils gémissaient et encourageait leurs petites putes. Burydan fit s'adosser Jako contre le mur et se mit à genoux. Il abaissa son pantalon et sortit sa queue. Une belle bite, assez longue et épaisse, mais qui n'était pas encore bandée à fond. La langue de Burydan, sa bouche chaude, la vue des autres hommes en train de se faire sucer eux aussi, et l'idée de se faire mater en train de se faire pomper le fit durcir en un tournemain. Burydan s'appliqua. Il s'attendait à ce que Jako, comme les deux autres, lui dise des mots salaces, mais il n'en fit rien. Il glissa ses doigts dans les mèches brunes de Burydan, soupira et gémit. Burydan était... perplexe. Il ressortit la bite de sa bouche et le regarda.
- Tu... tu n'aimes pas ?
- Oh si... continue, s'il te plaît...
Burydan reprit son ouvrage et Jako jouit en poussant un râle d'agonie.
- Oh, merci. C'était super.
Il revint pour se faire sucer plusieurs fois, toujours dans la ruelle. Puis, un soir, il donna cinq sols à Burydan.
- J'ai envie de savoir si ton petit cul est aussi bon que ta bouche.
Ils allèrent à l'auberge. Burydan le suça un petit moment puis se mit à quatre pattes sur le lit. Jako le caressa, le lécha, et le prit. Tout doucement. Lentement. Il lui murmurait des mots tendres et Burydan se surprit à apprécier ça. Ça le changeait de tous les autres bourrins. Et aussi quand, sur le dos, il vit Jako se pencher vers lui et chercher ses lèvres, il le laissa faire. Un long baiser langoureux. Jako fut le seul qu’il accepta d'embrasser. Et il se virent souvent.
Burydan revenait d'une passe rapide avec un gros bourgeois qui avait l'une des plus petites bites qu'il ait jamais vu, quand il vit une scène qui ne lui plu pas.
Le gros Pol, un prostitué quasiment obèse, malmenait un petit minet aux cheveux bruns. Il l'étranglait à moitié en lui disant :
- Allez, salope, donne moi ton pognon si tu veux pas que je te massacre ta belle petite gueule !
Burydan n'aurait, en général, pas intervenu. Mais les yeux paniqués du minet... ça lui fit un petit pincement au cœur. Il se leva et s'approcha :
- Pourquoi tu t'en prends pas à quelqu’un de ta taille ?
Pol, sans lâcher sa proie et sans tourner la tête, dit ;
- Mêle toi de tes affaires... ou je te massacre...
- Viens, je t'attends gros tas...
A l'insulte, Pol lâcha le petit brun et se retourna. Il pâlit quand il vit Burydan, qui bomba le torse pour enfoncer le clou. Pol se croyait fort, alors qu'il était juste gras.
- Ce ne sont pas tes affaires...
- Non. Ni les tiennes. Son argent, je veux dire. Évidemment, avec ta sale gueule et ta graisse, les clients ne doivent pas se bousculer...
Pol gronda mais recula.
- Tu perds rien pour attendre, dit-il.
- Pourquoi attendre, gras double, dit Burydan en s'avançant vers lui, l'air menaçant.
Pol glapit et s'enfuit en courant, son ventre s'agitant comme de la gelée.
Burydan avança vers le petit minet qui se massait le cou.
- Ça va ?
- Oui, dit il d'une voix flûtée, merci.
- Pas de quoi.
Burydan tourna les talons et retourna vers son coin.
- Attends, attends. Je m'appelle Martouf
- Burydan.
- Et bien je veux te remercier, Burydan.
- Tu viens de le faire, non ?
- Non, Enfin, si, mais je voudrais te remercier vraiment. Sans toi, ce gros sac m'aurait pris le peu d'argent que j'ai et j’aurais sans doute passer un sale quart d'heure. Je peux t'inviter à boire un verre. Je doute qu'on ait encore des clients maintenant.
- Tu n'es pas obligé, tu sais.
- Je sais.
Burydan réfléchit et dit :
- D'accord pour un verre. Où ?
- Chez moi, répondit Martouf.
- Ah... je te suis...
Et Martouf l'entraîna dans un dédale de ruelles obscures.
CHAPITRE XXII
''Amicus optima vitae possessio''
Burydan, lui, avait trouvé refuge dans un entrepôt délabré et désaffecté. Il était ouvert aux quatre vents, humide, froid, et il le partageait avec une horde de cafards et une famille nombreuse de rats gros comme des squirks. Et il vit que Martouf était logé comme lui quand ils entrèrent dans un entrepôt encore plus délabré que le sien. Ça empestait la moisissure et l'urine. Martouf l’entraîna dans un long couloir sombre jusqu'à une porte en fer fermée par une chaîne et un gros cadenas. Martouf prit une clef dans sa poche et ouvrit.
- Vas-y, entre...
Burydan entra. La pièce était plongée dans le noir. Martouf battit le briquet et alluma une petite lampe à huile. Il fit le tour de la pièce et alluma une bonne douzaine de chandelles qui illuminèrent bientôt tout l'espace. Et Burydan fut stupéfait.
La pièce était sèche, sans moisissure ni parasites, le sol propre et les murs sains. Dans un coin une table dont un pied manquait et avait été remplacé par des briques, deux chaises dépareillées, une armoire avec des vivres une autre avec des habits, beaucoup plus nombreux que les trois chemises et les deux pantalons de Burydan, un poêle dans un coin que Martouf était en train de rallumer, une paillasse dans un autre et même un coin toilette, ou un miroir ébréché surmontait un évier en pierre avec un petit robinet au dessus.
Martouf se retourna et sourit.
- Assieds toi, je t'en prie...
Une douce chaleur provenant du petit poêle commença à envahir tout l'espace et Burydan enleva sa veste. Martouf posa deux gobelets cabossés sur la table et fouilla dans un coin. Il revint avec une bouteille de picrate bouché. Il ouvrit la bouteille et servit.
- Du picrate bouché, dit Burydan, et beh...
Contrairement au picrate habituel servit dans les tavernes, tellement fort et tannique qu'on ne pouvait le boire qu'en le coupant d'eau, le picrate bouché venait de Gardena. C'était le meilleur de tout Utopia, mais il coûtait quatre fois plus cher que le picrate ''classique''.
- C'est pas tous les jours que je me fais un nouvel ami. Ça se fête, répondit Martouf.
Burydan se dit que ce garçon donnait son amitié beaucoup plus rapidement que lui. Il trempa ses lèvres dans le picrate et fit claquer sa langue.
- Mmm, il est bon.
- Tu as faim ?
- Euh, oui, un peu, mais je ne voudrais pas abuser...
- Aucun souci, moi aussi j'ai un petit creux...
Martouf prit plusieurs choses sur son placard à provisions : une grosse miche de pain frais, un fromage, un gros morceau de chair salée et une petite terrine de squirk. Les deux garçons mangèrent de bon appétit.
- Et bien merci Martouf, c'était délicieux...
- De rien, ça m'a fait plaisir.
- Bon, je ne vais pas te déranger plus longtemps. Il faut que je rentre chez moi... même si je suis loin d'être aussi bien logé que toi...
- Tu veux rester dormir ?
Burydan regarda Martouf, le sourcil interrogateur.
- …tu seras au chaud et tu pourras retourner chez toi demain...
- Je ne sais pas, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée...
- Pourquoi ça ?
- Euh, écoute, tu es vraiment un très beau garçon, vraiment. Mais tu n'es pas vraiment mon type. Et même si je suis très flatté, je ne pense pas que...
Martouf éclata de rire.
- Je te propose de dormir ici, pas de me besogner... j'ai une deuxième paillasse et tu n'auras pas à partager la mienne.
- Oh, excuse moi, dit Burydan en rougissant, j'ai cru que...
- Je sais ce que tu as cru... alors, tu dors ici ?
Il faisait chaud et sec, et Burydan frissonna a l'idée de retourner dans son entrepôt froid et humide.
- D'accord, si je ne dérange pas...
- Absolument pas...
Ils mirent une paillasse à côté de celle de Martouf et celui-ci, sans faire plus de façon, se mit nu.
Burydan le regarda du coin de l’œil. Un petit corps frêle et très fin, mais pas maigrichon, pas un gramme de muscle mais une poitrine et un ventre plat, des bras et des cuisses de mouche, et une jolie petite bite. Il était rasé de partout et était vraiment tout mignon, tout fragile...
Martouf se glissa dans ses draps et regarda Burydan.
- Tu vas dormir tout habillé ?
- Non, non, dit Burydan en souriant.
Il commença à se déshabiller, ''Allez, laisse le se rincer l’œil'' se dit-il. Et Martouf ne se gêna pas, regardant le corps musclé de son nouvel ami apparaître à chaque vêtement enlevé. Burydan plia ses affaires et les posa sur une chaise, prenant son temps pour rassasier l’œil avide de Martouf, et se glissa enfin dans les draps.
- Bonne nuit petit minet, dit Burydan.
- Bonne nuit beau brun, dit Martouf, et il souffla la chandelle.
Burydan entendit la respiration de Martouf devenir régulière et il s'endormit à son tour.
- Nooooon !!!
- Quoi, qu'est ce qui se passe ?! demanda Martouf.
Il alluma la chandelle et vit Burydan, redresser dans son lit, en sueur et les yeux exorbités. Il venait de refaire son cauchemar et revivre la mort de Darren. Il reprit doucement son souffle.
- C'est... c'est rien... excuse moi... juste un cauchemar...
- Tu m'as fait une de ces frayeurs. Tu veux en parler ?
- Non.
- Tu sais, des fois, ça fait du bien de raconter ses cauchemars et...
- Je t'ai dit non, dit Burydan d'une voix sèche.
- Ah, excuse moi, dit Martouf, penaud.
- Non, toi excuse moi, c'est juste que je n'ai pas envie d'en parler.
- D'accord. Bonne nuit alors.
- Bonne nuit.
Le lendemain matin, Burydan fut réveillé par un bruit d'eau. Martouf, toujours nu, était en train de se laver le visage.
- Salut, dit Burydan.
- Tiens, salut beau brun, bien dormi ?
- Oui, merci. Et encore désolé de t'avoir réveillé en pleine nuit.
- Je t'en prie. Moi aussi je fais des cauchemars de temps en temps...
Il se leva et s'étira, et vit que Martouf le matait éhontément.
- T'es vraiment bien foutu...
- T'es plutôt pas mal toi aussi, petit mec...
Martouf rosit.
- Bon, il faut que je rentre chez moi, dit Burydan en se rhabillant
- D'accord. On se voit ce soir, de toute façon.
- Ouaip. On est collègue de travail. Encore merci pour tout.
Il s'approcha du petit minet et lui fit un petit poutoune sur la joue.
Il rentra chez lui. Il était déjà huit heures quand il en ressortit avec sa besace dans laquelle se trouvaient sa serviette et son savon. Il se dirigea vers les bains publics, paya quelques denaris pour le vestiaire et, alors qu'il était en train de se déshabiller, il entendit :
- Tiens, salut, décidément, on ne se quitte plus...
Martouf, les reins ceints d'une serviette, le regardait.
- C'est la première fois que je te vois ici.
- Oui, dit Burydan, d'habitude je viens plus tôt.
- On se baigne ensemble ?
- Si tu veux.
Ils se mirent nus au bord du bassin et entrèrent dans l'eau. Burydan venait tôt le matin, l’eau était chaude et pas encore trop crasseuse, et il y avait peu de monde.
- Tu pourrais me frotter le dos ? demanda Martouf
- Bien sûr, dit Burydan en souriant.
Il commença à savonner énergiquement le petit dos tout frêle puis fit courir ses mains sur la peau douce, des épaules aux reins.
- Mmmm, c'est bon...
- Le savon ou mes mains ?
- Un peu les deux, dit Martouf avec un petit rire espiègle. Tu veux que je te rende la pareille ?
Burydan sourit et se retourna. Martouf le savonna et fit courir ses mains sur sa peau, caressant chaque courbe du dos charpenté jusqu'aux reins.
- Tu as raison, c'est bon...
- Le savon ou mes mains ?
- Les deux...
Il se regardèrent et se sourirent. Il se rincèrent et retournèrent aux vestiaires pour se sécher.
- Dis, Burydan, ça te dirait de...
- De... ?
- De... venir habiter chez moi ?
- Euh... tu es sérieux... ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Parce que... ben, on s'entend bien, non ? Et puis, je me sens un peu seul quand je rentre au petit matin, ça serait sympa d'avoir quelqu’un avec qui parler... et puis on pourrait mettre notre argent en commun, on vivrait mieux... enfin, tout ça quoi...
- Pourquoi moi ? Tu aurais pu trouver quelqu'un d'autre depuis longtemps, non ?
- Si. Mais avec toi je me sens... en sécurité. Tous ces muscles. Et puis... je sais pas, je suis bien avec toi... dit Martouf en rosissant
- Martouf, je t'ai dit que... enfin, il ne se passera rien entre nous...
- Je sais, je ne te demande pas ça. J'ai bien compris que je ne te plaisais pas. Mais c'est un échange de bon procédé. Tu viens me tenir compagnie, tu seras au sec et au chaud, et en échange...
- En échange ?
- Tu me laisses te mater à poil tout mon saoul...
Burydan éclata de rire.
- Monsieur Martouf, vous êtes un petit fripon...
- Je sais. Merci. Mais un gérémi (1) prend plaisir à regarder poulet, même s'il ne peut le gloutir... Alors, tu acceptes ?
Burydan hésita, regarda Martouf qui attendait, les yeux pleins d'espoir.
- Je vais rassembler mes maigres affaires et je serai chez toi dans vingt minutes.
- Super, dit Martouf. Mais pas chez moi...
- Ah bon ? Où ça ?
- Et bien, chez nous...
Et Burydan s'installa donc chez eux.
(1) Gérémi : mammifère carnivore, voisin du chien, à la queue touffue, au museau pointu et au pelage roux. Très semblable au renard.