26-07-2020, 06:33 PM
CHAPITRE XVI
''Lux in tenebris''
Burydan se réveilla à l'aube. Il avait fait un mauvais rêve. Puis vit qu'il était nu, allongé au pied d'un arbre, et comprit que ce n'était pas un cauchemar. Son père avait tué Darren. Son frère, son ami, son amant, son amour était mort. Et il pleura de nouveau.
Il décida de partir. Il ne savait pas si son père et son oncle étaient partis à sa recherche, mais mieux valait ne pas tenter le sort. Il marcha un long moment, suivant la course de Shagma.
La nuit était en train de tomber quand il vit, au loin, un ferme. Il se dirigea vers elle et entra dans la grange. Il mangea quelques appurus (1) qui se trouvaient là. Il prit du lait au pis de la vitula. Il découvrit une chemise rapiécée et un pantalon élimé qui empestaient, mais c'était mieux que rien. Il découvrit également une paire de bottes fatiguées, mais à sa taille et un morceau de savon racorni. Il emballa son larcin dans une besace qui traînait, rapiécée elle aussi, et partit. Il aurait bien voulu dormir dans le foin mais avait trop peur d'être surpris au matin par le fermier.
Il s'endormit de nouveau au pied d'un arbre. C'était l'été et les nuits étaient douces. Il volait des fruits dans les vergers et marchait encore et encore, toujours vers l'ouest. Il n'allait nulle part, passait ses nuits à faire le même cauchemar, la mort de Darren, se relevant en criant ''NON !!!'' et en sueur, et pleurait encore et encore.
Cela faisait des semaines qu'il errait. Les fruits des vergers avaient été récoltés et les apparus et les pirums (2) étaient encore petites. Il se dit qu'on devait être au début du mois de fructidor (3). Il n'avait pas mangé depuis plusieurs jours et mourait de faim.
La nuit tomba quand il vit, au loin, la lueur d'un feu. Il s'approcha. Il ne savait pas sur qui il allait tombé, mais espérait qu'il lui baillerait quelque chose à manger. Il était à quelques toises quand une masse énorme s'approcha de lui. Burydan pensa d'abord que ça devait être un jeune arkou (4). Il se pétrifia. L'animal gronda. Un rayon de Selena l'éclaira, et Burydan vit que c'était en fait un chien. Le plus énorme chien qu'il n'avait jamais vu. Il le regardait, babines retroussées sur ses crocs énormes et luisants. Il se mit à aboyer.
- Du calme, Bonnie, dit une voix grave.
Bonnie se tu et un homme apparu. Il était grand, avait les cheveux noirs, une barbe noire également, les épaules larges et des yeux noirs qui fixaient Burydan.
- Salut. Qu'est-ce que tu fais là ? C'est pas une heure pour se promener dans les bois, petit.
Burydan ne répondit pas, les yeux toujours fixés sur Bonnie. L'homme leva les épaules et demanda :
- Tu as faim ?
Burydan acquiesça. L'homme murmura quelque chose à l'oreille de Bonnie et le chien s'approcha de Burydan. Il se raidit.
- Laisse la te flairer, je lui ai dit que tu étais un ami...
Bonnie renifla Burydan et s'assit devant lui, la langue pendante.
- Caresse la entre les oreilles, elle adore ça...
Burydan avança la main prudemment et grattouilla la chienne entre les oreilles. Bonnie se mit à remuer la queue.
- Allez, viens petit...
Burydan le suivit. Arrivés devant le feu, il vit qu'un squirk sauvage y grillait. L'odeur fit venir la salive en bouche à Burydan. L'homme disparu dans une petite cabane en pierre et revint avec une botte de paille.
- Tiens, assieds toi la dessus.
Burydan s’assit, les yeux fixés sur la broche. L'homme sortit deux écuelles de sa besace, puis découpa les cuisses et le râble du squirk, les partagea en deux et tendit une écuelle à Burydan, la carcasse revenant à Bonnie, qu'elle avala en deux coups de dents.
C'était le meilleur squirk que Burydan n'eut jamais mangé. Bonnie s'approcha de lui, les yeux pleins d'espoir, et Burydan lui donna un bout de râble L'homme sourit et donna lui aussi un bout de viande à la chienne. Il tira une outre , bu une bonne lampée, et la tendit à Burydan.
Repas englouti, l'homme tira une pipe de sa besace, la bourra de kapno (5) et commença à pétuner.
- Je m'appelle Nathanaël, dit-il.
- Burydan.
- Enchanté, Burydan. Que fait un jeune garçon dehors en pleine nuit ? Surtout en dehors de toute civilisation ?
Burydan ne répondit pas, les yeux fixés sur le feu.
- Très bien, dit Nathanaël, garde ton mystère...
Nathanaël lui dit qu'il avait 32 ans, qu'il était berger et qu'il redescendait des hauts plateaux de Dun Morogh avec un troupeau de 200 provatas. Il ne posa plus de questions à Burydan. Il finit sa pipe et se leva.
- Tu as un endroit pour dormir ?
- Euh... non...
- Tu peux dormir dans la cabane, si tu veux. Il y a de la place pour deux...
Burydan hésita.
- Tu fais comme tu veux, mais tu seras au chaud, même si les nuits sont douces, et au sec. A moins que tu aimes de retrouver couvert de rosée au matin.
Nathanaël se leva et entra dans la cabane. Burydan était perplexe. Il se demanda pourquoi cet homme, qu'il ne connaissait pas et qui ne le connaissait pas se montrait si accueillant. Il se demandait s'il ne voulait pas le... mais la nuit commençait à rafraîchir et il entra à son tour dans la cabane. Il resta interdit.
Nathanaël pliait ses habits, entièrement nu. Il regarda Burydan et lui tendit une couverture.
- Tiens, enroule toi là-dedans. La paille tient chaud, mais n'est pas très agréable contre la peau nue.
Burydan hésita, puis se déshabilla à son tour. Il s'enroula dans la couverture. Nathanaël rangeait se affaires et Burydan, en tapinois, le détailla. Il avait les épaules larges, de beaux pectoraux bien dessinés, couvert d'une forêt de poils noirs, des abdominaux noueux, des biceps et des cuisses énormes, un dos bien charpenté et un bau petit cul rebondi et musclé. Mais le plus impressionnant était son sexe. Un beau morceau, lourd et long, très impressionnant au repos et qui devait l'être encore plus en érection. Burydan se morigéna, chassant ces pensées de sa tête.
Nathanaël se coucha et souffla la petite lampe à huile. Quelques minutes plus tard, Burydan s'endormit.
Il se réveilla en sursaut, en sentant un souffle rauque dans sa nuque. Il mit quelques secondes à se rappeler où il était. Ce souffle rauque devait être celui de Nathanaël. C'est pour ça qu'il l'avait si bien accueillit. Il voulait le... il se retourna vivement, prêt à se défendre et tomba sur...
- Bonnie ! dit-il
La chienne, entendant son nom, souhaita le bonjour à Burydan avec un grand coup de langue baveuse.
- Oh, Bonnie, dit Burydan en riant, c'est dégoûtant...
Il se leva et s'étira. Il s'habilla et sortit. Nathanaël était devant le feu, torse nu, la chaleur étant déjà présente. Burydan se débarrassa également de sa chemise.
- Bien dormi ?
- Oui, très bien.
- Tu as faim ?
- Euh, un peu...
- Bien, assieds toi, il y a une galette encore tiède et du lait frais.
Burydan mangea de bon appétit. Une fois rassasié, il demanda à Nathanaël :
- Pourquoi t’es si gentil avec moi ?
- Tu préférerais que je sois méchant .
- Non, bien sûr que non, mais... on ne se connaît pas...
- Et alors ? Tu as faim, et j'ai à manger, tu as sommeil et j'ai un endroit chaud et sec où dormir. Je ne sais pas d'où tu viens, ni où tu vas, ni pourquoi tu traînes dehors, et ça ne me regarde pas. Mais j'ai été élevé dans l'idée qu'il faut donner à manger à celui qui a faim, à boire à celui qui a soif et un endroit où dormir à celui qui n'a pas de toit. Et puis, la vie d'un berger est solitaire, et ça fait du bien d'avoir un peu de compagnie...
- Et bien merci, en tout cas
- De rien, petit.
- Il y a une rivière, dans le coin ?
- Euh, oui, un peu plus bas. Pourquoi ?
- J'ai besoin de me laver.
Nathanaël le regarda, intrigué.
- Tu as l'air propre pourtant...
- Oui, mais ça fait deux jours que je ne me suis pas lavé, je me sens crasseux...
- Deux jours ? Mais, tu ne te laves quand même pas tous les deux jours ??
- Non, d'habitude c'est tous les jours...
-Tous les jours ?!?! Mais, tu n'as pas peur d'attraper des maladies ?
- Je le fais depuis un bon moment déjà, sourit Burydan, et je suis aussi sain et gaillard que toi...
Burydan descendit jusqu'à la rivière et entra dans l'eau. Elle était froide mais ça pouvait aller. Il prit le peu de savon qui lui restait et entreprit de se laver avec application. Quelques minutes plus tard, Nathanaël apparu.
- Avec quoi tu te laves ? demanda le berger.
Burydan lui montra le minuscule morceau de savon.
- Et bien tu ne vas pas aller loin avec ça.
Nathanaël montra un gros pain de savon. Il sortit un grand couteau et le coupa en deux. Il se mit nu et entra dans l'eau en frissonnant. Il s'approcha de Burydan et lui tendit une moité de savon.
- Tiens, ça ira mieux avec ça...
Ils se lavèrent et s'allongèrent au soleil pour laisser les rayons de Shagma les sécher.
Burydan jeta des regards vers le beau corps musclé de Nathanaël et vit que lui aussi l'observait du coin de l’œil.
- Je peux rester encore un peu ? demanda Burydan.
- Je reste encore trois semaines ici avant de rentrer. Tu peux rester autant que tu veux...
- Merci.
- De rien petit...
(1) Appuru : fruit de l'apparier, de forme arrondie que l'on consomme frais ou cuisiné. Très semblable à la pomme.
(2) Pirum : fruit de pirumier de forme oblongue. Très semblable à la poire.
(3) Fructidor : huitième mois du calendrier utopien, correspondant au mois d'août.
(4) Arkou : mammifère carnivore et plantigrade. Très semblable à l'ours.
(5) Kapno : plante herbacée dont les feuilles son séchées et hachées pour être fumées. Très semblable au tabac.