CHAPITRE LXXXII
''Discite omni tempore''
''Discite omni tempore''
Burydan se réveilla après un sommeil agité. Il avait rêvé de Rhonin. Son petit minet était attaché à la croix en X et un homme, gros, gras et d'une laideur repoussante, le fouettait en affichant un rictus mauvais à chaque cri de douleur du blondinet.
Il ne savait pas pourquoi Rhonin l'obsédait à ce point. Et il ne se reconnaissait plus. Lui qui se montrait généralement viril, brusque, brutal, voire même violent avec les minets qu'il payait pour les baiser, avec lui il s'était montré doux, tendre, prévenant et attentionné. Et il ne savait pas pourquoi.
Il essaya de le chasser de ses pensées, mais il revenait tout le temps. Ses cheveux blonds dorés, ses grands yeux bleus, cette petite lueur inquiète qui brillait dans ses prunelles, quand il ne savait pas ce que Burydan allait lui faire ou lui faire faire, sa voix douce et ses ''maîtres'', sa docilité, son obéissance, son petit corps tout fragile, sa peau de lait d'une douceur indicible, ses soupirs, ses gémissements et ses petits cris de plaisir, sa façon de s'abandonner complètement aux assauts de son maître, son petit cul tout rond, tout blanc, son fourreau doux, chaud et serré, sa main qui s'agitait frénétiquement sur sa jolie bite toute rose et son petit cri d'agonie quand il jouissait...
Cinq jets de foutre chaud strièrent le torse et le ventre de Burydan. Il venait de se masturber en pensant à une petite pute d'un bordel de marins... non, vraiment il ne se reconnaissait plus.
Il alla jusqu'à la salle d'eau, se lava avec application, s'habilla et tira sur le cordon pendant à côté de sa couche. Une minute plus tard on frappait à sa porte.
- Entrez !
Philipotte apparut :
- Monsieur a sonné ?
- Oui ma douce, apporte moi un peu de chair salée, un morceau de pain frais et du fromage. Ainsi qu'un pichet de vin, et du bon, et un pichet d'eau avec deux gobelets.
- Bien monsieur...
- Et dit à l'alberguière de préparer ma note et au palefrenier que je partirai demain à la pique du jour...
- Oh, monsieur nous quitte ?
- Eh oui ma jolie, mon voyage ne fait que commencer...
Philipotte lui fit une petite révérence et partit. Elle revint quelques minutes plus tard. Elle posa le plateau sur la table alors que Burydan empaquetait ses affaires.
- Eh bien j'espère vous revoir bientôt, monsieur
- Qui sait Philipotte, qui sait ?
Elle lui fit une petite révérence et allait s'en aller, mais Burydan la retint.
- Attends...
Il fouilla dans son escarcelle et glissa une pièce dans la main de la mignote. Elle écarquilla les yeux.
- Monsieur a du se tromper, il aura voulu me donner un capokei mais m'aura donné un simeris...
- Non, je ne me trompe pas...
- Oh monsieur ! Un simeris, c'est prou...
- C'est peu pour ta gentillesses ma mignonne...
- Monsieur, puis-je vous poutouner pour vous remercier ?
- Du bond du cœur...
Elle s'approcha de lui et se mit sur la pointe des pieds. Alors que Burydan s'attendait à un petit poutoune sur sa joue, Philipotte déposa ses lèvres sur les siennes. Elle rosit, fit une petite révérence et partit.
Le lendemain matin, à l'aube, Burydan sortit de la ville. Il savait qu'il lui faudrait au moins cinq jours pour rejoindre la capitale.
L'île de Siméria était divisée en trois immenses royaumes.
Celui où se trouvait Burydan, au sud, le royaume de Mik'Rosoft. La capitale en était Ween'Doz où se trouvait le palais du roi Bilgaitz.
Au nord Est le royaume de Happ'Eule. La capitale en était Haî'Fone ou se trouvait le palis du roi Mac'Intosh
Et au Nord Ouest, le royaume de Faisse'boucq. La capitale en était Inst'Agramm où se trouvait le palais du roi Zuc'Henberg.
Il s'arrêta dans les différentes bourgades qui longeaient la grande route, n'y gîtant qu'une nuit. Il arriva à sa dernière étape, à environ cinquante lieux de Ween'Doz quand il mit pied à terre.
De chaque coté de la route s'étendaient, à perte de vue, des champs plantés d'arbres. Ce qui surprit Burydan c'est qu'il ne connaissait pas cette espèce de bois. Il enjamba une clôture et s’approcha.
Le tronc était strié de scarifications en diagonale à intervalles réguliers. La dernière, qui devait être récente, laissait voir une substance blanchâtre dont une partie était recueillie dans un petit pot en fer blanc accroché à l'arbre. Burydan prit une petite goutte de cette sève blanche sur un de ses doigts. Elle était pâteuse et collante.
Il vit un peu plus loin un homme trapu qui vidait les pots dans de grandes jarres. Burydan s'approcha de lui.
- Le bonjour à toi l'ami...
L'homme se retourna, s'épongea le front d'un mouchoir en observant Burydan des pieds à la tête.
- Bonjour à toi, étranger. Je peux t'aider ?
- Je pense que oui. Quelle est cette essence d'arbre ?
- Ah toi, dit l'homme, tu n'es pas d'ici...
- Non, je viens de Brittania... en Utopia...
- Eh ben, ça fait une trotte... Ce sont des siliconiers...
- Ah... et quelle est cette substance blanche ?
- Eh bien c'est du silicone pardi...
Ça n'avançait pas plus Burydan. Mais l'homme poursuivit :
- Le siliconier n'est pas un arbre d'ouvrage ni de chauffage, à cause du silicone, justement. Ses fruits sont durs et amers et même les zuhrus n'en veulent pas. Mais sa sève, elle, est très demandée...
- Pour en faire quoi ?
- Oh, une foule de choses... une fois chauffée, elle devient liquide et on s'en sert pour faire des huiles lubrifiantes, sous sa forme semi-liquide, on s'en sert de colle, et sous sa forme solide, on en fait une foule d'objets, le silicone restant flexible. On en fait même des jouets...
- Des jouets ?
- Oui, dit l'homme en souriant. Mais des jouets pour grandes filles... ou grands garçons...
Burydan comprit. Il se rappela les faux sexes dans la chambre de Rhonin. La matière dont ils étaient faits avait surpris Burydan. Ils étaient flexibles et extrêmement doux au toucher.
- Eh bien merci à toi... euh...
- Néhor...
- La grand merci à toi, Néhor, mais, dis moi...
Burydan posa encore une foule de questions à Néhor qui lui expliqua patiemment la culture du siliconier.
- Et ça se vend bien ?
Néhor éclata de rire et désigna du bras les centaines de siliconiers.
- A ton avis ? Tout le monde à Stann'Ford s'est mis à cette culture. Il faut dire que le siliconier est un arbre capricieux, on a essayé d'en planter ailleurs mais ça n'a pas marché. C'est pas pour rien qu'on appelle cet endroit la silicone vallée...
Burydan posa encore quelques questions et dit :
- Eh bien merci pour m'avoir consacré ton temps. Connais-tu une bonne auberge à Stann'Ford ?
- Ouais, l'auberge du ''Lapin Cornu''. C'est un ami à moi qui en est le tenancier...
- Parfait... puis-je t'offrir un verre ?
- Ah ça, je ne dis jamais non à une bonne chopine... le temps de mettre mes jarres à l'abri et je te montre le chemin...
Arion renâcla un peu. Il ne supportait pas de voir un cheval le précéder, alors une nosae (1)...
- Du calme, mon beau. Ne soit donc pas si snob... et puis elle est mignonne cette nosae...
- Pffrrt
- Oh, je t'en prie, reste poli...
Ils arrivèrent enfin à l'auberge. Un palefrenier vint chercher Arion et la nosae de Néhor et ils entrèrent.
- Salut la compagnie, dit Néhor.
- Salut à toi, Néhor. Tu t'es fait un nouvel ami ?
- Je te présente...
- Burydan. Burydan de Malkchour.
- Voilà, il vient de Bra... Bru...
- Brittania...
- Voilà. Et il m'offre unie chopine...
- Eh bien soit le bien venu Burydan de Malkchour, je me nomme Ulrich et je suis le patron ce cette auberge...
- Enchanté Ulrich. Ce serait possible d'avoir deux chopines et une chambre pour ce soir ?
- Sans problème.
Burydan et Néhor burent leurs bières et Néhor prit congé. Burydan mangea et monta dans sa chambre. Il se mit nu et s'assit devant la petite table. Il sortit un gros livre de son sac et tailla son crayon.
Il avait acheté ce livre vierge chez Oli'. Il n'avait pas voulu continuer le journal de Gershaw, c'était celui de son maître et il le conservait comme une relique. Il avait donc décidé de faire le sien. Il y avait raconté toute sa vie. Sa jeunesse, son amour pour Darren, son meurtre, son errance, Nathanaël, sa vie de prostitué, Martouf, Aragorn, Raven, et ses différentes missions. Toute sa vie en fait. Tout ce qu'il avait appris aussi. Et ses pensées les plus intimes.
Il coucha sur le papier tout ce que Néhor lui avait dit et fit un dessin du siliconier. Il allait ranger son journal quand celui-ci lui échappa des mains. Burydan le ramassa et vit qu'il s'était ouvert au passage où il parlait du marquis de Siorac. L'une de ses plus dérangeantes missions.
(1) Nosae : équidé hybride femelle (nosa pour le mâle) produit par l'accouplement d'une jument et d'un gaidaro. Très semblable à la mule.