CHAPITRE 39 (Antoine) (suite)
Une fois confortablement installé dans le canapé du salon, Pierre raconte à sa femme les déroulements de la journée et termine par le verdict qui impose à leur fils un suivi régulier par un psychiatre avec en plus un entretien obligatoire avec un juge lors des trois prochains trimestres.
- (Pierre) Florian s’en sort plutôt bien tu sais chéri !! Avec tous les cadavres qu’il traîne derrière lui, je trouve même que le juge a été plutôt indulgent.
- En plus nous avons déjà le psy !! De toute façon c’était déjà prévu que j’ai des séances avec lui, pas vrai ?
- (Pierre) Nous verrons avec le docteur Espinach s’il accepte de suivre Florian quand il sera de retour d’Aix en Provence.
- T’inquiète pas pour ça p’pa !! Philippe ne demandera pas mieux, tu verras !!
- (Hellènes) Et pour le chauffeur de la camionnette ?
- (Pierre) Jamais ils ne feront le rapprochement avec nous, comment veux-tu même qu’ils y pensent ?
- (Hellènes sourit) Je suis contente que tout s’arrange au mieux pour cet homme.
- (Pierre) Ne reste plus qu’à régler cette histoire d’inscription au bac, j’irai chercher les documents nécessaires dès demain matin en espérant qu’il ne soit pas trop tard !
Hellènes se tourne vers son fils.
- Tu es certain d’y arriver ? Ça fait un moment que tu as laissé tomber tes études.
Je vais pour lui répondre encore une fois de ne pas s’inquiéter pour ça, quand plusieurs claquements de portières se font entendre et que mon père file tout droit à la fenêtre pour vérifier que ce sont bien les Massery qui arrivent.
- Voilà ton frère et sa petite famille !!
- Aïe !!
- (Pierre) Tu ferais mieux d’aller dans ta chambre le temps que nous leur parlions ta mère et moi !!
- Comme tu veux p’pa !!
Je les embrasse une dernière fois avant de me lever pour disparaître de leurs vues, j’entends la sonnette retentir et des voix qui semblent malgré tout heureuses de leurs retrouvailles, je m’allonge sur mon lit en tendant l’oreille pour écouter la conversation qui ne va pas manquer de m’apporter des renseignements précieux sur ce que j’étais avant de prendre conscience dans cette réalité.
Au début ce ne sont que des questions sur la santé et les dernières nouvelles marquantes depuis leur précédente visite, j’apprends alors mais ça ne m’étonne pas vraiment que mon oncle souffre du foie et qu’il va lui falloir très certainement envisager une opération, les médicaments ne lui faisant quasiment plus rien pour le soulager.
C’est Antoine qui attaque le premier en demandant où je suis.
- Il est où l’autre ?
- (Pierre) Tu veux sans doute parler de ton cousin ? Il est dans sa chambre, je lui ai demandé d’y attendre que je l’appelle !! Nous devons avoir une conversation sérieuse à son sujet, je sais bien tout ce qu’il t’a fait endurer Antoine !! Je voudrais juste que tu… enfin que vous acceptiez juste de l’entendre, ce n’est plus le Florian que vous connaissiez je vous assure !!
- (Antoine) Comment pouvez-vous être aussi crédule ?? Il se joue de vous comme il le fait avec tout le monde !!
- (Adrien) Je dois bien reconnaître que ce que dit Antoine est aussi ce que je pense !! Il ne devait pas passer en jugement aujourd’hui ?
- (Pierre) Exact !! D’ailleurs ça fait à peine une heure que nous sommes rentrés !!
- (Adrien) Et ??
- (Pierre) Le fait qu’il ne se rappelle de rien a été en sa faveur, le juge l’a laissé en liberté conditionnelle.
- (Florence) Un séjour en prison ne lui aurait pas fait de mal pourtant !!
- (Hellènes) Mais non enfin !! Puisqu’on vous dit qu’il a tout oublié de ce qu’il était avant l’accident !!
- (Adrien) Il vous a bien reconnus pourtant ? C’est plutôt étrange cette amnésie ciblée vous ne trouvez pas ?
- (Pierre) C’est un peu plus compliqué que ça !! En fait pour tout vous dire, Florian à sa sortie du coma avait… comment dire sans passer pour un menteur…
- (Hellènes) Ce que veut dire Pierre, c’est que Florian est revenu à lui avec d’autres souvenirs !!
- (Antoine abasourdi) Et vous avez gobé ces conneries ??
- (Pierre) Nous avons pensé la même chose que toi au début !! Qu’il nous montait un énorme bateau pour échapper à la justice après ses dernières exactions.
- (Adrien) C’est évident pourtant !! Comment veux-tu avoir d’autres souvenirs que ceux que tu as déjà vécus ??
CHAPITRE 40 (Antoine) (suite)
Pierre hésite à aller plus loin dans ses explications, il sait très bien que s’il commence il faudra alors dire toute la vérité.
- Heu !! C’est assez compliqué !!
- (Florence) Il vous a dit ce que vous rêviez d’entendre et vous vous y êtes laissé prendre voilà tout.
- (Pierre volubile) Mais non enfin !!
- (Adrien) Alors explique nous en quoi il a tellement changé et aussi que sont ces nouveaux souvenirs ? Je t’avoue que je suis plutôt curieux de t’entendre et ne crois surtout pas que nous tomberons aussi facilement que vous dans le panneau !! Allons Pierre !! Un peu de sérieux si tu veux bien !! Ton fils a été, est et sera toujours une crapule de la pire espèce !! Je suis certain que maintenant qu’il est tiré d’affaire, son amnésie va fondre comme neige au soleil et qu’il va vite retrouver sa vraie nature. D’autres souvenirs ?? Foutaises !! Ou alors nous entrons en pleine science-fiction !! Ça ne s’est jamais vu et n’existera jamais, vous devriez plutôt le faire surveiller pour qu’il ne reprenne pas ses activités malsaines.
- (Florence) Adrien te parle avec bon sens Pierre !! Rappelle-toi notre dernière visite et ce qu’il a fait subir à Antoine !!
- (Pierre) Parce qu’il vous l’a dit ?
- (Adrien) Justement, non !! Alors pose-toi la question de ce que ce devait être pour qu’Antoine n’ose même pas en parler à sa famille.
Hellène remarque tout de suite les crispations et la blancheur soudaine du visage de son neveu, ainsi que ses poings se serrant si fort qu’ils lui en blanchissent les articulations.
- C’était donc si difficile que ça à nous dire ?
Antoine pète alors un plomb, sa voix devient hystérique quand il répond à sa tante.
- Me droguer pour ensuite me vendre à quatre sexagénaires qui m’ont violé chacun leur tour à plusieurs reprises !! Oui c’est difficile !! Autant à vivre pendant qu’après et encore plus à avouer, même à ses parents !! Vous vouliez savoir ce qu’il m’a fait ?? Et bien maintenant vous le savez !!
Antoine s’effondre en larme sur le canapé, prend une position fœtale en tremblant de tous ses membres et revivant encore une fois ces instants atroces qui l’ont brisé, soulagé malgré tout d’avoir enfin réussi à en parler.
***/***
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine en entendant ces paroles, comment ai-je pu faire une chose pareille !! Qui était donc ce Florian pour être aussi mauvais ?? Je me lève d’un bond, sort comme une furie de ma chambre et me précipite vers Antoine avec l’intention de le prendre dans mes bras, son regard dès qu’il m’aperçoit devient dur et froid, ses mains me repoussent alors avec une telle violence que je me sens partir en arrière, puis… plus rien.
***/***
Un fracas de verre brisé suivi de plusieurs cris de surprise et d’affolement quand tous voient Florian étalé inanimé sur le sol, au milieu des débris de vitre de la table basse.
Pierre se précipite vers son fils alors qu’Antoine fixe son cousin avec effroi, se rendant compte de ce qu’il vient bien involontairement de faire en croyant que celui-ci venait se jeter sur lui pour lui faire regretter ses dernières paroles dévoilant ce qu’il lui avait fait subir l’année passée.
La flaque de sang s’élargit autour de la tête du petit rouquin, un énorme éclat de verre bien visible enfoncé profondément dans son cou non loin de l’artère.
Hellènes affolée.
- Mon Dieu !! Il faut appeler les secours !! Faites quelque chose !! Vous ne voyez pas qu’il se vide de son sang !!
Pierre ôte l’éclat de verre, sa main vient ensuite faire un point de compression sur le cou de son fils pendant que ses yeux hagards cherchent désespérément de l’aide autour de lui.
- Mon fils !! Non !! Non !! Ce n’est pas possible !! Pas maintenant !! Aidez-moi !!
Adrien d’une voix blanche.
- J’appelle les secours !! Garde bien ta main sur la plaie surtout !!
Florence regarde son fils comme si c’était la première fois, son visage crayeux rencontre alors le sien.
- Mais qu’est-ce que tu as fait ??
***/***
- Mais qu’est-ce que tu as fait ??
Ce sont les premières paroles que j’entends quand je reprends conscience, je sens le corps de mon père me tenant serré contre lui et sa main me comprimant fortement le cou, au point où j’en éprouve des difficultés à respirer.
Ma main libre vient alors lui tapoter le bras, son regard se reporte immédiatement dans le mien et mon sourire le désarçonne, lui revient alors en mémoire le petit test du matin.
Un clin d’œil de ma part le décide enfin à relâcher la pression sur mon cou et je respire d’un seul coup beaucoup mieux, il enlève alors doucement sa main et ce qu’il voit lui ramène non seulement le sourire, mais aussi un énorme trouble en constatant que déjà la cicatrice n’est presque plus visible.
- Je pense qu’il n’est plus utile d’appeler les secours, Adrien.
- (Adrien atterré) Ne me dis pas qu’il est…
- (Florence) Mon Dieu !! Non!!
CHAPITRE 41 (Antoine) (fin)
Pierre comprend l’affolement qui les prend et s’empresse de les rassurer.
- Tout va bien !! Quelqu’un pourrait-il apporter une serviette et de l’eau chaude ? Comment tu te sens fiston ?
- Mieux, maintenant que je peux respirer normalement p’pa !! Tu voulais m’étrangler ou quoi ?
- (Pierre amusé) J’avais juste oublié ta petite démonstration de ce matin fiston, j’ai été comme qui dirait pris de panique, tu comprends ?
Je regarde le carnage autour de moi, surpris de la rapidité où tout s’est passé et je tourne la tête vers mon cousin visiblement ahuri de ce qu’il se passe en ce moment sous ses yeux.
- Ça va « Toinou » ? Heureux moi aussi de te revoir Hi ! Hi !
La consternation est un bien faible mot pour définir la tête qu’ils font tous, comprenant que je suis bien vivant sans comprendre comment ça a pu être possible.
Ma mère arrive en tenant une petite bassine et plusieurs serviettes, elle s’agenouille près de moi le visage encore baigné de larmes.
- Ça va mon chéri ?
- Oui m’man, t’inquiète ce n’est rien !! La prochaine fois que je voudrais embrasser mon cousin, fais-moi penser à vider la pièce avant et à couvrir le sol de tatamis Hi ! Hi !
Elle me nettoie du mieux qu’elle peut, la bassine devient vite rouge de mon sang et je finis par me relever en m’excusant auprès de nos invités.
- Je vais aller prendre une douche et changer de vêtements, cette chemise est bonne à jeter et ça tombe bien Hi ! Hi ! Elle n’était pas vraiment à mon goût !! Tu peux venir me frotter le dos si tu veux « Toinou » ? Nous avons pas mal à discuter tous les deux, tu ne crois pas ?
Je vois bien à son regard qu’il ne s’est pas encore remis de ses émotions et que ma façon de lui parler comme mon nouveau look le trouble à un point que je n’aurais pas cru possible venant de mon cousin, mais ce n’était pas celui de ce monde et il faudra encore un certain temps avant qu’il redevienne ou plutôt devienne avec moi assez intime pour venir partager une douche ensemble, quoiqu’en y réfléchissant deux secondes je ne me rappelle pas l’avoir jamais fait avec lui…
***/***
La sortie de la pièce de Florian semble sortir tout le monde de sa léthargie, Adrien remet machinalement le combiné sur son socle et revient dans le salon en évitant l’énorme tache de sang qui reste la seule preuve tangible avec la table basse en miette de ce qui vient de se passer sous ses yeux.
- J’ai dû rater un épisode ou alors je vais me réveiller dans mon lit ?
- (Pierre amusé) J’opte pour l’épisode Hi ! Hi ! C’était ce que je voulais vous faire comprendre avant que tout ceci n’arrive !!
- (Antoine) C’est un extraterrestre qui a pris l’apparence de mon cousin ?
- (Adrien) C’est une blague ?
Pierre prend une serviette et aide sa femme à éponger le sol, il envoie la serviette rouge de sang vers son beau-frère qui l’attrape au vol en faisant la grimace.
- Ça ressemble à du jus de tomate peut être ?
- (Adrien) Comment tu expliques tout ça alors ?
- (Pierre) Je ne l’explique pas plus que toi, juste que c’est comme ça et qu’il va vous falloir garder le secret de ce qu’il vient de se passer ici !!
- (Adrien) C’était Florian ou pas ??
Pierre observe un instant son neveu.
- Qu’est-ce que tu en penses, toi ?
- (Antoine) Comment veux-tu que je le sache ? Il en a toutes les apparences…
- Mais ?
Antoine se tapote la tête avec un doigt.
- Pas là-dedans en tous les cas !!
- Je vous avais prévenus qu’il n’avait plus les mêmes souvenirs, dans les siens vous étiez très liés et il l’a très mal pris quand je lui ai expliqué que vous vous détestiez !!
- (Antoine) Bon !! Admettons !! Je dis bien, admettons qu’il ne se rappelle réellement pas de qui il était, comment expliques-tu que sa blessure se soit guérie aussi vite ?
CHAPITRE 42 (Guérison)
« Sous la douche »
Les questions qu’ils se posent sont semblables en tout point aux miennes et je serais bien curieux d’apprendre qu’il y en a un qui ait la réponse, malgré tout je me dis que tout ne s’est pas si mal passé et que ça aurait pu être pire, maintenant il est un peu tôt pour crier victoire.
Les dernières taches de sang disparaissent dans la bonde d’évacuation, ne laissant plus aucune trace de ce qui pour quelqu’un de normal aurait pu être une blessure sinon mortelle, du moins douloureuse et longue à guérir.
Je décide donc de ne plus m’abrutir à découvrir les raisons de tout ça, préférant me donner des objectifs sur le court terme et me promettant de revenir aux questions existentielles quand le moment s’en fera sentir et ce afin de ne pas devenir fou à chercher vainement à connaître le fin mot de cette troublante histoire.
Objectif principal : retrouver mon Thomas et j’ai bien l’intention de profiter des deux mois chez mes grands-parents pour vérifier si la famille Louvain existe bien ailleurs que dans ce rêve réalité que j’ai vécu.
Objectif secondaire : faire oublier l’ancien Florian à ceux qui sont proches de ma famille et par la même occasion, tenter de reconstituer une partie de mon groupe d’amis en commençant par ceux déjà présents dans mes « deux précédentes vies » ne trouvant pas d’autres mots pour définir mes souvenirs.
Une idée me vient alors et m’amène le sourire aux lèvres, si mon « don » de guérir fonctionne ici ! Pourquoi pas les autres !!
Je tente donc de me concentrer sur l’image de mon Thomas en lui envoyant une sonde mentale pour me faire reconnaître de lui, chose apparemment plus facile à dire qu’à faire et force m’est de constater que je n’arrive même pas à sortir de mon cerveau comme je pouvais le faire sans difficultés en d’autres lieux.
Une nouvelle tentative, cette fois pour émettre le son de gorge qui me fait communiquer avec les autres espèces animales et si ce n’est l’horrible borborygme qui s’échappe de mes lèvres en me faisant grimacer, rien là non plus de concret ne semble se produire à ma plus grande désillusion.
Me voilà bien avancé maintenant !! Manquerait plus que mes capacités intellectuelles soient elles aussi revenues à la normale et j’ai de quoi m’inquiéter quant à mes paroles précédentes sur l’assurance de passer mes études haut la main.
Une explication somme toute bien mince me vient alors à l’esprit, peut-être dois-je tout réapprendre à chaque nouvelle vie et qu’il n’y ait que mon « don » de guérir qui fonctionne parce qu’il est marqué dans mes gênes et non issu de mes connaissances acquises.
D’ailleurs je n’en avais aucun dans mon ancienne vie de myopathe et ceux de mon « rêve » ne sont arrivés qu’avec le temps, un soupir de frustration s’échappe de mes lèvres et me fait revenir au présent, ma peau commençant à se ramollir sous l’effet prolongé de l’eau.
Je sors donc de sous la douche, m’essuie et me rhabille, jetant un dernier coup d’œil sur mon visage en me pinçant fortement la joue pour vérifier que je ne rêve pas encore une fois.
Le verre à dent sur la tablette au-dessus de l’évier me donne une idée qui me rassérène un peu après mes dernières frustrations.
Je le nettoie avant d’y envoyer un maximum de salive et d’y additionner une bonne rasade d’eau fraîche, le tout ne donnant pas vraiment l’envie de la boire mais devrais être suffisant pour ce pour quoi je le destine.
Je sors donc en tenant mon verre en main, je traverse le couloir pour me retrouver une nouvelle fois dans le salon où d’un coup d’un seul le silence se fait, alors que cinq paires d’yeux me fixent.
J’approche de mon oncle en lui tendant le verre.
- Tiens !! Bois ça s’il te plaît !!
Une fois confortablement installé dans le canapé du salon, Pierre raconte à sa femme les déroulements de la journée et termine par le verdict qui impose à leur fils un suivi régulier par un psychiatre avec en plus un entretien obligatoire avec un juge lors des trois prochains trimestres.
- (Pierre) Florian s’en sort plutôt bien tu sais chéri !! Avec tous les cadavres qu’il traîne derrière lui, je trouve même que le juge a été plutôt indulgent.
- En plus nous avons déjà le psy !! De toute façon c’était déjà prévu que j’ai des séances avec lui, pas vrai ?
- (Pierre) Nous verrons avec le docteur Espinach s’il accepte de suivre Florian quand il sera de retour d’Aix en Provence.
- T’inquiète pas pour ça p’pa !! Philippe ne demandera pas mieux, tu verras !!
- (Hellènes) Et pour le chauffeur de la camionnette ?
- (Pierre) Jamais ils ne feront le rapprochement avec nous, comment veux-tu même qu’ils y pensent ?
- (Hellènes sourit) Je suis contente que tout s’arrange au mieux pour cet homme.
- (Pierre) Ne reste plus qu’à régler cette histoire d’inscription au bac, j’irai chercher les documents nécessaires dès demain matin en espérant qu’il ne soit pas trop tard !
Hellènes se tourne vers son fils.
- Tu es certain d’y arriver ? Ça fait un moment que tu as laissé tomber tes études.
Je vais pour lui répondre encore une fois de ne pas s’inquiéter pour ça, quand plusieurs claquements de portières se font entendre et que mon père file tout droit à la fenêtre pour vérifier que ce sont bien les Massery qui arrivent.
- Voilà ton frère et sa petite famille !!
- Aïe !!
- (Pierre) Tu ferais mieux d’aller dans ta chambre le temps que nous leur parlions ta mère et moi !!
- Comme tu veux p’pa !!
Je les embrasse une dernière fois avant de me lever pour disparaître de leurs vues, j’entends la sonnette retentir et des voix qui semblent malgré tout heureuses de leurs retrouvailles, je m’allonge sur mon lit en tendant l’oreille pour écouter la conversation qui ne va pas manquer de m’apporter des renseignements précieux sur ce que j’étais avant de prendre conscience dans cette réalité.
Au début ce ne sont que des questions sur la santé et les dernières nouvelles marquantes depuis leur précédente visite, j’apprends alors mais ça ne m’étonne pas vraiment que mon oncle souffre du foie et qu’il va lui falloir très certainement envisager une opération, les médicaments ne lui faisant quasiment plus rien pour le soulager.
C’est Antoine qui attaque le premier en demandant où je suis.
- Il est où l’autre ?
- (Pierre) Tu veux sans doute parler de ton cousin ? Il est dans sa chambre, je lui ai demandé d’y attendre que je l’appelle !! Nous devons avoir une conversation sérieuse à son sujet, je sais bien tout ce qu’il t’a fait endurer Antoine !! Je voudrais juste que tu… enfin que vous acceptiez juste de l’entendre, ce n’est plus le Florian que vous connaissiez je vous assure !!
- (Antoine) Comment pouvez-vous être aussi crédule ?? Il se joue de vous comme il le fait avec tout le monde !!
- (Adrien) Je dois bien reconnaître que ce que dit Antoine est aussi ce que je pense !! Il ne devait pas passer en jugement aujourd’hui ?
- (Pierre) Exact !! D’ailleurs ça fait à peine une heure que nous sommes rentrés !!
- (Adrien) Et ??
- (Pierre) Le fait qu’il ne se rappelle de rien a été en sa faveur, le juge l’a laissé en liberté conditionnelle.
- (Florence) Un séjour en prison ne lui aurait pas fait de mal pourtant !!
- (Hellènes) Mais non enfin !! Puisqu’on vous dit qu’il a tout oublié de ce qu’il était avant l’accident !!
- (Adrien) Il vous a bien reconnus pourtant ? C’est plutôt étrange cette amnésie ciblée vous ne trouvez pas ?
- (Pierre) C’est un peu plus compliqué que ça !! En fait pour tout vous dire, Florian à sa sortie du coma avait… comment dire sans passer pour un menteur…
- (Hellènes) Ce que veut dire Pierre, c’est que Florian est revenu à lui avec d’autres souvenirs !!
- (Antoine abasourdi) Et vous avez gobé ces conneries ??
- (Pierre) Nous avons pensé la même chose que toi au début !! Qu’il nous montait un énorme bateau pour échapper à la justice après ses dernières exactions.
- (Adrien) C’est évident pourtant !! Comment veux-tu avoir d’autres souvenirs que ceux que tu as déjà vécus ??
CHAPITRE 40 (Antoine) (suite)
Pierre hésite à aller plus loin dans ses explications, il sait très bien que s’il commence il faudra alors dire toute la vérité.
- Heu !! C’est assez compliqué !!
- (Florence) Il vous a dit ce que vous rêviez d’entendre et vous vous y êtes laissé prendre voilà tout.
- (Pierre volubile) Mais non enfin !!
- (Adrien) Alors explique nous en quoi il a tellement changé et aussi que sont ces nouveaux souvenirs ? Je t’avoue que je suis plutôt curieux de t’entendre et ne crois surtout pas que nous tomberons aussi facilement que vous dans le panneau !! Allons Pierre !! Un peu de sérieux si tu veux bien !! Ton fils a été, est et sera toujours une crapule de la pire espèce !! Je suis certain que maintenant qu’il est tiré d’affaire, son amnésie va fondre comme neige au soleil et qu’il va vite retrouver sa vraie nature. D’autres souvenirs ?? Foutaises !! Ou alors nous entrons en pleine science-fiction !! Ça ne s’est jamais vu et n’existera jamais, vous devriez plutôt le faire surveiller pour qu’il ne reprenne pas ses activités malsaines.
- (Florence) Adrien te parle avec bon sens Pierre !! Rappelle-toi notre dernière visite et ce qu’il a fait subir à Antoine !!
- (Pierre) Parce qu’il vous l’a dit ?
- (Adrien) Justement, non !! Alors pose-toi la question de ce que ce devait être pour qu’Antoine n’ose même pas en parler à sa famille.
Hellène remarque tout de suite les crispations et la blancheur soudaine du visage de son neveu, ainsi que ses poings se serrant si fort qu’ils lui en blanchissent les articulations.
- C’était donc si difficile que ça à nous dire ?
Antoine pète alors un plomb, sa voix devient hystérique quand il répond à sa tante.
- Me droguer pour ensuite me vendre à quatre sexagénaires qui m’ont violé chacun leur tour à plusieurs reprises !! Oui c’est difficile !! Autant à vivre pendant qu’après et encore plus à avouer, même à ses parents !! Vous vouliez savoir ce qu’il m’a fait ?? Et bien maintenant vous le savez !!
Antoine s’effondre en larme sur le canapé, prend une position fœtale en tremblant de tous ses membres et revivant encore une fois ces instants atroces qui l’ont brisé, soulagé malgré tout d’avoir enfin réussi à en parler.
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Mon cœur fait un bond dans ma poitrine en entendant ces paroles, comment ai-je pu faire une chose pareille !! Qui était donc ce Florian pour être aussi mauvais ?? Je me lève d’un bond, sort comme une furie de ma chambre et me précipite vers Antoine avec l’intention de le prendre dans mes bras, son regard dès qu’il m’aperçoit devient dur et froid, ses mains me repoussent alors avec une telle violence que je me sens partir en arrière, puis… plus rien.
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Un fracas de verre brisé suivi de plusieurs cris de surprise et d’affolement quand tous voient Florian étalé inanimé sur le sol, au milieu des débris de vitre de la table basse.
Pierre se précipite vers son fils alors qu’Antoine fixe son cousin avec effroi, se rendant compte de ce qu’il vient bien involontairement de faire en croyant que celui-ci venait se jeter sur lui pour lui faire regretter ses dernières paroles dévoilant ce qu’il lui avait fait subir l’année passée.
La flaque de sang s’élargit autour de la tête du petit rouquin, un énorme éclat de verre bien visible enfoncé profondément dans son cou non loin de l’artère.
Hellènes affolée.
- Mon Dieu !! Il faut appeler les secours !! Faites quelque chose !! Vous ne voyez pas qu’il se vide de son sang !!
Pierre ôte l’éclat de verre, sa main vient ensuite faire un point de compression sur le cou de son fils pendant que ses yeux hagards cherchent désespérément de l’aide autour de lui.
- Mon fils !! Non !! Non !! Ce n’est pas possible !! Pas maintenant !! Aidez-moi !!
Adrien d’une voix blanche.
- J’appelle les secours !! Garde bien ta main sur la plaie surtout !!
Florence regarde son fils comme si c’était la première fois, son visage crayeux rencontre alors le sien.
- Mais qu’est-ce que tu as fait ??
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- Mais qu’est-ce que tu as fait ??
Ce sont les premières paroles que j’entends quand je reprends conscience, je sens le corps de mon père me tenant serré contre lui et sa main me comprimant fortement le cou, au point où j’en éprouve des difficultés à respirer.
Ma main libre vient alors lui tapoter le bras, son regard se reporte immédiatement dans le mien et mon sourire le désarçonne, lui revient alors en mémoire le petit test du matin.
Un clin d’œil de ma part le décide enfin à relâcher la pression sur mon cou et je respire d’un seul coup beaucoup mieux, il enlève alors doucement sa main et ce qu’il voit lui ramène non seulement le sourire, mais aussi un énorme trouble en constatant que déjà la cicatrice n’est presque plus visible.
- Je pense qu’il n’est plus utile d’appeler les secours, Adrien.
- (Adrien atterré) Ne me dis pas qu’il est…
- (Florence) Mon Dieu !! Non!!
CHAPITRE 41 (Antoine) (fin)
Pierre comprend l’affolement qui les prend et s’empresse de les rassurer.
- Tout va bien !! Quelqu’un pourrait-il apporter une serviette et de l’eau chaude ? Comment tu te sens fiston ?
- Mieux, maintenant que je peux respirer normalement p’pa !! Tu voulais m’étrangler ou quoi ?
- (Pierre amusé) J’avais juste oublié ta petite démonstration de ce matin fiston, j’ai été comme qui dirait pris de panique, tu comprends ?
Je regarde le carnage autour de moi, surpris de la rapidité où tout s’est passé et je tourne la tête vers mon cousin visiblement ahuri de ce qu’il se passe en ce moment sous ses yeux.
- Ça va « Toinou » ? Heureux moi aussi de te revoir Hi ! Hi !
La consternation est un bien faible mot pour définir la tête qu’ils font tous, comprenant que je suis bien vivant sans comprendre comment ça a pu être possible.
Ma mère arrive en tenant une petite bassine et plusieurs serviettes, elle s’agenouille près de moi le visage encore baigné de larmes.
- Ça va mon chéri ?
- Oui m’man, t’inquiète ce n’est rien !! La prochaine fois que je voudrais embrasser mon cousin, fais-moi penser à vider la pièce avant et à couvrir le sol de tatamis Hi ! Hi !
Elle me nettoie du mieux qu’elle peut, la bassine devient vite rouge de mon sang et je finis par me relever en m’excusant auprès de nos invités.
- Je vais aller prendre une douche et changer de vêtements, cette chemise est bonne à jeter et ça tombe bien Hi ! Hi ! Elle n’était pas vraiment à mon goût !! Tu peux venir me frotter le dos si tu veux « Toinou » ? Nous avons pas mal à discuter tous les deux, tu ne crois pas ?
Je vois bien à son regard qu’il ne s’est pas encore remis de ses émotions et que ma façon de lui parler comme mon nouveau look le trouble à un point que je n’aurais pas cru possible venant de mon cousin, mais ce n’était pas celui de ce monde et il faudra encore un certain temps avant qu’il redevienne ou plutôt devienne avec moi assez intime pour venir partager une douche ensemble, quoiqu’en y réfléchissant deux secondes je ne me rappelle pas l’avoir jamais fait avec lui…
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La sortie de la pièce de Florian semble sortir tout le monde de sa léthargie, Adrien remet machinalement le combiné sur son socle et revient dans le salon en évitant l’énorme tache de sang qui reste la seule preuve tangible avec la table basse en miette de ce qui vient de se passer sous ses yeux.
- J’ai dû rater un épisode ou alors je vais me réveiller dans mon lit ?
- (Pierre amusé) J’opte pour l’épisode Hi ! Hi ! C’était ce que je voulais vous faire comprendre avant que tout ceci n’arrive !!
- (Antoine) C’est un extraterrestre qui a pris l’apparence de mon cousin ?
- (Adrien) C’est une blague ?
Pierre prend une serviette et aide sa femme à éponger le sol, il envoie la serviette rouge de sang vers son beau-frère qui l’attrape au vol en faisant la grimace.
- Ça ressemble à du jus de tomate peut être ?
- (Adrien) Comment tu expliques tout ça alors ?
- (Pierre) Je ne l’explique pas plus que toi, juste que c’est comme ça et qu’il va vous falloir garder le secret de ce qu’il vient de se passer ici !!
- (Adrien) C’était Florian ou pas ??
Pierre observe un instant son neveu.
- Qu’est-ce que tu en penses, toi ?
- (Antoine) Comment veux-tu que je le sache ? Il en a toutes les apparences…
- Mais ?
Antoine se tapote la tête avec un doigt.
- Pas là-dedans en tous les cas !!
- Je vous avais prévenus qu’il n’avait plus les mêmes souvenirs, dans les siens vous étiez très liés et il l’a très mal pris quand je lui ai expliqué que vous vous détestiez !!
- (Antoine) Bon !! Admettons !! Je dis bien, admettons qu’il ne se rappelle réellement pas de qui il était, comment expliques-tu que sa blessure se soit guérie aussi vite ?
CHAPITRE 42 (Guérison)
« Sous la douche »
Les questions qu’ils se posent sont semblables en tout point aux miennes et je serais bien curieux d’apprendre qu’il y en a un qui ait la réponse, malgré tout je me dis que tout ne s’est pas si mal passé et que ça aurait pu être pire, maintenant il est un peu tôt pour crier victoire.
Les dernières taches de sang disparaissent dans la bonde d’évacuation, ne laissant plus aucune trace de ce qui pour quelqu’un de normal aurait pu être une blessure sinon mortelle, du moins douloureuse et longue à guérir.
Je décide donc de ne plus m’abrutir à découvrir les raisons de tout ça, préférant me donner des objectifs sur le court terme et me promettant de revenir aux questions existentielles quand le moment s’en fera sentir et ce afin de ne pas devenir fou à chercher vainement à connaître le fin mot de cette troublante histoire.
Objectif principal : retrouver mon Thomas et j’ai bien l’intention de profiter des deux mois chez mes grands-parents pour vérifier si la famille Louvain existe bien ailleurs que dans ce rêve réalité que j’ai vécu.
Objectif secondaire : faire oublier l’ancien Florian à ceux qui sont proches de ma famille et par la même occasion, tenter de reconstituer une partie de mon groupe d’amis en commençant par ceux déjà présents dans mes « deux précédentes vies » ne trouvant pas d’autres mots pour définir mes souvenirs.
Une idée me vient alors et m’amène le sourire aux lèvres, si mon « don » de guérir fonctionne ici ! Pourquoi pas les autres !!
Je tente donc de me concentrer sur l’image de mon Thomas en lui envoyant une sonde mentale pour me faire reconnaître de lui, chose apparemment plus facile à dire qu’à faire et force m’est de constater que je n’arrive même pas à sortir de mon cerveau comme je pouvais le faire sans difficultés en d’autres lieux.
Une nouvelle tentative, cette fois pour émettre le son de gorge qui me fait communiquer avec les autres espèces animales et si ce n’est l’horrible borborygme qui s’échappe de mes lèvres en me faisant grimacer, rien là non plus de concret ne semble se produire à ma plus grande désillusion.
Me voilà bien avancé maintenant !! Manquerait plus que mes capacités intellectuelles soient elles aussi revenues à la normale et j’ai de quoi m’inquiéter quant à mes paroles précédentes sur l’assurance de passer mes études haut la main.
Une explication somme toute bien mince me vient alors à l’esprit, peut-être dois-je tout réapprendre à chaque nouvelle vie et qu’il n’y ait que mon « don » de guérir qui fonctionne parce qu’il est marqué dans mes gênes et non issu de mes connaissances acquises.
D’ailleurs je n’en avais aucun dans mon ancienne vie de myopathe et ceux de mon « rêve » ne sont arrivés qu’avec le temps, un soupir de frustration s’échappe de mes lèvres et me fait revenir au présent, ma peau commençant à se ramollir sous l’effet prolongé de l’eau.
Je sors donc de sous la douche, m’essuie et me rhabille, jetant un dernier coup d’œil sur mon visage en me pinçant fortement la joue pour vérifier que je ne rêve pas encore une fois.
Le verre à dent sur la tablette au-dessus de l’évier me donne une idée qui me rassérène un peu après mes dernières frustrations.
Je le nettoie avant d’y envoyer un maximum de salive et d’y additionner une bonne rasade d’eau fraîche, le tout ne donnant pas vraiment l’envie de la boire mais devrais être suffisant pour ce pour quoi je le destine.
Je sors donc en tenant mon verre en main, je traverse le couloir pour me retrouver une nouvelle fois dans le salon où d’un coup d’un seul le silence se fait, alors que cinq paires d’yeux me fixent.
J’approche de mon oncle en lui tendant le verre.
- Tiens !! Bois ça s’il te plaît !!