CHAPITRE 31 (Le don)
« Paris chez les De Bierne, le matin tôt »
Mes parents sont déjà installés dans la cuisine devant leurs petits-déjeuners quand j’arrive à mon tour, moitié au radar pour ne pas changer et bien que j’aie encore la tête dans le cul, je vois bien leurs sourires amusés posés sur moi.
- Un café ou je tombe raide Hi ! Hi !
- (Pierre) Bonjour fiston !!
- Oups !!
Je viens m’asseoir sur ses genoux en calant ma tête dans son cou.
- B’jour p’pa !!
Hellènes sourit devant la scène pour le moins inhabituelle, le câlin que son fils donne à son mari mettant celui-ci dans un état d’émotion qui ne lui échappe pas et une larme de bonheur s’écoule lentement de son œil sur sa joue, ne croyant plus connaître un jour un instant semblable.
- Tu n’oublies pas quelqu’un mon chéri ?
Elle voit son fils lui faire un gros clin d’œil, embrasser son père sur la joue et venir vers elle pour la prendre dans ses bras en l’embrassant à son tour.
- B’jour m’man !!
Je la pousse doucement jusqu’à son siège, sentant bien combien ce moment de tendresse la trouble et c’est seulement à cet instant que je me souviens qu’ils ne devaient pas en avoir l’habitude avec l’ancien Florian.
Je la fais s’asseoir pour prendre une petite place sur ses genoux, la tasse fumante sous mon nez est trop tentante pour que j’y résiste et j’avale goulûment une gorgée brûlante qui me surprend, me faisant recracher une partie du breuvage.
- C’est chaud !!
- Fais donc attention !!
Je sens une main douce caresser mes cheveux, tentant vainement de les discipliner et je relève la tête pour lui embrasser la joue à son tour, trouvant le goût de ses larmes salées.
- Quelque chose ne va pas ?
- (Hellènes) Non mon chéri, bien au contraire !! Tu veux des tartines ?
- Avec de la confiture de figues comme chez mamie ?
Ma mère éclate en sanglot, le trop-plein d’émotion ayant eu encore cette fois raison d’elle.
- Oui mon chéri, comme chez ta grand-mère.
Je capte les yeux brillants de mon père braqués sur moi.
- Hé !! Tu ne vas pas t’y mettre aussi p’pa ??
- (Pierre) Laisse nous profiter du bonheur que tu nous donnes fiston, nous n’y étions pas habitués tu sais !!
Je tapote ma tête en souriant.
- Il est parti celui-là !! Du peu que j’en ai appris, personne ne va le regretter !!
Je leur laisse le temps de se remettre de leurs émotions avant de reprendre la parole.
- C’est ce matin que nous avons rendez-vous avec le juge ?
- (Pierre) Nous devons être au tribunal pour dix heures.
- Tu crois qu’ils vont me mettre en prison pour ce que j’ai fait ?
- (Pierre) D’après mes conseillers juridiques, le risque reste là même s’il est minime. N’oublions pas que tu es encore mineur et qu’au regard de la loi, c’est moi qui suis responsable de tes actes.
- Ce que j’ai fait est si grave que ça ?
- (Pierre) C’est surtout que ce n’est pas et de loin la première fois !! Et le dernier coup vous avez fait fort !! N’oublie pas le chauffeur de la camionnette !! Il lui restera des séquelles très importantes d’après mes sources.
- Pourquoi ? S’il n’avait rien eu ce ne serait pas pareil ?
- (Pierre) Bien sûr que non !! Cet homme a failli se tuer par ta faute et il restera handicapé toute sa vie, le juge ne te pardonnera jamais ça.
- Et s’il allait mieux ?
- (Pierre) Nous pourrions envisager alors une autre défense, mais hélas ce n’est pas le cas !!
Une idée me vient soudainement, la seule raison pour que je ne l’exprime pas à haute voix et que je n’ai toujours pas l’assurance que le « don » de mon « rêve » soit une réalité ici.
Je prends le couteau sur la table avant que personne n’ait le temps de réagir et je m’entaille la paume de la main en grimaçant de douleur.
- Pas de panique surtout, je vérifie juste un truc !!
- (Pierre) Mais enfin !! Tu deviens fou ou quoi ?
- Ce n’est qu’une petite entaille p’pa !! Tiens regarde ? Elle se referme déjà !!
Trois paires d’yeux fixent ma paume, la coupure disparaît petit à petit pour ne plus laisser que les traces de sang que j’essuie avec la serviette et un peu de salive, ne laissant plus apparaître que l’intérieur de ma main intacte.
- Bon !! L’expérience est concluante !! Qu’est-ce qu’on attend maintenant ?
- (Pierre abasourdi) Mais enfin de quoi tu parles ?
- D’aller faire un saut vite fait à l’hôpital pardi !! Je suis certain que cet homme ira beaucoup mieux après ça Hi ! Hi !
CHAPITRE 32 (Le don) (fin)
- (Pierre) Ce que tu viens de faire là !!! Comment tu l’expliques ?? Ça n’avait rien à voir avec ta salive il me semble ?? Et que veux-tu faire à cet homme ??
- Mon corps se répare tout seul, je sais que ça peut paraître extraordinaire mais c’est comme ça et je ne sais pas l’expliquer plus que vous !!
- Pourtant il a fallu trois mois pour guérir tes fractures ?
- Ce n’était pas encore moi, quand je me suis réveillé il y avait encore des attelles sur ma jambe et elle me faisait toujours souffrir, je me suis ensuite trouvé beaucoup mieux et très vite en plus, certainement que mon « don » avait agi entre-temps.
- (Pierre) Je préfère ne plus penser que tu puisses faire des choses pareilles, ce serait bien si tu évitais d’utiliser cette… particularité… devant ta mère et moi.
- Je vous comprends !! Je suis dans le même état d’esprit que vous, comment un rêve peut-il devenir réalité ? Quand j’aurai répondu à cette question, je pense que j’aurai toutes les réponses aux autres. En attendant il faudrait peut-être qu’on se dépêche pour aller à la Salpêtrière avant le rendez-vous avec le juge.
- (Pierre) Pourquoi veux-tu donc rendre à tout prix visite à cet homme ?
- Tu l’as dit toi-même p’pa !! S’il va mieux, le juge sera moins intransigeant !! Et comme je peux faire en sorte qu’il s’en sorte, autant mettre toutes les chances de notre côté et puis je ne veux pas que quelqu’un souffre par ma faute, même si ce n’était pas vraiment moi.
***/***
« Hôpital Salpêtrière, une heure plus tard »
Bip…..Bip…..Bip…..Bip… Bip… Bip… Bip… Bip… Bip… Bip… Bip… Bip…
L’infirmière de permanence court nerveusement vers la chambre où le patient semble avoir un gros problème, l’alarme de la machine s’est déclenchée automatiquement quand les constantes du blessé sont passées sous le seuil d’alerte.
Elle ne fait pas attention aux deux hommes la croisant dans le couloir et qui se dirigent vers la sortie, si ça avait été le cas elle aurait sûrement eu un choc en reconnaissant le jeune rouquin qui est sorti depuis peu accompagné de son père.
Elle entre dans la chambre où le patient s’agite nerveusement et va directement vers les appareils pour constater avec soulagement que tout semble être rentré dans l’ordre, sans doute est-ce son état de nervosité qui a occasionné ce pic du rythme cardiaque qui avait déclenché l’alarme.
- Mademoiselle !! Où suis-je ?
L’infirmière se retourne brusquement, surprise de l’entendre lui parler alors qu’il était censé être en endormissement médicalisé pour l’aider à passer sans douleur les quelques mois à subir ces nombreuses opérations réparatrices.
- Vous êtes dans un hôpital monsieur, vous avez été victime d’un très grave accident !! Vous vous souvenez de quelque chose ?
- Une voiture blanche qui m’a percuté, c’est tout !!
- C’est déjà une bonne chose, ça prouve que votre mémoire est intacte !! Comment vous sentez-vous ?
- Très bien, pourquoi ?
L’infirmière s’approche de lui pour l’ausculter brièvement, étonnée par sa réponse.
- Voyons voir ça !!! Je vais vous changer vos pansements et en profiter pour vous faire une toilette, je pense que ce ne sera pas du luxe.
L’homme sourit en acquiesçant de la tête, il la regarde sortir de la chambre en appréciant sa silhouette fine.
- Je ferais bien autre chose avec vous ma petite dame Hi ! Hi !
Un redressement caractéristique au niveau de son bas-ventre, le met en panique d’être vu dans cet état et il s’évertue en attendant son retour à retrouver un minimum de décence, il pousse un gros ouf de soulagement en constatant au moment où elle revient de nouveau dans la chambre que tout est rentré dans l’ordre.
- Le chirurgien qui s’est occupé de vous ne va pas tarder à venir vous visiter !! Je l’ai prévenu de votre réveil, voyons voir ces cicatrices !! Si je vous fais mal dites-le, je vais faire le plus doucement possible.
L’infirmière repousse le drap recouvrant son corps, elle commence ensuite à découper avec précaution les premiers bandages autour de sa cuisse droite et nettoie les croûtes collées à la peau, découvrant avec surprise un épiderme en parfaite santé là où elle s’attendait à voir la cicatrice de l’opération.
- Mon Dieu !! Comment est-ce possible ?
CHAPITRE 33 (En route vers le tribunal)
« Dans la voiture »
- (Pierre) Tu ne crois pas qu’ils vont se poser des questions ?
- Tu avais une meilleure solution avec des délais aussi brefs ?
- (Pierre) Non bien sûr !!
- Encore un miracle inexpliqué Hi ! Hi ! Si le gars est croyant ça va le faire !!
- (Pierre) Tu te rends compte de toutes ces choses qui nous arrivent depuis ta sortie du coma ? Je serais sain d’esprit, j’irais tout de suite consulter un psy !!
- Mais tu es sain d’esprit p’pa !! Juste que comme moi tu ne sais pas trouver une explication rationnelle à ce qu’il m’arrive.
- (Pierre) Peut être qu’après ces deux mois que tu vas passer avec le docteur Espinach ?
- Hum !! Ce serait étonnant !! La seule conclusion qu’il n’a jamais eue sur mon cas, c’est que j’étais un extraterrestre !! Tu imagines ??
Je tends mon doigt vers le pare-brise, en le dirigeant vers le ciel.
- E.T. !! Maison !! Hi ! Hi ! C’est ce que disait Damien en parlant de moi !!
- (Pierre) Damien ?? C’est qui celui-là ??
- Mon meilleur ami.
Je vois bien le froncement des sourcils de mon père, aussi je m’empresse de préciser.
- Pas ici bien sûr !!
- (Pierre) Ah !!!
- J’espère qu’ici aussi il le sera un jour aussi tu sais et d’ailleurs pourquoi pas, puisqu’il l’a été là d’où je viens !!
- (Pierre) C’est tout ce que je te souhaite fiston !! Même si une fois encore, je trouve cette situation complètement folle.
- C’est comme si mon âme était éparpillée et que ma conscience sautait d’une à l’autre à l’occasion d’un choc émotionnel, à moins qu’elle ne remplace ou s’amalgame à un autre moi quand il meurt ? Une sorte de regroupement ou un truc dans le genre !!
- (Pierre) Il faudra que tu en parles avec le psychiatre !! À moins que tu l’aies déjà fait ?
- Je ne me rappelle pas, non !! Je viens juste d’avoir ce flash, c’est la première fois que je pense à cette possibilité Hi ! Hi ! Reconnais qu’elle en vaut une autre au stade où j’en suis à me poser des questions pour expliquer l’inexplicable.
- (Pierre) En attendant reste prudent fiston !! Des personnes mal intentionnées qui découvriraient ton secret pourraient te créer de graves problèmes.
- Je vais essayer p’pa !! Mais ce n’est pas facile tu sais ? C’est comme se priver d’un sens !! Mais toi au fait ??
- (Pierre) Oui, quoi ?
- Tu me considères bien comme ton fils pas vrai ?
- (Pierre surpris) Bien sûr !! Quelle question !! C’est bien ce que tu es ?
- Pour moi il n’y a pas de doute, mais je comprendrais que tu te poses la question !! Après tout même si le corps est bien celui de ton fils, ce qu’il y a dans ma tête vient d’ailleurs !! D’un ailleurs où j’étais également ton fils certes, mais ce doit être aussi troublant pour toi que pour moi ?
- (Pierre) C’est certain que ça l’est !! Mais aussi bizarrement que cela puisse paraître, je n’ai aucun doute sur le fait que c’est bien à mon Florian que je parle en ce moment et je n’ai jamais été aussi proche de toi depuis ta naissance.
- C’est gentil !!
- (Pierre) Sincère surtout !! Je n’ai jamais été aussi heureux que depuis ces quelques jours, je t’aime Florian !! Je t’aime comme jamais je ne t’ai aimé !!
- Moi je ne peux pas en dire autant tu sais ?
Pierre tourne un instant la tête vers son fils, son visage marquant le trouble de à ces dernières paroles.
- Comment ça ??
- Oh !! Ne le prends pas mal p’pa !! C’est juste que je t’ai toujours aimé aussi fort, même dans mon rêve où je ne t’ai connu que par les récits de mes grands-parents ainsi que ceux de tes amis les plus proches.
Pierre sourit, visiblement rassuré.
- Franck ?
- Tonton « Francky » oui, mais aussi Ming ton pote de faculté et ne me dis pas qu’il n’existe pas ici parce qu’il fait partie de ceux que j’ai déjà pu apprécier deux fois.
Pierre éclate de rire à en avoir les larmes aux yeux.
- Hi ! Hi ! Hi !
- Eh bien quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit de si drôle ?
- Rien Hi ! Hi ! Juste que j’imagine la tête de Franck quand il va t’entendre l’appeler « tonton Francky » Hi ! Hi ! Fais-moi une promesse « Flo » ? Attends que je sois présent pour le faire Hi ! Hi ! Non sérieux !! Je ne veux pas rater ça !!
CHAPITRE 34 (En route vers le tribunal) (fin)
- C’est si comique que ça ?
Pierre retrouve son sérieux, sa voix redevient plus grave quand il répond à son fils.
- Ça le changera des noms d’oiseaux que tu utilisais les rares fois où il acceptait nos invitations quand il te savait à la maison !!
- Oh !! Je comprends !! Désolé !!
- (Pierre) Désolé de quoi ? Ce n’était pas toi ??
- Plus j’en apprends sur moi… enfin plutôt sur lui, plus je me rends compte combien ça devait être difficile de partager m… « sa » vie !!
- (Pierre) Tu ne vas peut-être pas me croire, mais je commence à l’oublier.
- Tu crois que tonton « Francky » me pardonnera ?
- (Pierre sourit) Nous l’avons bien fait pas vrai ?
- Il faudra lui dire la vérité alors ?
- (Pierre) Ce sera à toi de juger si tu lui fais assez confiance.
- Il a toujours été là pour moi tu sais ?
- (Pierre) Pour moi aussi, c’est le meilleur ami que j’ai et si l’entreprise est aussi florissante, c’est aussi grâce à son travail.
- Et Ming alors ?
- (Pierre) Tu as raison « Flo », Ming est aussi le meilleur ami que j’ai !! Disons qu’ils le sont tous les deux !!
- Tu savais qu’il t’aimait ?
Pierre hésite avant de répondre.
- Même de ça tu es au courant !! Comment ?
- C’est lui qui me l’a dit !!
- (Pierre) Ah !!!
- Et toi ?
- (Pierre) Je te l’ai dit Florian, c’est mon meilleur ami !! Rien de plus !! Nous étions toujours ensemble à une époque où il était loin de son pays, il se cherchait tu comprends ? Mais comment se fait-il qu’il t’ait parlé de ça à toi ?
- C’est compliqué !! Si je te le dis, je serais aussi obligé de te révéler des choses sur moi qu’il ne te plaira peut-être pas d’entendre.
- (Pierre) Ce serait étonnant venant de toi que ce soit si grave, pas pire que ce que j’ai connu avant en tout cas !!
J’hésite à lui révéler ma différence même si je me doute bien que si Ming est resté son ami en sachant qu’il était amoureux de lui, c’est que mon père n’est pas homophobe.
- Heu !! En fait, c’est à cause de « Yu »… et de… moi !! Quand Ming a su que nous étions… amant !!
Le coup de frein brutal qui suit mes paroles m’enfonce la ceinture de sécurité dans la poitrine.
- Aïeeee !!
***/***
Pierre se gare le long du trottoir, il coupe le contact et son regard se fige dans celui de son fils, montrant l’effarement de ce qu’il vient d’apprendre.
***/***
Je sens ma gorge s’assécher.
- Tu m’en veux de t’avoir dit que j’étais gay ?
- Tu… Toi et Yuan ??
Un nouvel éclat de rire lui noue l’estomac, encore plus fort que celui qu’il avait eu juste avant.
- Là pas de doute Hi ! Hi ! Je suis certain cette fois, si j’avais eu encore un doute que tu ne nous mènes pas en bateau Hi ! Hi !
- Je ne vois pas ce qu’il y a de si drôle !!
- Toi mon fils !!! Gay !!! Et en plus amant avec « Yuan » !!! Celui que tu traites de lépreux à la moindre occasion !!
- Je te rappelle que celui dont tu parles, ce n’est pas moi !! Enfin disons plutôt que ce ne l’est plus !!
- (Pierre) Mais tu es à l’opposé en tout de ce que tu étais avant !!
- Et c’est d’apprendre que tu as maintenant un fils homo qui te fait rire à ce point ?
- (Pierre) Mais je m’en fous que tu sois hétéro ou homo !! Ce qui me fait rire n’a rien à voir avec ça !!
- C’est quoi alors ?
- (Pierre) Mais tu ne comprends donc pas ?? Depuis tout à l’heure tu me parles de personnes que tu aimes alors que c’étaient ceux-là mêmes que tu détestais le plus !!
- Et ça te fait rire ??
- (Pierre) Mais bien sûr que ça me fait rire !! De surprise au début et ensuite de joie, surtout de joie !! J’avais un fils complètement dépourvu de sentiments qui haïssait tout le monde et me voilà avec un fils qui fait des câlins à ses parents, qui donne des petits surnoms à ses amis et qui… aime !! Tiens d’ailleurs j’y pense, tu sais que tu as un cousin ?
- « Toinou » ?
- (Pierre les yeux brillants) Qu’est-ce que je disais Hi ! Hi ! Excuse-moi mais je suis trop content Hi ! Hi ! « Toinou » Hi ! Hi ! Faut qu’Adrien et Florence entendent ça !! Sur le cul qu’ils vont être Hi ! Hi ! Ah, mon fils !! Je t’aime !!
« Paris chez les De Bierne, le matin tôt »
Mes parents sont déjà installés dans la cuisine devant leurs petits-déjeuners quand j’arrive à mon tour, moitié au radar pour ne pas changer et bien que j’aie encore la tête dans le cul, je vois bien leurs sourires amusés posés sur moi.
- Un café ou je tombe raide Hi ! Hi !
- (Pierre) Bonjour fiston !!
- Oups !!
Je viens m’asseoir sur ses genoux en calant ma tête dans son cou.
- B’jour p’pa !!
Hellènes sourit devant la scène pour le moins inhabituelle, le câlin que son fils donne à son mari mettant celui-ci dans un état d’émotion qui ne lui échappe pas et une larme de bonheur s’écoule lentement de son œil sur sa joue, ne croyant plus connaître un jour un instant semblable.
- Tu n’oublies pas quelqu’un mon chéri ?
Elle voit son fils lui faire un gros clin d’œil, embrasser son père sur la joue et venir vers elle pour la prendre dans ses bras en l’embrassant à son tour.
- B’jour m’man !!
Je la pousse doucement jusqu’à son siège, sentant bien combien ce moment de tendresse la trouble et c’est seulement à cet instant que je me souviens qu’ils ne devaient pas en avoir l’habitude avec l’ancien Florian.
Je la fais s’asseoir pour prendre une petite place sur ses genoux, la tasse fumante sous mon nez est trop tentante pour que j’y résiste et j’avale goulûment une gorgée brûlante qui me surprend, me faisant recracher une partie du breuvage.
- C’est chaud !!
- Fais donc attention !!
Je sens une main douce caresser mes cheveux, tentant vainement de les discipliner et je relève la tête pour lui embrasser la joue à son tour, trouvant le goût de ses larmes salées.
- Quelque chose ne va pas ?
- (Hellènes) Non mon chéri, bien au contraire !! Tu veux des tartines ?
- Avec de la confiture de figues comme chez mamie ?
Ma mère éclate en sanglot, le trop-plein d’émotion ayant eu encore cette fois raison d’elle.
- Oui mon chéri, comme chez ta grand-mère.
Je capte les yeux brillants de mon père braqués sur moi.
- Hé !! Tu ne vas pas t’y mettre aussi p’pa ??
- (Pierre) Laisse nous profiter du bonheur que tu nous donnes fiston, nous n’y étions pas habitués tu sais !!
Je tapote ma tête en souriant.
- Il est parti celui-là !! Du peu que j’en ai appris, personne ne va le regretter !!
Je leur laisse le temps de se remettre de leurs émotions avant de reprendre la parole.
- C’est ce matin que nous avons rendez-vous avec le juge ?
- (Pierre) Nous devons être au tribunal pour dix heures.
- Tu crois qu’ils vont me mettre en prison pour ce que j’ai fait ?
- (Pierre) D’après mes conseillers juridiques, le risque reste là même s’il est minime. N’oublions pas que tu es encore mineur et qu’au regard de la loi, c’est moi qui suis responsable de tes actes.
- Ce que j’ai fait est si grave que ça ?
- (Pierre) C’est surtout que ce n’est pas et de loin la première fois !! Et le dernier coup vous avez fait fort !! N’oublie pas le chauffeur de la camionnette !! Il lui restera des séquelles très importantes d’après mes sources.
- Pourquoi ? S’il n’avait rien eu ce ne serait pas pareil ?
- (Pierre) Bien sûr que non !! Cet homme a failli se tuer par ta faute et il restera handicapé toute sa vie, le juge ne te pardonnera jamais ça.
- Et s’il allait mieux ?
- (Pierre) Nous pourrions envisager alors une autre défense, mais hélas ce n’est pas le cas !!
Une idée me vient soudainement, la seule raison pour que je ne l’exprime pas à haute voix et que je n’ai toujours pas l’assurance que le « don » de mon « rêve » soit une réalité ici.
Je prends le couteau sur la table avant que personne n’ait le temps de réagir et je m’entaille la paume de la main en grimaçant de douleur.
- Pas de panique surtout, je vérifie juste un truc !!
- (Pierre) Mais enfin !! Tu deviens fou ou quoi ?
- Ce n’est qu’une petite entaille p’pa !! Tiens regarde ? Elle se referme déjà !!
Trois paires d’yeux fixent ma paume, la coupure disparaît petit à petit pour ne plus laisser que les traces de sang que j’essuie avec la serviette et un peu de salive, ne laissant plus apparaître que l’intérieur de ma main intacte.
- Bon !! L’expérience est concluante !! Qu’est-ce qu’on attend maintenant ?
- (Pierre abasourdi) Mais enfin de quoi tu parles ?
- D’aller faire un saut vite fait à l’hôpital pardi !! Je suis certain que cet homme ira beaucoup mieux après ça Hi ! Hi !
CHAPITRE 32 (Le don) (fin)
- (Pierre) Ce que tu viens de faire là !!! Comment tu l’expliques ?? Ça n’avait rien à voir avec ta salive il me semble ?? Et que veux-tu faire à cet homme ??
- Mon corps se répare tout seul, je sais que ça peut paraître extraordinaire mais c’est comme ça et je ne sais pas l’expliquer plus que vous !!
- Pourtant il a fallu trois mois pour guérir tes fractures ?
- Ce n’était pas encore moi, quand je me suis réveillé il y avait encore des attelles sur ma jambe et elle me faisait toujours souffrir, je me suis ensuite trouvé beaucoup mieux et très vite en plus, certainement que mon « don » avait agi entre-temps.
- (Pierre) Je préfère ne plus penser que tu puisses faire des choses pareilles, ce serait bien si tu évitais d’utiliser cette… particularité… devant ta mère et moi.
- Je vous comprends !! Je suis dans le même état d’esprit que vous, comment un rêve peut-il devenir réalité ? Quand j’aurai répondu à cette question, je pense que j’aurai toutes les réponses aux autres. En attendant il faudrait peut-être qu’on se dépêche pour aller à la Salpêtrière avant le rendez-vous avec le juge.
- (Pierre) Pourquoi veux-tu donc rendre à tout prix visite à cet homme ?
- Tu l’as dit toi-même p’pa !! S’il va mieux, le juge sera moins intransigeant !! Et comme je peux faire en sorte qu’il s’en sorte, autant mettre toutes les chances de notre côté et puis je ne veux pas que quelqu’un souffre par ma faute, même si ce n’était pas vraiment moi.
***/***
« Hôpital Salpêtrière, une heure plus tard »
Bip…..Bip…..Bip…..Bip… Bip… Bip… Bip… Bip… Bip… Bip… Bip… Bip…
L’infirmière de permanence court nerveusement vers la chambre où le patient semble avoir un gros problème, l’alarme de la machine s’est déclenchée automatiquement quand les constantes du blessé sont passées sous le seuil d’alerte.
Elle ne fait pas attention aux deux hommes la croisant dans le couloir et qui se dirigent vers la sortie, si ça avait été le cas elle aurait sûrement eu un choc en reconnaissant le jeune rouquin qui est sorti depuis peu accompagné de son père.
Elle entre dans la chambre où le patient s’agite nerveusement et va directement vers les appareils pour constater avec soulagement que tout semble être rentré dans l’ordre, sans doute est-ce son état de nervosité qui a occasionné ce pic du rythme cardiaque qui avait déclenché l’alarme.
- Mademoiselle !! Où suis-je ?
L’infirmière se retourne brusquement, surprise de l’entendre lui parler alors qu’il était censé être en endormissement médicalisé pour l’aider à passer sans douleur les quelques mois à subir ces nombreuses opérations réparatrices.
- Vous êtes dans un hôpital monsieur, vous avez été victime d’un très grave accident !! Vous vous souvenez de quelque chose ?
- Une voiture blanche qui m’a percuté, c’est tout !!
- C’est déjà une bonne chose, ça prouve que votre mémoire est intacte !! Comment vous sentez-vous ?
- Très bien, pourquoi ?
L’infirmière s’approche de lui pour l’ausculter brièvement, étonnée par sa réponse.
- Voyons voir ça !!! Je vais vous changer vos pansements et en profiter pour vous faire une toilette, je pense que ce ne sera pas du luxe.
L’homme sourit en acquiesçant de la tête, il la regarde sortir de la chambre en appréciant sa silhouette fine.
- Je ferais bien autre chose avec vous ma petite dame Hi ! Hi !
Un redressement caractéristique au niveau de son bas-ventre, le met en panique d’être vu dans cet état et il s’évertue en attendant son retour à retrouver un minimum de décence, il pousse un gros ouf de soulagement en constatant au moment où elle revient de nouveau dans la chambre que tout est rentré dans l’ordre.
- Le chirurgien qui s’est occupé de vous ne va pas tarder à venir vous visiter !! Je l’ai prévenu de votre réveil, voyons voir ces cicatrices !! Si je vous fais mal dites-le, je vais faire le plus doucement possible.
L’infirmière repousse le drap recouvrant son corps, elle commence ensuite à découper avec précaution les premiers bandages autour de sa cuisse droite et nettoie les croûtes collées à la peau, découvrant avec surprise un épiderme en parfaite santé là où elle s’attendait à voir la cicatrice de l’opération.
- Mon Dieu !! Comment est-ce possible ?
CHAPITRE 33 (En route vers le tribunal)
« Dans la voiture »
- (Pierre) Tu ne crois pas qu’ils vont se poser des questions ?
- Tu avais une meilleure solution avec des délais aussi brefs ?
- (Pierre) Non bien sûr !!
- Encore un miracle inexpliqué Hi ! Hi ! Si le gars est croyant ça va le faire !!
- (Pierre) Tu te rends compte de toutes ces choses qui nous arrivent depuis ta sortie du coma ? Je serais sain d’esprit, j’irais tout de suite consulter un psy !!
- Mais tu es sain d’esprit p’pa !! Juste que comme moi tu ne sais pas trouver une explication rationnelle à ce qu’il m’arrive.
- (Pierre) Peut être qu’après ces deux mois que tu vas passer avec le docteur Espinach ?
- Hum !! Ce serait étonnant !! La seule conclusion qu’il n’a jamais eue sur mon cas, c’est que j’étais un extraterrestre !! Tu imagines ??
Je tends mon doigt vers le pare-brise, en le dirigeant vers le ciel.
- E.T. !! Maison !! Hi ! Hi ! C’est ce que disait Damien en parlant de moi !!
- (Pierre) Damien ?? C’est qui celui-là ??
- Mon meilleur ami.
Je vois bien le froncement des sourcils de mon père, aussi je m’empresse de préciser.
- Pas ici bien sûr !!
- (Pierre) Ah !!!
- J’espère qu’ici aussi il le sera un jour aussi tu sais et d’ailleurs pourquoi pas, puisqu’il l’a été là d’où je viens !!
- (Pierre) C’est tout ce que je te souhaite fiston !! Même si une fois encore, je trouve cette situation complètement folle.
- C’est comme si mon âme était éparpillée et que ma conscience sautait d’une à l’autre à l’occasion d’un choc émotionnel, à moins qu’elle ne remplace ou s’amalgame à un autre moi quand il meurt ? Une sorte de regroupement ou un truc dans le genre !!
- (Pierre) Il faudra que tu en parles avec le psychiatre !! À moins que tu l’aies déjà fait ?
- Je ne me rappelle pas, non !! Je viens juste d’avoir ce flash, c’est la première fois que je pense à cette possibilité Hi ! Hi ! Reconnais qu’elle en vaut une autre au stade où j’en suis à me poser des questions pour expliquer l’inexplicable.
- (Pierre) En attendant reste prudent fiston !! Des personnes mal intentionnées qui découvriraient ton secret pourraient te créer de graves problèmes.
- Je vais essayer p’pa !! Mais ce n’est pas facile tu sais ? C’est comme se priver d’un sens !! Mais toi au fait ??
- (Pierre) Oui, quoi ?
- Tu me considères bien comme ton fils pas vrai ?
- (Pierre surpris) Bien sûr !! Quelle question !! C’est bien ce que tu es ?
- Pour moi il n’y a pas de doute, mais je comprendrais que tu te poses la question !! Après tout même si le corps est bien celui de ton fils, ce qu’il y a dans ma tête vient d’ailleurs !! D’un ailleurs où j’étais également ton fils certes, mais ce doit être aussi troublant pour toi que pour moi ?
- (Pierre) C’est certain que ça l’est !! Mais aussi bizarrement que cela puisse paraître, je n’ai aucun doute sur le fait que c’est bien à mon Florian que je parle en ce moment et je n’ai jamais été aussi proche de toi depuis ta naissance.
- C’est gentil !!
- (Pierre) Sincère surtout !! Je n’ai jamais été aussi heureux que depuis ces quelques jours, je t’aime Florian !! Je t’aime comme jamais je ne t’ai aimé !!
- Moi je ne peux pas en dire autant tu sais ?
Pierre tourne un instant la tête vers son fils, son visage marquant le trouble de à ces dernières paroles.
- Comment ça ??
- Oh !! Ne le prends pas mal p’pa !! C’est juste que je t’ai toujours aimé aussi fort, même dans mon rêve où je ne t’ai connu que par les récits de mes grands-parents ainsi que ceux de tes amis les plus proches.
Pierre sourit, visiblement rassuré.
- Franck ?
- Tonton « Francky » oui, mais aussi Ming ton pote de faculté et ne me dis pas qu’il n’existe pas ici parce qu’il fait partie de ceux que j’ai déjà pu apprécier deux fois.
Pierre éclate de rire à en avoir les larmes aux yeux.
- Hi ! Hi ! Hi !
- Eh bien quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit de si drôle ?
- Rien Hi ! Hi ! Juste que j’imagine la tête de Franck quand il va t’entendre l’appeler « tonton Francky » Hi ! Hi ! Fais-moi une promesse « Flo » ? Attends que je sois présent pour le faire Hi ! Hi ! Non sérieux !! Je ne veux pas rater ça !!
CHAPITRE 34 (En route vers le tribunal) (fin)
- C’est si comique que ça ?
Pierre retrouve son sérieux, sa voix redevient plus grave quand il répond à son fils.
- Ça le changera des noms d’oiseaux que tu utilisais les rares fois où il acceptait nos invitations quand il te savait à la maison !!
- Oh !! Je comprends !! Désolé !!
- (Pierre) Désolé de quoi ? Ce n’était pas toi ??
- Plus j’en apprends sur moi… enfin plutôt sur lui, plus je me rends compte combien ça devait être difficile de partager m… « sa » vie !!
- (Pierre) Tu ne vas peut-être pas me croire, mais je commence à l’oublier.
- Tu crois que tonton « Francky » me pardonnera ?
- (Pierre sourit) Nous l’avons bien fait pas vrai ?
- Il faudra lui dire la vérité alors ?
- (Pierre) Ce sera à toi de juger si tu lui fais assez confiance.
- Il a toujours été là pour moi tu sais ?
- (Pierre) Pour moi aussi, c’est le meilleur ami que j’ai et si l’entreprise est aussi florissante, c’est aussi grâce à son travail.
- Et Ming alors ?
- (Pierre) Tu as raison « Flo », Ming est aussi le meilleur ami que j’ai !! Disons qu’ils le sont tous les deux !!
- Tu savais qu’il t’aimait ?
Pierre hésite avant de répondre.
- Même de ça tu es au courant !! Comment ?
- C’est lui qui me l’a dit !!
- (Pierre) Ah !!!
- Et toi ?
- (Pierre) Je te l’ai dit Florian, c’est mon meilleur ami !! Rien de plus !! Nous étions toujours ensemble à une époque où il était loin de son pays, il se cherchait tu comprends ? Mais comment se fait-il qu’il t’ait parlé de ça à toi ?
- C’est compliqué !! Si je te le dis, je serais aussi obligé de te révéler des choses sur moi qu’il ne te plaira peut-être pas d’entendre.
- (Pierre) Ce serait étonnant venant de toi que ce soit si grave, pas pire que ce que j’ai connu avant en tout cas !!
J’hésite à lui révéler ma différence même si je me doute bien que si Ming est resté son ami en sachant qu’il était amoureux de lui, c’est que mon père n’est pas homophobe.
- Heu !! En fait, c’est à cause de « Yu »… et de… moi !! Quand Ming a su que nous étions… amant !!
Le coup de frein brutal qui suit mes paroles m’enfonce la ceinture de sécurité dans la poitrine.
- Aïeeee !!
***/***
Pierre se gare le long du trottoir, il coupe le contact et son regard se fige dans celui de son fils, montrant l’effarement de ce qu’il vient d’apprendre.
***/***
Je sens ma gorge s’assécher.
- Tu m’en veux de t’avoir dit que j’étais gay ?
- Tu… Toi et Yuan ??
Un nouvel éclat de rire lui noue l’estomac, encore plus fort que celui qu’il avait eu juste avant.
- Là pas de doute Hi ! Hi ! Je suis certain cette fois, si j’avais eu encore un doute que tu ne nous mènes pas en bateau Hi ! Hi !
- Je ne vois pas ce qu’il y a de si drôle !!
- Toi mon fils !!! Gay !!! Et en plus amant avec « Yuan » !!! Celui que tu traites de lépreux à la moindre occasion !!
- Je te rappelle que celui dont tu parles, ce n’est pas moi !! Enfin disons plutôt que ce ne l’est plus !!
- (Pierre) Mais tu es à l’opposé en tout de ce que tu étais avant !!
- Et c’est d’apprendre que tu as maintenant un fils homo qui te fait rire à ce point ?
- (Pierre) Mais je m’en fous que tu sois hétéro ou homo !! Ce qui me fait rire n’a rien à voir avec ça !!
- C’est quoi alors ?
- (Pierre) Mais tu ne comprends donc pas ?? Depuis tout à l’heure tu me parles de personnes que tu aimes alors que c’étaient ceux-là mêmes que tu détestais le plus !!
- Et ça te fait rire ??
- (Pierre) Mais bien sûr que ça me fait rire !! De surprise au début et ensuite de joie, surtout de joie !! J’avais un fils complètement dépourvu de sentiments qui haïssait tout le monde et me voilà avec un fils qui fait des câlins à ses parents, qui donne des petits surnoms à ses amis et qui… aime !! Tiens d’ailleurs j’y pense, tu sais que tu as un cousin ?
- « Toinou » ?
- (Pierre les yeux brillants) Qu’est-ce que je disais Hi ! Hi ! Excuse-moi mais je suis trop content Hi ! Hi ! « Toinou » Hi ! Hi ! Faut qu’Adrien et Florence entendent ça !! Sur le cul qu’ils vont être Hi ! Hi ! Ah, mon fils !! Je t’aime !!