[b][b]MYTHOLOGIE UTOPIENNE 9
Petit précis de mythologie utopienne. Neuvième partie.
DÉMÉTRIA (3/3)
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Petit précis de mythologie utopienne. Neuvième partie.
DÉMÉTRIA (3/3)
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Perséphone ne décolérait pas. Elle se retrouvait retenue de force dans un endroit sinistre, servie par des zombis et tout ça par son oncle !
Yama était pourtant doux, tendre et attentionné. En tant que maître des profondeurs, il avait accès à tous les gisements de pierres et de métaux précieux, et couvrait Perséphone de cadeau somptueux. Des fleurs à tige d'astrium et à fleur aux pétales d'adamantin (diamant), de smaragdie (émeraude), de roumpini (rubis) et de zaphiri (saphir). Il lui faisait servir les mets les plus succulents et le picrate le plus délicat, mais Perséphone refusait tout, cassait la vaisselle et tempêtait encore et encore.
Yama se montrait patient. Elle avait beau le traiter de tous les noms, il restait stoïque et le regardait avec des yeux pleins d'amour.
- Laisse moi partir !
- Cela ne se peut, ma belle, je t'aime...
- Mais moi je ne t'aime pas !
- Pas encore, mais avec le temps...
- Le temps n'y fera rien. Libère moi. Je ne t'aimerai jamais ! Et en plus enlevée par mon propre oncle ! Quelle honte !
Remarque stupide, son père lui-même était son propre oncle... (tout généalogiste, devant faire l'arbre des Olympiens, s'immolerait par le feu).
Perséphone errait dans l'immense palais de Yama. Arrivant dans la salle du trône, elle vit Yama en grande conversation avec un mort fraîchement arrivé.
- C'est terrible, certes, dit Yama, mais la solution pour éviter la mort des humains m'est intolérable...
- Qu’est-ce que tu as dit, demanda Perséphone, qui vas-tu encore tuer ?
- Personne, mon amour, c'est ta mère...
- Quoi ma mère ?
- Depuis que tu es ici, elle ne s'occupe plus des cultures... et les hommes meurent par milliers... de faim...
- Tu mens, maman ne ferait jamais ça...
- C'est la plus stricte vérité, dit le mort, Démétria nous a abandonné et la famine décime le monde...
Perséphone était tiraillée entre deux sentiments : d'abord, sa mère l'aimait tant qu'elle était prête à faire mourir l'humanité pour la retrouver, mais faire mourir des innocents...
- Elle va venir ici me rechercher et tu passeras un sale quart d'heure !
- J'en doute, mon cœur, Démétria n'osera jamais me défier dans mon propre royaume...
- Et tu préfères laisser mourir l'humanité plutôt que de me rendre ma liberté...
- Je t'aime. Je préférerais rejoindre la file des morts et subir toutes les souffrances du Diyu plutôt que de te perdre...
Perséphone se raidit, se retourna et partit à grands pas. Tout à sa colère, elle emprunta un couloir qu'elle ne connaissait pas, franchit une porte et resta stupéfaite.
Un immense jardin était là, devant elle. Des bordures en astrium délimitait une petite allée bordée de fleurs multicolores. Des vraies fleurs comme à la surface. Des arbres fruitiers et un petit ruisseau... et le parfum enivrant des roses, du jasmin, des violettes... ici, dans la profondeurs de Genesia, sans la lumière de Shagma...
- Ça te plaît ? demanda la voix grave de Yama dans son dos.
- Tu... tu as fait ce jardin... pour moi ?
- J'avais espéré qu'il serait prêt plus tôt...
Yama sourit et Perséphone se dit qu'il était très beau quand il souriait. Et personne ne lui avait jamais fait un cadeau aussi magnifique...
- Ascalaphe !
Un zombi, tenant un sécateur, apparut. Ascalaphe avait été un excellent jardinier durant toute sa vie, et, maintenant qu'il était mort, il s'occupait des jardins luxuriants des Champs Élysées et des Îles des Bienheureux. Et du jardin de Perséphone, à présent.
- Oui Seigneur ?
- Le jardin de mon épouse est-il terminé ?
- Tout à plein... je viens de finir de tailler les rosiers...
Ascalaphe se retourna, fit un profond salut à Perséphone et dit :
- J'espère qu'il est à votre goût, votre Altesse.
Perséphone n'en revenait pas. Elle fit un petit sourire à Ascalaphe et un autre à Yama.
- Je... je n'en reviens pas... tout ça pour... moi...
- Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée, mon amour. Avec toi à mes côtés, je ne regretterai plus jamais la lumière du jour. Tu seras mon ciel et ma lumière...
Perséphone dut admettre que Yama savait tourner les compliments. Il en était presque... touchant...
Un des gardes zombis de Yama vint lui glisser quelques mots à l'oreille. Il pâlit... enfin, encore plus qu'il ne l'était déjà...
- Je te laisse un instant, ma douce, j'ai un visiteur...
- J'ai quelque chose pour vous, dit Ascalaphe en souriant, le seigneur Yama m'a dit que c'était votre péché mignon...
Il sortit une énorme grenade (le fruit, évidemment, pas l'arme), la coupa en trois et la posa sur une assiette.
- Goûtez, dit-il, elle est mûre à point.
Perséphone hésita. Elle savait que si elle mangeait quelque chose aux Enfers, elle devrait y rester. C'était la loi. Mais cette grenade avait l'air si savoureuse.
- Allez, juste un grain, se dit-elle, ce n'est pas grand chose... un tout petit grain...
Elle tacha ses jolis doigts avec un grain, puis un deuxième puis un troisième, et le tiers de la grenade disparut dans sa jolie bouche...
Yama pâle et défait réapparut, suivi par Chronop'Ost, le messager des dieux.
- Salut ma chère demie-soeur, ça roule . Papounet m'a envoyé pour te ramener à ta mère. Les humains crèvent de faim et nous mêmes, tout dieux que nous soyons, nous manquons de farine. Et tu sais comment est papa, sans les cookies de Zia...
Perséphone sourit et était à deux doigts de sauter de joie. Mais elle se brida, en voyant le voile de tristesse sur le visage de Yama. Il l'avait enlevée et séquestrée, certes, mais avait été tellement bon avec elle...
- Quelques questions d'abord, dit le messager des dieux, tu comprends, la bureaucratie... D'abord emmènes-tu un animal quelconque avec toi ?
- Euh... non...
- Bien. As-tu plus de 10 000 lunars en devises étrangères ?
- Euh... non...
- Très bien. Dernière question, mais c'est juste pour la forme, je suis sûr que tu es assez intelligente pour ne pas avoir fait ça, as-tu mangé quelque chose ici ?
- Euh...
- Montrez lui vos main, dit Ascalaphe.
Perséphone montra ses jolis doigts à Chronop'Ost, tous tachés de jus de grenade.
- Aïe, dit le dieu-messager, la boulette.
- Je... je n'ai mangé qu'un tiers de grenade...
- Elle peut rester, dit Yama avec un grand sourire. Non, elle doit rester...
Chronop'Ost se gratta la tête.
- Il faut que je vois ça avec le Big Boss... à plus.
Ayant appris les tenants et les aboutissants de l'affaire, Démétria créa le hashtag #balancetonjardinier. Elle le maudit pour avoir tenté sa fille. Sa colère était telle que sa malédiction se propagea jusqu'aux plus profond du monde souterrain et transforma le pauvre Ascalaphe en gecko. Pourquoi un gecko ? Eh bien, à vrai dire, je n'en ai aucune idée. Demandez à Démétria si vous la croisez un jour.
Hodin décida que la situation avait assez durée. Il convoqua Démétria et Yama sur l'Olympe.
Démétria agonisa son frère d'injures.
- Rends moi ma file, ordure !
- Ta fille a mangé un fruit aux Enfers, elle est obligé d'y rester et je l'aime et en ai fait ma reine...
- Je vais te...
- Ça suffit ! dit Hodin. Démétria, Yama a raison. Ta fille à manger de la nourriture aux Enfers...
- Juste un tiers de grenade...
- Ça ne change rien. Elle doit y rester, c'est la loi, et même moi je ne peux aller contre...
- La solution est pourtant simple, dit une petite voix.
Tout le monde se retourna. C'était la petite Frigga qui venait de parler. Elle était tellement discrète que personne ne l'avait remarquée.
- La solution est pourtant simple, répéta-t-elle de sa jolie voix flûtée, Perséphone n'a mangé qu'un tiers de grenade aux Enfers, eh bien qu'elle ne reste qu'un tiers de l'année avec Yama et les deux tiers restants avec sa mère...
Aussi étonnant que ça puisse paraître, Yama et Démétria acceptèrent.
- A la bonne heure, dit Hodin, je suis ravi d'avoir réussit, dans mon immense sagesse, à régler tout ça...
- Humm Humm, toussota Frigga
- Avec ton aide évidemment, petite sœur.
Perséphone passa donc un tiers de l'année avec son époux et les deux tiers avec sa môman chérie. Et c'est depuis ce jour qu'il y a des saisons. Quand Perséphone est aux Enfers, Démétria se languit d'elle, et la terre devient stérile. C'est l'hiver. Quand elle revient, Démétria est folle de joie et c'est le printemps et l'été. Et tout ça parce qu'un dieu est tombé amoureux.