25-07-2020, 02:13 PM
CHAPITRE 3 : Prologue (Nishimura Takuma ou « Tak » pour ses amis)
Takuma est planté devant le tableau d’affichage où l’attribution des chambres est notée pour l’année qui commence, plusieurs sentiments se bousculent dans sa tête qui lui ôte une partie de la bonne humeur qu’il avait ce matin-là en se levant pour son premier jour de prépa avant la rentrée officielle.
En premier lieu de ne pas se retrouver avec « Tosh » comme colocataire, alors qu’il avait fini par s’habituer à lui et réussi l’exploit de le voir sourire en de rares occasions dans l’intimité de leur chambre commune.
La seconde chose qui le gène est le nom inscrit avec le sien devant le numéro de la chambre, un dénommé Tomoya Kotaishi-Kun qui lui est parfaitement inconnu alors qu’il pensait bien connaître tous les élèves de première année présents l’année précédente.
Heureusement qu’il peut lire le nom de ses amis à lui qui sont logés au même étage, avec des numéros de chambres contiguës à la sienne.
Un léger sourire lui vient quand il lit celui de son ami « Kei » qui lui non plus n’a pas de chance, son colocataire n’étant pas et de loin s’en faut, un de ses amis.
L’idée d’un arrangement pour qu’ils emménagent ensemble lui vient alors, l’autre gars étant un « Toot * » de la pire espèce qui ne demandera pas mieux que de changer avec quelqu’un d’autre de moins « viril » mais surtout moins « hétéro » que « Kei », avec l’espoir quand même de trouver l’étalon qui saura le combler.
Takuma sait bien qu’un tel arrangement ne pourra se faire qu’avec le consentement du responsable d’étage, il suit la liste du regard jusqu’à tomber sur le nom de l’élève de dernière année qui en a reçu la charge et sourit cette fois en sentant son moral grimper de plusieurs crans, Nakamura-Senpaï étant d’un naturel conciliant avec les juniors.
Un message « line » envoyé à Keisuke pour le prévenir de ce qui l’attend et de l’idée qu’il a eue de faire ce changement pour qu’ils puissent se retrouver ensemble et Takuma prend la direction des dortoirs où il espère y trouver Nakamura-Senpaï, qui il le sait, a dû arriver une journée plus tôt pour organiser son étage.
Un bip le stoppe pour reprendre son iPhone en main et lire la réponse de « Kei », celui-ci lui demande avec qui il devait partager sa chambre à l’origine.
Takuma se gratte un instant la tête d’avoir oublié de qui il s’agit en se rappelant juste de son prénom, aussi lui renvoie-t-il sa réponse avec quelques autres précisions qu’il juge utile de lui donner.
***/***
« Message line »
« Takuma » Ce doit être un étudiant transféré d’une autre école parce que son nom ne me dit rien, un certain Tomoya.
« Keisuke » Quelle coïncidence, c’est l’ami dont je t’ai parlé l’année dernière, tu te rappelles ?? Tu sais bien, celui qui étudiait en Suisse !!
« Takuma » Tu es sûr que c’est lui ??
« Keisuke » Certain puisque je l’attends justement à la gare en ce moment !!
« Takuma » Alors oublie ce que je t’ai demandé plus tôt, je te laisse ton « Toot » (suivi d’un smiley qui tire la langue)
« Keisuke » Merci quand même de m’avoir prévenu, je vais bien trouver un vrai « ami » pour faire l’échange !!
***/***
Takuma a un bref instant de remords qui le prend au ventre mais il ne se rappelle que trop bien la description que lui faisait « Kei » de son meilleur ami, quand il lui vantait toutes ses qualités.
Il poursuit malgré tout son chemin jusqu’à la chambre particulière du responsable d’étage et y frappe machinalement à la porte sitôt devant.
Ce n’est qu’une fois chose faite qu’il se rend compte de son geste et à l’ouverture de la porte, il reste un long moment comme mortifié en faisant froncer les sourcils à son occupant qui le questionne alors sur la raison de sa visite.
- Tu voulais me voir Nishimura-Kun* ??
- Heu…
- Parle librement, il est de ma responsabilité de m’occuper des juniors de cet étage.
- Heu… C’est à propos du nouveau colocataire partageant la chambre de Keisuke, je…ne crois pas qu’il soit approprié pour mon ami de les laisser ensemble… ils se sont toujours évités jusque-là et je…
- Tu t’inquiètes pour ton ami, tu as peur qu’ils en viennent aux mains ??
Takuma voit bien le regard soudainement amusé de Nakamura à peine a-t-il terminé sa phrase, conscient très certainement du double sens de ses paroles.
- C’est un peu ça Nakamura-Senpaï*, mais certainement pas de la même façon.
- Je verrai ce que je peux faire avec Kobayachi-Kun quand il sera là, mais je dois dire que je n’ai guère de choix et à moins d’un compromis qui satisfera toutes les parties, je resterai sur cette disposition qui a été faite par tirage au sort pour rester impartial. Je me verrai mal de favoriser un de mes juniors pour en mettre un autre dans l’embarras.
- Je peux te poser une autre question Nakamura-Senpaï ??
- Au sujet de ton « ami » Yamashita-Kun ?? Tu te demandes pourquoi on vous a séparés alors que nous savons tous à quel point ça a été difficile pour toi de te faire accepter de lui ??
- Et donc…
- Le président du conseil des élèves a présenté une lettre motivée que tous les Sensei* ont signée pour qu’il change de cursus, ses notes particulièrement hautes le prédisposent plus pour la biologie médicale que pour l’ingénierie où il était inscrit jusqu’à présent. Le directeur Katô a donc accepté et du coup, il s’est vu changer d’aile et d’étage, pour rester avec ceux de son nouveau cursus.
- Ah !! Je comprends !!
Nakamura l’observe un moment avec un sourire amusé, avant de reprendre la parole en faisant le maximum pour garder son sérieux.
- Je suis étonné que tu ne sois pas venu pour toi, plutôt que pour ton ami ?? L’étudiant transféré que tu as reçu comme colocataire doit également te poser des questions ??
- Pas vraiment en fait !! C’est un ami d’enfance de « Kei », ce qu’il m’en a dit de lui me suffit pour être rassuré !!
- Bien !! Je vais voir ce que je peux faire pour que ton ami ait un autre colocataire, mais je ne vous promets rien !!
Takuma salue son aîné avant de le quitter, content malgré tout d’avoir fait cette démarche pour Keisuke.
*Toot : Gay (péjoratif)
*Sensei : professeur ou coach
*Senpaï : élève de classe supérieur plus âgé (senior)
CHAPITRE 4 : Prologue (Toshio Yamashita-Kun ou « Tosh » pour ses amis)
« Cité universitaire, quatrième étage, chambre quatre cent dix. »
Toshio referme sa valise une fois ses affaires rangées dans son placard, son nouveau colocataire n’étant pas encore arrivé.
Une peur sourde lui noue à nouveau l’estomac depuis qu’il a remis les pieds sur le campus, celle d’avoir une nouvelle fois à faire face à tous ces garçons et à leurs réflexions sur sa façon d’être.
Pourtant il ne leur demande rien, alors pourquoi cet acharnement à vouloir s’occuper de ses affaires puisqu’ils voient tous bien que leur présence dans sa zone de confort représente pour lui une gêne, pour ne pas nommer autrement la panique qui le prend qu’une nouvelle fois « il » prenne le dessus sur sa volonté et commette un nouvel acte criminel, comme ça s’est passé alors qu’il allait entamer sa dernière année de lycée.
Il lui a fallu pas moins d’une année complète de soins psychologiques intensifs pour reprendre le contrôle, aidé en cela par les nombreux spécialistes qui se sont penchés sur sa bipolarité et fini par comprendre la raison pour qu’un tel acte ait pu se produire, c’est du moins ce que relatent leurs rapports joints avec le traitement qu’il ne devra cesser de prendre sa vie entière.
L’année passée a été pour lui un véritable supplice au quotidien de devoir éviter tous contacts avec ceux qui pour la plupart n’avaient que de bonnes intentions envers lui, cherchant tout simplement à s’en faire un nouveau camarade mais qu’il ne pouvait se permettre de côtoyer, avec toujours cette peur lui nouant le ventre que tout recommence.
Seul « Tak » son colocataire d’alors, a fini par réussir à légèrement faire céder ses défenses et lui a permis d’avoir au moins quelques moments de détente une fois tous les deux seuls dans leur chambre.
Cette histoire de transfert le renvoie une année en arrière à devoir se méfier de tout et de tous, pour se monopoliser essentiellement sur ses études en évitant du mieux qu’il le pourra les futurs conflits qui ne manqueront pas d’arriver.
Cette histoire de bipolarité le perturbe suffisamment pour qu’il se renferme sur lui-même sans avoir à se forcer pour le faire, surtout quand il a appris il y a peu de temps qu’à sa naissance un autre embryon partageait la même poche avec lui et que ce jumeau n’a pour une raison qu’il n’a pas bien compris, pas pu poursuivre son développement.
Les différents spécialistes que son père a consultés n’ont rien trouvé de mieux à dire, que ce serait justement la conscience de ce jumeau qui serait ressortie pour protéger son frère lors de l’acte odieux qu’il s’apprêtait à subir.
Depuis lors, Toshio évite volontairement toute situation de contact ou de conflit qui pourrait le faire réapparaître et le ramener à ce jour où deux hommes cherchant à profiter de lui contre son gré se sont retrouvés devant la mort, alors que lui vivait l’instant comme dans un brouillard, jusqu’à ce qu’il retrouve ses sens quelque temps plus tard avec en ressenti un immense épuisement de son corps tout entier.
Ces deux dernières années lui ont fait perdre beaucoup, alors qu’il était un enfant aimant rire et s’amuser avec ses nombreux copains mais ce qui l’attriste le plus au final c’est surtout d’avoir perdu l’espoir qu’un jour il viendrait enfin lui parler, ou encore qu’un jour ça aurait pu être lui Toshio qui aurait trouvé enfin le courage suffisant pour vaincre cette timidité maladive qu’il éprouvait juste pour lui et qui le laissait le croiser tête baissée sans jamais s’arrêter, alors que son cœur battait à tout rompre.
La crainte sans doute que le sentiment très fort qu’il ressentait ne soit pas partagé, qu’une parole de sa part ne l’éloigne à tout jamais, alors que depuis tant d’années il le regardait grandir et s’épanouir, paré d’une beauté presque irréelle qui faisait se retourner tout le monde plus ou moins discrètement sur son passage.
Toshio essuie la larme qui au souvenir de son amour perdu s’écoulait lentement sur sa joue, sa main attrape le petit cadre ou une photo « le » montre, souriant au milieu de tous les élèves de sa classe.
Il avait une quinzaine d’années quand cette photo a été prise et Toshio se demande bien comment il peut être maintenant à presque vingt ans, sûrement plus beau encore mais aussi tout autant auréolé de cette aura d’intelligence, de gentillesse et de virilité, qui lui amenait tant d'amis autour de lui.
Lui aussi en avait beaucoup à cette époque, mais c’était avant ce drame qui depuis lui a ôté toute joie de vivre et surtout tout espoir de le revoir un jour.
Un son étrange comme un reniflement dû à de la tristesse se fait entendre dans sa tête, montrant bien le danger qu’il a à baisser sa garde en se laissant aller dans les sentiments et combien est de plus en plus proche l’autre moi qui n’attend qu’un moment de faiblesse de sa part pour pouvoir reprendre les commandes de son corps, ne sachant toujours pas à quoi s’en tenir sur ses véritables intentions et surtout si celles-ci sont bonnes ou mauvaises.
La seule expérience qu’il en a eue étant celle de ce jour funeste où deux hommes ont perdu la vie, mais l’a-t-il fait pour le défendre ou pour assouvir une soif de haine et de meurtre, la question reste toujours posée dans l’esprit de Toshio qui préfère depuis lors le tenir éloigné pour ne prendre aucun risque.
Combien de fois a-t-il été tenté d’arrêter ou du moins de diminuer sa prise de médicaments, pour prendre le risque ensuite d’entrer en contact avec son autre personnalité et ce afin de s’assurer une bonne fois pour toutes de ce qu’il est en vérité, un samouraï défendant le faible et l’opprimé, ou un yakusa sans foi ni loi comme le sont ses propres ancêtres.
Toshio se place devant le miroir qui lui reflète son image, il dégage son col de chemise de façon à faire apparaître le tatouage qui, s’il était dévoilé au grand jour, amènerait le respect mais aussi la crainte à ceux nombreux qui en comprendraient la symbolique.
Petit fils et fils cadet du chef incontesté des Yamagushi-Gumi, la plus grande et puissante secte mafieuse du Japon, Toshio au contraire de son frère aîné n’en a pas la corde sensible, étant plutôt partisan de la paix dans le monde et du bonheur pour tous, ce qui semble ne pas déranger outre mesure sa famille qui voit plutôt ça avec un sourire étrange, comme s’ils s’y attendaient et n’espéraient que ça venant de lui.
Toshio ose un sourire devant le miroir, sans se rendre compte combien lui aussi peut-être d’une beauté confondante, presque irréelle et que les superlatifs qu’il emploie en pensant à son amour, pourraient tout aussi bien lui être adressés, à part peut-être la notion de beauté qui pour lui serait plutôt à mettre plus dans le genre mignon que viril, sans être non plus et de loin s’en faut efféminé.
Son sourire s’efface rapidement pour laisser place au visage fermé qui lui est devenu habituel, quand Toshio entend la porte de sa chambre s’ouvrir et qu’il se retourne pour voir qui est le nouvel arrivant, ne faisant aucun doute pour lui que c’est son futur colocataire qui se montre enfin.
Takuma est planté devant le tableau d’affichage où l’attribution des chambres est notée pour l’année qui commence, plusieurs sentiments se bousculent dans sa tête qui lui ôte une partie de la bonne humeur qu’il avait ce matin-là en se levant pour son premier jour de prépa avant la rentrée officielle.
En premier lieu de ne pas se retrouver avec « Tosh » comme colocataire, alors qu’il avait fini par s’habituer à lui et réussi l’exploit de le voir sourire en de rares occasions dans l’intimité de leur chambre commune.
La seconde chose qui le gène est le nom inscrit avec le sien devant le numéro de la chambre, un dénommé Tomoya Kotaishi-Kun qui lui est parfaitement inconnu alors qu’il pensait bien connaître tous les élèves de première année présents l’année précédente.
Heureusement qu’il peut lire le nom de ses amis à lui qui sont logés au même étage, avec des numéros de chambres contiguës à la sienne.
Un léger sourire lui vient quand il lit celui de son ami « Kei » qui lui non plus n’a pas de chance, son colocataire n’étant pas et de loin s’en faut, un de ses amis.
L’idée d’un arrangement pour qu’ils emménagent ensemble lui vient alors, l’autre gars étant un « Toot * » de la pire espèce qui ne demandera pas mieux que de changer avec quelqu’un d’autre de moins « viril » mais surtout moins « hétéro » que « Kei », avec l’espoir quand même de trouver l’étalon qui saura le combler.
Takuma sait bien qu’un tel arrangement ne pourra se faire qu’avec le consentement du responsable d’étage, il suit la liste du regard jusqu’à tomber sur le nom de l’élève de dernière année qui en a reçu la charge et sourit cette fois en sentant son moral grimper de plusieurs crans, Nakamura-Senpaï étant d’un naturel conciliant avec les juniors.
Un message « line » envoyé à Keisuke pour le prévenir de ce qui l’attend et de l’idée qu’il a eue de faire ce changement pour qu’ils puissent se retrouver ensemble et Takuma prend la direction des dortoirs où il espère y trouver Nakamura-Senpaï, qui il le sait, a dû arriver une journée plus tôt pour organiser son étage.
Un bip le stoppe pour reprendre son iPhone en main et lire la réponse de « Kei », celui-ci lui demande avec qui il devait partager sa chambre à l’origine.
Takuma se gratte un instant la tête d’avoir oublié de qui il s’agit en se rappelant juste de son prénom, aussi lui renvoie-t-il sa réponse avec quelques autres précisions qu’il juge utile de lui donner.
***/***
« Message line »
« Takuma » Ce doit être un étudiant transféré d’une autre école parce que son nom ne me dit rien, un certain Tomoya.
« Keisuke » Quelle coïncidence, c’est l’ami dont je t’ai parlé l’année dernière, tu te rappelles ?? Tu sais bien, celui qui étudiait en Suisse !!
« Takuma » Tu es sûr que c’est lui ??
« Keisuke » Certain puisque je l’attends justement à la gare en ce moment !!
« Takuma » Alors oublie ce que je t’ai demandé plus tôt, je te laisse ton « Toot » (suivi d’un smiley qui tire la langue)
« Keisuke » Merci quand même de m’avoir prévenu, je vais bien trouver un vrai « ami » pour faire l’échange !!
***/***
Takuma a un bref instant de remords qui le prend au ventre mais il ne se rappelle que trop bien la description que lui faisait « Kei » de son meilleur ami, quand il lui vantait toutes ses qualités.
Il poursuit malgré tout son chemin jusqu’à la chambre particulière du responsable d’étage et y frappe machinalement à la porte sitôt devant.
Ce n’est qu’une fois chose faite qu’il se rend compte de son geste et à l’ouverture de la porte, il reste un long moment comme mortifié en faisant froncer les sourcils à son occupant qui le questionne alors sur la raison de sa visite.
- Tu voulais me voir Nishimura-Kun* ??
- Heu…
- Parle librement, il est de ma responsabilité de m’occuper des juniors de cet étage.
- Heu… C’est à propos du nouveau colocataire partageant la chambre de Keisuke, je…ne crois pas qu’il soit approprié pour mon ami de les laisser ensemble… ils se sont toujours évités jusque-là et je…
- Tu t’inquiètes pour ton ami, tu as peur qu’ils en viennent aux mains ??
Takuma voit bien le regard soudainement amusé de Nakamura à peine a-t-il terminé sa phrase, conscient très certainement du double sens de ses paroles.
- C’est un peu ça Nakamura-Senpaï*, mais certainement pas de la même façon.
- Je verrai ce que je peux faire avec Kobayachi-Kun quand il sera là, mais je dois dire que je n’ai guère de choix et à moins d’un compromis qui satisfera toutes les parties, je resterai sur cette disposition qui a été faite par tirage au sort pour rester impartial. Je me verrai mal de favoriser un de mes juniors pour en mettre un autre dans l’embarras.
- Je peux te poser une autre question Nakamura-Senpaï ??
- Au sujet de ton « ami » Yamashita-Kun ?? Tu te demandes pourquoi on vous a séparés alors que nous savons tous à quel point ça a été difficile pour toi de te faire accepter de lui ??
- Et donc…
- Le président du conseil des élèves a présenté une lettre motivée que tous les Sensei* ont signée pour qu’il change de cursus, ses notes particulièrement hautes le prédisposent plus pour la biologie médicale que pour l’ingénierie où il était inscrit jusqu’à présent. Le directeur Katô a donc accepté et du coup, il s’est vu changer d’aile et d’étage, pour rester avec ceux de son nouveau cursus.
- Ah !! Je comprends !!
Nakamura l’observe un moment avec un sourire amusé, avant de reprendre la parole en faisant le maximum pour garder son sérieux.
- Je suis étonné que tu ne sois pas venu pour toi, plutôt que pour ton ami ?? L’étudiant transféré que tu as reçu comme colocataire doit également te poser des questions ??
- Pas vraiment en fait !! C’est un ami d’enfance de « Kei », ce qu’il m’en a dit de lui me suffit pour être rassuré !!
- Bien !! Je vais voir ce que je peux faire pour que ton ami ait un autre colocataire, mais je ne vous promets rien !!
Takuma salue son aîné avant de le quitter, content malgré tout d’avoir fait cette démarche pour Keisuke.
*Toot : Gay (péjoratif)
*Sensei : professeur ou coach
*Senpaï : élève de classe supérieur plus âgé (senior)
CHAPITRE 4 : Prologue (Toshio Yamashita-Kun ou « Tosh » pour ses amis)
« Cité universitaire, quatrième étage, chambre quatre cent dix. »
Toshio referme sa valise une fois ses affaires rangées dans son placard, son nouveau colocataire n’étant pas encore arrivé.
Une peur sourde lui noue à nouveau l’estomac depuis qu’il a remis les pieds sur le campus, celle d’avoir une nouvelle fois à faire face à tous ces garçons et à leurs réflexions sur sa façon d’être.
Pourtant il ne leur demande rien, alors pourquoi cet acharnement à vouloir s’occuper de ses affaires puisqu’ils voient tous bien que leur présence dans sa zone de confort représente pour lui une gêne, pour ne pas nommer autrement la panique qui le prend qu’une nouvelle fois « il » prenne le dessus sur sa volonté et commette un nouvel acte criminel, comme ça s’est passé alors qu’il allait entamer sa dernière année de lycée.
Il lui a fallu pas moins d’une année complète de soins psychologiques intensifs pour reprendre le contrôle, aidé en cela par les nombreux spécialistes qui se sont penchés sur sa bipolarité et fini par comprendre la raison pour qu’un tel acte ait pu se produire, c’est du moins ce que relatent leurs rapports joints avec le traitement qu’il ne devra cesser de prendre sa vie entière.
L’année passée a été pour lui un véritable supplice au quotidien de devoir éviter tous contacts avec ceux qui pour la plupart n’avaient que de bonnes intentions envers lui, cherchant tout simplement à s’en faire un nouveau camarade mais qu’il ne pouvait se permettre de côtoyer, avec toujours cette peur lui nouant le ventre que tout recommence.
Seul « Tak » son colocataire d’alors, a fini par réussir à légèrement faire céder ses défenses et lui a permis d’avoir au moins quelques moments de détente une fois tous les deux seuls dans leur chambre.
Cette histoire de transfert le renvoie une année en arrière à devoir se méfier de tout et de tous, pour se monopoliser essentiellement sur ses études en évitant du mieux qu’il le pourra les futurs conflits qui ne manqueront pas d’arriver.
Cette histoire de bipolarité le perturbe suffisamment pour qu’il se renferme sur lui-même sans avoir à se forcer pour le faire, surtout quand il a appris il y a peu de temps qu’à sa naissance un autre embryon partageait la même poche avec lui et que ce jumeau n’a pour une raison qu’il n’a pas bien compris, pas pu poursuivre son développement.
Les différents spécialistes que son père a consultés n’ont rien trouvé de mieux à dire, que ce serait justement la conscience de ce jumeau qui serait ressortie pour protéger son frère lors de l’acte odieux qu’il s’apprêtait à subir.
Depuis lors, Toshio évite volontairement toute situation de contact ou de conflit qui pourrait le faire réapparaître et le ramener à ce jour où deux hommes cherchant à profiter de lui contre son gré se sont retrouvés devant la mort, alors que lui vivait l’instant comme dans un brouillard, jusqu’à ce qu’il retrouve ses sens quelque temps plus tard avec en ressenti un immense épuisement de son corps tout entier.
Ces deux dernières années lui ont fait perdre beaucoup, alors qu’il était un enfant aimant rire et s’amuser avec ses nombreux copains mais ce qui l’attriste le plus au final c’est surtout d’avoir perdu l’espoir qu’un jour il viendrait enfin lui parler, ou encore qu’un jour ça aurait pu être lui Toshio qui aurait trouvé enfin le courage suffisant pour vaincre cette timidité maladive qu’il éprouvait juste pour lui et qui le laissait le croiser tête baissée sans jamais s’arrêter, alors que son cœur battait à tout rompre.
La crainte sans doute que le sentiment très fort qu’il ressentait ne soit pas partagé, qu’une parole de sa part ne l’éloigne à tout jamais, alors que depuis tant d’années il le regardait grandir et s’épanouir, paré d’une beauté presque irréelle qui faisait se retourner tout le monde plus ou moins discrètement sur son passage.
Toshio essuie la larme qui au souvenir de son amour perdu s’écoulait lentement sur sa joue, sa main attrape le petit cadre ou une photo « le » montre, souriant au milieu de tous les élèves de sa classe.
Il avait une quinzaine d’années quand cette photo a été prise et Toshio se demande bien comment il peut être maintenant à presque vingt ans, sûrement plus beau encore mais aussi tout autant auréolé de cette aura d’intelligence, de gentillesse et de virilité, qui lui amenait tant d'amis autour de lui.
Lui aussi en avait beaucoup à cette époque, mais c’était avant ce drame qui depuis lui a ôté toute joie de vivre et surtout tout espoir de le revoir un jour.
Un son étrange comme un reniflement dû à de la tristesse se fait entendre dans sa tête, montrant bien le danger qu’il a à baisser sa garde en se laissant aller dans les sentiments et combien est de plus en plus proche l’autre moi qui n’attend qu’un moment de faiblesse de sa part pour pouvoir reprendre les commandes de son corps, ne sachant toujours pas à quoi s’en tenir sur ses véritables intentions et surtout si celles-ci sont bonnes ou mauvaises.
La seule expérience qu’il en a eue étant celle de ce jour funeste où deux hommes ont perdu la vie, mais l’a-t-il fait pour le défendre ou pour assouvir une soif de haine et de meurtre, la question reste toujours posée dans l’esprit de Toshio qui préfère depuis lors le tenir éloigné pour ne prendre aucun risque.
Combien de fois a-t-il été tenté d’arrêter ou du moins de diminuer sa prise de médicaments, pour prendre le risque ensuite d’entrer en contact avec son autre personnalité et ce afin de s’assurer une bonne fois pour toutes de ce qu’il est en vérité, un samouraï défendant le faible et l’opprimé, ou un yakusa sans foi ni loi comme le sont ses propres ancêtres.
Toshio se place devant le miroir qui lui reflète son image, il dégage son col de chemise de façon à faire apparaître le tatouage qui, s’il était dévoilé au grand jour, amènerait le respect mais aussi la crainte à ceux nombreux qui en comprendraient la symbolique.
Petit fils et fils cadet du chef incontesté des Yamagushi-Gumi, la plus grande et puissante secte mafieuse du Japon, Toshio au contraire de son frère aîné n’en a pas la corde sensible, étant plutôt partisan de la paix dans le monde et du bonheur pour tous, ce qui semble ne pas déranger outre mesure sa famille qui voit plutôt ça avec un sourire étrange, comme s’ils s’y attendaient et n’espéraient que ça venant de lui.
Toshio ose un sourire devant le miroir, sans se rendre compte combien lui aussi peut-être d’une beauté confondante, presque irréelle et que les superlatifs qu’il emploie en pensant à son amour, pourraient tout aussi bien lui être adressés, à part peut-être la notion de beauté qui pour lui serait plutôt à mettre plus dans le genre mignon que viril, sans être non plus et de loin s’en faut efféminé.
Son sourire s’efface rapidement pour laisser place au visage fermé qui lui est devenu habituel, quand Toshio entend la porte de sa chambre s’ouvrir et qu’il se retourne pour voir qui est le nouvel arrivant, ne faisant aucun doute pour lui que c’est son futur colocataire qui se montre enfin.
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