21-05-2025, 09:28 AM
« Un si beau guerrier dans les jupes de sa mère » devaient penser les autres.
Le beau garçon se dégagea difficilement de l'étreinte des bras de sa mère qui le toisa avec son plus beau sourire.
— Tu vas bien ? Que tu as bonne mine ! Je t'ai apporté un gâteau que j'ai fait ce matin, Ariel m'a assuré qu'il ne risquait rien pendant la téléportation.
— Alors comme ça, vous avez été téléportés ?
Cylian balada son regard vers les deux autres visiteurs.
L'un était en costume cravate noir avec une chemise blanche, les cheveux sombres rabattus en arrière par du gel. Après quelques interrogations, il reconnut enfin Ariel. Le téléporteur avait bien changé depuis leur dernière rencontre qui datait de plus d'un an et demi. Fini le look décontracté et fashion.
Le même Ariel était en train de s'expliquer avec la grande amazone casquée.
— Mais bon sang ! Puisque je vous dis que Zante est dans une zone de téléportation internationale approuvée par la Guilde ! La société Tellis nous garantit la libre circulation dans cet endroit.
De plus, juridiquement mes clients sont sous ma protection ! Cela risque de vous coûter cher si vous levez vos espèces de bâtons sur eux !
— Je ne veux pas le savoir téléporteur, Zante est sous notre juridiction et Cervantès peut décider de vous renvoyer d'où vous venez à n'importe quel moment ! lui aboya Yliria.
Cylian jeta un regard vers ses parents pour les rassurer et se dirigea vers la jeune femme.
— Yliria, ce groupe est sous ma protection. J'en porte la responsabilité si l'un d'entre eux devait vous causer du tord.
Yliria resta muette devant le jeune homme, puis, en dernier recours, jeta même un regard vers Valérian pour espérer son soutien. Mais l'Ange surveillait Julien bras croisé, espérant une issue au problème.
Valérian rangea son arme et adopta une attitude détendue, on aurait dit qu'il il en avait assez d'avoir à surveiller ces visiteurs dont la présence n'inspirait pas un réel danger qui mette en valeur ses talents. La tête regardant le ciel, il émit comme seule réponse entre ses lèvres un sifflement nonchalant.
— Bon d'accord ! Tu te charges de ces étrangers ! Ils sont sous ta responsabilité ! fulmina Yliria
— Merci ... il ne s'agit que de mes parents !
L'amazone fit un signe à Valérian et tout deux partirent, la meneuse en tête, maugréant des mots à peine audibles.
Cylian était fier d'avoir réussi à inverser le fil des évènements en sa faveur.
Il sentit une tape contre son épaule, se retournant et voyant son meilleur ami, il ne put s'empêcher de serrer ses bras autour du coup du jeune homme ténébreux.
— Julien, bon sang que ça fait plaisir de te revoir. Espèce de grand couillon ! Ne t'avise jamais de venir ici à l'improviste ! Tu sais qui sont les résidents de l'île !
— Cyl' tu m'as terriblement manqué ! Je ne pouvais pas rester sans nouvelles de ta part. C'est mon idée d'avoir invité tes parents à faire le déplacement, ils n'ont pu refuser. Et puis, Ariel est devenu mon téléporteur privilégié lors de mes déplacements en affaires. Je te signale que je suis un des responsables du centre psy à présent.
— Bravo... euh félicitations, tu m'en diras plus lors de mon retour en France.
Ce fut au tour d'Ariel de marcher en direction du beau brun. Tout en rangeant des papiers dans le revers de sa veste Le téléporteur marmonnait un langage indéchiffrable.
— N'importe quoi... Zante... leur juridiction personnelle... Pas la peine de draguer cette éthérée colérique, c'est une folle. Même pas en rêve pour l'avoir dans mon plumard...
— Ariel, je ne t'ai même pas reconnu ! Et tu ne portes pas tes lunettes cette fois.
— Cylian, j'espérais bien te revoir un de ces quatre mon pote ! La dernière fois que nous nous sommes vus, je t'avais laissé sur un chemin derrière notre maison dans le Sud, sur la côte.
— Et comment que je m'en souviens ! Hein Julien ? Le conseil des Eucalyptus... malgré la tension qui régnait à l'époque, ce fut un moment inoubliable pour moi. Et, non rien...
La mine de Cylian s'assombrit mystérieusement, cela ne dura que quelques secondes.
Se sentant dévisagé, il poursuivit comme si de rien n'était :
— Ariel, as-tu des nouvelles de ton frère ? Il me manque beaucoup !
Le téléporteur gloussa d'un rire aigu :
— Bien sûr que j'ai des nouvelles d'eux ! Mon frère Abel entame ses études de droit pour reprendre les affaires de mon père, il compte embaucher son petit Vincent pour l'aider à gérer tout ça...
— Abel est toujours avec Vincent ? Mais c'est formidable !
— Formidable c'est le mot... Ils ne se quittent plus, même le bureau de mon père est devenu un baisodrome !
— Ariel ! Fit le beau brun visiblement choqué de la remarque.
— Ben quoi ? C'est vrai !
Pendant que les garçons fêtaient leurs retrouvailles, une présence les interpella dans leur dos.
C'était Léa, la jolie asiatique portait une mine sévère sans quitter des yeux Julien.
Ses lèvres interpellèrent le psychique.
— Toi, suis-moi, je dois vérifier que ton bracelet de sécurité fonctionne, simple question de sécurité.
Julien accepta l'invitation bien que sa réponse soit toute aussi froide.
— Bien entendu, fillette, simple question de sécurité.
C'est alors qu'un détail n'échappa nullement à l'éthéré. Cylian avait pour habitude de contempler les jolies bouches des garçons qu'il croisait et Julien n'échappait somme toute nullement à la règle.
Or, cette fois-ci, il remarqua que lorsque Julien s'était retourné pour faire face à la jeune fille, ses lèvres minces se mirent à babiller comme une sorte de mot sans qu'un son ne vienne sortir du fond de ses cordes vocales.
« Léa ! Il a faillit prononcer son nom devant nous ! Je suis sûr que par surprise de la voir ici, ces lèvres ont articulé son prénom ! Donc... Julien connaîtrait-il Léa ? »
Pendant que Julien partait avec la jeune fille, William accourut pour saluer les parents de Cylian. Claire et Sébastien l'avaient accueilli comme correspondant de leur fils et à la surprise du bel ange blond, ils se souvenaient très bien de lui.
Cylian, quant à lui, s'éloigna pour mettre un peu d'ordre dans son esprit. Il avait besoin de réfléchir sur ce qu'il venait de découvrir : « Je suis sûr qu'il a voulu prononcer Léa... donc... il la connaît ! »
Il fallait qu'il en ait le cœur net !
— William ! J'ai oublié mon appareil photo dans ma chambre ! Tu veux bien t'occuper de mes parents et d'Ariel quelques minutes ? Je ne serai pas long !
— Bon... entendu Cyl' ... dépêche-toi ! Je te signale que tes parents sont venus exprès pour toi !
— Oui je sais, je reviens, merci !
Cylian s'éclipsa à toute vitesse.
« Bon, il ne doivent pas être loin. Il faut que je retrouve Julien, tout ça n'est pas clair... réfléchissons... où irais-je si j'ai envie d'être seul avec quelqu'un ? Essayons le jardin, c'est isolé et en même temps assez vaste pour voir venir quelqu'un... sauf en faisant le tour par la forêt de bambous... »
A petites enjambées, Cylian escalada un petit escalier qui permettait de gravir la pente qui donnait sur la plage pour revenir sur le groupe de maisons encerclant la résidence principale.
Heureusement pour lui, le jeune homme commençait à bien connaître les environs.
Son cœur tambourinait à mesure qu'il courrait mais pas question de voler, sinon, adieu la discrétion.
Devant lui se dressa ladite forêt de tiges vertes annelées, caractéristique des bambouseraies.
C'est là qu'il entendit comme une conversation.
La première voix ne portait pas mais la seconde... il en était sûr était celle de Julien.
« Bingo ! Ils sont là ! La curiosité est un vilain défaut mais le mensonge de Léa l'était encore plus quand elle avait intimé à Julien de le suivre pour vérifier son bracelet. »
En s'approchant doucement, il put nettement voir Léa et Julien.
Cylian n'en crut pas ses yeux : ils étaient dans les bras l'un de l'autre.
— Julien, tu ne peux pas me demander ça ! Je ne te donnerai pas d'informations sur ce camp, c'est bien clair j'espère ?
— Pourtant tout à l'heure, tu m'as envoyé un message mental qui me disait de te suivre, comme au bon vieux temps tu te souviens, tu as des trucs à me dire ?
— Le bon vieux temps... lorsque nous avions quinze ans à l'école psy, nous étions inséparables, tu te rappelles... Yann, toi et moi. On nous appelait « la pyramide psy » ou « le triangle psy »
chacun de nous représentions une classe psychique, les A, B et C ... toi capable de diriger les personnes, Yann de lire leurs pensées et moi capable d'envoyer des messages dans la tête des gens, même très éloignées, à nous trois nous nous sentions invulnérables.
Léa marqua une courte pause avant de reprendre :
— Et... j'étais ta première petite amie.
Puis j'ai appris que tu avais fait emprisonner Yann, tu as envoyé notre meilleur ami en taule !
— Ce n'étais plus mon meilleur ami, il a voulu faire du mal à celui que je considère comme mon frère, la personne la plus chère à mes yeux : Cylian... À propos... comment va-t-il ? Il est passé par une phase assez difficile ces derniers temps, la perte de son petit ami a été une terrible souffrance pour lui.
— Ne t'inquiètes pas. Je veille sur Cylian comme si c'était mon propre petit frère. Mais pourquoi a-t-il autant d'importance pour toi ?
Julien baissa la tête, semblant chercher ses mots.
— Toi et moi nous avons très mal supporté de découvrir nos pouvoirs et d'être placé à l'école psy, tu as fugué de chez toi pour échapper à l'emprise des nôtres et moi j'ai trouvé le réconfort envers quelqu'un qui m'a appris à vivre pleinement et à oublier les autres psychiques qu'au fond je détestais : froids, incapables de sentiments. J'étais jaloux de Cylian. Il respirait la joie de vivre, il avait toujours des tas d'amis autour de lui.
Des larmes perlèrent au coin des yeux du garçon aux cheveux noirs.
— Oui je voulais tellement lui ressembler ! Penser comme lui, me l'approprier : être lui ! Pas une relation amoureuse entre nous, plutôt une relation fraternelle.
Les yeux de Cylian s'embuèrent à son tour, il se sentit déboussolé par les mots de Julien, c'était la première fois que son ami se confiait de la sorte.
Il quitta le fourré d'où il était caché et apparut devant les deux psychiques médusés.
— Julien, tu te trompes ! C'est à toi que j'ai toujours voulu ressembler. Tu étais toujours plus à l'aise que moi lorsque nous étions en public. Tu as déjà tout ce que j'ai en toi, mais tu t'es replié au fil des années. Tu aurais pu devenir comme Yann, mais tu te bats encore pour ne pas lui ressembler !
— Cylian ! Tu... tu as tout entendu ?
— En effet, merci d'avoir voulu me protéger mais laisse-moi vivre ma vie. Ne soit pas toujours un grand frère pour moi. À l'autre bout de l'Europe il faut que tu me surveilles, c'est un comble ! Et puis tiens au fait... Bonjour Mona-Lisa ! Nous nous rencontrons enfin face à face !
La belle asiatique ne put réprimer un délicieux sourire :
— Bonjour Cylian, tu as enfin deviné qui j'étais. Je suis également ravie de te parler en tête à tête même s'il valait mieux garder l'anonymat pour disons... éviter que mes détracteurs ne s'en prennent à toi.
— Ainsi tu es un type B ? La dernière catégorie de psychique que je découvre, mais pourquoi, même exilée, tu ne portes pas un bracelet de sécurité ?
— Je vais t'expliquer... Julien ? Tu nous attends là s'il te plaît ? Et ne t'avise pas de nous espionner, je localiserais tes ondes psy avec la plus grande facilité !
— Je sais Léa, ce n'était nullement mon intention !
— Parfait ! Cylian... tu veux bien marcher un peu avec moi ? Tu iras retrouver tes parents après...
— Je suis d'accord... j'ai hâte que tu répondes à mes questions.
L'étrange couple ainsi formé s'éloigna, laissant Julien assis sur une souche de chêne liège.
— Bien, pour commencer, nous les types B sommes les seuls à ne pas porter de bracelet, notre pouvoir n'est pas dangereux. Je ne peux pas forcer une personne à devenir un meurtrier comme ton ami Julien, ni lire dans les pensées comme Yann que tu as affronté dans le passé. Au pire, je peux juste te souffler à l'oreille que le père noël n'existe pas. On ne met pas un bracelet pour ce genre de choses !
— Quoi ! C'est vrai ? Il n'existe pas !
Léa gloussa :
— Tu es adorable Cylian !
— Parle-moi de votre passé, toi et Julien : pour commencer, pourquoi tu as fugué de chez toi ?
— Facile, tu ne devines pas ? L'intolérance de certaines personnes, tu es gay moi je suis une psychique aux yeux bridés de surcroît ! Accumulation de défauts pour les personnes manquant cruellement de tolérance.
Avant même d'être une psychique, j'étais déjà haï par une foule de personne. Tu n'as jamais senti la gêne de la part des autres quand ils te regardaient ? Ce parfum de peur d'être différent d'eux qui te colle à la peau ?
— Si... tu as raison.
— Nous sommes un peu pareil Cyl', un jour, j'ai renié l'ordre psy, jurant que je ne retournerai jamais plus au centre et j'ai laissé une lettre type sur mon oreiller du genre : « adieu maman, adieu papa... nourrissez bien le chien pour moi en mon absence... je vous aime » dernières volontés somme toute assez classique. Je n'avais rien à leur dire, sauf... qu'eux ne m'ont jamais aimée, j'étais régulièrement battue et humiliée devant mes frères et sœurs, simplement parce que j'étais une psychique. Voilà ma vie. Julien a été mon premier amoureux mais entre psychiques, ça ne colle jamais : L'espèce humaine ment, cela vaut également pour nous.
En couple, il faut parfois mentir, même si on s'aime, cela devient vite une relation impossible ! L'autre est formé à interpréter les gestes associés au mensonge ou à la détection des ondes cérébrales qui se modifient avec l'hésitation. Julien est parti avec Camille et avec toi, moi je suis partie avec mon sac à dos et avec personne... Mais Julien, Yann et moi, étaient des instants passés d'une rare complicité je ne pouvais définitivement tirer un trait là dessus... jusqu'à aujourd'hui. Nous avons réussis à garder contact malgré les années qui passaient.
— Donc tu as trouvé refuge ici ? Les éthérés t'ont accueillie ?
— Si on veut...
— Et Julien t'a écrit, sachant que je venais ici pour me protéger ?
— Oui et non...
— Hein ? ? ?
— Tu viens de poser la seule question à laquelle je ne peux pas répondre. Julien n'est pas la seule personne qui me demande de te protéger.
— Mais qui ?
— Mauvaise question !
— Alors qui dirige l'Armée d'Argent ?
— Celui qui nous surveille depuis le début, les éthérés comme les psychiques. « Il » ou plutôt « elle » nous surveille tous ! Empêchant le mal de prendre le contrôle sur nous tous !
Cylian sentit à cet instant une sueur glacée lui descendre le long de sa colonne vertébrale.
— Nous en reparlerons plus tard Léa. Je dois revoir mes parents et mes amis avant leur départ...
— Bien sûr... tu m'excuseras mais je ne rentre pas avec toi. Embrasse Julien de ma part... sur la joue bien sûr ! Inutile que je lui dise au revoir. Notre trio n'existe plus depuis longtemps, il n'a que trop vécu. Nous avons tous changé, depuis que nous avons perdu notre âme d'enfant, Julien, Yann et moi. Mes semblables ont corrompu mon âme, je garde le peu d'espoir qu'il me reste, à savoir : trouver l'amour avec quelqu'un en me tenant à l'écart d'eux.
— Tes paroles sont dures Léa
— Ne t'inquiètes pas pour moi. J'ai les yeux tournés vers le futur à présent, l'avenir nourrit mon cœur.
A mesure que Cylian revenait seul vers Julien, il essayait de faire le tri dans ses pensées.
Il remontait loin, des souvenirs d'enfance rejaillissaient.
Sa nostalgie y était amplifiée quand ses yeux verts se portèrent sur la mer au loin ou encore sur l'ombre que projetaient les pins parasols sur le sol rocailleux.
Les psychiques lui avaient appris tellement plus de choses que les éthérés.
Il réalisa qu'à chaque moment de sa vie, ils étaient là, faisant de lui ce qu'il est devenu maintenant.
Ce qui ne te tue pas te rend plus fort... .
Comme les trois esprits de noël dans le roman de Charles Dickens « Un chant de Noël »
Les trois psychiques que Cylian avait connu symbolisaient pour lui une pyramide dont une face reflétait son passé, l'autre son présent et enfin la troisième, son futur.
Julien, psychique du passé lui avait enseigné l'amitié et la loyauté envers ses proches.
Yann, psychique du présent lui avait appris la douleur, la résistance à la peur et à l'échec, l'espoir de retrouver celui qu'on aime.
Que lui enseignerait Léa ? La psychique de son futur ?
Après une heure ou deux passées en compagnie de ses parents, l'heure était venue pour les adieux.
Cylian était tout de même confiant, cette journée avait été merveilleuse pour lui.
Il ne lui manquait plus que la présence de Talion.
Tiens... En parlant de lui... où est-il passé celui-là ? s'enquit Cylian.
Le beau garçon se dégagea difficilement de l'étreinte des bras de sa mère qui le toisa avec son plus beau sourire.
— Tu vas bien ? Que tu as bonne mine ! Je t'ai apporté un gâteau que j'ai fait ce matin, Ariel m'a assuré qu'il ne risquait rien pendant la téléportation.
— Alors comme ça, vous avez été téléportés ?
Cylian balada son regard vers les deux autres visiteurs.
L'un était en costume cravate noir avec une chemise blanche, les cheveux sombres rabattus en arrière par du gel. Après quelques interrogations, il reconnut enfin Ariel. Le téléporteur avait bien changé depuis leur dernière rencontre qui datait de plus d'un an et demi. Fini le look décontracté et fashion.
Le même Ariel était en train de s'expliquer avec la grande amazone casquée.
— Mais bon sang ! Puisque je vous dis que Zante est dans une zone de téléportation internationale approuvée par la Guilde ! La société Tellis nous garantit la libre circulation dans cet endroit.
De plus, juridiquement mes clients sont sous ma protection ! Cela risque de vous coûter cher si vous levez vos espèces de bâtons sur eux !
— Je ne veux pas le savoir téléporteur, Zante est sous notre juridiction et Cervantès peut décider de vous renvoyer d'où vous venez à n'importe quel moment ! lui aboya Yliria.
Cylian jeta un regard vers ses parents pour les rassurer et se dirigea vers la jeune femme.
— Yliria, ce groupe est sous ma protection. J'en porte la responsabilité si l'un d'entre eux devait vous causer du tord.
Yliria resta muette devant le jeune homme, puis, en dernier recours, jeta même un regard vers Valérian pour espérer son soutien. Mais l'Ange surveillait Julien bras croisé, espérant une issue au problème.
Valérian rangea son arme et adopta une attitude détendue, on aurait dit qu'il il en avait assez d'avoir à surveiller ces visiteurs dont la présence n'inspirait pas un réel danger qui mette en valeur ses talents. La tête regardant le ciel, il émit comme seule réponse entre ses lèvres un sifflement nonchalant.
— Bon d'accord ! Tu te charges de ces étrangers ! Ils sont sous ta responsabilité ! fulmina Yliria
— Merci ... il ne s'agit que de mes parents !
L'amazone fit un signe à Valérian et tout deux partirent, la meneuse en tête, maugréant des mots à peine audibles.
Cylian était fier d'avoir réussi à inverser le fil des évènements en sa faveur.
Il sentit une tape contre son épaule, se retournant et voyant son meilleur ami, il ne put s'empêcher de serrer ses bras autour du coup du jeune homme ténébreux.
— Julien, bon sang que ça fait plaisir de te revoir. Espèce de grand couillon ! Ne t'avise jamais de venir ici à l'improviste ! Tu sais qui sont les résidents de l'île !
— Cyl' tu m'as terriblement manqué ! Je ne pouvais pas rester sans nouvelles de ta part. C'est mon idée d'avoir invité tes parents à faire le déplacement, ils n'ont pu refuser. Et puis, Ariel est devenu mon téléporteur privilégié lors de mes déplacements en affaires. Je te signale que je suis un des responsables du centre psy à présent.
— Bravo... euh félicitations, tu m'en diras plus lors de mon retour en France.
Ce fut au tour d'Ariel de marcher en direction du beau brun. Tout en rangeant des papiers dans le revers de sa veste Le téléporteur marmonnait un langage indéchiffrable.
— N'importe quoi... Zante... leur juridiction personnelle... Pas la peine de draguer cette éthérée colérique, c'est une folle. Même pas en rêve pour l'avoir dans mon plumard...
— Ariel, je ne t'ai même pas reconnu ! Et tu ne portes pas tes lunettes cette fois.
— Cylian, j'espérais bien te revoir un de ces quatre mon pote ! La dernière fois que nous nous sommes vus, je t'avais laissé sur un chemin derrière notre maison dans le Sud, sur la côte.
— Et comment que je m'en souviens ! Hein Julien ? Le conseil des Eucalyptus... malgré la tension qui régnait à l'époque, ce fut un moment inoubliable pour moi. Et, non rien...
La mine de Cylian s'assombrit mystérieusement, cela ne dura que quelques secondes.
Se sentant dévisagé, il poursuivit comme si de rien n'était :
— Ariel, as-tu des nouvelles de ton frère ? Il me manque beaucoup !
Le téléporteur gloussa d'un rire aigu :
— Bien sûr que j'ai des nouvelles d'eux ! Mon frère Abel entame ses études de droit pour reprendre les affaires de mon père, il compte embaucher son petit Vincent pour l'aider à gérer tout ça...
— Abel est toujours avec Vincent ? Mais c'est formidable !
— Formidable c'est le mot... Ils ne se quittent plus, même le bureau de mon père est devenu un baisodrome !
— Ariel ! Fit le beau brun visiblement choqué de la remarque.
— Ben quoi ? C'est vrai !
Pendant que les garçons fêtaient leurs retrouvailles, une présence les interpella dans leur dos.
C'était Léa, la jolie asiatique portait une mine sévère sans quitter des yeux Julien.
Ses lèvres interpellèrent le psychique.
— Toi, suis-moi, je dois vérifier que ton bracelet de sécurité fonctionne, simple question de sécurité.
Julien accepta l'invitation bien que sa réponse soit toute aussi froide.
— Bien entendu, fillette, simple question de sécurité.
C'est alors qu'un détail n'échappa nullement à l'éthéré. Cylian avait pour habitude de contempler les jolies bouches des garçons qu'il croisait et Julien n'échappait somme toute nullement à la règle.
Or, cette fois-ci, il remarqua que lorsque Julien s'était retourné pour faire face à la jeune fille, ses lèvres minces se mirent à babiller comme une sorte de mot sans qu'un son ne vienne sortir du fond de ses cordes vocales.
« Léa ! Il a faillit prononcer son nom devant nous ! Je suis sûr que par surprise de la voir ici, ces lèvres ont articulé son prénom ! Donc... Julien connaîtrait-il Léa ? »
Pendant que Julien partait avec la jeune fille, William accourut pour saluer les parents de Cylian. Claire et Sébastien l'avaient accueilli comme correspondant de leur fils et à la surprise du bel ange blond, ils se souvenaient très bien de lui.
Cylian, quant à lui, s'éloigna pour mettre un peu d'ordre dans son esprit. Il avait besoin de réfléchir sur ce qu'il venait de découvrir : « Je suis sûr qu'il a voulu prononcer Léa... donc... il la connaît ! »
Il fallait qu'il en ait le cœur net !
— William ! J'ai oublié mon appareil photo dans ma chambre ! Tu veux bien t'occuper de mes parents et d'Ariel quelques minutes ? Je ne serai pas long !
— Bon... entendu Cyl' ... dépêche-toi ! Je te signale que tes parents sont venus exprès pour toi !
— Oui je sais, je reviens, merci !
Cylian s'éclipsa à toute vitesse.
« Bon, il ne doivent pas être loin. Il faut que je retrouve Julien, tout ça n'est pas clair... réfléchissons... où irais-je si j'ai envie d'être seul avec quelqu'un ? Essayons le jardin, c'est isolé et en même temps assez vaste pour voir venir quelqu'un... sauf en faisant le tour par la forêt de bambous... »
A petites enjambées, Cylian escalada un petit escalier qui permettait de gravir la pente qui donnait sur la plage pour revenir sur le groupe de maisons encerclant la résidence principale.
Heureusement pour lui, le jeune homme commençait à bien connaître les environs.
Son cœur tambourinait à mesure qu'il courrait mais pas question de voler, sinon, adieu la discrétion.
Devant lui se dressa ladite forêt de tiges vertes annelées, caractéristique des bambouseraies.
C'est là qu'il entendit comme une conversation.
La première voix ne portait pas mais la seconde... il en était sûr était celle de Julien.
« Bingo ! Ils sont là ! La curiosité est un vilain défaut mais le mensonge de Léa l'était encore plus quand elle avait intimé à Julien de le suivre pour vérifier son bracelet. »
En s'approchant doucement, il put nettement voir Léa et Julien.
Cylian n'en crut pas ses yeux : ils étaient dans les bras l'un de l'autre.
— Julien, tu ne peux pas me demander ça ! Je ne te donnerai pas d'informations sur ce camp, c'est bien clair j'espère ?
— Pourtant tout à l'heure, tu m'as envoyé un message mental qui me disait de te suivre, comme au bon vieux temps tu te souviens, tu as des trucs à me dire ?
— Le bon vieux temps... lorsque nous avions quinze ans à l'école psy, nous étions inséparables, tu te rappelles... Yann, toi et moi. On nous appelait « la pyramide psy » ou « le triangle psy »
chacun de nous représentions une classe psychique, les A, B et C ... toi capable de diriger les personnes, Yann de lire leurs pensées et moi capable d'envoyer des messages dans la tête des gens, même très éloignées, à nous trois nous nous sentions invulnérables.
Léa marqua une courte pause avant de reprendre :
— Et... j'étais ta première petite amie.
Puis j'ai appris que tu avais fait emprisonner Yann, tu as envoyé notre meilleur ami en taule !
— Ce n'étais plus mon meilleur ami, il a voulu faire du mal à celui que je considère comme mon frère, la personne la plus chère à mes yeux : Cylian... À propos... comment va-t-il ? Il est passé par une phase assez difficile ces derniers temps, la perte de son petit ami a été une terrible souffrance pour lui.
— Ne t'inquiètes pas. Je veille sur Cylian comme si c'était mon propre petit frère. Mais pourquoi a-t-il autant d'importance pour toi ?
Julien baissa la tête, semblant chercher ses mots.
— Toi et moi nous avons très mal supporté de découvrir nos pouvoirs et d'être placé à l'école psy, tu as fugué de chez toi pour échapper à l'emprise des nôtres et moi j'ai trouvé le réconfort envers quelqu'un qui m'a appris à vivre pleinement et à oublier les autres psychiques qu'au fond je détestais : froids, incapables de sentiments. J'étais jaloux de Cylian. Il respirait la joie de vivre, il avait toujours des tas d'amis autour de lui.
Des larmes perlèrent au coin des yeux du garçon aux cheveux noirs.
— Oui je voulais tellement lui ressembler ! Penser comme lui, me l'approprier : être lui ! Pas une relation amoureuse entre nous, plutôt une relation fraternelle.
Les yeux de Cylian s'embuèrent à son tour, il se sentit déboussolé par les mots de Julien, c'était la première fois que son ami se confiait de la sorte.
Il quitta le fourré d'où il était caché et apparut devant les deux psychiques médusés.
— Julien, tu te trompes ! C'est à toi que j'ai toujours voulu ressembler. Tu étais toujours plus à l'aise que moi lorsque nous étions en public. Tu as déjà tout ce que j'ai en toi, mais tu t'es replié au fil des années. Tu aurais pu devenir comme Yann, mais tu te bats encore pour ne pas lui ressembler !
— Cylian ! Tu... tu as tout entendu ?
— En effet, merci d'avoir voulu me protéger mais laisse-moi vivre ma vie. Ne soit pas toujours un grand frère pour moi. À l'autre bout de l'Europe il faut que tu me surveilles, c'est un comble ! Et puis tiens au fait... Bonjour Mona-Lisa ! Nous nous rencontrons enfin face à face !
La belle asiatique ne put réprimer un délicieux sourire :
— Bonjour Cylian, tu as enfin deviné qui j'étais. Je suis également ravie de te parler en tête à tête même s'il valait mieux garder l'anonymat pour disons... éviter que mes détracteurs ne s'en prennent à toi.
— Ainsi tu es un type B ? La dernière catégorie de psychique que je découvre, mais pourquoi, même exilée, tu ne portes pas un bracelet de sécurité ?
— Je vais t'expliquer... Julien ? Tu nous attends là s'il te plaît ? Et ne t'avise pas de nous espionner, je localiserais tes ondes psy avec la plus grande facilité !
— Je sais Léa, ce n'était nullement mon intention !
— Parfait ! Cylian... tu veux bien marcher un peu avec moi ? Tu iras retrouver tes parents après...
— Je suis d'accord... j'ai hâte que tu répondes à mes questions.
L'étrange couple ainsi formé s'éloigna, laissant Julien assis sur une souche de chêne liège.
— Bien, pour commencer, nous les types B sommes les seuls à ne pas porter de bracelet, notre pouvoir n'est pas dangereux. Je ne peux pas forcer une personne à devenir un meurtrier comme ton ami Julien, ni lire dans les pensées comme Yann que tu as affronté dans le passé. Au pire, je peux juste te souffler à l'oreille que le père noël n'existe pas. On ne met pas un bracelet pour ce genre de choses !
— Quoi ! C'est vrai ? Il n'existe pas !
Léa gloussa :
— Tu es adorable Cylian !
— Parle-moi de votre passé, toi et Julien : pour commencer, pourquoi tu as fugué de chez toi ?
— Facile, tu ne devines pas ? L'intolérance de certaines personnes, tu es gay moi je suis une psychique aux yeux bridés de surcroît ! Accumulation de défauts pour les personnes manquant cruellement de tolérance.
Avant même d'être une psychique, j'étais déjà haï par une foule de personne. Tu n'as jamais senti la gêne de la part des autres quand ils te regardaient ? Ce parfum de peur d'être différent d'eux qui te colle à la peau ?
— Si... tu as raison.
— Nous sommes un peu pareil Cyl', un jour, j'ai renié l'ordre psy, jurant que je ne retournerai jamais plus au centre et j'ai laissé une lettre type sur mon oreiller du genre : « adieu maman, adieu papa... nourrissez bien le chien pour moi en mon absence... je vous aime » dernières volontés somme toute assez classique. Je n'avais rien à leur dire, sauf... qu'eux ne m'ont jamais aimée, j'étais régulièrement battue et humiliée devant mes frères et sœurs, simplement parce que j'étais une psychique. Voilà ma vie. Julien a été mon premier amoureux mais entre psychiques, ça ne colle jamais : L'espèce humaine ment, cela vaut également pour nous.
En couple, il faut parfois mentir, même si on s'aime, cela devient vite une relation impossible ! L'autre est formé à interpréter les gestes associés au mensonge ou à la détection des ondes cérébrales qui se modifient avec l'hésitation. Julien est parti avec Camille et avec toi, moi je suis partie avec mon sac à dos et avec personne... Mais Julien, Yann et moi, étaient des instants passés d'une rare complicité je ne pouvais définitivement tirer un trait là dessus... jusqu'à aujourd'hui. Nous avons réussis à garder contact malgré les années qui passaient.
— Donc tu as trouvé refuge ici ? Les éthérés t'ont accueillie ?
— Si on veut...
— Et Julien t'a écrit, sachant que je venais ici pour me protéger ?
— Oui et non...
— Hein ? ? ?
— Tu viens de poser la seule question à laquelle je ne peux pas répondre. Julien n'est pas la seule personne qui me demande de te protéger.
— Mais qui ?
— Mauvaise question !
— Alors qui dirige l'Armée d'Argent ?
— Celui qui nous surveille depuis le début, les éthérés comme les psychiques. « Il » ou plutôt « elle » nous surveille tous ! Empêchant le mal de prendre le contrôle sur nous tous !
Cylian sentit à cet instant une sueur glacée lui descendre le long de sa colonne vertébrale.
— Nous en reparlerons plus tard Léa. Je dois revoir mes parents et mes amis avant leur départ...
— Bien sûr... tu m'excuseras mais je ne rentre pas avec toi. Embrasse Julien de ma part... sur la joue bien sûr ! Inutile que je lui dise au revoir. Notre trio n'existe plus depuis longtemps, il n'a que trop vécu. Nous avons tous changé, depuis que nous avons perdu notre âme d'enfant, Julien, Yann et moi. Mes semblables ont corrompu mon âme, je garde le peu d'espoir qu'il me reste, à savoir : trouver l'amour avec quelqu'un en me tenant à l'écart d'eux.
— Tes paroles sont dures Léa
— Ne t'inquiètes pas pour moi. J'ai les yeux tournés vers le futur à présent, l'avenir nourrit mon cœur.
A mesure que Cylian revenait seul vers Julien, il essayait de faire le tri dans ses pensées.
Il remontait loin, des souvenirs d'enfance rejaillissaient.
Sa nostalgie y était amplifiée quand ses yeux verts se portèrent sur la mer au loin ou encore sur l'ombre que projetaient les pins parasols sur le sol rocailleux.
Les psychiques lui avaient appris tellement plus de choses que les éthérés.
Il réalisa qu'à chaque moment de sa vie, ils étaient là, faisant de lui ce qu'il est devenu maintenant.
Ce qui ne te tue pas te rend plus fort... .
Comme les trois esprits de noël dans le roman de Charles Dickens « Un chant de Noël »
Les trois psychiques que Cylian avait connu symbolisaient pour lui une pyramide dont une face reflétait son passé, l'autre son présent et enfin la troisième, son futur.
Julien, psychique du passé lui avait enseigné l'amitié et la loyauté envers ses proches.
Yann, psychique du présent lui avait appris la douleur, la résistance à la peur et à l'échec, l'espoir de retrouver celui qu'on aime.
Que lui enseignerait Léa ? La psychique de son futur ?
Après une heure ou deux passées en compagnie de ses parents, l'heure était venue pour les adieux.
Cylian était tout de même confiant, cette journée avait été merveilleuse pour lui.
Il ne lui manquait plus que la présence de Talion.
Tiens... En parlant de lui... où est-il passé celui-là ? s'enquit Cylian.