Chapitre 4: Le pouvoir absolu
— Il est dix heures du matin et tu te réveilles seulement maintenant ? Tu m'épates !
Cylian eut droit ce matin à un réveil télépathique, c'est certes plus surprenant qu'un instrument qui sonne, posé sur une table de chevet.
Quoi qu'il en soit, le jeune homme trouva cette surprise franchement... désagréable.
— Hmmm, Mona Lisa, fiche-moi la paix !
— Ah, ces mecs ! Toujours grognons au réveil...
— S'il te plaît, j'ai passé une soirée agitée, j'ai du mal à faire le point avec mes pensées qui sont en train de s'entrechoquer dans ma tête... et d'abord, comment sais-tu que je suis réveillé ?
La voix de Mona Lisa vibra au sein même de son esprit, il supposa donc qu'elle riait à la remarque:
— Je décode tes ondes cérébrales tout simplement. Depuis dix minute, les tiennes se sont modifiées, ce qui m'a informée que tu venais de passer des ondes du sommeil léger aux ondes de réveil.
Alors, dis-moi... l'île te plaît ? C'est regrettable que tu sois gay, cela veut dire que je vais devoir chercher ailleurs... mais je crois que je vais me porter sur mon premier choix.
— Co... comment ? Mona ! Purée ! Non mais quelle curieuse ! Arrête d'écouter tout ce que je dis ! Ne m'espionne plus, compris ? Cela t'arrives-t-il de couper le micro de temps en temps ?
— Excuse-moi Cylian, je...
— Vite, laisse moi ! J'entends des pas !
La porte de la chambre s'ouvrit et le haut de la tête de William apparut, ses yeux cherchant du regard son ami au fond de la pièce.
— Ben alors Cylian ? Tu parles tout seul maintenant ?
— Ce n'est rien, c'est une méthode d'auto-suggestion de ma mère au réveil, pour bien commencer la journée.
Tu sais, les mots que l'on dit tout haut dès qu'on émerge du sommeil... C'est censé avoir une influence bénéfique pour le reste de la journée, comme par exemple: Je suis de bonne humeur... rester positif en toute circonstances ou bien encore: William, tu pourrais frapper avant d'entrer, c'est quoi ces manières ?
— Bien sûr... Bon, dépêches-toi de t'habiller, tu es en retard ! Tu es peut-être en vacances, mais les cours de maniement des armes commencent à huit heures dans le dojo avec la mère « rigueur ».
— William, s'il te plaît... il y a un an, j'ai été sous le choc en découvrant une certaine prophétie qui m'était destinée. Visiblement, le choc n'est rien comparé à celui que je viens d'avoir. Je crois que la prophétie est en passe de se réaliser. Cela s'est passé cette nuit.
— Quoi ? La prédiction dont tu m'as parlé ? Tu as donc trouvé ton futur amour ? Et puis-je savoir qui c'est ? Ne me dis pas qu'il s'agit de Floric !
Cylian resta quelques minutes assis au bord du lit, le visage hagard, les mots ne franchissant pas ses lèvres.
Subitement, il se redressa et répondit à son ami:
— Je crois qu'il s'agit de Talion...
— Non ? Talion ?
Mais dis-moi Cyl', en toute franchise. Bien que Talion soit un exemple même de compassion et de générosité, ce n'est pas l'amour physique qui t'attires chez lui... alors... laisse tomber cette bête prophétie et réponds-moi honnêtement. Est-ce que tu l'aimes vraiment ?
Le vacancier passa sa main derrière la nuque, caressant d'un air distrait l'épaisse crinière brune qui retombait sur ses larges pectoraux finement dessinés. Son regard se dirigea au-delà des persiennes, attiré par les bruits extérieurs indiquant que la matinée était déjà bien avancée.
Encore en boxer, il répondit à William tout en farfouillant dans ses affaires à la recherche d'une tenue décente pour l'entraînement.
— J'en sais rien Will'... Il y a quelque chose d'attirant chez lui mais je ne saurais dire quoi. Avec Talion, c'est un amour qui prend naissance en contemplant sa beauté intérieure.
En ce moment, je craquerais plutôt sur Floric... un amour plus basé sur l'apparence physique que sur la profondeur d'âme. C'est marrant mais Talion et Floric se complètent à merveille pour la candidature de l'homme parfait !
— Ecoutes ce que dit ton cœur Cyl'. Je n'ai pas d'autres conseils à te donner. Mis à part « mon » Mikki, tu es l'homme le plus mignon de cette île, tout le monde le sait.
Il y a un proverbe éthéré qui dit: « lorsque deux éthérés tombent amoureux, ils fusionnent jusqu'à leur âme ».
Je n'ai pas eu cette chance mais je n'ai pas à me plaindre et... habilles-toi vite car à te voir ainsi en boxer, je commence à avoir une certaine... comment dire... érection !
Cylian se changea devant William tout en le menaçant d'avertir Mikkos si le jeune anglais s'avisait de lui sauter dessus. Celui-ci lui lança alors une volée d'insultes à laquelle le français répondit à coups d'oreillers !
Quelques minutes plus tard, calmés, ils arrivèrent enfin devant le dojo, qui était en fait un grand hangar jouxtant la demeure. Dès leur entrée, ils assistèrent à un combat entre deux adversaires masqués, les autres participants étant assis en tant que simples spectateurs au bord de l'air de combat remplie de sable.
— Cyl', assieds-toi vite ! intima William, tu vas assister à quelque chose d'extraordinaire entre le maître et son fils, tous deux armés d'un saar.
En effet, le jeune homme reconnut Sofian qui se battait contre son père Cervantès, lui-même aisément identifiable à ses cheveux blancs dépassant de sa combinaison.
Puis le regard de Cylian balaya l'assemblée, espérant y voir le visage de Floric.
Il fut soulagé de constater qu'il était présent.
Malgré tout, il ressentit comme un pincement au cœur en remarquant que le blondinet si enjoué avec lui la veille, ne lui adressait même pas un sourire, visiblement très absorbé par le combat.
Un souffle passa dans ses cheveux. Cervantès commençait l'attaque sur son fils, déplaçant quantité d'air autour de lui.
Cylian en eut la respiration coupée. Le géant se déplaçait comme jamais il n'avait eu l'occasion de le voir chez un étheré. C'est à peine s'il entre-apercevait ses mouvements.
On aurait presque dit qu'il se téléportait...
Sofian para en vain le coup porté par son père et fut projeté en arrière par la violence du choc.
« Comment a-t-il trouvé le moyen de se déplacer aussi vite ? C'est impossible ! » pensa le jeune français.
L'assistance applaudit.
Yliria se leva et félicita les deux adversaires, puis invita les autres participants à regagner l'aire de combat.
— C'est à vous maintenant ! Choisissez votre adversaire !
Les yeux verts de la jeune fille se tournèrent ensuite vers Cylian.
— Bonjour Cyl' , tu es en retard... tu es prêt à commencer l'entraînement ?
Tiens, prends mon saar, il ne te reste plus qu'à trouver ton adversaire...
Une voix se fit entendre, forte et grave:
— Moi !
Un jeune homme masqué et torse nu avança en direction de Cylian.
Ce dernier fut impressionné à la vue des innombrables cicatrices ornant son corps.
William, toujours posté à côté de Cylian, se pencha vers son oreille.
— En tout cas, Talion ne t'a pas oublié depuis la nuit dernière... bonne chance ! Quant à moi, je vais certainement combattre avec Sofian pour éviter de me retrouver avec Valerian. À tout à l'heure.
Sur le côté, Cervantès, Léa et Floric se posaient en spectateurs.
Le cœur gonflé d'espoir, Cylian promena à nouveau son regard vers le frêle ange blond, espérant recueillir un regard, voire même un sourire de sa part qui l'aurait encouragé à se battre.
Il ne fut pas déçu. Le bel Adonis ne le quittait pas des yeux, ses prunelles vertes à peine voilées par quelques mèches blondes luisaient d'impatience de le voir en action et sa bouche s'étirait en un large sourire à son adresse.
L'entraînement débuta sous les injonctions d'Yliria. La jeune fille scandait des ordres d'attaques, repris par les combattants.
— Coup haut ! Coup bas ! Parez !
Raillant la nouvelle recrue au passage.
— Cylian ! Un saar n'est pas un bâton de majorette !
D'emblée, le jeune éthéré sentit qu'il aurait beaucoup de peine à maîtriser les techniques de combat.
Des coups perdus frappèrent Talion, sans que Cylian ne l'ait fait exprès. Des
— Oh pardon, ... Ça, ce n'était pas voulu, ... Je t'ai fait mal ? » fusaient à tout moment.
Après un enchaînement particulièrement maladroit, les deux combattants tombèrent au sol et le beau brun se retrouva sur son adversaire.
Un long silence gêné s'instaura entre les deux garçons.
Cylian, appuyé contre le torse de l'éclaireur, sentait sous ses mains le cœur battant de Talion. Ses cheveux en bataille caressaient de leurs pointes le masque de métal.
— Pardon Talion, je suis tellement désolé d'être un aussi pitoyable partenaire pour toi, chuchota le jeune homme.
— Ce n'est pas grave Cyl' , j'ai confiance en toi. Tu es l'antidote à mes peines, ne l'oublies pas... Tu vas y arriver !
Ayant assisté à la scène, Yliria se frappa le front de la main en maugréant.
— Cylian, tu vas finir par blesser tes ennemis sans le faire exprès et par la même occasion, tes amis !
Rappelés brusquement à l'ordre, les deux jeunes gens se relevèrent aussitôt. La demoiselle n'était pas tendre.
Le malheureux débutant aurait été littéralement démotivé si les fous rires de Floric à son égard ne lui avaient redonné un peu de courage.
A travers le silence de Cylian, Talion sentit le chagrin et l'impuissance.
Lorsque le cours fut fini et que tous les combattants eurent quitté le dojo, il ne resta plus que Cylian et William à l'entrée de la salle. Puis ils se mirent eux aussi en route.
Le jeune anglais observait son ami se trouvant à quelques pas devant lui, le regard vide, fixant le sol.
En quelques petites foulées, il le rejoignit.
— Qu'est-ce qui te tracasse Cyl' ? Est-ce l'entraînement ? Ou des problèmes personnels ?
La réponse fusa.
— Un peu des deux Will', je ne sais pas si j'ai ma place ici et mon esprit a du mal à départager mes sentiments contradictoires ! L'un me dit blanc, l'autre me dit noir !
— Ça va aller. Nous t'aiderons tous. Il te faut du temps, c'est tout ! Tu sais, ce n'est que ton premier jour dans le camp !
— J'espère que tu as raison...
En relevant la tête, il aperçu Sofian et Yliria qui l'attendaient.
C'est le bel hidalgo qui prit la parole en premier.
— Cyl' , tes gestes sont bons mais tu manques de coordination. Par ailleurs, on m'a dit que tu jouais de la guitare, je me trompe ? Je vais m'entraîner seul demain après-midi, ça te dirais de te joindre à moi ? Nous allons tenter une autre technique, tu veux bien essayer ? Je suis sûr qu'avec moi, tu vas faire des progrès.
— Pourquoi pas Sofian ? Mais je ne vois pas en quoi cela va changer.
Le beau ténébreux se passa la main sous son menton et expliqua:
— Laisses-moi faire à ma manière, tu verras... J'avais moi aussi de gros problèmes pour maîtriser les techniques de combats à l'arme blanche, Yliria pourra te le confirmer, jusqu'à ce que je découvre qu'un entraînement sous forme de danse rythmique pouvait me faire énormément évoluer dans la maîtrise des armes.
— Ton problème, continua-t-il, c'est le rythme.
— Je veux bien essayer alors...
— Bien, nous verrons donc ça demain... à plus tard, je vais nager un peu.
Sofian et l'éclaireuse s'apprêtaient à prendre congé d'eux quand Cylian rattrapa la jeune fille par le bras.
— Yliria, attends ! Je dois te demander quelque chose, c'est très important pour moi !
Celle-ci se retourna, la mine interrogative.
— Oui ? Cela concerne ton entraînement ?
— En fait... pas vraiment. Je voulais te parler d'autre chose. Cela concerne un garçon que j'ai connu dans le passé et que tu as rencontré il y a un an, quand tu nous a aidés à combattre un psychique.
Tu vois de qui je parle ? Mon ami s'appelait Toni. Talion m'a dit que tu l'avais revu après ce fameux jour où nous nous sommes rencontrés.
En réponse, la mine grave d'Yliria s'assombrit, puis elle répondit à Cylian après un court instant, les yeux dans ceux du jeune homme.
— C'est Talion qui t'as dit ça, hein ? Tu ferais mieux de faire attention à ce qu'il raconte, il a été lui-même très choqué dans le passé, il perd la tête de temps à autre...
— Yliria, c'est important, je dois savoir !
— Il n'y a rien à savoir ! Toni et moi nous sommes revus... car il voulait me dire qu'il t'aimait, voilà ! Fin de l'histoire ! Je ne sais pas ce qu'il est devenu par la suite.
Maintenant, évite de parler de ceci à Talion. Lui aussi a perdu quelqu'un, alors il vaut mieux s'abstenir de raviver les vieux souvenirs douloureux. Je dois te laisser, à plus tard... et cette fois, n'oublies pas les cours de vol demain matin !
Cylian regarda la jeune fille s'en aller, un profond sentiment d'impuissance s'emparant de lui.
Il n'avait obtenu aucun indice susceptible de lui apporter un semblant de réponse, aucune piste, même infime à suivre, afin de savoir, de comprendre ce qu'il était advenu de son amour.
Quelque chose clochait.
L'éthéré entendit une petite voix dans sa conscience qui lui disait:
— Elle ment... c'est évident !
— Il est dix heures du matin et tu te réveilles seulement maintenant ? Tu m'épates !
Cylian eut droit ce matin à un réveil télépathique, c'est certes plus surprenant qu'un instrument qui sonne, posé sur une table de chevet.
Quoi qu'il en soit, le jeune homme trouva cette surprise franchement... désagréable.
— Hmmm, Mona Lisa, fiche-moi la paix !
— Ah, ces mecs ! Toujours grognons au réveil...
— S'il te plaît, j'ai passé une soirée agitée, j'ai du mal à faire le point avec mes pensées qui sont en train de s'entrechoquer dans ma tête... et d'abord, comment sais-tu que je suis réveillé ?
La voix de Mona Lisa vibra au sein même de son esprit, il supposa donc qu'elle riait à la remarque:
— Je décode tes ondes cérébrales tout simplement. Depuis dix minute, les tiennes se sont modifiées, ce qui m'a informée que tu venais de passer des ondes du sommeil léger aux ondes de réveil.
Alors, dis-moi... l'île te plaît ? C'est regrettable que tu sois gay, cela veut dire que je vais devoir chercher ailleurs... mais je crois que je vais me porter sur mon premier choix.
— Co... comment ? Mona ! Purée ! Non mais quelle curieuse ! Arrête d'écouter tout ce que je dis ! Ne m'espionne plus, compris ? Cela t'arrives-t-il de couper le micro de temps en temps ?
— Excuse-moi Cylian, je...
— Vite, laisse moi ! J'entends des pas !
La porte de la chambre s'ouvrit et le haut de la tête de William apparut, ses yeux cherchant du regard son ami au fond de la pièce.
— Ben alors Cylian ? Tu parles tout seul maintenant ?
— Ce n'est rien, c'est une méthode d'auto-suggestion de ma mère au réveil, pour bien commencer la journée.
Tu sais, les mots que l'on dit tout haut dès qu'on émerge du sommeil... C'est censé avoir une influence bénéfique pour le reste de la journée, comme par exemple: Je suis de bonne humeur... rester positif en toute circonstances ou bien encore: William, tu pourrais frapper avant d'entrer, c'est quoi ces manières ?
— Bien sûr... Bon, dépêches-toi de t'habiller, tu es en retard ! Tu es peut-être en vacances, mais les cours de maniement des armes commencent à huit heures dans le dojo avec la mère « rigueur ».
— William, s'il te plaît... il y a un an, j'ai été sous le choc en découvrant une certaine prophétie qui m'était destinée. Visiblement, le choc n'est rien comparé à celui que je viens d'avoir. Je crois que la prophétie est en passe de se réaliser. Cela s'est passé cette nuit.
— Quoi ? La prédiction dont tu m'as parlé ? Tu as donc trouvé ton futur amour ? Et puis-je savoir qui c'est ? Ne me dis pas qu'il s'agit de Floric !
Cylian resta quelques minutes assis au bord du lit, le visage hagard, les mots ne franchissant pas ses lèvres.
Subitement, il se redressa et répondit à son ami:
— Je crois qu'il s'agit de Talion...
— Non ? Talion ?
Mais dis-moi Cyl', en toute franchise. Bien que Talion soit un exemple même de compassion et de générosité, ce n'est pas l'amour physique qui t'attires chez lui... alors... laisse tomber cette bête prophétie et réponds-moi honnêtement. Est-ce que tu l'aimes vraiment ?
Le vacancier passa sa main derrière la nuque, caressant d'un air distrait l'épaisse crinière brune qui retombait sur ses larges pectoraux finement dessinés. Son regard se dirigea au-delà des persiennes, attiré par les bruits extérieurs indiquant que la matinée était déjà bien avancée.
Encore en boxer, il répondit à William tout en farfouillant dans ses affaires à la recherche d'une tenue décente pour l'entraînement.
— J'en sais rien Will'... Il y a quelque chose d'attirant chez lui mais je ne saurais dire quoi. Avec Talion, c'est un amour qui prend naissance en contemplant sa beauté intérieure.
En ce moment, je craquerais plutôt sur Floric... un amour plus basé sur l'apparence physique que sur la profondeur d'âme. C'est marrant mais Talion et Floric se complètent à merveille pour la candidature de l'homme parfait !
— Ecoutes ce que dit ton cœur Cyl'. Je n'ai pas d'autres conseils à te donner. Mis à part « mon » Mikki, tu es l'homme le plus mignon de cette île, tout le monde le sait.
Il y a un proverbe éthéré qui dit: « lorsque deux éthérés tombent amoureux, ils fusionnent jusqu'à leur âme ».
Je n'ai pas eu cette chance mais je n'ai pas à me plaindre et... habilles-toi vite car à te voir ainsi en boxer, je commence à avoir une certaine... comment dire... érection !
Cylian se changea devant William tout en le menaçant d'avertir Mikkos si le jeune anglais s'avisait de lui sauter dessus. Celui-ci lui lança alors une volée d'insultes à laquelle le français répondit à coups d'oreillers !
Quelques minutes plus tard, calmés, ils arrivèrent enfin devant le dojo, qui était en fait un grand hangar jouxtant la demeure. Dès leur entrée, ils assistèrent à un combat entre deux adversaires masqués, les autres participants étant assis en tant que simples spectateurs au bord de l'air de combat remplie de sable.
— Cyl', assieds-toi vite ! intima William, tu vas assister à quelque chose d'extraordinaire entre le maître et son fils, tous deux armés d'un saar.
En effet, le jeune homme reconnut Sofian qui se battait contre son père Cervantès, lui-même aisément identifiable à ses cheveux blancs dépassant de sa combinaison.
Puis le regard de Cylian balaya l'assemblée, espérant y voir le visage de Floric.
Il fut soulagé de constater qu'il était présent.
Malgré tout, il ressentit comme un pincement au cœur en remarquant que le blondinet si enjoué avec lui la veille, ne lui adressait même pas un sourire, visiblement très absorbé par le combat.
Un souffle passa dans ses cheveux. Cervantès commençait l'attaque sur son fils, déplaçant quantité d'air autour de lui.
Cylian en eut la respiration coupée. Le géant se déplaçait comme jamais il n'avait eu l'occasion de le voir chez un étheré. C'est à peine s'il entre-apercevait ses mouvements.
On aurait presque dit qu'il se téléportait...
Sofian para en vain le coup porté par son père et fut projeté en arrière par la violence du choc.
« Comment a-t-il trouvé le moyen de se déplacer aussi vite ? C'est impossible ! » pensa le jeune français.
L'assistance applaudit.
Yliria se leva et félicita les deux adversaires, puis invita les autres participants à regagner l'aire de combat.
— C'est à vous maintenant ! Choisissez votre adversaire !
Les yeux verts de la jeune fille se tournèrent ensuite vers Cylian.
— Bonjour Cyl' , tu es en retard... tu es prêt à commencer l'entraînement ?
Tiens, prends mon saar, il ne te reste plus qu'à trouver ton adversaire...
Une voix se fit entendre, forte et grave:
— Moi !
Un jeune homme masqué et torse nu avança en direction de Cylian.
Ce dernier fut impressionné à la vue des innombrables cicatrices ornant son corps.
William, toujours posté à côté de Cylian, se pencha vers son oreille.
— En tout cas, Talion ne t'a pas oublié depuis la nuit dernière... bonne chance ! Quant à moi, je vais certainement combattre avec Sofian pour éviter de me retrouver avec Valerian. À tout à l'heure.
Sur le côté, Cervantès, Léa et Floric se posaient en spectateurs.
Le cœur gonflé d'espoir, Cylian promena à nouveau son regard vers le frêle ange blond, espérant recueillir un regard, voire même un sourire de sa part qui l'aurait encouragé à se battre.
Il ne fut pas déçu. Le bel Adonis ne le quittait pas des yeux, ses prunelles vertes à peine voilées par quelques mèches blondes luisaient d'impatience de le voir en action et sa bouche s'étirait en un large sourire à son adresse.
L'entraînement débuta sous les injonctions d'Yliria. La jeune fille scandait des ordres d'attaques, repris par les combattants.
— Coup haut ! Coup bas ! Parez !
Raillant la nouvelle recrue au passage.
— Cylian ! Un saar n'est pas un bâton de majorette !
D'emblée, le jeune éthéré sentit qu'il aurait beaucoup de peine à maîtriser les techniques de combat.
Des coups perdus frappèrent Talion, sans que Cylian ne l'ait fait exprès. Des
— Oh pardon, ... Ça, ce n'était pas voulu, ... Je t'ai fait mal ? » fusaient à tout moment.
Après un enchaînement particulièrement maladroit, les deux combattants tombèrent au sol et le beau brun se retrouva sur son adversaire.
Un long silence gêné s'instaura entre les deux garçons.
Cylian, appuyé contre le torse de l'éclaireur, sentait sous ses mains le cœur battant de Talion. Ses cheveux en bataille caressaient de leurs pointes le masque de métal.
— Pardon Talion, je suis tellement désolé d'être un aussi pitoyable partenaire pour toi, chuchota le jeune homme.
— Ce n'est pas grave Cyl' , j'ai confiance en toi. Tu es l'antidote à mes peines, ne l'oublies pas... Tu vas y arriver !
Ayant assisté à la scène, Yliria se frappa le front de la main en maugréant.
— Cylian, tu vas finir par blesser tes ennemis sans le faire exprès et par la même occasion, tes amis !
Rappelés brusquement à l'ordre, les deux jeunes gens se relevèrent aussitôt. La demoiselle n'était pas tendre.
Le malheureux débutant aurait été littéralement démotivé si les fous rires de Floric à son égard ne lui avaient redonné un peu de courage.
A travers le silence de Cylian, Talion sentit le chagrin et l'impuissance.
Lorsque le cours fut fini et que tous les combattants eurent quitté le dojo, il ne resta plus que Cylian et William à l'entrée de la salle. Puis ils se mirent eux aussi en route.
Le jeune anglais observait son ami se trouvant à quelques pas devant lui, le regard vide, fixant le sol.
En quelques petites foulées, il le rejoignit.
— Qu'est-ce qui te tracasse Cyl' ? Est-ce l'entraînement ? Ou des problèmes personnels ?
La réponse fusa.
— Un peu des deux Will', je ne sais pas si j'ai ma place ici et mon esprit a du mal à départager mes sentiments contradictoires ! L'un me dit blanc, l'autre me dit noir !
— Ça va aller. Nous t'aiderons tous. Il te faut du temps, c'est tout ! Tu sais, ce n'est que ton premier jour dans le camp !
— J'espère que tu as raison...
En relevant la tête, il aperçu Sofian et Yliria qui l'attendaient.
C'est le bel hidalgo qui prit la parole en premier.
— Cyl' , tes gestes sont bons mais tu manques de coordination. Par ailleurs, on m'a dit que tu jouais de la guitare, je me trompe ? Je vais m'entraîner seul demain après-midi, ça te dirais de te joindre à moi ? Nous allons tenter une autre technique, tu veux bien essayer ? Je suis sûr qu'avec moi, tu vas faire des progrès.
— Pourquoi pas Sofian ? Mais je ne vois pas en quoi cela va changer.
Le beau ténébreux se passa la main sous son menton et expliqua:
— Laisses-moi faire à ma manière, tu verras... J'avais moi aussi de gros problèmes pour maîtriser les techniques de combats à l'arme blanche, Yliria pourra te le confirmer, jusqu'à ce que je découvre qu'un entraînement sous forme de danse rythmique pouvait me faire énormément évoluer dans la maîtrise des armes.
— Ton problème, continua-t-il, c'est le rythme.
— Je veux bien essayer alors...
— Bien, nous verrons donc ça demain... à plus tard, je vais nager un peu.
Sofian et l'éclaireuse s'apprêtaient à prendre congé d'eux quand Cylian rattrapa la jeune fille par le bras.
— Yliria, attends ! Je dois te demander quelque chose, c'est très important pour moi !
Celle-ci se retourna, la mine interrogative.
— Oui ? Cela concerne ton entraînement ?
— En fait... pas vraiment. Je voulais te parler d'autre chose. Cela concerne un garçon que j'ai connu dans le passé et que tu as rencontré il y a un an, quand tu nous a aidés à combattre un psychique.
Tu vois de qui je parle ? Mon ami s'appelait Toni. Talion m'a dit que tu l'avais revu après ce fameux jour où nous nous sommes rencontrés.
En réponse, la mine grave d'Yliria s'assombrit, puis elle répondit à Cylian après un court instant, les yeux dans ceux du jeune homme.
— C'est Talion qui t'as dit ça, hein ? Tu ferais mieux de faire attention à ce qu'il raconte, il a été lui-même très choqué dans le passé, il perd la tête de temps à autre...
— Yliria, c'est important, je dois savoir !
— Il n'y a rien à savoir ! Toni et moi nous sommes revus... car il voulait me dire qu'il t'aimait, voilà ! Fin de l'histoire ! Je ne sais pas ce qu'il est devenu par la suite.
Maintenant, évite de parler de ceci à Talion. Lui aussi a perdu quelqu'un, alors il vaut mieux s'abstenir de raviver les vieux souvenirs douloureux. Je dois te laisser, à plus tard... et cette fois, n'oublies pas les cours de vol demain matin !
Cylian regarda la jeune fille s'en aller, un profond sentiment d'impuissance s'emparant de lui.
Il n'avait obtenu aucun indice susceptible de lui apporter un semblant de réponse, aucune piste, même infime à suivre, afin de savoir, de comprendre ce qu'il était advenu de son amour.
Quelque chose clochait.
L'éthéré entendit une petite voix dans sa conscience qui lui disait:
— Elle ment... c'est évident !