Cylian ne resta pas longtemps dans sa chambre, honteux que sa mère devine ses goûts amoureux pour les garçons. Le carillon venait de retentir, annonçant sûrement l'arrivée de Camille et de Julien.
Ils devaient certainement arriver en avance pour donner un coup de main à Claire à préparer le dîner.
En se rendant dans le couloir, Cylian embrassa chaleureusement Camille sur les joues, la jeune fille lui demanda comment il se sentait après les quelques jours éprouvants qu'il venait de passer.
— Salut Cylou ! Tu vas bien depuis la dernière fois ? Julien m'a raconté en détail tout votre combat, je suis heureuse que cette histoire ce soit bien finie !
La jeune fille était rayonnante comme à son habitude, faisant transparaître sa bonne humeur sur ses joues rougies par le froid.
Cylian jeta rapidement à coup d'œil à sa tenue très en valeur pour l'occasion : des cheveux attachés en arrière, un long pantalon noir et large lui tombant jusqu'aux pieds avec une veste à fourrure noire également, le tout enrobé dans une fragrance d'un parfum boisé et fleuri qui semblait lui coller à merveille. Camille était décidément bien assortie ce soir avec Julien portant toujours des vêtements de couleurs sombres.
D'ailleurs, il était juste derrière elle, la dépassant facilement d'une tête.
Cylian passa derrière Camille et lui serra la main sans afficher un quelconque sentiment de joie.
Les parents de Cylian accoururent dans l'entrée.
— Salut Julien, salut Camille ! Entonna joyeusement Claire.
— Bonjour Claire, j'espère que toute la petite famille va bien ! s'écria la jeune fille. Si je peux vous aider à faire quoi que ce soit en cuisine n'hésitez pas !
— Si tu te proposes, Camille, je t'enrôle sur le champ ! Viens ! Nous allons discuter entre filles dans la cuisine !
— Et allez, ça va parler mode et chiffon ! railla Sébastien.
La remarque du père de Cylian fit beaucoup rire les deux garçons.
— Quand à nous, nous allons dans ma chambre avant de vous donner un coup de main, nous ne nous sommes pas vu depuis deux jours et nous avons beaucoup de choses à nous dire... n'est ce pas Julien ?
Tout en prononçant ces mots, Cylian avait le regard tourné vers son ami, jugeant attentivement sa réaction du coin de l'œil.
Mais Julien souriait nonchalamment en direction de son père, échangeant leurs opinions sur les résultats sportifs du dernier match de foot ou des derniers potins politiques que tout le monde se plaisait à commenter.
— JU-LIEN ! Grouille !
— Oui oui Cyl' attend ! Je finis de parler avec ton père, nous parlions de l'affaire du premier ministre qui s'est emporté lors du dernier conseil européen, en accusant de corruption le ministre de la santé italien il en a été pour ses frais. Tu en as entendu parler ? Celui-ci était un « maladif », il a projeté sur notre premier ministre un fluide urticaire qui l'a couvert de pustules ! Tu aurais du voir ça ! C'était rediffusé sur la chaîne LC1 !
Il y a aussi cette histoire épique de notre président de la république se téléportant par erreur en plein Groenland alors qu'il devait visiter l'Egypte pour son voyage de noce ! Il s'est retrouvé 20 minutes en plein milieu de la banquise... en chemise et en bermuda ! Il était accompagné de toute une flopée de journalistes partis avec lui La photo a fait le tour de la presse à scandale ! J'étais mort de rire !
Cylian tira son ami par le bras, personnellement il s'en foutait de tel ou tel gus perdu dans la patrie des manchots.
Quand ils rejoignirent la chambre, Cylian ferma la porte et se tourna vers Julien, la mine sévère.
— Julien, pourquoi ne me l'as tu pas dit ? Tu m'as menti depuis le début concernant Yann ! Tu as tout manigancé ! Tout est de ta faute !
— Quoi ? Tu en es toujours à ce combat ?
Julien souriait prenant la discussion sur le ton de la plaisanterie. Il reprit d'un ton léger dans sa voix :
— Mais c'est du passé tout cela, Selenn est juste restée une demi-heure à l'hôpital, le temps de se faire régénérer les tissus de l'épiderme de son bras, elle va bien. Quand à Yann, j'ai appris qu'il s'était fait arrêter le lendemain de notre affrontement, il ne reviendra pas de sitôt !
— Un bracelet qui se désactive tout seul hein ? Laisse moi rire ! Dans votre institut, je sais aussi bien que toi que ce genre d'erreur n'existe pas. Tout est parfaitement surveillé.
Julien cessa de sourire, il se raidit, debout au milieu de la pièce, les bras croisés.
Cinq secondes s'écoulèrent quand il se décida à parler, se déplaçant nerveusement d'un bout à l'autre de la chambre, Cylian ne le quittait pas des yeux comme un rapace observant sa proie.
— Yann ne t'a pas menti. C'est moi qui ait désactivé son bracelet...
— Mais pourquoi ? Tu savais que Yann était dangereux ! C'était comme lâcher un tigre en ouvrant la porte de sa cage dans un zoo bondé de monde !
— Tu as parfaitement raison, mais c'était le seul moyen de l'évincer, de le tenir à l'écart d'un poste aussi important que le sien qui l'aveuglait depuis quelques temps. Depuis l'évocation de la succession de Lexin à la tête de la Guilde et la possibilité pour l'un de nous à prendre sa place, le comportement de Yann a changé. Il est devenu orgueilleux, désagréable, force est de constater que mon ami a bien changé. Je ne supportais plus Yann, il fallait le démettre de ses fonctions coûte que coûte, la décision n'a pas été facile à prendre.
Tu vois, nos pouvoirs sont autorisés à l'institut psy, j'ai donc réussi à manipuler l'esprit d'un agent de la Guilde à son arrivée, chargé de la révision hebdomadaire des bracelets en question, je lui ai donné l'ordre mental de désactiver le bracelet de Yann.
Bien entendu, cette opération était risquée, le timing était très serré mais le jeu en valait la chandelle. Il y a toujours des « inhibiteurs » dans la salle aux bracelets, des personnes qui ont le pouvoir de supprimer nos pouvoirs.
Je savais que sans son bracelet, il péterait vite les plombs et abuserait de son don, il ne me restait qu'à échafauder un plan pour réactiver son bracelet et que les forces de l'ordre viennent gentiment l'arrêter, une fois l'alarme de son bracelet déclenchée.
Ce plan était simple comme bonjour vu mes possibilités à fléchir le plus endurci des esprits, je me suis aidé simplement des psycho-probabilités mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévues.
— Qu'est ce que tu me chantes ? C'est quoi les psycho-probabilités ?
— Quoi les psycho-probabilités ? Ne me dis pas que je ne t'en ai jamais parlé ? Tu n'écoutais pas, comme d'habitude... cela appartient au cercle restreint des psychiques, c'est une de nos nombreuses ressources.
Bon je t'explique... à l'école, vous avez des cours de mathématiques sur les probabilités. Chez nous, c'est pareil.
sauf que nos probabilités ne s'appliquent pas à connaître la chance de gagner au loto sur une infinité de combinaisons... non ! Elles s'appliquent à l'esprit humain !
Grâce aux psycho-probabilités nous pouvons mettre le raisonnement humain en équation et prédire tous ses gestes à l'avance... du moins en théorie, je te rappelle que ce ne sont que des probabilités.
La tête de Cylian se mit à tourner, la seule idée de se voir en petite souris de laboratoire, dont les mouvements étaient analysés et prévus à l'avance lui donnait le vertige il se sentit vaciller.
« De quoi les psychiques étaient ils encore capables ? ».
Néanmoins il se ravisa : le raisonnement de Julien comportait certaines failles.
— Alors si tes psycho-machin-truc s'avèrent infaillibles, pourquoi ton plan a dérapé ? Pourquoi je me suis trouvé embarqué avec Toni et mes amis là dedans ?
— Parce que justement, ce système de calcul possède des brèches, il existe une part aléatoire non calculable, un pourcentage d'erreur non négligeable. Dis moi Cylian, as-tu déjà entendu parler du libre arbitre ?
— Euh oui bien sûr, c'est ce qui fait que nous accomplissons des actes non raisonnés, selon notre instinct où l'humeur du moment.
— Tout à fait. L'être humain possède 3 facteurs qui définissent son caractère :
- L'inné : en venant au monde, l'être humain possède déjà un type de caractère et des prédispositions légués par son matériel génétique, ne dit on pas d'ailleurs qu'un enfant est aussi têtu que son père ?
- Puis vient l'acquis: l'apprentissage, le milieu social et toutes les influences du monde extérieur qui forge le caractère d'un individu.
D'ailleurs chez les animaux non évolués, l'acquis n'existe pratiquement pas. Il est régi par l'instinct alors qu'un chimpanzé apprend à se servir d'une baguette pour creuser une termitière et en sortir les termites qui lui serviront de repas.
- Et j'en viens au plus important : le libre arbitre. C'est le fait que nous accomplissons telle ou telle action sans savoir pourquoi, le libre arbitre est un raisonnement chaotique, non influencé par l'inné et l'acquis.
Je te donne un exemple simple, tu vas comprendre : une personne rencontre une autre personne dans la rue pour lui donner un prospectus, on peut prédire si la première va accepter ou refuser, à moins... que le libre arbitre fait qu'il décide subitement de changer de trottoir !
— Bon et alors ? C'est bien joli tout ça, mais ça ne m'explique pas ce que je viens faire dans tout ça moi !
— Justement ! C'est la proportion du libre arbitre qui a faussé mon plan, Cylian. Celui de Yann a faussé les résultats. Les psycho-probabilités que Yann abuse de son pouvoir pour servir des fins personnelles sans son bracelet étaient de 95 %, obliger quelques personnes à lui obéir en les menaçant par le chantage comme les deux incandescents était prévu, tout comme la probabilité qu'avait Yann de demander à Selenn de s'allier avec lui, celle ci elle était de 83%, mais que Selenn refuse sa proposition... 72% de chance.
— Pour arrêter Yann, mon plan initial était de convaincre Selenn de me rejoindre, il ne devait y avoir que nous deux ! Elle aurait dragué à nouveau Yann et ils se seraient remis ensemble, jusqu'à ce que Selenn en profite pour réactiver son bracelet avec la clé d'activation.
Fin de la partie : Game over pour Yann.
J'avais prévu qu'il me fasse du chantage et être ainsi obligé à le servir, sauf que... la personne visée était Camille selon mes estimations.
Je doit t'avouer que j'ai trompé Camille un soir avec une fille, bien sûr, c'était sur un coup de folie, je pense que Yann l'avait deviné, il aurait très bien pu se servir de cela.
Bien sûr, j'ai étudié le fait qu'il te menace toi, la probabilité était minime : 13 %, chiffre porte-malheur selon certains. En effet, j'ai malheureusement minimisé cette possibilité et c'est là que tu es rentré dans l'équation Cylian... bien malgré toi.
Cylian était resté pantois devant toutes ces affirmations. Néanmoins, il répliqua sèchement :
— Bravo monsieur le « j'ai-tout-prévu » ! Je comprends pourquoi ton plan me semblait élaboré longtemps à l'avance quand tu nous en a fait part. Cela me semblait trop facile ! Quand tu t'es rendu compte qu'il m'avait menacé, tu as du changer tes projets et m'inclure avec Selenn et tout les autres.
Alors... dis moi pourquoi Selenn ne s'est pas dépêché de lui faire de l'œil et d'insérer la clé afin d'empêcher cette bataille ?
— Impossible ! Il n'y avait pas d'autres alternatives car il fallait attendre quelques jours pour permettre à Selenn d'agir seule, le temps d'avoir la confiance retrouvée de Yann. Selon les psycho-probabilités, tout indiquait qu'il aurait été très méfiant au début, avec Selenn revenant subitement dans ses bras.
D'ici là, il se serait acharné sur toi et t'aurait fait beaucoup de mal.
Julien s'approcha de Cylian.
— Voilà toute l'histoire Cyl'. J'ai rattrapé les évènements comme j'ai pu, je ne te demande pas de me pardonner. Je ne le mérite pas envers un être aussi exceptionnel que toi. J'ai trahi ta confiance et je ne pourrai jamais me le faire pardonner.
Cylian baissa les yeux vers ses pieds, la tête remplie de contradictions qui se bousculaient les unes aux autres.
Finalement, il s'écroula, épuisé par toutes ses réflexions sur son lit et répondit à Julien :
— L'essentiel est que tu as pu rattraper tes erreurs... Nous en faisons tous, mais tu as le défaut d'être trop manipulateur Julien, même envers tes amis. Je te remercie quand même pour ta franchise même si je ne sais pas si je te pardonnerai un jour d'avoir entraîné Toni et les autres dans cette histoire.
Il ajouta :
— Je veux que tu leur en parle !
— Bien sûr Cyl', tu as raison, je crois qu'ils doivent savoir toute la vérité, même si je dois en assumer les conséquences, je leur dois bien ça !
Le carillon résonna à nouveau, mettant fin à la discussion.
— Ce doit être Toni, je vais l'accueillir répondit Cylian.
Ils devaient certainement arriver en avance pour donner un coup de main à Claire à préparer le dîner.
En se rendant dans le couloir, Cylian embrassa chaleureusement Camille sur les joues, la jeune fille lui demanda comment il se sentait après les quelques jours éprouvants qu'il venait de passer.
— Salut Cylou ! Tu vas bien depuis la dernière fois ? Julien m'a raconté en détail tout votre combat, je suis heureuse que cette histoire ce soit bien finie !
La jeune fille était rayonnante comme à son habitude, faisant transparaître sa bonne humeur sur ses joues rougies par le froid.
Cylian jeta rapidement à coup d'œil à sa tenue très en valeur pour l'occasion : des cheveux attachés en arrière, un long pantalon noir et large lui tombant jusqu'aux pieds avec une veste à fourrure noire également, le tout enrobé dans une fragrance d'un parfum boisé et fleuri qui semblait lui coller à merveille. Camille était décidément bien assortie ce soir avec Julien portant toujours des vêtements de couleurs sombres.
D'ailleurs, il était juste derrière elle, la dépassant facilement d'une tête.
Cylian passa derrière Camille et lui serra la main sans afficher un quelconque sentiment de joie.
Les parents de Cylian accoururent dans l'entrée.
— Salut Julien, salut Camille ! Entonna joyeusement Claire.
— Bonjour Claire, j'espère que toute la petite famille va bien ! s'écria la jeune fille. Si je peux vous aider à faire quoi que ce soit en cuisine n'hésitez pas !
— Si tu te proposes, Camille, je t'enrôle sur le champ ! Viens ! Nous allons discuter entre filles dans la cuisine !
— Et allez, ça va parler mode et chiffon ! railla Sébastien.
La remarque du père de Cylian fit beaucoup rire les deux garçons.
— Quand à nous, nous allons dans ma chambre avant de vous donner un coup de main, nous ne nous sommes pas vu depuis deux jours et nous avons beaucoup de choses à nous dire... n'est ce pas Julien ?
Tout en prononçant ces mots, Cylian avait le regard tourné vers son ami, jugeant attentivement sa réaction du coin de l'œil.
Mais Julien souriait nonchalamment en direction de son père, échangeant leurs opinions sur les résultats sportifs du dernier match de foot ou des derniers potins politiques que tout le monde se plaisait à commenter.
— JU-LIEN ! Grouille !
— Oui oui Cyl' attend ! Je finis de parler avec ton père, nous parlions de l'affaire du premier ministre qui s'est emporté lors du dernier conseil européen, en accusant de corruption le ministre de la santé italien il en a été pour ses frais. Tu en as entendu parler ? Celui-ci était un « maladif », il a projeté sur notre premier ministre un fluide urticaire qui l'a couvert de pustules ! Tu aurais du voir ça ! C'était rediffusé sur la chaîne LC1 !
Il y a aussi cette histoire épique de notre président de la république se téléportant par erreur en plein Groenland alors qu'il devait visiter l'Egypte pour son voyage de noce ! Il s'est retrouvé 20 minutes en plein milieu de la banquise... en chemise et en bermuda ! Il était accompagné de toute une flopée de journalistes partis avec lui La photo a fait le tour de la presse à scandale ! J'étais mort de rire !
Cylian tira son ami par le bras, personnellement il s'en foutait de tel ou tel gus perdu dans la patrie des manchots.
Quand ils rejoignirent la chambre, Cylian ferma la porte et se tourna vers Julien, la mine sévère.
— Julien, pourquoi ne me l'as tu pas dit ? Tu m'as menti depuis le début concernant Yann ! Tu as tout manigancé ! Tout est de ta faute !
— Quoi ? Tu en es toujours à ce combat ?
Julien souriait prenant la discussion sur le ton de la plaisanterie. Il reprit d'un ton léger dans sa voix :
— Mais c'est du passé tout cela, Selenn est juste restée une demi-heure à l'hôpital, le temps de se faire régénérer les tissus de l'épiderme de son bras, elle va bien. Quand à Yann, j'ai appris qu'il s'était fait arrêter le lendemain de notre affrontement, il ne reviendra pas de sitôt !
— Un bracelet qui se désactive tout seul hein ? Laisse moi rire ! Dans votre institut, je sais aussi bien que toi que ce genre d'erreur n'existe pas. Tout est parfaitement surveillé.
Julien cessa de sourire, il se raidit, debout au milieu de la pièce, les bras croisés.
Cinq secondes s'écoulèrent quand il se décida à parler, se déplaçant nerveusement d'un bout à l'autre de la chambre, Cylian ne le quittait pas des yeux comme un rapace observant sa proie.
— Yann ne t'a pas menti. C'est moi qui ait désactivé son bracelet...
— Mais pourquoi ? Tu savais que Yann était dangereux ! C'était comme lâcher un tigre en ouvrant la porte de sa cage dans un zoo bondé de monde !
— Tu as parfaitement raison, mais c'était le seul moyen de l'évincer, de le tenir à l'écart d'un poste aussi important que le sien qui l'aveuglait depuis quelques temps. Depuis l'évocation de la succession de Lexin à la tête de la Guilde et la possibilité pour l'un de nous à prendre sa place, le comportement de Yann a changé. Il est devenu orgueilleux, désagréable, force est de constater que mon ami a bien changé. Je ne supportais plus Yann, il fallait le démettre de ses fonctions coûte que coûte, la décision n'a pas été facile à prendre.
Tu vois, nos pouvoirs sont autorisés à l'institut psy, j'ai donc réussi à manipuler l'esprit d'un agent de la Guilde à son arrivée, chargé de la révision hebdomadaire des bracelets en question, je lui ai donné l'ordre mental de désactiver le bracelet de Yann.
Bien entendu, cette opération était risquée, le timing était très serré mais le jeu en valait la chandelle. Il y a toujours des « inhibiteurs » dans la salle aux bracelets, des personnes qui ont le pouvoir de supprimer nos pouvoirs.
Je savais que sans son bracelet, il péterait vite les plombs et abuserait de son don, il ne me restait qu'à échafauder un plan pour réactiver son bracelet et que les forces de l'ordre viennent gentiment l'arrêter, une fois l'alarme de son bracelet déclenchée.
Ce plan était simple comme bonjour vu mes possibilités à fléchir le plus endurci des esprits, je me suis aidé simplement des psycho-probabilités mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévues.
— Qu'est ce que tu me chantes ? C'est quoi les psycho-probabilités ?
— Quoi les psycho-probabilités ? Ne me dis pas que je ne t'en ai jamais parlé ? Tu n'écoutais pas, comme d'habitude... cela appartient au cercle restreint des psychiques, c'est une de nos nombreuses ressources.
Bon je t'explique... à l'école, vous avez des cours de mathématiques sur les probabilités. Chez nous, c'est pareil.
sauf que nos probabilités ne s'appliquent pas à connaître la chance de gagner au loto sur une infinité de combinaisons... non ! Elles s'appliquent à l'esprit humain !
Grâce aux psycho-probabilités nous pouvons mettre le raisonnement humain en équation et prédire tous ses gestes à l'avance... du moins en théorie, je te rappelle que ce ne sont que des probabilités.
La tête de Cylian se mit à tourner, la seule idée de se voir en petite souris de laboratoire, dont les mouvements étaient analysés et prévus à l'avance lui donnait le vertige il se sentit vaciller.
« De quoi les psychiques étaient ils encore capables ? ».
Néanmoins il se ravisa : le raisonnement de Julien comportait certaines failles.
— Alors si tes psycho-machin-truc s'avèrent infaillibles, pourquoi ton plan a dérapé ? Pourquoi je me suis trouvé embarqué avec Toni et mes amis là dedans ?
— Parce que justement, ce système de calcul possède des brèches, il existe une part aléatoire non calculable, un pourcentage d'erreur non négligeable. Dis moi Cylian, as-tu déjà entendu parler du libre arbitre ?
— Euh oui bien sûr, c'est ce qui fait que nous accomplissons des actes non raisonnés, selon notre instinct où l'humeur du moment.
— Tout à fait. L'être humain possède 3 facteurs qui définissent son caractère :
- L'inné : en venant au monde, l'être humain possède déjà un type de caractère et des prédispositions légués par son matériel génétique, ne dit on pas d'ailleurs qu'un enfant est aussi têtu que son père ?
- Puis vient l'acquis: l'apprentissage, le milieu social et toutes les influences du monde extérieur qui forge le caractère d'un individu.
D'ailleurs chez les animaux non évolués, l'acquis n'existe pratiquement pas. Il est régi par l'instinct alors qu'un chimpanzé apprend à se servir d'une baguette pour creuser une termitière et en sortir les termites qui lui serviront de repas.
- Et j'en viens au plus important : le libre arbitre. C'est le fait que nous accomplissons telle ou telle action sans savoir pourquoi, le libre arbitre est un raisonnement chaotique, non influencé par l'inné et l'acquis.
Je te donne un exemple simple, tu vas comprendre : une personne rencontre une autre personne dans la rue pour lui donner un prospectus, on peut prédire si la première va accepter ou refuser, à moins... que le libre arbitre fait qu'il décide subitement de changer de trottoir !
— Bon et alors ? C'est bien joli tout ça, mais ça ne m'explique pas ce que je viens faire dans tout ça moi !
— Justement ! C'est la proportion du libre arbitre qui a faussé mon plan, Cylian. Celui de Yann a faussé les résultats. Les psycho-probabilités que Yann abuse de son pouvoir pour servir des fins personnelles sans son bracelet étaient de 95 %, obliger quelques personnes à lui obéir en les menaçant par le chantage comme les deux incandescents était prévu, tout comme la probabilité qu'avait Yann de demander à Selenn de s'allier avec lui, celle ci elle était de 83%, mais que Selenn refuse sa proposition... 72% de chance.
— Pour arrêter Yann, mon plan initial était de convaincre Selenn de me rejoindre, il ne devait y avoir que nous deux ! Elle aurait dragué à nouveau Yann et ils se seraient remis ensemble, jusqu'à ce que Selenn en profite pour réactiver son bracelet avec la clé d'activation.
Fin de la partie : Game over pour Yann.
J'avais prévu qu'il me fasse du chantage et être ainsi obligé à le servir, sauf que... la personne visée était Camille selon mes estimations.
Je doit t'avouer que j'ai trompé Camille un soir avec une fille, bien sûr, c'était sur un coup de folie, je pense que Yann l'avait deviné, il aurait très bien pu se servir de cela.
Bien sûr, j'ai étudié le fait qu'il te menace toi, la probabilité était minime : 13 %, chiffre porte-malheur selon certains. En effet, j'ai malheureusement minimisé cette possibilité et c'est là que tu es rentré dans l'équation Cylian... bien malgré toi.
Cylian était resté pantois devant toutes ces affirmations. Néanmoins, il répliqua sèchement :
— Bravo monsieur le « j'ai-tout-prévu » ! Je comprends pourquoi ton plan me semblait élaboré longtemps à l'avance quand tu nous en a fait part. Cela me semblait trop facile ! Quand tu t'es rendu compte qu'il m'avait menacé, tu as du changer tes projets et m'inclure avec Selenn et tout les autres.
Alors... dis moi pourquoi Selenn ne s'est pas dépêché de lui faire de l'œil et d'insérer la clé afin d'empêcher cette bataille ?
— Impossible ! Il n'y avait pas d'autres alternatives car il fallait attendre quelques jours pour permettre à Selenn d'agir seule, le temps d'avoir la confiance retrouvée de Yann. Selon les psycho-probabilités, tout indiquait qu'il aurait été très méfiant au début, avec Selenn revenant subitement dans ses bras.
D'ici là, il se serait acharné sur toi et t'aurait fait beaucoup de mal.
Julien s'approcha de Cylian.
— Voilà toute l'histoire Cyl'. J'ai rattrapé les évènements comme j'ai pu, je ne te demande pas de me pardonner. Je ne le mérite pas envers un être aussi exceptionnel que toi. J'ai trahi ta confiance et je ne pourrai jamais me le faire pardonner.
Cylian baissa les yeux vers ses pieds, la tête remplie de contradictions qui se bousculaient les unes aux autres.
Finalement, il s'écroula, épuisé par toutes ses réflexions sur son lit et répondit à Julien :
— L'essentiel est que tu as pu rattraper tes erreurs... Nous en faisons tous, mais tu as le défaut d'être trop manipulateur Julien, même envers tes amis. Je te remercie quand même pour ta franchise même si je ne sais pas si je te pardonnerai un jour d'avoir entraîné Toni et les autres dans cette histoire.
Il ajouta :
— Je veux que tu leur en parle !
— Bien sûr Cyl', tu as raison, je crois qu'ils doivent savoir toute la vérité, même si je dois en assumer les conséquences, je leur dois bien ça !
Le carillon résonna à nouveau, mettant fin à la discussion.
— Ce doit être Toni, je vais l'accueillir répondit Cylian.