20-01-2023, 10:52 PM
Les mots de janvier,
Iconoclaste
Cantatrice
Rastaquouère
Australopithèque
Dithyrambique
Jactance
Galimatias
Heimatlos
Infundibuliforme
Noctiluque
Voici "Le Gendre du rastaquouère",
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
C'était un Rastaquouère de la plus belle eau, ce grand bonhomme couvert de breloques, bagues à tous les doigts et montre de super-riche, et qui s'exprimait si fort que les autres clients du Grand finale, vaste et chic brasserie sise en face de l'Opéra, n'en rataient rien.
Sa Jactance s'exprimait en un Galimatias mêlé de français, certes, mais fortement mâtiné de brésilien, sans doute... M'enfin, on pouvait comprendre que l'essentiel de son propos était une louange Dithyrambique de la Cantatrice qui venait de triompher ce soir à l'Opéra.
Il était entouré d'une huitaine d'hommes et femmes de la même farine, si moins bruyants. Et ce que Valérian put voir aussi, de sa place, était qu'il se penchait régulièrement vers son voisin, un jeune homme pâle et tranchant sur les autres par la classe et la sobriété de sa mise : pas de bagues ni de bijoux ! Si ce n'était une petite chose Infundibuliforme accrochée au revers de sa redingote, et d'où sortaient des violettes, manifestement.
À chaque fois que le gros bonhomme lui disait quelque chose, ce garçon tapotait fébrilement sur son portable : un genre de secrétaire, pensa Valérian. Que cette tapageuse société amusait, au fond. Il venait lui aussi d'assister au triomphe de cette nouvelle chanteuse, et était en joie.
Accompagné de François et Susanna, un couple d'amis, il sirotait une grande bière belge... tandis qu'à côté, on sablait le champagne, avec force décibels.
Il arriva que son regard croisât celui du jeune homme, et s'y attarda un instant. Il crut alors déceler un sourire sur les lèvres de ce frêle garçon, dont le physique et l'allure étaient tout le contraire de ceux de son patron...
Son regard n'échappa pas à Susanna :
— Ça y est : Valérian est amoureux ! s'exclama-t-elle. Mais ce soir, ça risque d'être dur, car ton mecton est pas d'ici, selon toute apparence...
Or le minet — vingt-deux ans, sans doute, comme Valérian — se leva et passa près de la table, en direction des toilettes, non sans regarder Valérian droit dans les yeux. Valérian rougit violemment : c'était un timide, çui-là !
— Debout ! ordonna Susanna, t'y vas, et vite !
— Pas envie de pisser... gémit Valérian.
— Mais lui non plus, idiot ! Allez !
Valérian se transporta donc aux toilettes... où le garçon lui tint d'ailleurs la porte. Comme supposé par Susanna, il ne fit que se laver les mains... Valérian en fit autant à côté, et l'on se sourit dans le vaste miroir.
Valérian eut un petit choc au cœur : il était magnifique, ce garçon-là. Sud-américain, sans doute, mais rien d'un rastaquouère ! Il était la classe même ; et ce n'étaient pas ses sublimes yeux bleus sous ses boucles brunes qui diraient le contraire ! Et ses violettes dans leur petit étui d'argent !...
— Nous sommes sans doute un peu bruyants, je crois, commença le garçon.
— Oh J'ai cru comprendre que vous avez apprécié la représentation... comme moi, d'ailleurs, car j'y étais.
— Je le sais... Je vous y ai vu. Vous aimez l'opéra, donc...
— Oui, j'en suis fan, même.
— J'aimerais en parler avec vous. Prenez ça, s'il vous plaît, dit le jeune homme en tendant une carte à Valérian.
— Oh ! Je n'en ai pas, moi...
— Contactez-moi, si cela vous dit. Je dois y aller, là. Merci de votre en gentillesse. Je suis Manoel.
— Valérian.
— À très bientôt, j'espère !
Les mains séchées, on retourna dans la salle, et Manoel fit un discret signe de la main à Valérian avant de rejoindre les siens.
— Il m'avait déjà repéré à l'Opéra... fit Valérian.
— La suite ! souffla Susanna, surexcitée.
— J'ai sa carte.
— Alors tu lui écris tout de suite ! Il est comment, de près ? T'as vu sa quéquette ?
— Stop, stop ! Non... On s'est juste lavé les mains... comme t'avais dit. Il est sublime, c'est tout.
— Bon ! Maintenant tu lui écris pour lui dire que t'es libre nuit et jour tout le temps de son séjour ici, hop !
Valérian ne contesta pas l'ordre, car il savait bien que Susanna était dans le vrai. Il envoya donc un petit message... et un fin sourire comme un léger signe de tête lui en confirmèrent la réception.
Alors il prit une vaste lampée de bière fraîche... pour se désétourdir... ou au contraire ? Lui qui était si timide que jamais il n'arrivait à ses fins, lui qui était persuadé de tout rater jusqu'à la fin de ses jours... voilà qu'une authentique merveille le regardait !
L'Hôtel de Paris et de l'Opéra, sis non loin, était un palace, tout bonnement. Et c'est au bar d'iceluy qu'il avait rendez-vous dès onze heures, le lendemain. Manoel y parut à la seconde précise, et commanda du champagne, accompagné d'amuse-gueule.
— Tu as dû — si je peux te tutoyer ? — te demander quel était l'Australopithèque qui pérorait sur la chanteuse, hier soir... C'est une grande gueule, mais il est gentil comme tout.
— C'est ton patron ?
— Oui, d'une certaine façon. Il en fait souvent trop, mais c'est aussi souvent amusant. C'est un homme d'affaires plutôt influent chez nous.
— Mais toi... pourquoi t'as aucun accent ?
— Oh... Ma mère... Ma mère était française... et elle est morte il y a un an. Elle était... professeure de fac, et écrivaine aussi, et...
— Chut ! souffla Valérian en prenant la main du garçon sur la table... qui la retira après quelques secondes.
— Soyons discrets... ici, s'il te plaît. Je vais... Oh ! Je vais te prendre une chambre ici, voilà. Dans l'aile opposée, on sera tranquilles.
— Mais... balbutia Valérian, qu'est-ce que tu dis, là ?
— J'ai les moyens de le faire... et pas les moyens de vivre des moments comme celui-ci au Brésil. Où je me sens un peu... Heimatlos, entre mes deux familles. S'il te plaît !...
Baba, le Valérian ! Telle aventure n'arrivait, selon lui, que dans les romans-feuilletons du XIXème ! Il se laissa donc faire ; Manoel fit venir un employé et commanda donc une chambre... pour deux semaines !
— Mais... gémit Valérian, je... je dois aller à la fac, moi !
— Tu vas me donner tes horaires complets, et on s'arrangera. Là, je suis libre, et on va se faire monter la bouteille... et de quoi manger. Et on va dans ta chambre, hop !
Un sourire de Manoel l'incita à finir sa coupe, et l'on quitta les fauteuils confortables du bar. Valérian se dit que c'était bien le moins, pour le secrétaire privé d'un homme d'affaires d'envergure, que d'être aussi efficace...
— J'ai l'impression d'avoir été un peu rapide, et directif, dit le garçon dans l'ascenseur. Mais... je ne veux rien rater, tu sais ? Bien sûr, tu pars en courant dès que tu veux !
Valérian n'en avait pas l'immédiate intention, non !
On entrait dans la chambre quand un employé apporta les amuse-gueule commandés par Manoel.
Valérian se crut dans une pièce de la fin du XIXème, où il tenait le rôle de la cocotte... mais Manoel n'avait rien du vieux beau, il s'en fallait de beaucoup !
Et ce qu'on venait d'apporter n'était pas du surgelé réchauffé à la hâte ! Bref, il se laissa étourdir par cette étrange ambiance. Où l'on parla, beaucoup, et doucement...
Pas de vif débat, pas de prise de position Iconoclaste, pas d'extravagance non plus ! Il parut qu'on était sur la même longueur d'ondes, ou voisine, en tout...
Au point que Valérian se demanda finalement ce qu'un mec de cette intelligence, et de cette classe, faisait comme secrétaire d'un rastaquouère de ce tonneau-là...
Lorsqu'on eut terminé la dînette, il y avait encore du champagne... et l'on ne s'en priva pas. Mais la conversation était si dense qu'on laissa filer le temps. Enfin, Manoel proposa, avec un adorable sourire :
— Voudrais-tu des douceurs, maintenant ?
— Oh... fit Valérian en rougissant, mais...
Manoel comprit la gêne du garçon et éclata de rire :
— Oui, ce que tu penses, et ce que je pensais ! Ah ! Ah !
Le joli rire clair du garçon tranchait sur son sérieux habituel... et Valérian en fut intensément touché.
— On commande des gâteaux... avant les gâteries ? fit malicieusement Manoel.
Ainsi fut fait. Mais Manoel pria Valérian de le rejoindre sur le beau sofa Louis XV, et l'on échangea les petits fours par moitiés, mordant facétieusement dedans, avant de les fourrer dans la bouche de l'autre... en y ajoutant ses doigts.
Le champagne, ces petits jeux, et le rire désormais omniprésent du beau Brésilien avaient dès longtemps conquis un Valérian qui se croyait dans un rêve...
La suite ne se peut décrire sans indécence : ces garçons s'aimèrent du mieux qu'il est possible. Et ma foi, ça les regarde. Ce qui nous regarde, nous, est que Valérian fut bien retourné (au propre et au figuré) après cette édifiante soirée !
Car il avait l'air du dernier sérieux, le secrétaire du rastaquouère... et qu'il était tenté d'y croire ce Valérian qui n'avait rien connu, ou presque.
Au matin, Manoel déclara :
— Tu sais que tu as les yeux Noctiluque ?
— Pardon ?
— Qui brillent dans la nuit.
— Mais je ferme les yeux, quand je dors !
— Alors c'est ton âme, qui est noctiluque.
— Mais... Manoel... t'es fou, non ?
— Dans le monde entier, on dit que la France est le pays de l'amour... et c'y serait un crime ?
Baba, Valérian s'abandonna aux caresses d'un Manoel qui ne ménagea pas sa peine.
Les jours suivants furent du même tonneau : muni des exigences universitaires de Valérian, Manoel établit vite fait un programme à la minute près, et Valérian dut suivre le nuage sur lequel il se croyait...
Consultée sur ce point, Susanna répondit avec fermeté :
— Profite de tout ce que ton amoureux t'offre ! Tu ne sais pas l'avenir ! Aime-le autant qu'il t'aime, même si ça ne doit pas durer... Éclate-toi un max !
On parla, avec Manoel, beaucoup et beaucoup. Et bien sûr, on passa des nuits dans le studio de Valérian.
Ici ou là, la fine beauté velue de Manoel fit les délices d'un Valérian toujours ivre des charmes de ce fin garçon.
On faisait l'amour sans restriction, dès qu'on se retrouvait, au gré des horaires d'un Valérian... qui finit par rater plus de cours que prévu !
Mais les meilleurs choses ont une fin, et les deux semaines offertes par Manoel durent bien s'achever...
L'avant-dernier jour, Valérian fut emmené par Manoel en un autre endroit de l'Hôtel de Paris et de l'Opéra.
On entra dans un vaste salon Louis XVI où le champagne attendait paisiblement dans son seau. Pas longtemps, d'ailleurs, car un employé vint servir ces jeunes Messieurs.
Où l'on trinqua, sans que Valérian osât demander quoi que ce fût. Manoel ne disait rien, lui, qui souriait aussi gentiment qu'à l'accoutumée — car il souriait tout le temps, ce garçon que Valérian avait cru si sérieux, au Grand finale, à peine deux semaines plus tôt !
Soudain s'ouvrit brutalement la porte de communication avec la chambre voisine, et parut l'immense rastaquouère, paré de tous ses bijoux.
Saisi, Valérian regarda Manoel, qui lui fit signe de se lever, se levant aussi... pour venir se placer à côté de lui.
— Tiens, tiens, tiens ! fit le rastaquouère avec son rude accent, c'est donc vous le nommé Valérian ?
— Mais... Euh... Oui, Monsieur ! balbutia Valérian, terrorisé.
— Donc... le Valérian qui a rendu le sourire à mon fils ?
— Mais... Mais... bégaya Valérian, au comble de la terreur.
— Oui, Papa, c'est lui, Valérian, dit alors Manoel.
— Dans mes bras, mon second fils, tonitrua le rastaquouère, dans mes bras !
Valérian fut alors écrasé sur le vaste et rude poitrail du Brésilien, qui ajouta :
— Depuis le départ de ma chère Joséphine, sa maman, il pleurait tous les jours, et là, toi, tu lui as rendu le sourire. Il m'a dit que...
— Papa ! cria Manoel.
— Pardon, pardon ! Valérian, ne laisse plus jamais pleurer mon fils, tu me le promets ?
— Euh... Oui, oui !
— Il m'a dit que tu avais aimé ma diva préférée : c'est vrai, ça ?
— Oui, je, je...
— Papa, lâche-le, maintenant ! intervint Manoel.
— Ah oui ! Alors, ma diva ?
— Oui, j'en suis un fan aussi, Monsieur.
— Dans mes bras !
— Nooon ! cria Manoel, Papa !
— Ah oui ! Oui ! Bon, il faut causer. Chez nous, au Brésil, on peut épouser son amoureux... et il paraît qu'en France aussi. Donc je te prends pour gendre... sur les conseils de mon fils, en qui j'ai confiance absolue.
— Maiiis... bêla Valérian.
— Bon, c'est dit. J'ai du boulot pour toi, mon gendre : je veux établir un bureau pour mes affaires à Paris, et Manoel m'a dit que tu y serais parfait. Donc on s'organise, vous vous mariez dans l'Hôtel de ville, évidemment, et hop ! Vous ouvrez mon bureau, et vous me faites devenir milliardaire en euros... C'est pas difficile, ça ?
Saisi, Valérian regarda Manoel qui resta un instant sérieux, avant d 'exploser de rire.
— On t'enlève pas, Valérian, non ! J'ai juste dit à Papa que... ben... que je t'aimais, tiens... et il a trouvé ça bien.
Où Valérian fondit en larmes. Papa vint le prendre en ses bras, doucement. Qui dit, avec son inimitable accent :
— Tu pleures pas, mon gendre. Si tu veux pas de nous...
— Siii ! gémit Valérian.
— Demain, t'iras avec Manoel voir l'appartement que je vous ai acheté, d'accord ? J'veux que tu l'aimes... pas l'appartement, non ! Mais mon Manoel, ça oui ! Oh, j'ai trop parlé... Filez, les garçons !
Chez Valérian, il y eut un long épisode de larmes. Puis on fit l'amour avec une rare énergie, et... il fallut bien se dire qu'on s'aimait.
Papa rastaquouère savait ce qu'il voulait, et les garçons n'eurent qu'à bien se tenir... ce qui ne leur coûta guère, en vérité. Un an plus tard, alors que le bureau de Papa commençait à bien marcher, on se maria donc à l'Hôtel de ville de Paris... car Papa avait des relations.
Iconoclaste
Cantatrice
Rastaquouère
Australopithèque
Dithyrambique
Jactance
Galimatias
Heimatlos
Infundibuliforme
Noctiluque
Voici "Le Gendre du rastaquouère",
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
C'était un Rastaquouère de la plus belle eau, ce grand bonhomme couvert de breloques, bagues à tous les doigts et montre de super-riche, et qui s'exprimait si fort que les autres clients du Grand finale, vaste et chic brasserie sise en face de l'Opéra, n'en rataient rien.
Sa Jactance s'exprimait en un Galimatias mêlé de français, certes, mais fortement mâtiné de brésilien, sans doute... M'enfin, on pouvait comprendre que l'essentiel de son propos était une louange Dithyrambique de la Cantatrice qui venait de triompher ce soir à l'Opéra.
Il était entouré d'une huitaine d'hommes et femmes de la même farine, si moins bruyants. Et ce que Valérian put voir aussi, de sa place, était qu'il se penchait régulièrement vers son voisin, un jeune homme pâle et tranchant sur les autres par la classe et la sobriété de sa mise : pas de bagues ni de bijoux ! Si ce n'était une petite chose Infundibuliforme accrochée au revers de sa redingote, et d'où sortaient des violettes, manifestement.
À chaque fois que le gros bonhomme lui disait quelque chose, ce garçon tapotait fébrilement sur son portable : un genre de secrétaire, pensa Valérian. Que cette tapageuse société amusait, au fond. Il venait lui aussi d'assister au triomphe de cette nouvelle chanteuse, et était en joie.
Accompagné de François et Susanna, un couple d'amis, il sirotait une grande bière belge... tandis qu'à côté, on sablait le champagne, avec force décibels.
Il arriva que son regard croisât celui du jeune homme, et s'y attarda un instant. Il crut alors déceler un sourire sur les lèvres de ce frêle garçon, dont le physique et l'allure étaient tout le contraire de ceux de son patron...
Son regard n'échappa pas à Susanna :
— Ça y est : Valérian est amoureux ! s'exclama-t-elle. Mais ce soir, ça risque d'être dur, car ton mecton est pas d'ici, selon toute apparence...
Or le minet — vingt-deux ans, sans doute, comme Valérian — se leva et passa près de la table, en direction des toilettes, non sans regarder Valérian droit dans les yeux. Valérian rougit violemment : c'était un timide, çui-là !
— Debout ! ordonna Susanna, t'y vas, et vite !
— Pas envie de pisser... gémit Valérian.
— Mais lui non plus, idiot ! Allez !
Valérian se transporta donc aux toilettes... où le garçon lui tint d'ailleurs la porte. Comme supposé par Susanna, il ne fit que se laver les mains... Valérian en fit autant à côté, et l'on se sourit dans le vaste miroir.
Valérian eut un petit choc au cœur : il était magnifique, ce garçon-là. Sud-américain, sans doute, mais rien d'un rastaquouère ! Il était la classe même ; et ce n'étaient pas ses sublimes yeux bleus sous ses boucles brunes qui diraient le contraire ! Et ses violettes dans leur petit étui d'argent !...
— Nous sommes sans doute un peu bruyants, je crois, commença le garçon.
— Oh J'ai cru comprendre que vous avez apprécié la représentation... comme moi, d'ailleurs, car j'y étais.
— Je le sais... Je vous y ai vu. Vous aimez l'opéra, donc...
— Oui, j'en suis fan, même.
— J'aimerais en parler avec vous. Prenez ça, s'il vous plaît, dit le jeune homme en tendant une carte à Valérian.
— Oh ! Je n'en ai pas, moi...
— Contactez-moi, si cela vous dit. Je dois y aller, là. Merci de votre en gentillesse. Je suis Manoel.
— Valérian.
— À très bientôt, j'espère !
Les mains séchées, on retourna dans la salle, et Manoel fit un discret signe de la main à Valérian avant de rejoindre les siens.
— Il m'avait déjà repéré à l'Opéra... fit Valérian.
— La suite ! souffla Susanna, surexcitée.
— J'ai sa carte.
— Alors tu lui écris tout de suite ! Il est comment, de près ? T'as vu sa quéquette ?
— Stop, stop ! Non... On s'est juste lavé les mains... comme t'avais dit. Il est sublime, c'est tout.
— Bon ! Maintenant tu lui écris pour lui dire que t'es libre nuit et jour tout le temps de son séjour ici, hop !
Valérian ne contesta pas l'ordre, car il savait bien que Susanna était dans le vrai. Il envoya donc un petit message... et un fin sourire comme un léger signe de tête lui en confirmèrent la réception.
Alors il prit une vaste lampée de bière fraîche... pour se désétourdir... ou au contraire ? Lui qui était si timide que jamais il n'arrivait à ses fins, lui qui était persuadé de tout rater jusqu'à la fin de ses jours... voilà qu'une authentique merveille le regardait !
L'Hôtel de Paris et de l'Opéra, sis non loin, était un palace, tout bonnement. Et c'est au bar d'iceluy qu'il avait rendez-vous dès onze heures, le lendemain. Manoel y parut à la seconde précise, et commanda du champagne, accompagné d'amuse-gueule.
— Tu as dû — si je peux te tutoyer ? — te demander quel était l'Australopithèque qui pérorait sur la chanteuse, hier soir... C'est une grande gueule, mais il est gentil comme tout.
— C'est ton patron ?
— Oui, d'une certaine façon. Il en fait souvent trop, mais c'est aussi souvent amusant. C'est un homme d'affaires plutôt influent chez nous.
— Mais toi... pourquoi t'as aucun accent ?
— Oh... Ma mère... Ma mère était française... et elle est morte il y a un an. Elle était... professeure de fac, et écrivaine aussi, et...
— Chut ! souffla Valérian en prenant la main du garçon sur la table... qui la retira après quelques secondes.
— Soyons discrets... ici, s'il te plaît. Je vais... Oh ! Je vais te prendre une chambre ici, voilà. Dans l'aile opposée, on sera tranquilles.
— Mais... balbutia Valérian, qu'est-ce que tu dis, là ?
— J'ai les moyens de le faire... et pas les moyens de vivre des moments comme celui-ci au Brésil. Où je me sens un peu... Heimatlos, entre mes deux familles. S'il te plaît !...
Baba, le Valérian ! Telle aventure n'arrivait, selon lui, que dans les romans-feuilletons du XIXème ! Il se laissa donc faire ; Manoel fit venir un employé et commanda donc une chambre... pour deux semaines !
— Mais... gémit Valérian, je... je dois aller à la fac, moi !
— Tu vas me donner tes horaires complets, et on s'arrangera. Là, je suis libre, et on va se faire monter la bouteille... et de quoi manger. Et on va dans ta chambre, hop !
Un sourire de Manoel l'incita à finir sa coupe, et l'on quitta les fauteuils confortables du bar. Valérian se dit que c'était bien le moins, pour le secrétaire privé d'un homme d'affaires d'envergure, que d'être aussi efficace...
— J'ai l'impression d'avoir été un peu rapide, et directif, dit le garçon dans l'ascenseur. Mais... je ne veux rien rater, tu sais ? Bien sûr, tu pars en courant dès que tu veux !
Valérian n'en avait pas l'immédiate intention, non !
On entrait dans la chambre quand un employé apporta les amuse-gueule commandés par Manoel.
Valérian se crut dans une pièce de la fin du XIXème, où il tenait le rôle de la cocotte... mais Manoel n'avait rien du vieux beau, il s'en fallait de beaucoup !
Et ce qu'on venait d'apporter n'était pas du surgelé réchauffé à la hâte ! Bref, il se laissa étourdir par cette étrange ambiance. Où l'on parla, beaucoup, et doucement...
Pas de vif débat, pas de prise de position Iconoclaste, pas d'extravagance non plus ! Il parut qu'on était sur la même longueur d'ondes, ou voisine, en tout...
Au point que Valérian se demanda finalement ce qu'un mec de cette intelligence, et de cette classe, faisait comme secrétaire d'un rastaquouère de ce tonneau-là...
Lorsqu'on eut terminé la dînette, il y avait encore du champagne... et l'on ne s'en priva pas. Mais la conversation était si dense qu'on laissa filer le temps. Enfin, Manoel proposa, avec un adorable sourire :
— Voudrais-tu des douceurs, maintenant ?
— Oh... fit Valérian en rougissant, mais...
Manoel comprit la gêne du garçon et éclata de rire :
— Oui, ce que tu penses, et ce que je pensais ! Ah ! Ah !
Le joli rire clair du garçon tranchait sur son sérieux habituel... et Valérian en fut intensément touché.
— On commande des gâteaux... avant les gâteries ? fit malicieusement Manoel.
Ainsi fut fait. Mais Manoel pria Valérian de le rejoindre sur le beau sofa Louis XV, et l'on échangea les petits fours par moitiés, mordant facétieusement dedans, avant de les fourrer dans la bouche de l'autre... en y ajoutant ses doigts.
Le champagne, ces petits jeux, et le rire désormais omniprésent du beau Brésilien avaient dès longtemps conquis un Valérian qui se croyait dans un rêve...
La suite ne se peut décrire sans indécence : ces garçons s'aimèrent du mieux qu'il est possible. Et ma foi, ça les regarde. Ce qui nous regarde, nous, est que Valérian fut bien retourné (au propre et au figuré) après cette édifiante soirée !
Car il avait l'air du dernier sérieux, le secrétaire du rastaquouère... et qu'il était tenté d'y croire ce Valérian qui n'avait rien connu, ou presque.
Au matin, Manoel déclara :
— Tu sais que tu as les yeux Noctiluque ?
— Pardon ?
— Qui brillent dans la nuit.
— Mais je ferme les yeux, quand je dors !
— Alors c'est ton âme, qui est noctiluque.
— Mais... Manoel... t'es fou, non ?
— Dans le monde entier, on dit que la France est le pays de l'amour... et c'y serait un crime ?
Baba, Valérian s'abandonna aux caresses d'un Manoel qui ne ménagea pas sa peine.
Les jours suivants furent du même tonneau : muni des exigences universitaires de Valérian, Manoel établit vite fait un programme à la minute près, et Valérian dut suivre le nuage sur lequel il se croyait...
Consultée sur ce point, Susanna répondit avec fermeté :
— Profite de tout ce que ton amoureux t'offre ! Tu ne sais pas l'avenir ! Aime-le autant qu'il t'aime, même si ça ne doit pas durer... Éclate-toi un max !
On parla, avec Manoel, beaucoup et beaucoup. Et bien sûr, on passa des nuits dans le studio de Valérian.
Ici ou là, la fine beauté velue de Manoel fit les délices d'un Valérian toujours ivre des charmes de ce fin garçon.
On faisait l'amour sans restriction, dès qu'on se retrouvait, au gré des horaires d'un Valérian... qui finit par rater plus de cours que prévu !
Mais les meilleurs choses ont une fin, et les deux semaines offertes par Manoel durent bien s'achever...
L'avant-dernier jour, Valérian fut emmené par Manoel en un autre endroit de l'Hôtel de Paris et de l'Opéra.
On entra dans un vaste salon Louis XVI où le champagne attendait paisiblement dans son seau. Pas longtemps, d'ailleurs, car un employé vint servir ces jeunes Messieurs.
Où l'on trinqua, sans que Valérian osât demander quoi que ce fût. Manoel ne disait rien, lui, qui souriait aussi gentiment qu'à l'accoutumée — car il souriait tout le temps, ce garçon que Valérian avait cru si sérieux, au Grand finale, à peine deux semaines plus tôt !
Soudain s'ouvrit brutalement la porte de communication avec la chambre voisine, et parut l'immense rastaquouère, paré de tous ses bijoux.
Saisi, Valérian regarda Manoel, qui lui fit signe de se lever, se levant aussi... pour venir se placer à côté de lui.
— Tiens, tiens, tiens ! fit le rastaquouère avec son rude accent, c'est donc vous le nommé Valérian ?
— Mais... Euh... Oui, Monsieur ! balbutia Valérian, terrorisé.
— Donc... le Valérian qui a rendu le sourire à mon fils ?
— Mais... Mais... bégaya Valérian, au comble de la terreur.
— Oui, Papa, c'est lui, Valérian, dit alors Manoel.
— Dans mes bras, mon second fils, tonitrua le rastaquouère, dans mes bras !
Valérian fut alors écrasé sur le vaste et rude poitrail du Brésilien, qui ajouta :
— Depuis le départ de ma chère Joséphine, sa maman, il pleurait tous les jours, et là, toi, tu lui as rendu le sourire. Il m'a dit que...
— Papa ! cria Manoel.
— Pardon, pardon ! Valérian, ne laisse plus jamais pleurer mon fils, tu me le promets ?
— Euh... Oui, oui !
— Il m'a dit que tu avais aimé ma diva préférée : c'est vrai, ça ?
— Oui, je, je...
— Papa, lâche-le, maintenant ! intervint Manoel.
— Ah oui ! Alors, ma diva ?
— Oui, j'en suis un fan aussi, Monsieur.
— Dans mes bras !
— Nooon ! cria Manoel, Papa !
— Ah oui ! Oui ! Bon, il faut causer. Chez nous, au Brésil, on peut épouser son amoureux... et il paraît qu'en France aussi. Donc je te prends pour gendre... sur les conseils de mon fils, en qui j'ai confiance absolue.
— Maiiis... bêla Valérian.
— Bon, c'est dit. J'ai du boulot pour toi, mon gendre : je veux établir un bureau pour mes affaires à Paris, et Manoel m'a dit que tu y serais parfait. Donc on s'organise, vous vous mariez dans l'Hôtel de ville, évidemment, et hop ! Vous ouvrez mon bureau, et vous me faites devenir milliardaire en euros... C'est pas difficile, ça ?
Saisi, Valérian regarda Manoel qui resta un instant sérieux, avant d 'exploser de rire.
— On t'enlève pas, Valérian, non ! J'ai juste dit à Papa que... ben... que je t'aimais, tiens... et il a trouvé ça bien.
Où Valérian fondit en larmes. Papa vint le prendre en ses bras, doucement. Qui dit, avec son inimitable accent :
— Tu pleures pas, mon gendre. Si tu veux pas de nous...
— Siii ! gémit Valérian.
— Demain, t'iras avec Manoel voir l'appartement que je vous ai acheté, d'accord ? J'veux que tu l'aimes... pas l'appartement, non ! Mais mon Manoel, ça oui ! Oh, j'ai trop parlé... Filez, les garçons !
Chez Valérian, il y eut un long épisode de larmes. Puis on fit l'amour avec une rare énergie, et... il fallut bien se dire qu'on s'aimait.
Papa rastaquouère savait ce qu'il voulait, et les garçons n'eurent qu'à bien se tenir... ce qui ne leur coûta guère, en vérité. Un an plus tard, alors que le bureau de Papa commençait à bien marcher, on se maria donc à l'Hôtel de ville de Paris... car Papa avait des relations.
Sujet collectif :à chacun son histoire !!! (OS-TOUS GENRES-TOUS STYLES) (slygame.fr)
à chacun son histoire bis (mais ici ce sont des anciennes (g@y-tous styles) ) (slygame.fr)
La "hot" du père Noël ! (GAY-ADO-OS) (slygame.fr)
Piscine...et plaisir aqueux (OS-minet-gay) (slygame.fr)
-La tête dans les étoiles (aquatique)-(fanfiction - gay - humour) (slygame.fr)
à chacun son histoire bis (mais ici ce sont des anciennes (g@y-tous styles) ) (slygame.fr)
La "hot" du père Noël ! (GAY-ADO-OS) (slygame.fr)
Piscine...et plaisir aqueux (OS-minet-gay) (slygame.fr)
-La tête dans les étoiles (aquatique)-(fanfiction - gay - humour) (slygame.fr)