20-06-2022, 09:26 AM
08.
Je rentre dans l’appartement, maman est là, assise dans la salle à manger, elle boit une tasse de café. Lorsqu’elle me voit, elle a un mouvement de recul. Elle a vu les traces de coups sur mon visage, je m’y attendais. Je vais vers elle pour lui faire la bise. Elle plonge son regard dans le mien, c’est bien entendu un regard interrogateur. Je prends une tasse dans la cuisine et je reviens avec le thermos de café. Je prends place à table face à maman.
Jul : « Tu es bien arrangé Dimi. Peux-tu me dire ce qui s’est passé ?
Dim : Bon, voilà, hier fin d’après-midi je suis allé à la piscine avec Lolo. Nous sommes sortis à la fermeture. Alors que nous nous rendions vers l’arrêt des bus et des trams nous avons été attaqués par cinq gars. Nous avons été roués de coups. Bien heureusement deux maîtres-nageurs sont intervenus. L’un d’eux nous a reconduits jusque chez Loïc.
Jul : Il y a une raison pour laquelle vous a été pris à partie ?
Dim : En fait ils nous ont traité de « PD ». Je pense qu’ils avaient eu des doutes.
Jul : Mais ce n’est pas possible Dimi. Il ne faut pas que ça se reproduise. Tu dois aller déposer plainte au bureau de police.
Dim : C’est fait maman, je viens du commissariat où j’ai déposé ma plainte, de même que Loïc. Nous avons remis chacun un certificat médical attestant des coups reçus. C’est Aurore qui nous a conduit chez le médecin et au bureau de police.
Jul : Vous avez bien fait, tu demanderas à Aurore combien je dois pour le médecin.
Dim : Je le demanderai lors de ma prochaine visite.
Jul : Tu sais mon garçon, je craignais que ça t’arrive. Tu aurais pu m’avertir hier.
Dim : Je sais maman, mais je ne voulais t’angoisser pour pas grand-chose.
Jul : Pas grand-chose, tu ne t’es pas vu : tu as des traces de coups au visage, sur le bras et je suppose aussi sur le corps. Ce n’est pas anodin, si les deux maîtres-nageurs n’avaient pas été présents, je ne sais pas dans quel état on vous aurait retrouvé !
Dim : Je sais maman, je suis conscient de ça.
Jul : Bon, au moins tu m’as expliqué ce qui vous est arrivé. Bon que veux-tu pour dîner ?
Dim : Si c’est possible, j’ai envie de manger des boulettes sauce tomate avec des pâtes ou des frites !
Jul : Je le savais, j’ai justement du « haché » pour te préparer ce repas.
Dim : Merci maman. Je t’aime !
Jul : Moi aussi mon grand. »
Laissant maman dans le living, je vais dans ma chambre. Je contacte par sms Loïc en l’avisant de la discussion entre maman et moi. Je lui demande si son père est rentré, il me dit que non. J’ajoute que le mien devrait rentrer ce soir. Finalement nous nous donnons rendez-vous à la FAC pour neuf heures demain.
Je pense que je vais revoir le cours d’économie en vue d’être à jour pour suivre la suite du cours. Je mets un CD de musique classique, Dvorak, la « symphonie du Nouveau Monde ». J’aime cette musique elle me permet de me concentrer sur mes cours et d’étudier.
La journée se passe calmement. J’en ai profité, après avoir révisé, pour regarder une cassette vidéo, soit concert à Central Park de Simon et Garfunkel du 17 novembre 1981. C’est à la fin de la cassette que j’entends que papa est rente, il est dix-huit heures quarante. Je me lève du fauteuil et vais lui dire bonjour. Mon père marque un temps d’arrêt et me dit :
And : « Dimi, que t’est-il arrivé ?
Dim : Je me suis fait agresser à la sortie de la piscine hier soir par un groupe de cinq jeunes. »
Je raconte ce qui s’est passé, que j’étais avec un ami de la FAC tout en évitant de lui dire que c’est une attaque homophobe. Je lui dis aussi que plainte a été déposée au bureau de police.
Nous passons à table pour souper, maman a préparé de la saucisse accompagnée de purée de pommes de terre et d’une compote de pommes et abricots. Nous bavardons en mangeant ; papa raconte les étapes où il s’est rendu en repérage pour les contrats d’achat de marchandise par deux chaînes de magasins. De mon côté je lui parle de mes études et de mes activités.
Je regagne ma chambre pour écouter un disque de Jacques Brel, soit son dernier disque « Les Marquises » sorti en 1977. Alors que je suis couché sur mon lit, on frappe à la porte et elle s’ouvre très rapidement, je vois papa tenant en main une feuille de papier, il a le visage empourpré et les yeux remplis de rage. Je comprends immédiatement qu’il tient la copie de ma déposition faite la matin même à la police. Il sait donc que j’ai été victime d’une attaque homophobe et que j’étais en compagnie de Loïc.
Mon père est furax, il m’attrape par le bras et me tire hors du lit. Je reçois une gifle en pleine figure. Je me protège pour ne pas en recevoir une autre. Mon père m’agresse verbalement en traitant de « tarlouze, pédale, dégénéré, …etc. » Inutile de dire que je me sens très mal. Maman arrive et tente de calmer mon père. Il ronchonne et quitte ma chambre. Maman me prend dans ses bras et tente de me consoler. Je me sens rejeté par mon paternel. Je me demande comment la vie en famille va se passer après cette scène difficile et humiliante. Maman veut me rassurer, mais elle voit bien que je suis anéanti. Je redoutais cette confrontation depuis des semaines et mes doutes se sont avérés confirmés.
Il est clair que ma nuit a été ponctuée de cauchemars et de crises de larmes. Je ne suis pas bien du tout. Je vais en parler avec Loïc, mais je ne sais pas ce qu’il pourra faire pour m’aider, il n’y a rien à faire, je vais devoir subir les humeurs de mon père. Je me doutais bien qu’il était homophobe, je suis dévasté car j’aime mes parents.
Lors du trajet en tram vers le campus, je passe et repasse cette scène dans ma tête, je ne suis pas bien du tout. J’ai même failli louper mon arrêt pour accéder au campus.
Je retrouve Loïc à l’entrée de l’amphithéâtre. Il me voit et à un mouvement de recul. Il remarque que je suis blafard, que quelque chose s’est passé et que je suis dans tous mes états. Je lui raconte ce qui s’est passé. Je lui dis que je n’ai pas voulu l’avertir par sms ou l’appeler sur son gsm, car je n’étais pas à même de réfléchir convenablement.
Loïc tente de me réconforter, mais je suis si mal que je me demande ce que je fais ici, devant l’entrée de l’amphithéâtre. Lolo me dit que ça va passer au fur et à mesure de la journée, je l’espère aussi. Je ne vais pas louper mon année pour ça. Nous entrons et nous nous installons à nos places habituelles. Je n’ai pas été très attentif lors de ce cours d’économie, mais je sais que Lolo m’expliquera ce que je n’ai pas compris.
Le reste de la journée se passe sur un mode mineur. Je suis souvent plongé dans mes pensées. Je me pose la question de savoir combien ma vie va changer depuis que mon père sait que je suis gay.
Je rentre dans l’appartement, maman est là, assise dans la salle à manger, elle boit une tasse de café. Lorsqu’elle me voit, elle a un mouvement de recul. Elle a vu les traces de coups sur mon visage, je m’y attendais. Je vais vers elle pour lui faire la bise. Elle plonge son regard dans le mien, c’est bien entendu un regard interrogateur. Je prends une tasse dans la cuisine et je reviens avec le thermos de café. Je prends place à table face à maman.
Jul : « Tu es bien arrangé Dimi. Peux-tu me dire ce qui s’est passé ?
Dim : Bon, voilà, hier fin d’après-midi je suis allé à la piscine avec Lolo. Nous sommes sortis à la fermeture. Alors que nous nous rendions vers l’arrêt des bus et des trams nous avons été attaqués par cinq gars. Nous avons été roués de coups. Bien heureusement deux maîtres-nageurs sont intervenus. L’un d’eux nous a reconduits jusque chez Loïc.
Jul : Il y a une raison pour laquelle vous a été pris à partie ?
Dim : En fait ils nous ont traité de « PD ». Je pense qu’ils avaient eu des doutes.
Jul : Mais ce n’est pas possible Dimi. Il ne faut pas que ça se reproduise. Tu dois aller déposer plainte au bureau de police.
Dim : C’est fait maman, je viens du commissariat où j’ai déposé ma plainte, de même que Loïc. Nous avons remis chacun un certificat médical attestant des coups reçus. C’est Aurore qui nous a conduit chez le médecin et au bureau de police.
Jul : Vous avez bien fait, tu demanderas à Aurore combien je dois pour le médecin.
Dim : Je le demanderai lors de ma prochaine visite.
Jul : Tu sais mon garçon, je craignais que ça t’arrive. Tu aurais pu m’avertir hier.
Dim : Je sais maman, mais je ne voulais t’angoisser pour pas grand-chose.
Jul : Pas grand-chose, tu ne t’es pas vu : tu as des traces de coups au visage, sur le bras et je suppose aussi sur le corps. Ce n’est pas anodin, si les deux maîtres-nageurs n’avaient pas été présents, je ne sais pas dans quel état on vous aurait retrouvé !
Dim : Je sais maman, je suis conscient de ça.
Jul : Bon, au moins tu m’as expliqué ce qui vous est arrivé. Bon que veux-tu pour dîner ?
Dim : Si c’est possible, j’ai envie de manger des boulettes sauce tomate avec des pâtes ou des frites !
Jul : Je le savais, j’ai justement du « haché » pour te préparer ce repas.
Dim : Merci maman. Je t’aime !
Jul : Moi aussi mon grand. »
Laissant maman dans le living, je vais dans ma chambre. Je contacte par sms Loïc en l’avisant de la discussion entre maman et moi. Je lui demande si son père est rentré, il me dit que non. J’ajoute que le mien devrait rentrer ce soir. Finalement nous nous donnons rendez-vous à la FAC pour neuf heures demain.
Je pense que je vais revoir le cours d’économie en vue d’être à jour pour suivre la suite du cours. Je mets un CD de musique classique, Dvorak, la « symphonie du Nouveau Monde ». J’aime cette musique elle me permet de me concentrer sur mes cours et d’étudier.
La journée se passe calmement. J’en ai profité, après avoir révisé, pour regarder une cassette vidéo, soit concert à Central Park de Simon et Garfunkel du 17 novembre 1981. C’est à la fin de la cassette que j’entends que papa est rente, il est dix-huit heures quarante. Je me lève du fauteuil et vais lui dire bonjour. Mon père marque un temps d’arrêt et me dit :
And : « Dimi, que t’est-il arrivé ?
Dim : Je me suis fait agresser à la sortie de la piscine hier soir par un groupe de cinq jeunes. »
Je raconte ce qui s’est passé, que j’étais avec un ami de la FAC tout en évitant de lui dire que c’est une attaque homophobe. Je lui dis aussi que plainte a été déposée au bureau de police.
Nous passons à table pour souper, maman a préparé de la saucisse accompagnée de purée de pommes de terre et d’une compote de pommes et abricots. Nous bavardons en mangeant ; papa raconte les étapes où il s’est rendu en repérage pour les contrats d’achat de marchandise par deux chaînes de magasins. De mon côté je lui parle de mes études et de mes activités.
Je regagne ma chambre pour écouter un disque de Jacques Brel, soit son dernier disque « Les Marquises » sorti en 1977. Alors que je suis couché sur mon lit, on frappe à la porte et elle s’ouvre très rapidement, je vois papa tenant en main une feuille de papier, il a le visage empourpré et les yeux remplis de rage. Je comprends immédiatement qu’il tient la copie de ma déposition faite la matin même à la police. Il sait donc que j’ai été victime d’une attaque homophobe et que j’étais en compagnie de Loïc.
Mon père est furax, il m’attrape par le bras et me tire hors du lit. Je reçois une gifle en pleine figure. Je me protège pour ne pas en recevoir une autre. Mon père m’agresse verbalement en traitant de « tarlouze, pédale, dégénéré, …etc. » Inutile de dire que je me sens très mal. Maman arrive et tente de calmer mon père. Il ronchonne et quitte ma chambre. Maman me prend dans ses bras et tente de me consoler. Je me sens rejeté par mon paternel. Je me demande comment la vie en famille va se passer après cette scène difficile et humiliante. Maman veut me rassurer, mais elle voit bien que je suis anéanti. Je redoutais cette confrontation depuis des semaines et mes doutes se sont avérés confirmés.
Il est clair que ma nuit a été ponctuée de cauchemars et de crises de larmes. Je ne suis pas bien du tout. Je vais en parler avec Loïc, mais je ne sais pas ce qu’il pourra faire pour m’aider, il n’y a rien à faire, je vais devoir subir les humeurs de mon père. Je me doutais bien qu’il était homophobe, je suis dévasté car j’aime mes parents.
Lors du trajet en tram vers le campus, je passe et repasse cette scène dans ma tête, je ne suis pas bien du tout. J’ai même failli louper mon arrêt pour accéder au campus.
Je retrouve Loïc à l’entrée de l’amphithéâtre. Il me voit et à un mouvement de recul. Il remarque que je suis blafard, que quelque chose s’est passé et que je suis dans tous mes états. Je lui raconte ce qui s’est passé. Je lui dis que je n’ai pas voulu l’avertir par sms ou l’appeler sur son gsm, car je n’étais pas à même de réfléchir convenablement.
Loïc tente de me réconforter, mais je suis si mal que je me demande ce que je fais ici, devant l’entrée de l’amphithéâtre. Lolo me dit que ça va passer au fur et à mesure de la journée, je l’espère aussi. Je ne vais pas louper mon année pour ça. Nous entrons et nous nous installons à nos places habituelles. Je n’ai pas été très attentif lors de ce cours d’économie, mais je sais que Lolo m’expliquera ce que je n’ai pas compris.
Le reste de la journée se passe sur un mode mineur. Je suis souvent plongé dans mes pensées. Je me pose la question de savoir combien ma vie va changer depuis que mon père sait que je suis gay.