10-05-2022, 10:59 PM
7 - Faute d'un clou
Je ris à cette remarque.
- Je ne crois pas être prêt à ça, dis-je.
- T'en fais pas, je te charrie un peu. Pour le moment, je veux juste profiter du bonheur d'être dans tes bras. D'être avec toi.
Le bonheur. C'est ça, cette sensation que je ressens. Pour l'amour, j'ai le temps, je crois, s'il vient jamais. Mais pour le moment... moi aussi, je veux profiter de cet instant. Quelle journée incroyable. Le plus épatant dans cette folle suite d'événements est bien que je me retrouve à finir cette journée quinze ans avant qu'elle ne commence. Et... je n'ai pas envie qu'elle se termine. Je ne veux pas revenir là-bas. J'ai une vie que je veux vivre, une vie dont j'ai été privé et que j'ai la chance de pouvoir enfin connaître. Une deuxième chance... combien de personnes vendraient leur âme pour ça ! C'est décidé, je reste. Mais je sais que je devrai tout faire pour rattraper le cours du temps pour me retrouver sur le septième monde où tout cela a pu se produire, ou...
Oh merde. Si je reste, et que je vis ma vie jusqu'au bout, je devrai repartir en arrière ou pas ? Il y a là un gros paradoxe dont je n'ai pas la réponse. Il faudra que je demande à Franck, quand je le reverrai.
L'autre gros souci, c'est Morgane. Franck et elle ont l'air de se connaître. Il faudra là aussi que j'aie des explications ! C'est dingue ça... quoique... et si...
- À quoi tu penses ? Demande Ludo.
- À l'avenir.
- Est-ce que j'y suis ?
- Bien sûr que tu y es ! Plus que jamais.
Il sourit, me regardant avec des yeux brillants. Puis son visage s'approche du mien, et je comprends qu'il va m'embrasser. Je reste immobile, attendant le contact avec appréhension, mais désireux de ne pas le blesser en évitant ce baiser. Ça va être une première...
Comme nous sommes de toute façon très proches l'un de l'autre, l'attente est de courte durée, et ses lèvres se posent brièvement sur les miennes avant de se retirer. Ah, je m'attendais à autre chose.
- Je vais avoir besoin de temps, c'est... très nouveau pour moi.
- Ne t'en fais pas, j'avais compris, Chris. Je serai patient.
- Merci.
On passe l'après-midi à s'amuser, plus complices qu'avant, et je lui suis reconnaissant pour tout ce qu'il m'a apporté. J'ai vraiment le sentiment qu'une nouvelle existence s'ouvre à moi.
C'est donc avec un sentiment d'extrême frustration que je me sens soudainement plonger dans la lumière bleue qui accompagne mes transferts.
Année 2269, Italie, dans les ruines de Rome
De toute évidence, je ne suis pas sur le septième monde, mais toujours dans mon passé. Quatre ans ont passé, et je suis dans une période de ma vie que je n'aurais pas voulu revivre. Jeune militaire entraîné dans une guerre, j'étais en Italie, dans une zone que revendiquait la Fédération PanAfricaine sous prétexte qu'elle était inhabitée. Le fait que c'était parce qu'elle était fortement radioactive depuis la troisième guerre mondiale n'avait visiblement pas l'air de les arrêter. Évidemment, on n'était pas d'accord. Évidemment, ça avait dégénéré. Beaucoup. On se battait depuis trois mois maintenant, et on n'avait pas encore pris conscience du fait que ça allait empirer au-delà de tout ce qu'on avait craint. On pensait que nos dirigeants avaient retenu les leçons de la troisième guerre mondiale. Pas qu'ils allaient en déclencher une quatrième.
Qu'est-ce que je fous là ? Je me concentre pour partir, mais c'est peine perdue. Et me tuer ne servira à rien.
Je transpire dans mon armure de combat, qui me protège des radiations environnantes. Je dois me calmer, faire le vide en moi et laisser filtrer ma mémoire récente...
Je reçois soudain sur ma visière une liste d'instructions et de coordonnées. Je vérifie rapidement mon arme et mon paquetage avec le petit groupe qui a été choisi pour cette mission et me met en marche, contournant un groupe d'immeubles à moitié détruits pour rejoindre la première position, au bord de la Viale Guilio Cesare. Un boulevard trop dégagé à mon goût.
Une attaque EMP avait neutralisé tous nos drones, et on devait se battre directement, entre humains. Le seul point positif était que les deux camps évitaient de bombarder la zone. Les bombes utilisées ici avaient fait du travail sale, très sale, et les cendres brûlantes qui couvaient sous nos pieds ne demandaient pas grand-chose pour relancer un incendie radioactif dans toute la région.
Personne ne savait à cette époque quelle arme avait été utilisée pour rayer Rome de la carte. Ceux qui auraient pu le révéler avaient été réduits au silence par la riposte qui n'avait pas tardé. Tout ce qu'on savait, c'était que la région serait inhabitable pour un bon million d'années.
Nous attendons un moment à l'abri du pan de mur, attendant une couverture permettant de passer
- Qu'est-ce qu'ils foutent ?
- Ils ne viendront pas, dit le sergent. On vient de me dire qu'on leur a donné une mission prioritaire. À nous de nous démerder pour passer.
Les autres râlent, nous savons que les panafs tiennent bien les grandes avenues et nous bloquent efficacement le chemin.
- J'ai une idée, dis-je. On peut emprunter un autre chemin. Ils n'imagineront jamais qu'on va oser le faire.
- Faire quoi ?
- C'est à nos pieds.
J'indique la bouche d'égout devant nous.
- T'es frappé, Chris ? Tu sais ce qu'il y a, là-dessous ?
- Nos combis ont été spécialement faites pour ça, dis-je. Et j'ai déjà fait la traversée.
- Quand ça ?
- De nuit, lors d'une mission... top secret. Désolé.
Ils me regardent, assez surpris. Moi, un jeune appelé embarqué dans cette guerre, choisi pour une mission top secret ?
- J'étais sacrifiable, dis-je. Vous saisissez ?
- Comme nous tous, soupire Marc.
- OK, on y va. Christian, tu ouvres la voie.
- Oui, sergent !
Il n'y a jamais eu de mission secrète. J'avais fait cette traversée seul, au retour de la mission que nous sommes en train de commencer. Je savais que c'était faisable. Je leur sauvais la vie à tous, enfin, je l'espérais en tout cas.
Devrais-je le faire ? N'étais-je pas en train de maltraiter la tapisserie ? Tant pis. Je ne les laisserai pas mourir, pas cette fois.
Mais quand je vois cette incandescence qui s'offre à nos yeux lorsqu'on parvient enfin à enlever la plaque de métal, cette rivière de poussière brûlante, violant les lois de la physique... de notre physique, l'arme venant d'un autre monde, comme on a fini par le comprendre bien des années plus tard, je me précipite vers un avenir plus accueillant.
Année 2275, à Paris
Je suis de retour chez moi, la guerre est finie depuis un an, et il m'a fallu du temps pour m'en remettre. Mais je n'ai pas été libéré pour autant, la situation reste tendue et j'ai été intégré à une unité spéciale. Je suis en permission, et j'en profite. Je ferme les yeux, enfin au calme, et laisse couler en moi les souvenirs récents, et moins récents. Je dois découvrir les conséquences de mes actes.
Euh ? Je me trompe, je ne suis pas mobilisé, je ne suis pas dans la section spéciale, on a gagné la guerre et... et je ne vais pas être pris dans un engrenage qui finira par m'envoyer vers le septième monde pour fermer le cercle ! Ce n'est pas bon du tout, j'ai merdé ! Je n'arrive pas à croire qu'une modification aussi mineure ait pu changer le cours de l'histoire. Il me revient en mémoire un poème de Georges Herbert :
Faute d'un clou l'on perdit le fer, Faute d'un fer l'on perdit la monture, Faute d'une monture l'on perdit le héros, Faute d'un héros l'on perdit la bataille. C'est ainsi que l'on perdit un royaume, A cause du royaume on perdit la vie. Faute d'un clou.
Le temps doit être en train de se déchirer à nouveau, et c'est totalement de ma faute cette fois-ci. L'avenir qui se dessine est-il mieux ?
Non. Parce que je sais qu'il y a des choses qui vont se passer qui ne sont en rien affectées par ces changements, et je dois y être...
Je me redresse soudain.
- Parce que sans moi, Franck va se faire prendre l'épée de lumière ! Et ça ne doit pas arriver !
Cette arme peut briser les sceaux magiques emprisonnant de véritables horreurs. Ouvrir des portes interdites, des passages oubliés, alimenter des armes effroyables, et même détruire un monde.
C'étaient les paroles de Franck, et j'ai le sentiment qu'il n'exagérait pas. Je sens une boule dans ma gorge, tandis que je me rends compte des conséquences de ce que j'ai fait.
Faute d'un clou.
Je me concentre comme je ne l'ai jamais fait, appelant le pouvoir en moi, ressentant cette sensation d'énergie qui coule comme une rivière, et la canalise selon ma volonté.
Année 2269, Italie, dans les ruines de Rome
- Qu'est-ce qu'ils foutent ?
- Ils ne viendront pas, dit le sergent. On vient de me dire qu'on leur a donné une mission prioritaire. À nous de nous démerder pour passer.
Les autres râlent, nous savons que les panafs tiennent bien les grandes avenues et nous bloquent efficacement le chemin.
Je me tais, cette fois. Le prix à payer est trop élevé. Mais ce sont mes camarades, bordel. Ils ne méritent pas ça.
- On annule, dit Marc. On n'a aucune chance de passer.
- On doit le faire, dit le sergent. On doit absolument le faire. S'il y en a qui se dégonflent, qu'ils rentrent l'expliquer au général ! Personne ? Alors on y va !
Nous rebroussons chemin vers une zone plus abritée et forçons le passage, laissant trois d'entre nous sur le carreau. L'alerte est donnée, ils nous traquent désormais, et nous fonçons accomplir cette mission suicide avant qu'il ne soit trop tard. Nous tombons sur un barrage des panafs qui nous prennent en tenaille, et seuls quatre d'entre nous s'en tirent.
Mon casque intégral cache mes larmes. Je ferme les yeux et plonge vers l'avenir, sachant que j'ai rétabli les choses comme elles devaient l'être. Il y a des gens que l'on ne peut pas sauver.
Année 2275, à Paris
La maison est bien vide, je suis bien trop seul ici. J'ai perdu de vue Ludo quand on a commencé notre service militaire, et la guerre l'a emporté. Et je ne peux rien y faire. Je n'étais pas à ses côtés. On n'a jamais retrouvé son corps, ce qui m'avait empli d'espoir pendant un temps, mais il n'est pas revenu.
- Mes pouvoirs se développent, dis-je dans le vide. Je le retrouverai. Je le sauverai.
Je lui doit bien cela, à lui qui m'a fait découvrir l'amour, le bonheur, le plaisir. Je lui dois tout.
- Je dois m'entraîner et apprendre à maîtriser mon don. Et il y a quelqu'un qui semble en savoir pas mal là-dessus. Car ce n'est pas Morgane qui va m'aider.
Je sors de chez moi et monte sur ma moto, avant de partir vers un lieu isolé. Une forêt, en pleine nuit, ça ira très bien.
Je m'enfonce dans les bois, une fois arrivé, jusqu'à être sûr de ne pas pouvoir être vu, et me concentre. Je relâche mon pouvoir, sachant qu'il sait percevoir un tel signal. Je ne me retiens pas, faisant tourbillonner l'énergie autour de moi.
- À quoi joues-tu ?
- Morgane... ce n'est pas toi que je voulais appeler. J'essayais d'attirer l'attention de Franck.
- Avec une telle débauche d'énergie ? C'est pathétique...
Une idée me vient. C'est assez osé, mais...
- Il y a une ligne temporelle où tout ce que nous connaissons est anéanti. Ce monde, et les autres. Et cette ligne, je l'ai vue. Elle ne tient qu'à moi de se réaliser ou non. Mais c'est une lutte face à un adversaire qui me dépasse. Je ne maîtrise pas mon don.
- Oui, c'est clair que tu ne maîtrises rien ! Et qu'espères-tu, que je vais te former ? Toi ?
- À moins que tu ne veuilles vivre dans un monde de ruines ? Seule ? Je ne le pense pas. Nous ne sommes pas les seuls à avoir ce pouvoir, et mon adversaire est bien plus fort que moi.
- C'est tout ce que tu as trouvé ? Pauvre idiot ! Je sais parfaitement ce qu'il y a sur le septième monde, tu me crois née de la dernière pluie ? J'ai des siècles d'existence, misérable vermisseau ! Je sais très bien ce que tu affrontes, et je m'en moque !
- Ce n'est pas ce que vous avez dit la dernière fois.
- C'est tout au plus une nuisance. De mon point de vue, du moins.
- Vous pouvez aller et venir comme vous le désirez entre les mondes, pas vrai ? Ça expliquerait que vous en sachiez autant.
- Tout à fait.
- Alors qu'est-ce qui vous retient sur Terre ? Il y a bien quelque chose ici auquel vous tenez.
- Idiot. Si tu n'as même pas compris ça...
- Pourtant ce monde est menacé ! Rome a été anéanti par une arme d'un autre monde, et je ne pense pas qu'elle venait d'un des six mondes. Il y a un ennemi puissant... qui a fait un test.
L'intuition vient de me frapper. Tout un ensemble de connexions est en train de se mettre en place dans mon esprit. Et si...
- Tu as au moins compris ça. Oui, c'est le monde d'Elrad qui a fait une démonstration. Très convaincante par ailleurs.
- Elrad ? Mais qu'est-ce qu'ils nous veulent ?
- Tu demanderas à Franck quand tu le rencontreras de nouveau.
- Vous avez l'air de vous connaître, tous les deux.
- Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois. J'ai déjà fait appel à la Garde Bleue pour certaines missions.
Je suis surpris par cette nouvelle inattendue.
- Bien, mon temps est précieux. Inutile d'appeler Franck, il est loin des six mondes en ce moment.
Elle disparaît avant que je puisse répondre.
Et je peste contre ce nouvel échec. Double échec, en fait. Si j'avais pu contacter Franck, j'aurais pu le faire dans l'histoire parallèle où j'ai sauvé mes camarades, et rétablir le lien avec les événements obligatoires dans l'avenir. Mais non, cette chance ne m'est pas offerte. Et je ne pense pas être en mesure de me déplacer pleinement, car je manque de temps pour apprendre. Et une fois l'affaire du septième monde résolue (une nuisance, vraiment ?) elle viendra pour m'enterrer vivant pour l'éternité.
Je relâche mon pouvoir inutile. J'ai fait tout ce que j'ai pu. Il ne me reste un événement à changer. Au moins pourrai-je enfin obtenir des réponses. Il est temps de repartir là où toute cette affaire a commencé...
Mai 2280, au Havre
- OK les gars, vous savez ce que vous avez à faire.
- Les infos pointaient vers le septième étage, chef. Vous êtes certain de votre coup ?
- Tout à fait. C'est dans cette grande salle centrale que tout se joue. Vous avez vérifié les lance-roquettes ?
- Oui, tout est OK. Vous voulez vraiment vous servir de ça à l'intérieur ? Ça va faire du dégât.
- Il faudra bien ça. On a des visiteurs d'Outremonde là-bas, avec de la technologie des Protecteurs, et ils ne nous veulent pas du bien. Voilà les infos que j'ai eu de mon contact, et j'ai confiance en lui.
- D'accord, chef, on est prêts.
- Alors on y va !
Nous investissons le bâtiment en vitesse, montant directement vers le cinquième au risque de nous faire surprendre par derrière, mais je veux arriver avant l'ouverture de la faille. Et j'ai bien fait : l'avertissement n'est pas encore arrivé lorsque nous faisons sauter la porte. Je couvre l'arrivée de mes hommes d'une longue rafale, les laissant entrer pour viser l'appareil situé sur notre gauche.
- Non !
Le tatoué a compris, mais trop tard, les roquettes pulvérisent le portail avant qu'il ait eu une chance de s'ouvrir.
- Retraite ! Crie-je dans mon casque. Mes hommes sortent sans se poser de question et je claque la porte sur la boule de feu qui nous était destinée. À quel point son bouclier peut-il tenir le choc ?
- Les gardes sont en train de converger vers nous, je ne veux voir aucun d'entre eux passer ne serait-ce qu'un cheveu hors de l'escalier. Delta, Gamma, vous les prenez à revers. Marc, ton lance-roquette.
J'ouvre de nouveau la porte, sachant que si je me fais descendre, je recommencerai autrement.
L'homme regarde mon arme, et comprenant soudain ce que je m'apprête à faire, m'envoie une autre boule de feu. Mon tir part en même temps, et nous nous jetons à terre. J'avais bien anticipé son mouvement...
Son sort passe au-dessus de moi, et ma roquette l'envoie au fond de la salle. Je recharge en tentant d'y voir clair à travers la fumée. Il y a un trou au milieu de la pièce, et je dois en tenir compte. Je fonce vers le fond de la salle, pour l'empêcher de fuir par là, et découvre son corps immobile.
- Steve, Jacques, avec moi !
Ils entrent rapidement, me rejoignent et examinent le corps tandis que je le garde en joue avec une arme plus précise.
- Il est inconscient. Pas de blessure apparente.
- On a ce qu'on était venu chercher. On l'emporte et on se replie.
Paris, Quartier général
- Bonjour, Alvar. Bien dormi ? Tu es resté plusieurs jours inconscient, on devait s'assurer qu'on avait bien retiré tes tatouages. On ne pouvait pas te laisser avec, n'est-ce pas ? On a plein de choses à se dire.
- Vous n'imaginez pas quelle erreur vous faites en me retenant ici.
- Oh, Alvar... ton grand-père aurait vraiment honte de toi.
- Comment me connaissez-vous ?
- C'est moi qui pose les questions, et en fait, je n'en ai qu'une seule : qui est derrière tout cela ?
Le sérum de vérité qui court dans ses veines fait son effet : il parle.
- Drazak'aar'den.
- C'est le Drakkh gris ?
- Oui. Cela fait longtemps qu'il attire l'attention, il veut que Franck intervienne, mais qu'il ne se doute de rien. Il a vendu des armes de son monde à la Terre, fomenté divers plans sur les six mondes, mais ce qu'il veut, c'est Franck.
- Ou plutôt son épée. Que veut-il en faire ?
- Ça, il faudra lui demander. Je l'ignore, tout ce que je sais, c'est qu'il est très puissant. Et qu'il ne laisse personne se mettre en travers de ses plans.
- Ça, ça reste à voir.
Je suis resté ici uniquement pour interroger cet homme. Je ne peux me permettre de rater la conjonction avec Outremonde. Je me concentre pour revenir en arrière. Il est temps de recoller les morceaux et de revenir sur le septième monde. Je me demande si les choses ont changé là-bas.
Je ris à cette remarque.
- Je ne crois pas être prêt à ça, dis-je.
- T'en fais pas, je te charrie un peu. Pour le moment, je veux juste profiter du bonheur d'être dans tes bras. D'être avec toi.
Le bonheur. C'est ça, cette sensation que je ressens. Pour l'amour, j'ai le temps, je crois, s'il vient jamais. Mais pour le moment... moi aussi, je veux profiter de cet instant. Quelle journée incroyable. Le plus épatant dans cette folle suite d'événements est bien que je me retrouve à finir cette journée quinze ans avant qu'elle ne commence. Et... je n'ai pas envie qu'elle se termine. Je ne veux pas revenir là-bas. J'ai une vie que je veux vivre, une vie dont j'ai été privé et que j'ai la chance de pouvoir enfin connaître. Une deuxième chance... combien de personnes vendraient leur âme pour ça ! C'est décidé, je reste. Mais je sais que je devrai tout faire pour rattraper le cours du temps pour me retrouver sur le septième monde où tout cela a pu se produire, ou...
Oh merde. Si je reste, et que je vis ma vie jusqu'au bout, je devrai repartir en arrière ou pas ? Il y a là un gros paradoxe dont je n'ai pas la réponse. Il faudra que je demande à Franck, quand je le reverrai.
L'autre gros souci, c'est Morgane. Franck et elle ont l'air de se connaître. Il faudra là aussi que j'aie des explications ! C'est dingue ça... quoique... et si...
- À quoi tu penses ? Demande Ludo.
- À l'avenir.
- Est-ce que j'y suis ?
- Bien sûr que tu y es ! Plus que jamais.
Il sourit, me regardant avec des yeux brillants. Puis son visage s'approche du mien, et je comprends qu'il va m'embrasser. Je reste immobile, attendant le contact avec appréhension, mais désireux de ne pas le blesser en évitant ce baiser. Ça va être une première...
Comme nous sommes de toute façon très proches l'un de l'autre, l'attente est de courte durée, et ses lèvres se posent brièvement sur les miennes avant de se retirer. Ah, je m'attendais à autre chose.
- Je vais avoir besoin de temps, c'est... très nouveau pour moi.
- Ne t'en fais pas, j'avais compris, Chris. Je serai patient.
- Merci.
On passe l'après-midi à s'amuser, plus complices qu'avant, et je lui suis reconnaissant pour tout ce qu'il m'a apporté. J'ai vraiment le sentiment qu'une nouvelle existence s'ouvre à moi.
C'est donc avec un sentiment d'extrême frustration que je me sens soudainement plonger dans la lumière bleue qui accompagne mes transferts.
Année 2269, Italie, dans les ruines de Rome
De toute évidence, je ne suis pas sur le septième monde, mais toujours dans mon passé. Quatre ans ont passé, et je suis dans une période de ma vie que je n'aurais pas voulu revivre. Jeune militaire entraîné dans une guerre, j'étais en Italie, dans une zone que revendiquait la Fédération PanAfricaine sous prétexte qu'elle était inhabitée. Le fait que c'était parce qu'elle était fortement radioactive depuis la troisième guerre mondiale n'avait visiblement pas l'air de les arrêter. Évidemment, on n'était pas d'accord. Évidemment, ça avait dégénéré. Beaucoup. On se battait depuis trois mois maintenant, et on n'avait pas encore pris conscience du fait que ça allait empirer au-delà de tout ce qu'on avait craint. On pensait que nos dirigeants avaient retenu les leçons de la troisième guerre mondiale. Pas qu'ils allaient en déclencher une quatrième.
Qu'est-ce que je fous là ? Je me concentre pour partir, mais c'est peine perdue. Et me tuer ne servira à rien.
Je transpire dans mon armure de combat, qui me protège des radiations environnantes. Je dois me calmer, faire le vide en moi et laisser filtrer ma mémoire récente...
Je reçois soudain sur ma visière une liste d'instructions et de coordonnées. Je vérifie rapidement mon arme et mon paquetage avec le petit groupe qui a été choisi pour cette mission et me met en marche, contournant un groupe d'immeubles à moitié détruits pour rejoindre la première position, au bord de la Viale Guilio Cesare. Un boulevard trop dégagé à mon goût.
Une attaque EMP avait neutralisé tous nos drones, et on devait se battre directement, entre humains. Le seul point positif était que les deux camps évitaient de bombarder la zone. Les bombes utilisées ici avaient fait du travail sale, très sale, et les cendres brûlantes qui couvaient sous nos pieds ne demandaient pas grand-chose pour relancer un incendie radioactif dans toute la région.
Personne ne savait à cette époque quelle arme avait été utilisée pour rayer Rome de la carte. Ceux qui auraient pu le révéler avaient été réduits au silence par la riposte qui n'avait pas tardé. Tout ce qu'on savait, c'était que la région serait inhabitable pour un bon million d'années.
Nous attendons un moment à l'abri du pan de mur, attendant une couverture permettant de passer
- Qu'est-ce qu'ils foutent ?
- Ils ne viendront pas, dit le sergent. On vient de me dire qu'on leur a donné une mission prioritaire. À nous de nous démerder pour passer.
Les autres râlent, nous savons que les panafs tiennent bien les grandes avenues et nous bloquent efficacement le chemin.
- J'ai une idée, dis-je. On peut emprunter un autre chemin. Ils n'imagineront jamais qu'on va oser le faire.
- Faire quoi ?
- C'est à nos pieds.
J'indique la bouche d'égout devant nous.
- T'es frappé, Chris ? Tu sais ce qu'il y a, là-dessous ?
- Nos combis ont été spécialement faites pour ça, dis-je. Et j'ai déjà fait la traversée.
- Quand ça ?
- De nuit, lors d'une mission... top secret. Désolé.
Ils me regardent, assez surpris. Moi, un jeune appelé embarqué dans cette guerre, choisi pour une mission top secret ?
- J'étais sacrifiable, dis-je. Vous saisissez ?
- Comme nous tous, soupire Marc.
- OK, on y va. Christian, tu ouvres la voie.
- Oui, sergent !
Il n'y a jamais eu de mission secrète. J'avais fait cette traversée seul, au retour de la mission que nous sommes en train de commencer. Je savais que c'était faisable. Je leur sauvais la vie à tous, enfin, je l'espérais en tout cas.
Devrais-je le faire ? N'étais-je pas en train de maltraiter la tapisserie ? Tant pis. Je ne les laisserai pas mourir, pas cette fois.
Mais quand je vois cette incandescence qui s'offre à nos yeux lorsqu'on parvient enfin à enlever la plaque de métal, cette rivière de poussière brûlante, violant les lois de la physique... de notre physique, l'arme venant d'un autre monde, comme on a fini par le comprendre bien des années plus tard, je me précipite vers un avenir plus accueillant.
Année 2275, à Paris
Je suis de retour chez moi, la guerre est finie depuis un an, et il m'a fallu du temps pour m'en remettre. Mais je n'ai pas été libéré pour autant, la situation reste tendue et j'ai été intégré à une unité spéciale. Je suis en permission, et j'en profite. Je ferme les yeux, enfin au calme, et laisse couler en moi les souvenirs récents, et moins récents. Je dois découvrir les conséquences de mes actes.
Euh ? Je me trompe, je ne suis pas mobilisé, je ne suis pas dans la section spéciale, on a gagné la guerre et... et je ne vais pas être pris dans un engrenage qui finira par m'envoyer vers le septième monde pour fermer le cercle ! Ce n'est pas bon du tout, j'ai merdé ! Je n'arrive pas à croire qu'une modification aussi mineure ait pu changer le cours de l'histoire. Il me revient en mémoire un poème de Georges Herbert :
Faute d'un clou l'on perdit le fer, Faute d'un fer l'on perdit la monture, Faute d'une monture l'on perdit le héros, Faute d'un héros l'on perdit la bataille. C'est ainsi que l'on perdit un royaume, A cause du royaume on perdit la vie. Faute d'un clou.
Le temps doit être en train de se déchirer à nouveau, et c'est totalement de ma faute cette fois-ci. L'avenir qui se dessine est-il mieux ?
Non. Parce que je sais qu'il y a des choses qui vont se passer qui ne sont en rien affectées par ces changements, et je dois y être...
Je me redresse soudain.
- Parce que sans moi, Franck va se faire prendre l'épée de lumière ! Et ça ne doit pas arriver !
Cette arme peut briser les sceaux magiques emprisonnant de véritables horreurs. Ouvrir des portes interdites, des passages oubliés, alimenter des armes effroyables, et même détruire un monde.
C'étaient les paroles de Franck, et j'ai le sentiment qu'il n'exagérait pas. Je sens une boule dans ma gorge, tandis que je me rends compte des conséquences de ce que j'ai fait.
Faute d'un clou.
Je me concentre comme je ne l'ai jamais fait, appelant le pouvoir en moi, ressentant cette sensation d'énergie qui coule comme une rivière, et la canalise selon ma volonté.
Année 2269, Italie, dans les ruines de Rome
- Qu'est-ce qu'ils foutent ?
- Ils ne viendront pas, dit le sergent. On vient de me dire qu'on leur a donné une mission prioritaire. À nous de nous démerder pour passer.
Les autres râlent, nous savons que les panafs tiennent bien les grandes avenues et nous bloquent efficacement le chemin.
Je me tais, cette fois. Le prix à payer est trop élevé. Mais ce sont mes camarades, bordel. Ils ne méritent pas ça.
- On annule, dit Marc. On n'a aucune chance de passer.
- On doit le faire, dit le sergent. On doit absolument le faire. S'il y en a qui se dégonflent, qu'ils rentrent l'expliquer au général ! Personne ? Alors on y va !
Nous rebroussons chemin vers une zone plus abritée et forçons le passage, laissant trois d'entre nous sur le carreau. L'alerte est donnée, ils nous traquent désormais, et nous fonçons accomplir cette mission suicide avant qu'il ne soit trop tard. Nous tombons sur un barrage des panafs qui nous prennent en tenaille, et seuls quatre d'entre nous s'en tirent.
Mon casque intégral cache mes larmes. Je ferme les yeux et plonge vers l'avenir, sachant que j'ai rétabli les choses comme elles devaient l'être. Il y a des gens que l'on ne peut pas sauver.
Année 2275, à Paris
La maison est bien vide, je suis bien trop seul ici. J'ai perdu de vue Ludo quand on a commencé notre service militaire, et la guerre l'a emporté. Et je ne peux rien y faire. Je n'étais pas à ses côtés. On n'a jamais retrouvé son corps, ce qui m'avait empli d'espoir pendant un temps, mais il n'est pas revenu.
- Mes pouvoirs se développent, dis-je dans le vide. Je le retrouverai. Je le sauverai.
Je lui doit bien cela, à lui qui m'a fait découvrir l'amour, le bonheur, le plaisir. Je lui dois tout.
- Je dois m'entraîner et apprendre à maîtriser mon don. Et il y a quelqu'un qui semble en savoir pas mal là-dessus. Car ce n'est pas Morgane qui va m'aider.
Je sors de chez moi et monte sur ma moto, avant de partir vers un lieu isolé. Une forêt, en pleine nuit, ça ira très bien.
Je m'enfonce dans les bois, une fois arrivé, jusqu'à être sûr de ne pas pouvoir être vu, et me concentre. Je relâche mon pouvoir, sachant qu'il sait percevoir un tel signal. Je ne me retiens pas, faisant tourbillonner l'énergie autour de moi.
- À quoi joues-tu ?
- Morgane... ce n'est pas toi que je voulais appeler. J'essayais d'attirer l'attention de Franck.
- Avec une telle débauche d'énergie ? C'est pathétique...
Une idée me vient. C'est assez osé, mais...
- Il y a une ligne temporelle où tout ce que nous connaissons est anéanti. Ce monde, et les autres. Et cette ligne, je l'ai vue. Elle ne tient qu'à moi de se réaliser ou non. Mais c'est une lutte face à un adversaire qui me dépasse. Je ne maîtrise pas mon don.
- Oui, c'est clair que tu ne maîtrises rien ! Et qu'espères-tu, que je vais te former ? Toi ?
- À moins que tu ne veuilles vivre dans un monde de ruines ? Seule ? Je ne le pense pas. Nous ne sommes pas les seuls à avoir ce pouvoir, et mon adversaire est bien plus fort que moi.
- C'est tout ce que tu as trouvé ? Pauvre idiot ! Je sais parfaitement ce qu'il y a sur le septième monde, tu me crois née de la dernière pluie ? J'ai des siècles d'existence, misérable vermisseau ! Je sais très bien ce que tu affrontes, et je m'en moque !
- Ce n'est pas ce que vous avez dit la dernière fois.
- C'est tout au plus une nuisance. De mon point de vue, du moins.
- Vous pouvez aller et venir comme vous le désirez entre les mondes, pas vrai ? Ça expliquerait que vous en sachiez autant.
- Tout à fait.
- Alors qu'est-ce qui vous retient sur Terre ? Il y a bien quelque chose ici auquel vous tenez.
- Idiot. Si tu n'as même pas compris ça...
- Pourtant ce monde est menacé ! Rome a été anéanti par une arme d'un autre monde, et je ne pense pas qu'elle venait d'un des six mondes. Il y a un ennemi puissant... qui a fait un test.
L'intuition vient de me frapper. Tout un ensemble de connexions est en train de se mettre en place dans mon esprit. Et si...
- Tu as au moins compris ça. Oui, c'est le monde d'Elrad qui a fait une démonstration. Très convaincante par ailleurs.
- Elrad ? Mais qu'est-ce qu'ils nous veulent ?
- Tu demanderas à Franck quand tu le rencontreras de nouveau.
- Vous avez l'air de vous connaître, tous les deux.
- Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois. J'ai déjà fait appel à la Garde Bleue pour certaines missions.
Je suis surpris par cette nouvelle inattendue.
- Bien, mon temps est précieux. Inutile d'appeler Franck, il est loin des six mondes en ce moment.
Elle disparaît avant que je puisse répondre.
Et je peste contre ce nouvel échec. Double échec, en fait. Si j'avais pu contacter Franck, j'aurais pu le faire dans l'histoire parallèle où j'ai sauvé mes camarades, et rétablir le lien avec les événements obligatoires dans l'avenir. Mais non, cette chance ne m'est pas offerte. Et je ne pense pas être en mesure de me déplacer pleinement, car je manque de temps pour apprendre. Et une fois l'affaire du septième monde résolue (une nuisance, vraiment ?) elle viendra pour m'enterrer vivant pour l'éternité.
Je relâche mon pouvoir inutile. J'ai fait tout ce que j'ai pu. Il ne me reste un événement à changer. Au moins pourrai-je enfin obtenir des réponses. Il est temps de repartir là où toute cette affaire a commencé...
Mai 2280, au Havre
- OK les gars, vous savez ce que vous avez à faire.
- Les infos pointaient vers le septième étage, chef. Vous êtes certain de votre coup ?
- Tout à fait. C'est dans cette grande salle centrale que tout se joue. Vous avez vérifié les lance-roquettes ?
- Oui, tout est OK. Vous voulez vraiment vous servir de ça à l'intérieur ? Ça va faire du dégât.
- Il faudra bien ça. On a des visiteurs d'Outremonde là-bas, avec de la technologie des Protecteurs, et ils ne nous veulent pas du bien. Voilà les infos que j'ai eu de mon contact, et j'ai confiance en lui.
- D'accord, chef, on est prêts.
- Alors on y va !
Nous investissons le bâtiment en vitesse, montant directement vers le cinquième au risque de nous faire surprendre par derrière, mais je veux arriver avant l'ouverture de la faille. Et j'ai bien fait : l'avertissement n'est pas encore arrivé lorsque nous faisons sauter la porte. Je couvre l'arrivée de mes hommes d'une longue rafale, les laissant entrer pour viser l'appareil situé sur notre gauche.
- Non !
Le tatoué a compris, mais trop tard, les roquettes pulvérisent le portail avant qu'il ait eu une chance de s'ouvrir.
- Retraite ! Crie-je dans mon casque. Mes hommes sortent sans se poser de question et je claque la porte sur la boule de feu qui nous était destinée. À quel point son bouclier peut-il tenir le choc ?
- Les gardes sont en train de converger vers nous, je ne veux voir aucun d'entre eux passer ne serait-ce qu'un cheveu hors de l'escalier. Delta, Gamma, vous les prenez à revers. Marc, ton lance-roquette.
J'ouvre de nouveau la porte, sachant que si je me fais descendre, je recommencerai autrement.
L'homme regarde mon arme, et comprenant soudain ce que je m'apprête à faire, m'envoie une autre boule de feu. Mon tir part en même temps, et nous nous jetons à terre. J'avais bien anticipé son mouvement...
Son sort passe au-dessus de moi, et ma roquette l'envoie au fond de la salle. Je recharge en tentant d'y voir clair à travers la fumée. Il y a un trou au milieu de la pièce, et je dois en tenir compte. Je fonce vers le fond de la salle, pour l'empêcher de fuir par là, et découvre son corps immobile.
- Steve, Jacques, avec moi !
Ils entrent rapidement, me rejoignent et examinent le corps tandis que je le garde en joue avec une arme plus précise.
- Il est inconscient. Pas de blessure apparente.
- On a ce qu'on était venu chercher. On l'emporte et on se replie.
Paris, Quartier général
- Bonjour, Alvar. Bien dormi ? Tu es resté plusieurs jours inconscient, on devait s'assurer qu'on avait bien retiré tes tatouages. On ne pouvait pas te laisser avec, n'est-ce pas ? On a plein de choses à se dire.
- Vous n'imaginez pas quelle erreur vous faites en me retenant ici.
- Oh, Alvar... ton grand-père aurait vraiment honte de toi.
- Comment me connaissez-vous ?
- C'est moi qui pose les questions, et en fait, je n'en ai qu'une seule : qui est derrière tout cela ?
Le sérum de vérité qui court dans ses veines fait son effet : il parle.
- Drazak'aar'den.
- C'est le Drakkh gris ?
- Oui. Cela fait longtemps qu'il attire l'attention, il veut que Franck intervienne, mais qu'il ne se doute de rien. Il a vendu des armes de son monde à la Terre, fomenté divers plans sur les six mondes, mais ce qu'il veut, c'est Franck.
- Ou plutôt son épée. Que veut-il en faire ?
- Ça, il faudra lui demander. Je l'ignore, tout ce que je sais, c'est qu'il est très puissant. Et qu'il ne laisse personne se mettre en travers de ses plans.
- Ça, ça reste à voir.
Je suis resté ici uniquement pour interroger cet homme. Je ne peux me permettre de rater la conjonction avec Outremonde. Je me concentre pour revenir en arrière. Il est temps de recoller les morceaux et de revenir sur le septième monde. Je me demande si les choses ont changé là-bas.
Les productions d'inny :
Série des secrets : One shots La saga d'outremonde (fantastique avec des personnages gays)
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