05-05-2022, 08:56 PM
Chapitre 13 - La Confrérie de Vincelard (11)
Samedi 12 septembre 1964, château de Vincelard, Blonay
Sixième alcôve, l’Enfer
Frédéric ne fut pas conduit au vestiaire, il dut rester dans la salle où s’était déroulé le défilé, seul et toujours nu. Quelques minutes plus tard, Yehadiel, le Poète, revint, vêtu de guenilles noires, une capuche sur la tête. Il tenait une rame dans une main et une lampe-tempête allumée dans l’autre.
Vous aurez deviné que ce poète n’est autre que l’auteur de ce récit. C’est lors de cette réunion de la Confrérie de Vincelard que je fis la connaissance de Frédéric, de Koen et de tous les autres. Bien des années plus tard, au vingt-et-unième siècle, je leur proposai de narrer leur vie aventureuse. Ils me racontèrent leurs souvenirs et j’en fis ce récit, quelque peu romancé, je dois humblement l’avouer. Koen me prêta ses carnets où il décrivait toutes les bites qu’il avait vues dans sa vie, des milliers. J’y trouvai même la description de la mienne et de la vôtre, cher lecteur connu ou inconnu.
Le Poète dit :
— Je suis Charon et je dois vous conduire en Enfer.
— Je ne suis pas mort, fit Frédéric en riant.
— Détrompez-vous, mon cher Dante, vous êtes mort le 14 septembre 1321. Je ne sais point où votre âme erra jusqu’à ce jour. Suivez-moi.
Ils sortirent de la salle et se retrouvèrent dans la cour du château. Un garde de sécurité patrouillait entre les voitures.
— Je suis nu ! fit Frédéric.
— Vous naquîtes nu et vous mourûtes nu, c’est le destin de tous les hommes, mais ne choquons pas les braves villageois que nous pourrions croiser. Mettez ça.
Charon sortit un slip d’une poche sous ses guenilles, Frédéric l’enfila.
— Pourquoi dois-je aller en Enfer alors que je suis pur comme en témoigne la couleur blanche de ce slip ?
— Parce que c’est plus érotique qu’un slip noir, c’est du moins l’avis du Culottier. Continuons, le chemin sera encore long.
Ils entrèrent à nouveau dans le château à l’opposé, traversèrent une salle où avait lieu une réunion du Club saphique animé par la femme du Gouverneur, sans se préoccuper des ébats sensuels des nymphes, et se retrouvèrent dans le jardin avec ses trois terrasses. Ils descendirent jusqu’au bas de la dernière, longèrent un chemin sur une centaine de mètres, jusqu’à un pont sur un ruisseau. Ils croisèrent un couple de promeneurs retraités qu’ils saluèrent poliment. La femme se retourna et dit à son mari :
— Il était à poil, le jeune homme.
— Non, il avait mis un slip.
— J’aurais bien aimé voir sa pine.
— La mienne ne te suffit plus ?
— Je ne la vois que le premier samedi du mois, toute molle.
— Ce n’est pas à notre âge que nous allons faire plus souvent le devoir conjugal.
Une petite barque était amarrée à un arbre. Ils embarquèrent, Charon détacha la corde et rama sur une trentaine de mètres. Une construction en béton avec une porte en fer était dissimulée sous la végétation. Charon amarra à nouveau le bateau à une bitte et fit remarquer à Dante l’inscription au-dessus de la porte en écartant la branche d’un arbre :
Vous qui entrez, laissez toute espérance.
— C’est vous qui avez écrit ceci, dit Charon.
— Je ne me souviens pas.
— C’était il y a très longtemps, votre mémoire défaille.
Le Poète sortit une clef de sa poche et ouvrit la porte qui grinça. Les deux hommes entrèrent, on devinait un long couloir sombre à la faible lueur de la lampe. Charon referma la porte sans la verrouiller. Frédéric s’en étonna.
— Serrure spéciale, dit le passeur, la clef est nécessaire seulement pour entrer.
— Je pensais qu’on devait rester en Enfer pour toujours.
— Les règlements des pompiers ont la priorité sur ceux du démon, il faut une sortie de secours.
Les deux hommes progressèrent lentement, les murs étaient humides. Frédéric avait froid et le court trajet lui sembla durer une éternité. Une seconde porte bloquait le bout du couloir, Charon l’ouvrit sans clef. Ils étaient au fond de la cave, là où il y avait les lits et le bassin.
— Je ne m’imaginais pas l’Enfer comme ceci, dit Dante en riant.
— Ce n’est que l’antichambre.
— Je peux m’arrêter aux toilettes ? Le froid m’a donné besoin.
— Les damnés n’ont plus de besoins corporels, vous pisserez dans votre culotte quand vous serez sur la croix.
— Une croix ? Je serai crucifié comme le Christ ? À ma connaissance, il n’est plus aux enfers.
— Ce ne sera pas la même croix, même si elle appartient aussi à un saint.
Ils entrèrent dans le couloir où se trouvaient les alcôves. La sixième était encore fermée par un rideau rouge.
— Vous êtes trop bavard, dit Charon à Dante en se plaçant derrière lui et en lui mettant la main sur le paquet et lui serrant les couilles, maintenant taisez-vous et obéissez à Méphistophélès. Si vous voulez arrêter le jeu dites « Paradis », cela évaporera les démons.
Charon tira sur une corde et le rideau rouge s’ouvrit lentement.
NDA Citation de La Divine Comédie, de Dante Alighieri, traduction de Danièle Robert
Samedi 12 septembre 1964, château de Vincelard, Blonay
Sixième alcôve, l’Enfer
Frédéric ne fut pas conduit au vestiaire, il dut rester dans la salle où s’était déroulé le défilé, seul et toujours nu. Quelques minutes plus tard, Yehadiel, le Poète, revint, vêtu de guenilles noires, une capuche sur la tête. Il tenait une rame dans une main et une lampe-tempête allumée dans l’autre.
Vous aurez deviné que ce poète n’est autre que l’auteur de ce récit. C’est lors de cette réunion de la Confrérie de Vincelard que je fis la connaissance de Frédéric, de Koen et de tous les autres. Bien des années plus tard, au vingt-et-unième siècle, je leur proposai de narrer leur vie aventureuse. Ils me racontèrent leurs souvenirs et j’en fis ce récit, quelque peu romancé, je dois humblement l’avouer. Koen me prêta ses carnets où il décrivait toutes les bites qu’il avait vues dans sa vie, des milliers. J’y trouvai même la description de la mienne et de la vôtre, cher lecteur connu ou inconnu.
Le Poète dit :
— Je suis Charon et je dois vous conduire en Enfer.
— Je ne suis pas mort, fit Frédéric en riant.
— Détrompez-vous, mon cher Dante, vous êtes mort le 14 septembre 1321. Je ne sais point où votre âme erra jusqu’à ce jour. Suivez-moi.
Ils sortirent de la salle et se retrouvèrent dans la cour du château. Un garde de sécurité patrouillait entre les voitures.
— Je suis nu ! fit Frédéric.
— Vous naquîtes nu et vous mourûtes nu, c’est le destin de tous les hommes, mais ne choquons pas les braves villageois que nous pourrions croiser. Mettez ça.
Charon sortit un slip d’une poche sous ses guenilles, Frédéric l’enfila.
— Pourquoi dois-je aller en Enfer alors que je suis pur comme en témoigne la couleur blanche de ce slip ?
— Parce que c’est plus érotique qu’un slip noir, c’est du moins l’avis du Culottier. Continuons, le chemin sera encore long.
Ils entrèrent à nouveau dans le château à l’opposé, traversèrent une salle où avait lieu une réunion du Club saphique animé par la femme du Gouverneur, sans se préoccuper des ébats sensuels des nymphes, et se retrouvèrent dans le jardin avec ses trois terrasses. Ils descendirent jusqu’au bas de la dernière, longèrent un chemin sur une centaine de mètres, jusqu’à un pont sur un ruisseau. Ils croisèrent un couple de promeneurs retraités qu’ils saluèrent poliment. La femme se retourna et dit à son mari :
— Il était à poil, le jeune homme.
— Non, il avait mis un slip.
— J’aurais bien aimé voir sa pine.
— La mienne ne te suffit plus ?
— Je ne la vois que le premier samedi du mois, toute molle.
— Ce n’est pas à notre âge que nous allons faire plus souvent le devoir conjugal.
Une petite barque était amarrée à un arbre. Ils embarquèrent, Charon détacha la corde et rama sur une trentaine de mètres. Une construction en béton avec une porte en fer était dissimulée sous la végétation. Charon amarra à nouveau le bateau à une bitte et fit remarquer à Dante l’inscription au-dessus de la porte en écartant la branche d’un arbre :
Vous qui entrez, laissez toute espérance.
— C’est vous qui avez écrit ceci, dit Charon.
— Je ne me souviens pas.
— C’était il y a très longtemps, votre mémoire défaille.
Le Poète sortit une clef de sa poche et ouvrit la porte qui grinça. Les deux hommes entrèrent, on devinait un long couloir sombre à la faible lueur de la lampe. Charon referma la porte sans la verrouiller. Frédéric s’en étonna.
— Serrure spéciale, dit le passeur, la clef est nécessaire seulement pour entrer.
— Je pensais qu’on devait rester en Enfer pour toujours.
— Les règlements des pompiers ont la priorité sur ceux du démon, il faut une sortie de secours.
Les deux hommes progressèrent lentement, les murs étaient humides. Frédéric avait froid et le court trajet lui sembla durer une éternité. Une seconde porte bloquait le bout du couloir, Charon l’ouvrit sans clef. Ils étaient au fond de la cave, là où il y avait les lits et le bassin.
— Je ne m’imaginais pas l’Enfer comme ceci, dit Dante en riant.
— Ce n’est que l’antichambre.
— Je peux m’arrêter aux toilettes ? Le froid m’a donné besoin.
— Les damnés n’ont plus de besoins corporels, vous pisserez dans votre culotte quand vous serez sur la croix.
— Une croix ? Je serai crucifié comme le Christ ? À ma connaissance, il n’est plus aux enfers.
— Ce ne sera pas la même croix, même si elle appartient aussi à un saint.
Ils entrèrent dans le couloir où se trouvaient les alcôves. La sixième était encore fermée par un rideau rouge.
— Vous êtes trop bavard, dit Charon à Dante en se plaçant derrière lui et en lui mettant la main sur le paquet et lui serrant les couilles, maintenant taisez-vous et obéissez à Méphistophélès. Si vous voulez arrêter le jeu dites « Paradis », cela évaporera les démons.
Charon tira sur une corde et le rideau rouge s’ouvrit lentement.
NDA Citation de La Divine Comédie, de Dante Alighieri, traduction de Danièle Robert
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