La porte des mondes (fantastique avec personnages gays, terminé)

[inny-2]

46 - Pryn

Il n'y a pas un souffle de vent. Pas un mouvement. Un silence absolu. Mes oreilles bourdonnent, bruit du sang qui court dans mes oreilles.
Je contemple une plaine vide et désolée, une terre grise percée ça et là de rocs noirs à l'aspect tourmenté. Nulle part autour de moi je ne vois le moindre signe de vie. Devant nous, l'unique élément du décor qui contraste avec cette désolation, est un lointain pic montagneux au sommet auréolé de lumière. Partout ailleurs règne une pénombre oppressante.
- Mais quel est ce monde ? Dit Thibault, chuchotant malgré lui, impressionné par ce silence.
- C'est le Bas-Monde, le niveau le plus inférieur de Pryn. Là-bas, dit-il en montrant le pic, se trouve l'escalier menant au niveau supérieur.
- Il y a plusieurs niveaux superposés ? Dis-je. Moi qui pensais avoir tout vu...
- Cinq en tout.
- Ils sont peuplés ? Cet endroit est si morne...
- Le Bas-Monde était le royaume du mal et de l'obscurité, et le Haut-Monde celui du bien et de la lumière. Pryn était le modèle même de l'Équilibre en toutes choses, en ce monde, tous les pouvoirs, tous les êtres avaient leur place, du moment que l'équilibre était maintenu.
- Et que s'est-il passé ?
- De peur que quelqu'un ne finisse par libérer l'Équilibre, la lumière et les ténèbres ont massacré tous les habitants des cinq niveaux, systématiquement, jusqu'au dernier. Puis ils se sont mutuellement exclus de ce monde, ne pouvant y revenir que d'un commun accord, et ensemble.

Je regarde, stupéfait, Inny qui vient d'annoncer cette chose inimaginable. Tous les habitants de ce monde, massacrés sans distinction, par sécurité, par des puissances qui ne veulent qu'une chose, continuer leur lutte éternelle, se moquant bien des morts innombrables qu'elles causent.
- Je voulais que vous voyiez cela, dit-il. Je voulais que vous sachiez ce qui se cache derrière le visage avenant de la lumière. Elle ne vaut pas mieux que les ténèbres.
- C'est horrible... allons libérer l'Équilibre. Faisons cesser tout cela... ou essayons, du moins. Est-ce que ça ne va pas recommencer ? Est-ce qu'ils ne vont pas le sceller de nouveau ?
- Ils avaient retourné les sceaux que l'Équilibre mettait en place. Ça ne se passera pas ainsi, cette fois... certains pouvoirs vont regretter leurs agissements. Mais c'est à vous d'en décider, vous, humains, ce sont vos mondes qui sont concernés.
- Les hommes n'ont que trop souffert des guerres constantes entre les pouvoirs. Même sans avoir vu ça, nous en avions déjà plus qu'assez. Et je crois que le Phœnix aussi.
- Askash ? Vous le connaissez ?
- Oh, oui, il nous a tous ramenés à la vie pour qu'on intervienne dans ce conflit. On le connaît de longue date.
Le dragon nous regarde avec des yeux ronds, l'air stupéfait. Il se ressaisit, et sourit.
- Alors, si même le Phœnix veut que cela prenne fin, qu'il en soit ainsi. Bon, les règles de téléportations sont ici assez simples : on peut se téléporter partout, tant que c'est en vue, ce qui empêche d'aller dans une autre strate. Et il est impossible d'employer cette magie pour franchir la porte entre deux strates, il nous faudra y aller à pied. Je vais donc nous rapprocher.

Nous nous retrouvons alors au sommet du pic lointain, dans un brouillard luminescent. Guidés par le dragon, nous progressons sur un chemin que nul n'a foulé depuis des temps immémoriaux.
Le brouillard finit par disparaître petit à petit, révélant un grand passage monumental, finement sculpté, et protégé par une statue géante qui s'anime alors. Un énorme rubis à son front s'éclaire, et un rayon en jaillit qui frappe l'endroit où nous étions une seconde plus tôt, Inny nous ayant téléporté à l'écart. Il se retransforme et part affronter la statue, que je trouve anormalement vive pour un golem géant. Certainement l'un des gardiens postés par les puissances.
Astel se concentre sur son épée, murmurant des paroles mystiques, et Thibault prépare un sort. Je me sens très inutile, de mon côté... le pouvoir de Magnos ne m'est d'aucune utilité face à un tel adversaire.
Je regarde donc le dragon virevolter autour de la statue, se téléportant dans son dos pour la frapper, disparaissant alors que la statue se retourne, danser autour d'elle, offrant un spectacle effrayant, un combat de titans où aucun des deux ne semble parvenir à prendre l'avantage sur l'autre.

Astel termine son sort au bout d'une interminable minute, et plante avec force sa lame dans le sol. Je ne connais pas ce sort, mais en sentant la terre trembler sous mes pieds, je relève les yeux vers la statue, qui oscille fortement, tentant de regagner son équilibre, tandis que le sol s'effondre et se soulève sous elle. La situation devient intenable pour elle et elle tombe lourdement, face contre terre. Le dragon souffle alors un puissant jet de flammes sur la statue, qui se débat pour tenter de se relever. Ça ne semble pas lui faire grand effet... mais je vois le sol être porté au rouge ! De grandes gerbes de lave jaillissent dans les airs, projetées par la statue qui ne fait qu'aggraver son cas et se creuser une tombe. Le souffle du dragon est d'une puissance incroyable, et même à cette distance, je sens une chaleur torride nous arriver dessus. Alors que la statue s'est nettement enfoncée et que le dragon finit par cesser de souffler, Thibault libère une tempête de glace sur elle, figeant le sol en place dans un violent jaillissement de vapeur.
La statue lutte contre sa prison, mais le dragon se pose sur sa tête, lançant un formidable sort de fracassement contre le gros rubis qui commençait à se rallumer. Celui-ci explose, pulvérisant la statue. Je m'inquiète pour le dragon, mais il s'est téléporté à nos côtés, reprenant forme humaine.
- Ah ! Rien de tel qu'un peu d'exercice pour se remettre en forme ! Le prochain gardien, je vous le laisse.
- Euh... sans façon, merci.
Le dragon rit en reprenant la tête du groupe, nous guidant vers la strate supérieure. Alors que nous franchissons la porte, je pense à mes parents et au reste du groupe, là-bas, dans un monde lointain. J'espère qu'ils vont bien.

En Outremonde

- Fuyez !
Le cri de Ludvik nous galvanise, et nous prenons nos jambes à nos cous tandis que jaillissent les premiers vers des rocs. Pour que Lud en ait peur, c'est qu'on a un gros problème.
Un mur éclate près de moi, et un gros ver, dégoulinant d'acide, de crocs acérés et de rage aveugle, se projette vers moi, pour être brutalement bloqué par un mur de force lancé par Cédric. Nous continuons dans le tunnel, dont les parois ressemblent de plus en plus à un gruyère, jusqu'à arriver dans une vaste salle obscure. Cédric lance une grosse boule de feu qui flotte au-dessus de nous, éclairant la pièce, mais nous n'en voyons pas le fond. Si elle est aussi grande que celle qui contenait la précédente porte, il nous faudra plusieurs jours de voyage. Et avec ces vers...
- Où sont-ils ?
- Probablement dans le sol, creusant vers nous et se repérant à nos bruits de pas. Arrêtez-vous !
Cédric se concentre, et lance ses mains en l'air. Le sort envoie une série de balles de caoutchouc en l'air, et je les regarde rebondir de plus en plus loin de nous. J'espère que ça va aller...
Marchant lentement, il nous touche l'un après l'autre, concentré, avant de faire un signe à Ludvik.
- Bien, à mon signal, nous courrons de nouveau. Et cette fois, nous allons aller très vite. 3..2..1.. Go !
Oh... la... vache... je n'ai jamais couru aussi vite de ma vie, et je n'aurais jamais pu ! Le sort nous donne une vitesse phénoménale, mais je m'inquiète du fait que dans une telle obscurité, malgré la boule de feu qui nous suit toujours, le moindre obstacle causera un carambolage fatal.
Mais rien ne vient provoquer un accident, et nous voyons enfin se dessiner la nouvelle porte, que nous franchissons à la volée.
- STOP ! Crie soudain Ludvik, devant nous. Et nous nous rentrons tous dedans, violemment, sous le soleil d'un autre monde, au bord d'un précipice sans fin, si profond que je vois des nuages en-dessous de nous. Je les vois très bien, car je suis tête en bas, tenu par la ceinture par Marc, lui-même retenu par Jean, qui peine énormément à nous retenir tous les deux.