Je suis un peu d'accord avec Alex. Yann devrait se faire soigner. Il est tellement incohérent qu'on a du mal à avoir de l'empathie pour lui : c'est un peu dommage vu que c'est le personnage principal.
J'ouvre les yeux, et examine, intrigué, le décor qui m'entoure.
Qu'est-ce que je fais ici ? Que m'est-il arrivé ?
La porte s'ouvre alors que je me pose cette question, et une femme en blouse blanche entre dans la chambre.
- Tiens, bonjour ! Contente de vous voir réveillé. Comment vous sentez-vous ?
- Euh... plutôt faible. Où suis-je ?
- À l'hôpital Sainte-Lucie.
- L'hôpital ? Que m'est-il arrivé ?
- Vous ne vous en souvenez pas ?
- Non...
- Quelle est la dernière chose dont vous vous souvenez ?
- ...
Je cherche de plus en plus frénétiquement dans ma mémoire, mais rien, absolument rien ne vient.
- Rien... je ne me souviens de rien !
- Calmez-vous, ça va vous revenir petit à petit.
- Ah...
- Vous vous souvenez de votre nom ?
- Non... même pas... dites-le moi, je vous en prie !
- Bien sûr. Yannick Laugier.
Je m'empare de ce nom, même s'il ne signifie rien pour ma mémoire vide. Il me définit.
- Que m'est-il arrivé ?
- Vous avez fait une chute. Vous avez eu plusieurs fractures, crâne et jambes, plusieurs côtes fêlées, plus divers traumatismes et une hémorragie cérébrale... Ça a bien guéri, mais il vous faudra encore suivre une rééducation pour pouvoir remarcher.
- Je ne me suis pas loupé on dirait. Je suis resté combien de temps dans les vapes ?
- Un peu plus de trois mois.
- Tant que ça !?
- Bon. Suivez cette lumière des yeux sans bouger la tête...
Lundi 16 novembre
- Bonjour Yann. Je suis ton oncle, Marc.
- Bonjour...
- Le médecin m'a informé de ton amnésie. Ne t'en fais pas pour ça. Je vais appeler le meilleur spécialiste qui soit pour s'occuper de toi.
- C'est gentil, euh, Marc, mais je ne veux pas abuser...
- Tut tut tut. A quoi ça servirait d'être riche si on ne peut pas s'occuper de sa petite famille. Mais d'abord, tu vas devoir en finir avec cette rééducation.
- Pfff. J'ai hâte de sortir d'ici.
- J'imagine. D'ici là, je vais te parler de toi...
Vendredi 20 novembre
Je me replonge dans mes notes, comme chaque jour depuis que Marc m'a fourni de quoi écrire, espérant déclencher quelque chose. Je décide d'aller à la page Relations. Peut-être suis-je masochiste. Je me concentre sur le résumé.
>Tu t'appelles Yannick Laugier. Né le 29/12/1984. Père, Jean-Jacques, Mère, Marie, tous deux morts dans un accident de voiture quand tu avais 19 ans. Tu as un frère, Stéphane, qui est marié à Isabelle. Marc est ton oncle...
Je relève la tête, soupirant, j'ai beau m'acharner, c'est la vie d'un inconnu que je lis là.
>...et Thomas est son fils, qui a épousé Viviane. Olivier est ton cousin.
Jusque-là, ça va. C'est après que ça se complique.
>Tu es gay, et tu vis avec Alex - Alexandre Roche - depuis décembre 2008.
Vraiment ?
Samedi 21 novembre
La porte de ma chambre s'ouvre, et un homme entre, intimidé. Je le détaille avec curiosité.
Grand, blond, les yeux bleus, il semble un peu plus jeune que moi. Et plus perdu que moi...
- Yann ?
- C'est moi. Qui êtes-vous ?
Aïe. Son visage se crispe, je l'ai visiblement fait souffrir.
- Je suis désolé. Ma mémoire est un grand trou noir... Je ne me souviens de rien.
- Marc m'avait prévenu, mais...
Le jeune homme prend une grande inspiration, hésite...
- Je suis Alex.
Ah... Il fallait bien que cette rencontre se fasse un jour où l'autre. Voici donc l'homme dont je... j'étais amoureux ?
- Ah... Mon oncle m'a dit... beaucoup de bien de toi.
- Yann... Tu ne te souviens vraiment pas de moi ?
- Je suis désolé. Il faudra probablement du temps avant que ma mémoire se remette... Si tant est qu'elle le fasse.
Il baisse les yeux, serrant les lèvres...
Il se retient de pleurer ? Je ne suis même pas en mesure de lui apporter le moindre réconfort... Je ne ressens qu'un vide oppressant...
- Je t'ai apporté quelque chose, reprend-il après un moment. J'espère que ça t'aidera... C'est Viviane qui les a prises, cet été. Je les ai annotées au dos.
Il prend une enveloppe dans son sac et me la donne. Je l'ouvre et en sors un paquet de photos.
Je les regarde une à une. Les premières montrent un chalet, puis diverses personnes. Je reconnais Marc, moi-même, Alex... Je dois regarder au dos pour savoir qui sont les autres.
Je m'arrête sur l'une d'elles. Alex et moi y échangeons un baiser... Je regarde attentivement cette image, immobile. Je lis beaucoup d'amour dans notre étreinte.
Hum... Difficile de nier, maintenant. Mais rien ne réagit en moi... rien du tout.
Alex me regarde attentivement, espérant une réaction, puis s'accroupit près de moi.
- Je t'aime, Yann. Rien ne pourra changer cela. Tu es ma vie... Je t'en prie... Dis-moi quelque chose...
- Alex... je... je suis désolé... Laisse-moi le temps, s'il te plaît.
Il se reprend, semblant prendre une décision, et me regarde droit dans les yeux.
- J'attendrai, Yann. Tout le temps qu'il faudra.
Vendredi 25 décembre
J'observe le chalet avec intérêt. Pas mal du tout. Marc me guide à l'intérieur, et j'admire les boiseries du salon. Mon regard se porte sur le sapin...
- C'est... curieux. Je me souviens de ce qu'est Noël... Mais pas d'en avoir vécu un.
- C'est encourageant, dit Alex en s'avançant vers moi.
- Non... c'est plutôt dérangeant.
- Yann... Ça reviendra. Et même si je dois attendre un an, je serai là.
Je le regarde, indécis, ne sachant quoi répondre à ça...
Mardi 29 décembre
Je souffle les vingt-quatre bougies, tout en pensant à tous les précédents anniversaires dont je n'ai aucun souvenir. D'un certain point de vue, celui-ci est pour moi le premier. Je relève la tête pour regarder Marc, puis Olivier, Stef, Alex, et les autres, qui sont tous venus au chalet pour moi.
Ça me touche beaucoup, mais c'est en même temps dur de sentir leur attente d'une chose que ne je peux leur offrir. Surtout Alex. Je n'ai pas seulement perdu la mémoire, je suis également privé de sentiments... Seul le vide résonne en moi, encore et toujours. Tout ce que je peux ressentir, c'est la douleur que je lis dans le regard des autres. Leur sentiment de perte, leur espoir de me voir redevenir celui que je ne suis plus.
C'est de moins en moins supportable.
J'en viens parfois à détester cet autre Yann.
Mercredi 30 décembre
- Revenir à la maison, retrouver un environnement familier pourrait te faire du bien, Yann. Déclencher quelque chose.
- Tu m'en demandes beaucoup, Alex. C'est encore trop tôt pour moi.
- Mais pourquoi ? Qu'y a-t-il qui t'en empêcherait ?
- Ce vide qui est en moi, dans mon cœur, dans mes sentiments. Je te ferai souffrir chaque jour en ne pouvant rien éprouver de ce que tu ressens pour moi. C'est au-dessus de mes forces.
- Je suis prêt à ça, Yann.
- Pas moi.
Lundi 1er mars 2010
- Tu es vraiment certain de vouloir faire ça, me demande Marc, assis en face de moi dans son bureau.
- Oui, Marc. J'ai essayé, vraiment, mais ce n'est plus possible. Je rappelle constamment par ma présence un passé qui n'est plus. Alex est quelqu'un de sympathique, et je m'en veux de lui causer autant de douleur. Ce n'est plus ma vie, ce Yann qu'il aimait est mort l'année dernière. J'ai le droit de vivre, moi aussi, pour moi-même ! J'ai besoin de prendre de la distance avec tout ça, pour faire le point.
- Bon... Je peux comprendre ça. Mais il risque de souffrir de cette décision. Il a fait une sérieuse dépression après ton accident. Il était persuadé que c'était de sa faute.
- C'est exactement ce que je veux fuir. Je ne peux rien éprouver, Marc ! Tout est vide en moi, vide ! Ça me fait trop de mal. J'ai besoin d'être loin de ce genre de chose si je veux pouvoir me construire une nouvelle vie.
- Où veux-tu aller ?
- Olivier a proposé de m'héberger chez lui.
- Je préfère ça. Je me serais inquiété pour toi si tu étais parti au hasard. Je m'assurerai que tu ne manques de rien, et garderai le secret sur ta localisation.
- Merci, Marc.
- Mais de rien. Bon courage, Yann.
Yann a tout oublié, mais il sait au moins une chose, il ne veut pas revenir avec Alex. Peut-être ne l'aimait-il pas tant que ça, finalement.
Merci Inny-2.
« Le numéro que vous avez demandé n'est pas attribué... »
Alex raccroche et soupire.
- Disparu ! Plus personne ne sait où il est, et son numéro de portable n'est plus bon !
Il regarde à nouveau son mobile, puis fait défiler la liste.
Il s'arrête, puis reste sans bouger, le pouce frôlant le bouton appel, il inspire en humectant ses lèvres, les yeux fixés sur le mot « Papa » surligné sur l'écran.
Finalement, poussant un juron, il referme l'appareil.
- Salut Olivier !
- Salut Yann ! Je suis content de te revoir.
- Moi de même.
- Entre.
- Alors, quoi de neuf, me demande-t-il un peu plus tard, alors que nous nous sommes installés sur son canapé.
- Toujours la même chose. J'ai fait une croix sur mon passé, Olivier, rien n'y a fait. Il est mort.
- Je suis désolé.
- Je ne peux rien y faire, mais je veux pouvoir vivre pour moi-même, maintenant. Je n'en pouvais plus d'essayer d'être quelqu'un qui était un parfait inconnu pour moi, de vivre pour les autres. Tu es le seul à m'avoir compris, à t'être battu pour qu'on me laisse souffler.
- J'avais bien senti que tu allais craquer. Tu vas pouvoir être toi-même ici, quel que soit ce « toi » que tu décideras d'être.
- Merci. Et toi, que deviens-tu ?
- J'ai arrêté les études après avoir compris que je m'étais planté de voie. Je pense que je vais m'orienter sur l'environnement. L'avantage, c'est que je pourrai rester à La Rochelle.
- Au fait, comment as-tu pu mettre la main sur une pareille baraque ? Elle est sympa, mais ça doit être hors de prix.
- En fait, j'ai toujours vécu ici. Quand mes parents ont décidé de s'installer à la campagne, je leur ai dit que je voulais rester ici pour mes études. Ils m'ont alors confié la maison.
- Et tu t'en sors ?
- Ils ne m'ont pas laissé sans ressources, et Marc m'a aidé aussi. Je vis bien.
Lundi 15 mars
Je regarde sans le voir l'écran éteint de la télé, assis sur le canapé, tentant de faire le point.
J'ai erré dans la ville, marchant le long des quais, dînant dans des restaurants, vivant en touriste. Si j'y ai trouvé un certain apaisement, la question se pose toujours sur ce que je vais faire de mon avenir. Dur... Que puis-je faire, en effet ? Impossible de reprendre les études avec le néant qu'est devenu ma mémoire, je devrais reprendre trop de choses depuis le début. Je pense que je vais essayer de faire ce que je faisais avant, et pour ça, acheter des bouquins, un ordi, et réapprendre. Il paraît que j'avais du talent pour la programmation, je dois toujours avoir ça en moi. En tout cas, je me refuse à vivre constamment de la générosité de Marc.
Olivier rentre à ce moment-là, et s'assoit à côté de moi après avoir posé ses affaires.
- Ça n'a pas l'air d'aller ?
- Pfff. C'est dur. Je dois tout reconstruire de zéro.
- Courage, Yann. Tu sais que tu peux compter sur moi.
- J'en suis conscient. Sans toi, j'aurais sombré dans la dépression.
- Je serai toujours là, auprès de toi, pour empêcher que ça arrive.
- Je... Merci. Ça me touche beaucoup.
Il me sourit, et je lui souris en retour, de meilleure humeur. Je voudrais lui exprimer toute ma gratitude mais je suis incapable de trouver mes mots. Olivier a tout fait pour que je sois à l'aise, me soutenant à chaque fois que je flanchais, me rassurant...
Je le regarde longuement, en proie à un sentiment inhabituel, que je ne parviens pas à analyser. Mais pour la première fois, quelque chose est venu troubler le vide. Si seulement je comprenais ce qui m'arrive...
Olivier ne m'a pas quitté des yeux.
- Je paierais cher pour connaître tes pensées, me dit-il.
- Je... je ne saurais pas exprimer ce que j'ai en tête.
- Ah... Bon, ce qu'il te faut, là, c'est te changer les idées. Un ciné, ça te dit ?
- D'accord.
Mardi 16 mars
< Que ressens-tu pour moi ?
- De l'amour, bien sûr !
- De l'amour, ou juste un désir physique ? >
J'ouvre les yeux, essayant de rattraper mon rêve, mais seules quelques phrases subsistent dans mon esprit.
A qui étais-je en train de parler ? J'ai oublié. Dommage, le film avait l'air intéressant.
Je m'étire, avant de me lever et de me diriger vers la salle de bains.
Olivier, vêtu comme moi d'un simple caleçon, est devant le lavabo, en train de verser du dentifrice sur sa brosse à dents.
- Bonjour, me dit-il. Bien dormi ?
- Oui, et toi ?
- Très bien.
Je me dirige vers la cabine de douche et y entre après avoir jeté mon caleçon dans le panier à linge. Je sais qu'Olivier me regarde, mais ça ne me dérange pas. La pudeur s'apprend, paraît-il. J'ai oublié comment on fait. Lui-même m'a assuré que ça ne le gênait pas du tout...
Je referme la porte et commence à faire couler l'eau.
...même si je me doute bien qu'il doit se rincer l'œil, connaissant ses préférences. Ça non plus, ça ne me dérange pas. En fait... je crois bien que... j'apprécie. C'est troublant.
Que m'arrive-t-il ? Qu'est-ce qui comble ainsi depuis quelques jours ce vide qui est en moi? Qu'est-ce que je ressens ?
Je me souviens de la fin de mon rêve. Peut-être est-ce là la clé de ce qui m'arrive. Évidemment, elle se présente sous la forme d'une question. Rien n'est jamais simple. Suis-je en train de ressentir du désir pour Olivier ? Ou, encore, quelque chose de plus profond ? Je ne sais pas. Je ne comprends même pas ce qui se passe en moi. Je... l'apprécie beaucoup, oui, mais...
Me fais-je des idées ? C'est juste un garçon d'une incroyable gentillesse.
...Un très beau garçon.
Bon. Pour le moment... Laissons faire le temps. Il y a trop d'inconnues, comme la véritable nature de mes sentiments... auxquels, en fait, je ne comprends rien. C'est trop nouveau pour moi.
Peut-être suis-je juste en train de me faire un cinéma.
Toutes ces réflexions m'amènent à repenser à Alex.
Sympathique, certes, mais... J'ai lu trop de souffrance dans son regard. C'était trop dur à supporter. La culpabilité, d'après Marc ? Que s'est-il vraiment passé ce jour-là ?
Et les questions bizarres qu'il m'a posées...
Si j'entends des voix dans ma tête ? Elle est bien bonne, celle-là.
Yann commence une nouvelle vie. Il cohabite avec Olivier, sans qu'il soit exclu qu'ils passent à des sentiments plus tendres ; d'ailleurs, si je me souviens bien, l'ancien Yann avait aussi un faible pour Olivier.
Apparemment, il est tout seul dans sa tête maintenant, ni Inny ni l'Autre ne sont plus avec lui. Ce n'est peut-être pas plus mal.
Merci Inny-2.
06-10-2020, 11:42 PM (Modification du message : 06-10-2020, 11:50 PM par inny-2.)
3 - L'été dernier
Samedi 20 mars
Je regarde mon assiette vide, me plongeant de nouveau dans mes pensées. Je ne fais que ça, en ce moment. Ma foi, si je dois me reconstruire, il faut bien en passer par là. J'ai déjà décidé de ce que ferai pour mon avenir professionnel, de laisser le temps à mes sentiments de se clarifier... Que me reste-t-il à décider ?
Aucune idée... Une vie se résume-t-elle à ça ? C'est bien peu de chose, en fin de compte.
Je relève la tête, et croise le regard attentif d'Olivier. Je lui fais un sourire, et obtiens le sien en réponse.
- Dis-moi, Olivier... Tu veux bien me raconter notre première rencontre ?
- Oui, si tu veux... Mais je croyais que tu ne voulais plus entendre parler du passé ?
- Eh bien... Disons que je suis curieux. De te connaître un peu mieux.
- Eh bien... C'était il y a deux ans, l'été. J'avais pris l'habitude de passer mes vacances chez Marc, après le départ de Jean. Rester seul chez moi était devenu intolérable. On ne s'est pas beaucoup parlé, je dois dire. Tu étais plutôt réservé, à l'époque. Je le regrettais, d'ailleurs... car... tu...
Il déglutit, difficilement.
- Tu m'as plu dès le premier regard. (Ah... Voilà qui est intéressant.)
Il lève ses yeux vers moi, mais que pourrais-je exprimer, sinon mon simple intérêt pour la suite ?
- Ça a été dur, pour moi... Je n'ai pas osé t'avouer mes sentiments... Comment l'aurais-je pu, d'ailleurs ? C'était difficile, d'autant que je ne te connaissais pas beaucoup... Et ta timidité ne facilitait pas la conversation. Du coup, nous nous sommes quittés à la fin de l'été, sans que rien ne se soit passé entre nous. Lorsque tu es revenu l'année suivante, je ne t'ai pas reconnu tellement tu avais changé. J'imagine que c'est l'influence d'Alex.
- Et cette deuxième fois, nous nous sommes parlé plus ouvertement ?
- On n'en a pas eu tellement l'occasion... Tu m'as surtout prévenu de me méfier de Sylvie.
- Pourquoi ?
- Elle avait eu une très mauvaise influence sur toi... Et elle a tenté de te remettre sous sa coupe, d'ailleurs.
- Ah... (On dirait qu'il y a plus de choses dans mon passé qu'on ne m'en a raconté...)
- Mais, dis-moi... Sais-tu quelque chose sur ce qui m'est arrivé ? Pourquoi Alex s'est-il senti coupable ?
- Euh... Je t'ai déjà tout dit la dernière fois.
- J'ai besoin de comprendre. Vraiment besoin. Y a-t-il quoi que ce soit qui... Olivier ? Qu'est-ce qu'il y a ?
Olivier a baissé la tête, le visage crispé.
- Tu sais quelque chose ? S'il te plaît... Dis-toi que de toute façon je serai incapable d'éprouver une quelconque émotion quant au passé. Tout a été effacé.
Il relève la tête, semblant lutter intérieurement.
- Dis-moi ce qui s'est passé.
- Je... je n'étais pas là quand ça s'est produit... Mais...
Je vois avec surprise des larmes couler sur ses joues.
- Olivier ?
- Je... tu...
Bouche bée, je le vois s'effondrer en larmes.
- Yann... Tout est de ma faute !
- Hein ? Comment ça ?
- Nous... nous avons... tu...
Il s'arrête, incapable de continuer. (Mais que s'est-il passé ? D'abord Alex, puis maintenant Olivier... Ils se sentent tous les deux coupables de ce qui m'est arrivé ?
En écartant l'hypothèse farfelue qu'ils m'aient balancé tous les deux du haut de cette pente, que reste-t-il ?
Une minute...)
- Je vous ai surpris tous les deux, Alex et toi ?
- Hein ? Dit-il en relevant la tête, surpris. Non, ce n'est pas du tout ça... C'est... c'est avec toi que... que j'étais.
- Ah... Et Alex ?
Il prend le temps de se reprendre avant de me répondre.
- Je n'en sais rien. Nous... nous avons fait l'amour jusqu'à l'épuisement. Je me suis endormi peu après, et quand je me suis réveillé, c'était le chaos dans le chalet.
- Alors pourquoi dis-tu que c'est de ta faute ?
- Alex nous a raconté que vous vous étiez disputé, sans vouloir nous dire à quel sujet. C'est évident, non ? Il a compris ce qui s'est passé. Peut-être le lui as-tu avoué. Je m'en veux, Yann, je n'aurais jamais dû céder à mon désir de toi !
(Pfff... Je n'aurais pas dû vouloir remuer le passé. C'est à chaque fois la même histoire. Impossible d'obtenir une version décente et complète de ce qui s'est passé. La preuve ?)
- Reparle-moi de Sylvie. Sais-tu ce qui s'est passé avec elle ?
Il semble soulagé de changer de sujet.
- Tout ce que je sais, c'est que tu dois l'éviter à tout prix. Parce que sinon, tu le regretterais amèrement. Elle t'a fait beaucoup souffrir, le dernier jour. Délibérément.
- Mais comment ?
- Je ne sais pas. Tu t'es sauvé vers moi pour lui échapper, et tu t'es réfugié avec moi dans ma chambre, pour pleurer ensuite dans mes bras à cause d'elle. Elle te faisait terriblement peur. (Qu'est-ce que je disais ? Il y a trop de secrets, trop de non-dits. Trop de zones d'ombre.)
Enfin. Je dois déjà assimiler ce que j'ai appris.
- Assez parlé du passé.
Olivier acquiesce, soulagé.
Je me lève et pars dans ma chambre, puis m'allonge pour réfléchir.
Au bout de quelques heures douloureuses, je finis par prendre une décision. Reste à l'appliquer.
Avant qu'il ne soit trop tard.
Dimanche 21 mars
Olivier,
Je te remercie pour ton accueil, le temps que j'ai passé ici m'a permis de récupérer.
Rester ici serait une erreur. D'une part, ma présence te fait visiblement souffrir, et je n'en peux plus d'être la cause de tant de douleur. D'autre part, je ne trouverai plus ici le détachement dont j'ai besoin. Déjà je me mets à vouloir fouiller dans mon passé, et c'est à chaque fois plus douloureux qu'avant. J'ai besoin d'être seul avec moi-même pendant quelques temps.
Ne t'en veux pas. Ce n'est pas de ta faute.
Je suis perdu depuis des mois. Je dois me trouver, maintenant.
Yann
PS: Je m'excuse de ne pouvoir te le dire en face. Je n'aurais pas eu la force de partir.
Ils sont tous malheureux, maintenant... Est-ce là que l'auteur voulait en arriver ?
Apparemment, ce n'est pas possible de s'en sortir, quand une lumière apparait, elle ne manque pas de s'éteindre. Pauvre Yann solitaire.
Je cours le long de la route vers la voiture qui vient de s'arrêter, et me penche pour discuter avec le conducteur.
- Bonjour ! Me dit-il. Vous allez où ?
- Bonjour ! Euh, je n'ai pas vraiment de destination en tête.
- Ha ! Personnellement, je vais à Rouen. Si le cœur vous en dit...
- Ça me va. Merci.
Une fois à l'intérieur, je peux mieux détailler le conducteur. Je lui donne dans les 24-25 ans. Yeux noirs, cheveux bruns, une carrure athlétique adoucie par un visage sympathique et souriant.
- David, me dit-il. Vu qu'on va passer un petit moment ensemble, autant se tutoyer.
- D'accord. Yann.
Il me regarde curieusement.
- Tu pars à l'aventure ?
- J'ai besoin de changer d'air.
- C'est sûr que ça va te changer du sud.
Il reste silencieux un moment, avant de reprendre.
- Qu'est-ce qui te pousse à partir comme ça ? Si ce n'est pas indiscret.
- Un passé d'autant plus douloureux qu'il m'est inaccessible.
- C'est-à-dire ?
- Je me suis réveillé à l'hôpital il y a plusieurs mois, totalement amnésique. J'ai tout perdu, souvenirs, sentiments...
- Ouch ! Ça doit être terrible.
- Ça l'est. Surtout pour les autres. Ceux qui me connaissaient et m'aimaient. Enfin, assez parlé de ça.
- Pas de problème.
- Et toi, que vas-tu faire à Rouen ?
- Je change de vie. J'en ai besoin. Et pas trop envie d'en parler non plus.
Il met de la musique, et je reporte mon regard sur la route.
Nous mangeons dans un petit resto, et je l'écoute parler de sujets futiles. Je suis en train de reposer mon verre lorsqu'il me demande:
- Tu avais quelqu'un dans ta vie ?
- Oui...
- Et tu l'as laissé ?
- Je lui faisais trop de mal à ne plus me souvenir de rien, à rester indifférent à son amour.
- Tu lui as sûrement fait encore plus de mal en partant.
- Oui... Mais au moins, il pourra en guérir.
- Il ? Tu es gay ?
- Ouais...
- Ah... Ce sont des choses qui arrivent.
Surpris par sa réponse, je ris... Ce qui me fait beaucoup de bien.
- Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?
- Ta remarque... Je ne m'attendais pas à une telle phrase. Mais elle est très juste. Ouais, ce sont des choses qui arrivent.
- Y a pas de problème pour moi, en tout cas. Je suis pas homophobe.
- Pur hétéro ?
- Oui.
- Ce sont des choses qui arrivent.
Il rit à son tour, et je le rejoins dans ce qui devient une crise de fou rire mutuel, qui ne cesse qu'au bout de plusieurs minutes, le ventre douloureux et les larmes aux yeux. Je n'avais pas ri ainsi depuis mon réveil à l'hôpital. Je crois que nous avions tous les deux besoin de relâcher un peu notre tension nerveuse.
Nous avons repris la route, bavardant plus ouvertement. Le courant est passé entre nous. Je ne sais pas ce qui le pousse à vouloir changer de vie, et je m'en moque. Je le comprends, et ça me suffit.
- Comment vas-tu t'arranger, sur place ? Me demande-t-il.
- Je vais aller à l'hôtel, en attendant de trouver un logement et de réapprendre mon boulot.
- Ça va te coûter une fortune.
- J'ai pas trop le choix.
- Je te propose un truc... Je vais habiter dans une maison assez spacieuse. Tu pourrais t'y installer en attendant.
- Euh... C'est sympa, mais je ne voudrais pas abuser...
- Pas de problème. Si tu crains d'abuser, tu n'auras qu'à m'aider pour les travaux, vu que je compte refaire l'aménagement de fond en comble.
- Eh bien... D'accord, dans ce cas. Ça me changera les idées.
- Ravi de l'apprendre. Et d'avoir quelqu'un pour me filer un coup de main.
Je me réveille alors que la voiture s'arrête.
- Nous sommes arrivés. Bienvenue dans la ville aux cent clochers.
Je m'étire en baillant, puis sors de la voiture pour regarder d'un œil ensommeillé la maison, mais ne vois rien de particulier, surtout de nuit. Je prends mon sac à l'arrière avant de suivre David à l'intérieur.
Mercredi 31 mars
Je repose le livre sur le bureau, et tourne mon regard vers l'ordinateur portable que je me suis récemment acheté. (Ça se passe plutôt bien... Je craignais d'avoir tout perdu, mais je réapprends très vite.)
Je commence à taper un programme, mes doigts courent sur le clavier, de plus en plus aisément, c'est grisant, je me mets à sourire en voyant avec quelle aisance j'assemble les lignes de code... (Une minute... Où ai-je appris ces instructions-là ? Elles ne sont pas dans le bouquin ! Je les ai sorties de ma mémoire ?
Intéressant...)
Mardi 20 avril
(< - Alex, je t'en supplie.
- Yann ? Mais qu'est-ce qui t'a pris ?
- Le passé, mon horrible passé, il me poursuit, il essaie de détruire tout ce à quoi je tiens. >)
Je me réveille en sursaut. (Hein ? C'est quoi ce rêve ?
... C'est bien un cauchemar, hein ?)
Jeudi 22 avril
- Ça n'a pas l'air d'aller.
- J'ai... j'ai peur de retrouver la mémoire.
- Comment ça ?
- Je ne suis pas celui que j'étais. J'ai peur de disparaître. (J'ai surtout peur de celui que j'étais...)
- Je vois... Mais tu peux aussi profiter de ce point de vue différent que tu t'es construit depuis ton réveil. Ça peut être positif.
- C'est possible... Mais j'angoisse beaucoup.
- Qu'est-ce qui s'est passé pour que tu aies aussi peur, tout d'un coup ?
- Des choses me reviennent... Je fais des rêves, aussi, qui ne me semblent pas être de simples rêves. Je n'y échapperai pas, David. Ce n'est qu'une question de temps, mais ça a commencé.
Je laisse échapper un long soupir.
Dimanche 2 mai
(< - Je t'en prie, Alex, aie confiance en moi.
- Tu veux vraiment savoir ?
- On s'est fait une promesse tous les deux. Le passé est derrière nous.
- Sauf qu'il a tendance à peser lourdement sur nos consciences... >
Mais qu'avons-nous donc dans nos passés qui pèse autant sur nos consciences ? Qu'ai-je donc oublié ?
Je ne crois pas que j'ai envie de le savoir.
< - Eh bien... J'hésite vraiment, Alex, parce qu'en matière de noir secret, celui-ci tient le haut du pavé.
- A ce point ?
- Oh que oui. J'ai peur de ta réaction en fait.
- Je t'ai déjà fait cette promesse. Quoi qu'il y ait eu dans ton passé, c'est derrière toi maintenant. C'est le Yann du présent que j'aime. >
Aargh ! Non, maintenant j'en suis sûr, je ne veux pas le savoir !)
Je me débats dans mon lit, oppressé.
(< - Alex, j'ai fait une chose horrible.
- Chut, tu n'y es pour rien.
- Non, pas tout à l'heure, mais dans mon passé. >
Par pitié, non !
< - Ça fait quelques jours que j'essaie de trouver quelque chose dans une enquête personnelle, que je mène en parallèle à l'officielle qui est toujours en cours à propos de l'agression des deux loubards.
- Euh... qu'est-ce que tu cherches ?
- A comprendre ce qui s'est passé avec Michel Dupuis.
- Qu...qu...quoi ?
- Oui ! Michel Dupuis ! L'ADN - ton ADN - qui a été récupéré sur les deux abrutis qui t'ont attaqué se trouvait déjà référencé, figure-toi ! Recueilli sur le lycéen que tu as tué ! >
NOOOOON !)
Je me réveille en hurlant, avant de m'effondrer en larmes. Mes pensées partent dans tous les sens, et se perdent dans un maelström de souvenirs.
On frappe à la porte de ma chambre.
- Yann ? Est-ce que ça va ?
Je suis incapable de répondre.
David ouvre, et s'avance vers le lit dans lequel je suis toujours allongé.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
Je secoue la tête, perdu dans le déferlement de souvenirs contradictoires, puis me force à parler. Dur.
- Ma... mémoire... t-t-tout est revenu ! C'est-c'est le bordel dans mon crâne. Je suis complètement p-perdu.
- Tiens bon, Yann. Tiens bon.
Il me tient la main, comme pour m'ancrer dans le présent, dans la réalité. Je la serre avec gratitude.
(Je me souviens...
Je me souviens de trop de choses.
C'est le chaos dans mon esprit.
Qui suis-je ?
Yann ? Inny ? L'Autre ?
Je suis... les trois à la fois. Nous ne faisons plus qu'un.)
Yann se barre, et, tout de suite, hop ! Un nouveau mec. Il a du pot, pour la plupart des gens, c'est plus dur.
Et puis ses souvenirs lui reviennent... des fois, je me dis qu'il était mieux sans.
Merci, Inny-2.
08-10-2020, 09:43 PM (Modification du message : 10-10-2020, 11:43 PM par inny-2.)
5 - Choix cruels
Il me faut plusieurs heures avant d'être capable d'apaiser mon esprit, et de me lever.
Je prends une longue douche avant d'aller dans la cuisine où David me sert un bol de café.
- Ça va mieux ?
- Oui... David, je ne saurais assez te remercier pour ta gentillesse et ton hospitalité. Tu n'as pas changé.
- Tu te souviens de moi ?
- Et comment, maintenant que mon passé m'est revenu. Comment pourrais-je ne pas me souvenir de toi ? Ah là là, il me revient tant de choses ! Les coups de main que tu me donnais au lycée... Ton pote Laurent, et Julien...
- Je me disais bien que ça ne pouvait être que toi.
- Ça alors ! Mais pourquoi n'as-tu rien dit ?
- Au début, j'ai juste pensé à une ressemblance, vu que tu ne faisais pas mine de me reconnaître. Mais quand j'ai appris que tu étais amnésique, je me suis dit, à quoi bon remuer un passé qui ne te dira rien ? Ça ne ferait que te faire souffrir.
- C'est gentil de ta part.
- Ça a été sympa de passer à nouveau du temps avec toi. J'imagine que tu vas repartir chez toi ?
- Je... je n'ai pas encore pris de décision. Je ne sais même pas si j'y serais toujours le bienvenu. Je vais aller chez mon oncle, dans un premier temps.
- Tu comptes partir bientôt ?
- Oui... Demain matin.
- Bonne chance, Yann.
- Merci David. Merci pour tout.
Nous passons les heures suivantes à parler du passé, de cette heureuse époque qui devait si tragiquement se terminer. (Impossible de l'oublier, hélas.)
- Au fait, tu avais appris, pour Michel ? Me demande David fort à propos. (De première main...)
- Euh... Oui... Sale histoire. Euh, tu as toujours des contacts avec Laurent et Julien ?
- Oui. En résumé...
- ...lui a offert un superbe dragon de cristal, en gage de... (Tiens, j'en ai un aussi. Je l'avais récupéré lors d'un cambriolage. C'est un beau cadeau, je trouve.)
- ...dans une superbe maison, avec une façade en briques rouges de diverses teintes, très bien faite. Sauf que ce pauvre Laurent, à peine installé, s'est fait cambrioler ! Il en était malade, le pauvre... (Oups ! Désolé Laurent. Je ne savais pas que c'était chez toi. C'est Sylvie qui avait choisi cette maison-là. Mais j'ai beaucoup aimé ton dragon. Il est chez Alex, maintenant.)
- Ah... Il habite toujours là-bas ?
- Oui.
Je sors m'acheter un nouveau mobile, et passe un moment à saisir les numéros que j'ai conservé dans un carnet.
Le dernier nom enregistré, je réfléchis un moment, puis appelle Marc.
- Allô ?
- Marc ? C'est Yann.
- Yann ! Je suis content d'avoir de tes nouvelles. Que deviens-tu ?
- J'ai retrouvé la mémoire.
- En voilà une bonne nouvelle ! J'en connais un qui va sauter de joie.
- Euh... Garde ça pour toi encore un moment, s'il te plaît. Je dois encore faire le point.
- Ah... Comme tu voudras.
- Je vais rentrer demain, ça ne te pose pas de problème ?
- Absolument aucun.
Lundi 3 mai
- David... Je ne t'oublierai jamais. Les gens comme toi sont trop rares.
- Arrête, je t'en prie, dit-il en riant. On garde le contact, hein ?
- J'y compte bien ! Au revoir.
- Bon voyage.
Le trajet va être long. J'en profite pour continuer à faire le tri dans mes souvenirs... Et tenter de faire le point sur mes sentiments. (Yann était amoureux d'Alex et désirait Olivier. Inny a beaucoup aimé Olivier, et Alex était pour lui un simple ami.
Maintenant, c'est le bordel dans mes sentiments. Je crois que je suis amoureux des deux.
Et vu qu'il ne sera pas possible de vivre à trois...
D'autant que je les ai fait souffrir tous les deux. Voudront-ils encore de moi ? M'aiment-ils toujours ?
Suis-je seul, de nouveau ?
Et dans le cas contraire.... Qui ?! Lequel des deux dois-je choisir ?
Aargh ! Je ne peux pas faire un tel choix... Pas maintenant, en tout cas. Je dois me donner un peu plus de temps pour faire le point...
...comme si c'était facile de repousser ces pensées.
Alex m'a beaucoup fait souffrir, mais il s'en est terriblement voulu ensuite. Il m'a montré qu'il m'aimait toujours... Ou était-ce juste son sentiment de culpabilité ? Toujours est-il qu'il serait heureux d'apprendre que je n'aurai pas besoin de consulter, en fin de compte.
Olivier... Ta propre culpabilité t'a poussé au comportement inverse, tu as mis un étouffoir sur tes sentiments... Comme tu as dû souffrir.
C'est trop dur. Mais je me vois mal leur proposer un ménage à trois. Je ne sais pas pour Olivier, mais j'imagine la tête que ferait Alex. Et sur le plan géographique, de toute façon, cette solution est sérieusement compromise.
Sans parler du fait que ça les ferait souffrir.
Inapplicable.
Dommage.
Alex... Olivier... C'est trop cruel. Et de ma faute, en plus. Si j'avais résisté ce jour-là, je n'en serais pas là aujourd'hui. Enfin... je crois.
Reste ce que j'ai vécu... Sur ce point, il n'y a pas photo. J'ai vécu quelque chose d'extraordinaire avec Alex. Je ne suis pas certain de vivre ça avec Olivier.
Mais pas de précipitation.)
Je change de train à Paris, et replonge dans mes pensées.
(Cette remarque que je me suis faite... Je n'ai pas retrouvé Olivier en Alex. C'est vrai... Mais c'est avec Alex que j'ai fait ma vie, en fin de compte. Ah, bon sang, je n'imaginais pas vivre un tel truc en retrouvant la mémoire.
Olivier... Alex... Quelle misère. Je vous aime tous les deux. Devoir choisir entre vous est trop douloureux... Mais je n'ai pas le choix.
Je suis pris au piège de mes sentiments, encore une fois.
Je n'ai rien appris, on dirait.
Je m'avance trop. Je vais devoir leur parler, d'abord. Je verrai ensuite en fonction de leur réaction face à moi.
J'ai des excuses à leur présenter, déjà. J'espère qu'ils vont les accepter. Au moins l'un d'entre eux.)
J'arrive enfin à destination, et descends du train. Marc m'attend devant la gare, et je m'avance vers lui.
- Tu vas bien ?
- Plus ou moins... Encore un peu confus, en fait. Ça va passer.
Marc conduit sans plus poser de question, et je retrouve bientôt la chaleureuse ambiance du chalet.
- Merci Marc. J'avais vraiment besoin de faire le point, seul. Mais j'ai conscience maintenant que j'ai fait souffrir Alex... puis Olivier, en partant de chez lui comme un voleur. Bon sang, je m'en veux ! Je leur dois des excuses. Je n'étais pas moi-même...
- Je suis sûr qu'ils comprendront.
- Je l'espère... Je l'espère sincèrement.
Je monte au deuxième, et m'allonge sur mon lit avant de prendre mon mobile.
Lequel appeler en premier... Commençons par Olivier.
- Allô ?
- Olivier, c'est Yann.
- Yann ?! Bordel, tu m'as fait peur ! Je me suis vraiment inquiété pour toi !
- Écoute, j'ai tout de même 23, non, 24 ans. Je peux me débrouiller tout seul.
- Tu es quand même amnésique, bon sang ! Tu...
- Non.
- Quoi ?
- J'ai retrouvé la mémoire.
- Sérieux ?! C'est super ça !
- Écoute... Je suis revenu chez Marc pour le moment. Je dois mettre certaines choses au point.
- Comme ?
- D'abord, la première chose : te présenter mes excuses.
- Bah, ça va. Et la deuxième ?
- La question de mes sentiments.
- ...
- Parce que là, je ne sais plus où j'en suis.
- Yann... Je... J'aurais bien voulu que... que les choses se soient passées différemment. Mais tu as Alex ! C'est trop m'en demander, Yann. Ce n'est pas mon genre de faire ça. Ce... ce qui s'est passé entre nous... c'était une erreur, et tu le sais aussi bien que moi.
Les larmes coulent de mes yeux, j'ai mal, si mal, d'entendre ça... Même s'il a raison, cent fois raison.
- Je... je comprends. Tu es un gars bien, Olivier. Bien meilleur que moi.
- Ne dis pas ça, toi aussi, tu es quelqu'un de bien.
- Tu es trop gentil. Mais, dis-moi... Si Alex ne veut plus de moi ?
- Tu plaisantes ou quoi ? Appelle-le.
- Oui... C'est ce que je vais faire.
- Courage, Yann.
- Merci. Salut.
- Salut !
Je raccroche, et soupire, angoissé, face à l'épreuve qui m'attend. J'ai vraiment peur de sa réaction.
Je reviens au répertoire et regarde le premier nom sur la liste.
Alex.
J'appuie sur le bouton appel.
Première sonnerie.
Le cœur battant, j'attends de pouvoir reparler à l'homme que j'aime.
Deuxième sonnerie. (Me pardonnera-t-il ? Je lui ai pardonné ce choix terrible qu'il m'avait imposé. Avec le recul, je le comprends.)
Troisième sonnerie. (Je t'en prie, décroche !)
Quatrième sonnerie.
Je suis déjà décidé à ne pas laisser de message. Je rappellerai si je ne peux l'avoir maintenant.
Cinquième sonnerie. (C'est raté.)
- Allô ?
Réentendre sa voix, même à travers un téléphone, me paralyse, et me fait me souvenir de tant de choses que j'ai vécues avec lui. (Comme il me manque ! Comment ai-je pu croire un seul instant que je pourrais vivre sans lui ?)
- Allô ?! Répète-t-il.
- Alex ? C'est Yann.
- ... Tu vas bien ?
- Je vais bien, oui. J'ai retrouvé la mémoire.
- Vraiment ? C'est... c'est une bonne nouvelle.
- Alex ? Je rêve ou tu n'es pas ravi de l'apprendre ?
- Écoute... Il s'est passé beaucoup de choses, en ton absence.
- Quoi donc ? Que s'est-il passé pour que tu sois aussi froid avec moi ? Tu m'en veux d'être parti ? Je n'étais pas moi-même, Alex ! Tu m'en veux pour l'attaque de l'Autre ? C'est fini, Alex. Les voix se sont tues en moi. Le traumatisme, le choc, ma blessure à la tête, que sais-je encore... Inny et l'Autre ne sont plus.
- Je suis content pour toi.
- Alex ? Mais qu'est-ce qui se passe ?
- Je suis désolé, Yann, mais c'est fini entre nous, dit-il avant de raccrocher.
- Quoi ?!
Je regarde mon téléphone, incrédule. Puis rappelle. Pas de réponse.
- Bonjour, vous êtes bien sur la messagerie d'Alexandre Roche, laissez un message après le bip.
- Alex ! Mais qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qu'il y a ? Je t'aime ! Tu m'as fait une promesse, Alex ! Tu as dit que tu m'attendrais ! Je t'en prie, explique-moi... Reviens-moi...
Je ne peux continuer, m'effondrant en larmes.
- Alex... Je t'en supplie...
- Marc... Je rentre chez moi demain. Je vais prendre le premier train.
- Pas de problème, je te conduirai. Je suis content de voir que tout rentre dans l'ordre. Tu m'as fait une sacrée peur, Yann.
- Non, ça ne va pas. Il se passe quelque chose avec Alex, et je...
Je me mets de nouveau à pleurer.
- ...je veux comprendre pourquoi !
Mardi 4 mai
Je range mon mobile, énervé. Alex ne répond toujours pas. (Chacun son tour, non ?)
Je regarde la maison où nous avons connu tant de bonheur... et de peines. Je m'avance et sonne, sans réponse. Je sors ma clé - une chance que je l'aie gardée tout ce temps - et la pointe vers la serrure... qui n'est plus la même. (Mais c'est pas vrai ! C'est quoi cette histoire ? Que se passe-t-il ?)
Je l'examine plus attentivement. (Bonne serrure. Profil anti-crochetage. Je n'aurais pas choisi mieux moi-même. Mais pourquoi ? De quoi as-tu peur ? Certainement pas de moi.)
J'ouvre la boîte aux lettres et rattrape juste à temps les lettres qui menacent de tomber. Elle est pleine à craquer de courrier. Alors ça ! Je fourre le tout dans ma sacoche.
Jeudi 6 mai
J'ai cherché partout, appelé, sans succès. Alex semble avoir disparu de la circulation, ce qui m'intrigue de plus en plus. Et m'inquiète. Je commence à me demander s'il m'a révélé tout son passé... Ou... s'il a replongé dedans. (Comment s'appelaient-ils, déjà ? Ah, oui, Didier. Et Paul. Piètre piste...
Mais d'abord... Quelques vérifications... D'ici que mon cher ami Vincent rentre du boulot, je devrais avoir tout mon temps. Et s'il n'a pas changé sa serrure, un trombone suffira. Pathétique.
Je m'étonne quand même moi-même de faire - de refaire - un truc pareil, mais je suis déterminé à tout faire pour retrouver Alex. Et aussi savoir si... Non, j'en doute sérieusement, Alex chez Vincent ? Redescends sur Terre, Yann. Mais c'est plus fort que moi, il faut que je sois sûr. Je suis vraiment terrible. J'ai trompé Alex et je suis jaloux de ce qu'il peut avoir fait loin de moi.)
L'examen de l'appartement n'a rien donné. Pas une surprise, mais je tenais tout de même à vérifier. Après avoir tout remis en ordre, je me poste en embuscade dans la cuisine.
Un bruit dans la serrure, voilà ma cible. Je la laisse s'avancer dans le couloir, et appuyer vainement sur l'interrupteur.
- Et merde ! J'espère que c'est juste le disjoncteur. (Oui et non...)
Je me glisse derrière lui, attends qu'il remette la lumière, et claque la porte.
Il sursaute, se tourne vers moi et ouvre de grands yeux.
- Yann ? Mais qu'est-ce que tu fais la ?
- J'ai à te parler, Vincent.
- Et tu as besoin d'entrer en douce derrière moi pour me parler ? J'ai un téléphone, tu sais.
- Je tenais à te parler face à face. C'est au sujet d'Alex.
- Alex ? Qu'y a-t-il ?
- Où est-il ?
- Je n'en sais rien.
- Écoute, il a complètement disparu. J'ignore où il est, et il y avait un mois de courrier entassé dans sa boîte aux lettres.
- Ah... Euh, je ne sais pas grand chose, tu sais. Juste qu'il a quitté le boulot il y a un mois.
- Bordel, tu dois savoir quelque chose ! Que s'est-il passé avant qu'il parte ?
- Juste... Attends ! Il a reçu un coup de fil, un jour. Il est soudain devenu très pâle. Il n'a pas voulu me dire de quoi il s'agissait. Il a posé sa démission peu après, et je n'ai plus eu de nouvelles.
- Qu'avait-il dit, lors de ce coup de fil ?
- Pfff... Attends... Un truc du genre: « Je ne peux pas, Didier » puis « Quoi ?! ». Il s'est alors levé et il est sorti du bureau pour continuer. Il était blanc, Yann. Et il n'avait vraiment pas l'air bien quand il est revenu.
- Oh, punaise. C'est ce que je craignais.
- De quoi tu parles ?
- Je ne peux rien te dire.
Je m'éloigne, mais Vincent n'en a pas fini avec moi.
- Je veux savoir, Yann ! Je... Je ne ressens plus la même chose pour lui qu'il y a deux ans, mais je tiens quand même à lui !
- Tu ne peux rien faire pour l'aider.
- Et toi si ? Que pourrais-tu faire ?
- Pfff... Je ne sais pas, mais je trouverai bien.
- Laisse-moi t'aider, Yann.
- Pourquoi ?
- Je veux le faire pour Alex. Et... j'ai un truc à me faire pardonner, non ?
- Quoi ? Oh, cette vieille histoire ? C'est oublié, Vincent. Mais pour ce qui est de ton aide... Je ne peux pas t'impliquer là-dedans.
- Je peux t'aider, Yann. À deux, nous pourrons faire plus de choses.
Je le regarde un moment, et constate qu'il est déterminé.
- Bon, d'accord, très bien. Merci.
Je soupire, puis réfléchit un moment avant de relever la tête vers lui.
- Tu sais, Vincent, je tenais beaucoup à notre amitié, avant que je fasse l'erreur de tomber amoureux de toi, puis toi de t'amouracher d'Alex. J'aimerais vraiment reprendre comme avant. Passons l'éponge sur le passé, veux-tu ?
Il sourit.
- Je te préfère comme ça, tu sais. Tu as beaucoup changé.
- J'ai tout perdu pendant des mois, en devenant amnésique. Quand j'ai retrouvé la mémoire, j'ai mesuré la véritable valeur de certaines choses. D'autre part, si tout le monde fait des erreurs, on devrait pouvoir donner à chacun une chance de les réparer. (J'aimerais tant qu'on me donne cette chance...)
- D'accord. Merci.
- ...Après son récit, j'ai pris du temps les mois suivants pour essayer de comprendre son passé, en le questionnant sur ce qu'il a vécu, jusqu'à ce que je comprenne qu'il désirait ne plus y revenir. Mais j'ai obtenu ce qui est notre seule piste : Paul a été arrêté pour cambriolage le 20 décembre 2008.
- Si je m'attendais... Tu as un plan pour retrouver Alex ?
- Ça va être dur... J'aimerais éviter d'impliquer son père dans cette histoire, même si ça complique notre tâche vu qu'il a accès à pas mal d'informations. Au moins, je ne veux pas lui révéler le passé de son fils. Ça lui ferait trop de mal.
- Pourquoi, il fait quoi ?
- Inspecteur de police. Du moins, la dernière fois que je l'ai vu.
- En effet...
- Reste son courrier, je n'ai pas eu le temps de tout lire. Pas que je pense qu'il y ait quoi que ce soit là-dedans qui puisse nous informer de ce qui se passe, mais sait-on jamais ? Ah, ça va être long ! J'en suis à me demander si je ne vais pas essayer de mettre la main sur un hacker pour essayer de récupérer des infos sur Didier et Paul, pour te dire à quel point je suis désespéré...
- Eh bien... pour ça... tu en as un en face de toi.
On a l'impression que Yann a mis le brin dans l'existence de pas mal de gens. Il le paie maintenant. Et que sont devenus ses démons ?
Cette histoire ne peut pas bien se terminer...
Pierre repère tout de suite le message de Yann parmi tous ses mails matinaux. URGENT : ALEX. Il l'ouvre, et ce qu'il y lit le fascine tellement qu'il ne remarque pas l'activité accrue de son ordinateur.
Pierre,
Je crois qu'Alex a un problème.
Je ne sais pas comment ont évolué tes relations avec lui depuis que nous nous sommes vus la dernière fois. Si tu n'es pas au courant, j'ai eu un grave accident l'été dernier qui m'a rendu amnésique pendant des mois. Lorsque j'ai retrouvé la mémoire, ça a été pour découvrir qu'Alex a disparu sans laisser de traces. Je crains qu'il lui soit arrivé quelque chose. J'ai trouvé un mois de courrier dans sa boîte aux lettres, et la serrure de la maison remplacée par un modèle de sécurité - je ne peux plus rentrer. Me renseignant davantage, j'ai aussi découvert qu'il a démissionné de son travail.
J'ai peur pour lui.
Si tu veux me joindre, mon tel est le...
- Allô ?
- Yann ? C'est Pierre.
- Bonjour. Sais-tu quelque chose de plus ?
- Non, je suis tombé des nues quand j'ai lu ton message. Je vais faire des recherches. Merci de m'avoir prévenu.
- De rien. Tiens-moi au courant, s'il te plaît.
- Je n'y manquerai pas. Tu as regardé le courrier ?
- Oui, rien d'intéressant, hélas.
- Tu veux bien passer ici pour le déposer ?
- Euh, d'accord.
- Merci. Je te rappelle si j'ai du nouveau.
Je note l'adresse, puis raccroche.
Je me tourne vers Vincent, nous nous sommes tous les deux installés dans un cybercafé.
- C'est bon, me dit-il, ça marche. Son ordi est sous contrôle.
- Comment ça a pu passer les protections ?
- Chacun ses secrets, veux-tu ?
- Hum. Et maintenant ?
- Regarde par toi-même. On voit tout ce qu'il fait, dit-il en prenant des notes.
- Ça risque de prendre du temps.
- Pas le choix, non ?
- Je vais passer le voir, pour déposer le courrier d'Alex. Je reviens après.
Aller dans un commissariat pour bavarder avec un inspecteur de police quand on est coupable de cambriolages, agressions et meurtre a tendance à nouer l'estomac. Le mien ne fait pas exception, mais la force et l'assurance de l'Autre me permettent de garder un air serein tandis que je discute avec le flic de l'accueil.
J'arrive enfin auprès de Pierre et dépose un sac sur son bureau.
- Merci Yann.
- De rien. Du nouveau ?
- Pas pour le moment, ça va prendre du temps. Tu as une idée, une piste ?
- Hélas non.
- Je vais continuer à chercher de mon côté.
- Bonne chance.
- Merci. Toi aussi.
- Alors ?
- Rien de significatif sur son ordi, mais je ne peux évidemment pas savoir ce qu'il a pu apprendre au téléphone. Par contre, si je ne me trompe pas, il est parti manger... C'est le moment de prendre un risque.
- Croisons les doigts...
Je regarde ses doigts courir sur le clavier, espérant que là-bas, Pierre ne s'est pas contenté de s'éloigner pour prendre un café ou aller aux toilettes. À sa place, je n'aurais pas pu manger en sachant que mon fils a disparu... Ou au pire, je serais sorti prendre un sandwich et je me serais dépêché de revenir pour reprendre mes recherches...
- Espérons que tu auras la réponse rapidement, parce que je pense qu'il va revenir assez vite.
- J'ai bien regardé comment il faisait... Voilà ! Je l'ai.
Il récupère une copie du dossier, puis remet l'environnement de Pierre tel qu'il était.
Nous regardons ensemble le casier de Paul Fressieu.
Et quel casier ! Vols, violence, agressions... Il a commencé fort jeune sa carrière à l'ombre de la légalité. Sa minorité l'a longtemps protégé de la justice, après quoi il s'est fait plus discret. Relativement.
Il est toujours en prison, mais nous avons son adresse. Et, d'après ce que m'avait appris Alex, Didier vivait avec lui.
Reste à trouver quoi faire.
- C'est en plein cœur d'un quartier sensible... super. Et ce Didier ne doit pas être du genre à prendre des risques. Hors de question de se pointer là-bas la bouche en cœur. On se ferait allumer.
- C'est clair. Hum. Seul Pierre dispose des ressources nécessaires pour aller là-bas, mais ça signifierait qu'il risque de découvrir des choses terribles sur Alex... Il a déjà trop souffert à cause de son fils.
- Que faire d'autre ?
- Je ne sais pas encore... Je vais y réfléchir. Impossible d'y aller. À quoi est-ce que je m'attendais, d'ailleurs ? Je ne réfléchis plus, tout ça me rend dingue ! Il faut que j'arrête de vouloir foncer tête baissée.
Samedi 8 mai
Je m'éveille et regarde autour de moi, me demandant un moment où je peux bien être, avant de me rappeler. Je dors chez Vincent... Perspective qui m'aurait rempli de joie avant que je rencontre Alex. Je m'étire et me lève du canapé. Je n'ai pas bien dormi cette nuit. Trop de pensées.
- Bonjour.
- 'lut.
- T'as l'air réveillé, Yann.
- mmm...
- Le café est prêt.
- Aaah.
Après deux bols de café et une douche, je me sens déjà un autre homme.
Je reviens sur la liste des informations que nous avons relevées à partir des recherches de Pierre. Une chose m'attire en particulier, le détail des derniers coups de téléphone qu'il a passé de chez lui. L'un d'eux correspond à une adresse et une personne qui me sont inconnues.
Mathieu Saunier. Qui est ce type ?
Quelques recherches sur le net ne me donnent aucune info complémentaire.
(Mais que suis-je en train de faire ? C'est vraiment moi qui suis en train de remuer ciel et terre pour sauver Alex par moi-même ? Je n'aurais jamais fait une chose pareille avant... Visiter une bibliothèque fermée, c'est une chose, mais ça... Cette détermination, c'est l'Autre qui me l'a donné. Même si c'est préférable à cette lente érosion de ma volonté qu'il m'a fait subir l'été dernier, il faut que je fasse gaffe. Je suis peut-être entier désormais, mais ça ne me dispense pas de réfléchir un peu plus. Dans quoi est-ce que je suis en train de m'embarquer ?
Qu'est-ce que je vais faire, maintenant ? Me pointer chez ce type, et lui demander ce qu'il sait d'Alex ? Je ne sais rien de lui. S'il a quelque chose à voir là-dedans, ça ne fera que l'avertir qu'on est plus au courant qu'on ne le devrait... Dangereux.
Alex... Dans quoi t'es-tu embarqué, toi ?! Qu'as-tu donc appris, lors de ce coup de fil, qui t'a tout fait quitter ?
Je ne sais pas si j'ai envie de le découvrir...
Je m'en fiche, d'ailleurs.
C'est toi que je veux.
Tu me manques.)