06-04-2023, 10:33 PM
Un baiser d'Ange
C'était les vacances : la première année de fac venait de se terminer avec succès, et l'on sortait d'un p'tit restau. Il faisait très chaud, et les rues de la vieille ville étaient pleines de monde, souvent en goguette, ce vendredi soir.
Aymeri et Claire formaient un gentil couple sans histoire... et sans passion non plus. Mais ça faisait six mois que cette petite romance durait, et elle semblait s'installer. Autant Aymeri était calme et réservé, autant la Claire était vive et pétulante : c'est sans doute cette différence qui les réunissait...Et puis Mademoiselle aimait le sexe, et Aymeri assurait, sans excès, mais sans failles non plus.
Or donc on zonait lorsqu'on passa devant un petit parc où Claire entraîna son amoureux, aux fins de s'y faire peloter — elle n'avait pas mis de culotte, comme souvent...
On se trouva un banc un peu caché, et zou !
Or peu après on vit passer un couple de garçons se tenant par la main, qui s'allèrent poser sur un autre banc tout près... et visible des tourtereaux.
Et ces jeunes gens de s'embrasser passionnément.
— C'est des mecs de la fac, souffla Claire. Oh putain... ça m'excite... Touche-moi bien, là !
Sans états d'âme, Aymeri tritura la donzelle, qui dut se mordre les lèvres pour n'en pas gémir. Mais Aymeri dut faire une pause, faute de quoi elle eût alarmé le quartier !
— Ça m'exciterait à mort de te voir rouler un patin à un beau mec... Tu voudrais pas essayer ?
— Hein ? Mais non, non !
— Fais pas le dégoûté !
— C'est pas ça, mais... je suis pas comme ça, moi !
— Juste pour essayer... et me rendre folle de toi !
Or la fin de ces propos avait attiré l'attention des garçons qui se levèrent d'un bond, et repassèrent devant le banc des autres... qu'ils virent en partant. Où Claire leur fit un geste et signe d'approcher.
— Salut ! On se connaît de la fac... On vous a vus sans le vouloir... mais on faisait la même chose ! Très mignons !
— Euh... Oui, et ?...
— En fait, mon copain n'a jamais embrassé de garçon, et je me demandais si vous ne pourriez pas l'initier ?
— Hein ? C'est une blague ?
— Vous le trouvez pas mignon ?
Les mecs se regardèrent, et durent sourire.
— Super craquant oui ! Mais de là à...
— Vous avez bien un copain qui serait moins timide ?
Les mecs rigolèrent.
— Appelez-moi, là !
Un des garçons sortit son portable et fit le numéro demandé, et Claire termina :
— Vous y pensez, et on en recause ! C'est une bonne œuvre, vous savez !
Les mecs filèrent en pouffant, et Aymeri, qui était resté muet durant ce bref échange, éclata :
— Mais t'es complètement folle, ou quoi ?
— Chut ! C'est pour notre bien à tous les deux que j'ai fait ça ! Toi t'apprendras quelque chose, et moi... je serai chaude comme jamais !
— Complètement ravagée, oui !
Il n'était pas content, l'Aymeri, ce qui ne lui arrivait jamais. Il se leva d'un bond et partit à grands pas. Finalement rattrapé par une Claire qui usa de ses pires stratagèmes pour lui rendre la paix...
Et qui lui jura qu'elle ne le forcerait jamais à rien. Ce qu'elle ne dit pas, alors, fut qu'elle avait déjà un message des garçons... « Si c'est pas une blague, on aimerait avoir le numéro de ton copain ».
— Qu'est-ce que je dis, s'ils m'appellent ?
— Que je suis pas preneur, et que t'es une folle hystérique !
— Et s'ils veulent te parler ?
— Que je viens de partir pour la Patagonie !
— Je peux leur filer ton numéro ? Comme ça, tu causes avec eux si tu veux, et tu réponds pas si tu veux pas... et ce sera fini. Ils étaient mignons, non ?
Elle usa de toutes ses roueries, et lassé, Aymeri finit par accepter de donner son numéro...
Il ne fut pas appelé, mais eut un message dans l'après-midi du samedi... qu'il décida de ne point révéler à sa belle : après tout, elle l'avait mis dans le pétrin !
« On a parlé, mon pote et moi, et on trouve ça marrant... On pourrait au moins se voir pour en parler ? Rémi et Arnaud » fut ce qu'il put lire.
Claire était de famille ce soir-là, où son galant n'était pas toujours reçu — il s'en portait bien d'ailleurs ! Aussi Aymeri échangea-t-il un peu avec les mecs... et accepta une rencontre dans un bar à étudiants du centre ancien, vers six heures et demie.
— C'est drôle, attaqua Rémi, joli brun rieur, on s'est croisé toute l'année à la fac sans se parler, et là, boum ! On est obligés de se rencontrer... pour causer d'affaires sociales !
— Croyez que... on n'en serait pas là si ma folle de copine avait fermé sa gueule !
— Justement ! C'est ce qui nous a intrigués, tous les deux... et on aimerait en savoir un peu plus long, tu veux ?
Aymeri narra donc les fantasmes de Claire ; ce faisant... il lui vint tout de même à l'esprit qu'il aurait pu oublier tout ça... au lieu qu'il était justement en train de raconter sa vie à deux mecs... gays... et qui l'avaient trouvé « super craquant » !
Il sirotait donc avec eux une sévère belge, et s'entendit répondre :
— C'est marrant, que tu nous dises ça, car c'est pas la première fois qu'on entend ce fantasme de nanas... mais après tout, on sait que les hétéros fantasment sur les lesbiennes !
On causa alors d'autres choses, d'études, d'avenir, de la fac en général, des menus du restau U... Enfin, Rémi revint au sujet :
— M'enfin... pour le bisou, qu'est-ce que t'en dis ?
— Oh ! J'en sais rien, moi !
— Parce que voilà : t'as plusieurs possibilités, tu sais ?
— Hein ? Et lesquelles ?
— Eh ben... Y aller direct devant elle. Ou essayer d'abord, puis le faire devant ta moukère. Ou essayer d'abord... mais pas le faire devant elle. Dans chaque cas, tu peux choisir entre nous, ou prendre les deux et... cerise sur le gâteau, on a un joker !
— Ouh ! Je crains le pire !
— Crains rien du tout... au contraire ! On a un p'tit pote tout à fait dans ton genre physique, mignon comme tout... et tellement puceau que c'en est scandaleux ! Alors deux débutants absolus ensemble... ce serait à tomber par terre de beauté !
— Ah ! Ah ! Et vous le décideriez, vraiment, ah ! Ah !
— Il n'aura qu'à te voir pour être décidé. [alexandrin !]
— Oh ! T'y vas pas un peu fort, là ?...
— À vrai dire... il te connaît déjà de vue.
— Pardon ?
— Il est à la fac, aussi... et c'est pourquoi on a rigolé quand on lui a raconté notre aventure d'hier soir. En fait... il en pince pour ta pomme ! Et il connaissait ton prénom...
— Ah !
— Les puceaux ont des ressources... Tu t'es rendu compte de rien, mais il t'a pisté toute l'année ! Bon, t'affole pas : il est mignon comme tout... et tu vas l'aimer tout de suite !
— Sauf que... j'aime les nanas, vous savez ? tenta Aymeri.
— Oui, oui, on a vu ça dans le journal... dans la catégorie « fausse information » !
— Vous êtes enragés, ou quoi ?
— C'est toi qui vas l'être, quand tu reconnaîtras notre petit Ange !
— Un ange, rien que ça !
— C'est son prénom... et il l'a pas volé !
Malgré ses normales réticences, Aymeri fut piqué de curiosité : quel pouvait bien ce mystérieux admirateur ? Mais... il y avait un risque à accepter de le rencontrer : celui de mettre le pied sur une galère pouvant l'entraîner bien loin de ses confortables rivages habituels...
— Bon : tu t'affoles, pas, hein ? Il aura encore plus la trouille que toi... même s'il a des tas de photos de toi... prises de loin, mais avec tant d'amour !
— Ah ! Des photos ?
— Tout le monde en a de tout le monde, de nos jours ! Alors, quand est-ce qu'on vous convoque tous les deux... pour prendre langue ? demanda Rémi, ou on fait ça dès ce soir... du moins les retrouvailles ?
— On serait enchantés de pouvoir faire une bonne action en vous permettant de vous rencontrer tous les deux !
La bière belge a des vertus... que l'Univers entier admire au premier chef [alexandrin]. En particulier celle de délier les langues et de débrider les ardeurs coincées. Un léger pompon décorait alors la cervelle d'Aymeri, et il s'entendit répondre :
— Rencontrer, pourquoi pas... mais pas question d'aller plus loin ! Ma folle de copine n'aura pas ce qu'elle veut !
— Non : c'est toi, qui l'auras. Et tu ne regretteras pas de l'avoir rencontré, ce p'tit Ange-là, dit gravement Rémi.
— Fais-nous confiance, ajouta Arnaud, Ange... est un ange, justement !
Aymeri ricana bêtement, et accepta de s'en remettre à ces garçons. Rémi dut sortir un instant pour appeler le garçon, et revint avec une invitation d'iceluy. Qu'Aymeri fut bien obligé d'accepter. On termina donc l'excellent breuvage belge, avant de se transporter chez le soupirant d'Aymeri, non sans faire un détour par la supérette du coin.
Ce fut le cœur battant à tout rompre, et rougissant déjà qu'Aymeri vit la porte s'ouvrir sur un joli garçon blond, effectivement de son gabarit, et qu'il reconnut évidemment tout de suite, pour avoir tant de fois croisé ses yeux à la fac : oh ! s'il s'était jamais imaginé ce qu'il y avait derrière ces regards, qui lui avaient toujours paru innocents !
Heureusement, Rémi et Arnaud étaient là pour lancer la conversation, car effectivement, le blondinet semblait bien coincé. On avait acheté assez de bulles pour gonfler un zeppelin, aussi attaqua-t-on sans tarder, et après quelques banalités sur la fac, Rémi orienta les débats sur le sujet : l'amour.
Et il fit parler les garçons tour à tour, qui se contèrent par petits bout, et simplement. Et Arnaud eut l'idée d'en faire autant, les concernant, et aussi de se rapprocher de son amoureux, pour lui peloter l'entrejambe, d'abord discrètement, puis ouvertement.
Où il ne fut bientôt plus mystère que Rémi était à l'étroit.
— Ouh ! J'tiens plus, là-d'dans, moi !..
— Bouge pas, les premiers secours arrivent ! fit Arnaud en lui dégrafant la culotte.
Les deux autres se regardèrent en souriant niaisement ; ils était l'un près de l'autre sur un vieux petit sofa, quand Rémi et Arnaud étaient assis sur le lit d'Ange.
La queue à l'air maintenant, et bien raide, Rémi continua à interroger, tandis qu'Arnaud le branlotait doucement, tout en regardant les autres avec un petit sourire faussement innocent...
— J'ai raconté à Ange le fantasme de ta copine, Aymeri, et il a trouvé ça marrant, et mignon, surtout... Et il est prêt à t'aider à gagner ton pari... n'est-ce pas, Angelo ?
Ange se tourna vers Aymeri pour lui offrir le plus adorable des sourires du monde. À sa propre surprise, Aymeri en eut un long frisson. Et vite, il gambergea : s'il allait embrasser cette bouche-là pour récupérer quelques bouteilles de champ' ?... D'ailleurs, un bruit leur fit tourner la tête : en face, les deux autres avaient entamé un baiser des plus bavouilleux... et voraces !
Mais l'un ni l'autre ne pouvaient évidemment faire le premier pas. Rémi, respirant un grand coup déclara :
— Tiens ! Puisqu'on vous montre comment faire, vous pourriez pas commencer l'entraînement, les garçons ? Nous, on va faire un truc rigolo : un prend des bulles, et les passe dans la bouche de l'autre sans renverser !
Ce singulier exercice de ravitaillement en plein vol eut lieu sous les yeux ébahis des minets, et Ange murmura :
— Tu veux ?
Aymeri eut une moue rougisssante, et l'on essaya donc. Avec succès. Puis Aymeri prit sa gorgée... pour finir avec la langue d'Ange étroitement liée à la sienne... En face, Arnaud aussi avait ouvert ses chausses, et pointait là un bien joli dard... Et Rémi de reprendre :
— Là, c'est plus dans le pari, mais c'est super amusant aussi : la pipe aux bulles... On vous montre !
Là encore, les minets furent épatés... Et ange murmura :
— Si ça te faisait plaisir, Aymeri...
Le spectacle des deux autres polissons avait bien décoincé le jeune Aymeri, pensez : il acquiesça d'un baiser... de son initiative. Et se laissa défaire, l'air un peu ahuri, mais bandant à moitié déjà. Ô mignonne sensation ! Ange y revint plus d'une fois avant de le pomper avec ardeur et application.
Aymeri avait fermé les yeux... quand il les rouvrit, ce fut pour voir les deux autres, désormais nus, s'entrebrouter goulûment la rondelle...
— T'aimerais aussi ? souffla Ange.
Ça, c'était précisément un des fantasmes d'Aymeri... et inassouvi. Il s'abandonna donc aux mains fines et douces d'Ange et se retrouva nu, comme son déshabilleur... Malgré les effets des bulles, il en apprécia la finesse... presque féminine, songea-t-il brièvement... sans les rondeurs. Et il apprécia hautement de se faire bouffer la rondelle, certes !
En face, Arnaud s'apprêtait à entrer dans Rémi, c'est vous dire que... qu'Ange en proposa autant à Aymeri. À qui le petit trou de ce garçon parut à la fois doux et serré, et il aima y prendre ses aises... tandis que les autres s'activaient comme des diables !
On finit bien par déborder... et après quelques déconnades dans la douche, Rémi affirma :
— On vous laisse, les garçons... on a un cocktail en ville ! Aymeri, tu restes avec Ange, bien sûr ?
— Ben... Mais... Je... Non, non !
— Tu l'as pas fait jouir, précisa Arnaud.
Ange prit Aymeri par le cou pour lui souffler à l'oreille.
— Tu es libre, Aymeri.
Or cette affirmation fit qu'il ne se sentit plus libre du tout, l'Aymeri ! Il frissonna de haut en bas, et Rémi reprit :
— Bon ! T'as deux mois pour gagner ton pari, mon pote ! fit Rémi. En espérant que tu partageras une de tes bouteilles de champ' avec nous !
La séquence du baiser fut organisée avec minutie : il fallait faire accroire à sa belle qu'il débutait... En réalité, Aymeri avait utilisé ces deux mois pour se faire à l'idée qu'il était en train de changer de vie. Et de rompre avec... l'ancienne.
Il y parvint, avec ses nouveaux amis... et un baiser d'Ange.
8. III. 2023
Amitiés de Louklouk !